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Influence du degré de saturation sur la stabilité thermodynamique des produits de corrosion

Discussions phénoménologiques sur la corrosion de l'acier dans le béton armé -

II.2. Influence du degré de saturation sur l’équilibre du système de corrosion : cinétique et thermodynamique

II.2.3. Influence du degré de saturation sur la stabilité thermodynamique des produits de corrosion

La Figure II-18 illustre la distribution spatiale des domaines de stabilité thermodynamique des produits de corrosion secondaires pour les différents degrés de saturation étudiés. A noter qu’on ne parle pas dans cette section de cinétique, ni de quantité d’oxydes formés, mais uniquement des zones de stabilité

des différentes formes oxydées dans le domaine de calcul en fonction du degré de saturation. Chaque couleur correspond à un produit de corrosion particulier : les hydroxydes ferreux (en vert), les hydroxydes ferriques (en rouge) et les ions hypoferrites (en bleu). La surface relative associée à chaque domaine a été représentée dans l’histogramme de la Figure II-19 (exprimée en % de la surface totale). Dans un béton relativement sec (degré de saturation inférieur à 70%), les produits de corrosion formés sont quasi exclusivement des hydroxydes de fer III (en rouge). On note simplement une petite poche d’hydroxydes de fer II, presque imperceptible, au droit du site actif. En effet, le dioxygène diffuse rapidement dans la phase gazeuse de la porosité et se dissout en grande quantité dans la phase liquide à l’interface entre le béton et l’acier passif afin d’assurer la réaction cathodique. Le renouvellement rapide

du dioxygène au niveau des sites passifs assure un maintien du potentiel réversible 𝐸´s à une valeur fixe

et le potentiel de corrosion du système mixte 𝐹𝑒 − 𝑂$ est alors compris entre -100 mV et -200 mV (par

rapport à l’ECS). Dans le cas du système galvanique, le potentiel de l’acier sous polarisation (cathodique

pour l’acier passif et anodique pour l’acier actif) est maintenu au-dessus des potentiels d’équilibre 𝐸É,

𝐸Ñ et 𝐸Ã séparant le domaine 𝐹𝑒(𝑂𝐻)ƒ des autres domaines, quelles que soient les concentrations en ions ferreux et hydroxydes à l’interface acier-béton.

Figure II-18 Domaine de prédominance thermodynamique des produits de corrosion en fonction du degré de saturation en eau du béton (schéma à l’échelle)

Une augmentation du degré de saturation du béton conduit inéluctablement à une diminution de la

vitesse de renouvellement du dioxygène au niveau du ferraillage passif. Le potentiel réversible 𝐸´s est

alors tiré vers le potentiel réversible du fer 𝐸ÚM déplaçant ainsi le potentiel de corrosion de l’acier passif, et par là même, l’ensemble des valeurs du champ de potentiel du système galvanique vers des valeurs plus électronégatives (chapitre 1). Le potentiel de corrosion de l’acier passif peut effectivement atteindre des valeurs inférieures à -600mV/ECS dans des bétons fortement saturés et donc pauvres en dioxygène, se rapprochant ainsi du potentiel de corrosion de l’acier actif en réduisant concomitamment la force électromotrice et la cinétique de corrosion du système galvanique. La diminution de la force électromotrice conduit à une polarisation anodique de l’acier actif plus faible. De ce fait, le potentiel de l’acier au niveau du site de corrosion devient alors plus faible que les potentiels d’équilibre 𝐸É et 𝐸Ñ ;

une réduction progressive de la surface relative à ce domaine avec le degré de saturation, au bénéfice des deux autres domaines. Les hydroxydes ferriques restent néanmoins stables en périphérie du site de corrosion pour des degrés de saturation inférieurs à 95%.

Figure II-19 Histogramme de répartition des surfaces relatives à chaque domaine de stabilité thermodynamique (en % de la surface totale) en fonction du degré de saturation en eau du béton

Il est légitime à ce stade de s’interroger sur la pertinence de la notion de passivation dans des bétons très pauvres en dioxygène. Quid de l’évolution de la couche passive lorsque la concentration en dioxygène s’appauvrit ? Ne devrait-on pas plutôt considérer un retour vers l’état d’équilibre réversible de l’acier, autrement dit un état d’immunité du fer ? De fait, dans l’approche de simulation numérique expérimentée ici et construite à l’échelle des électrodes réversibles, l’appauvrissement en dioxygène

conduit à une évolution progressive d’un système mixte 𝐹𝑒 − 𝑂$ vers un système réversible de fer pur.

La modélisation ne prend cependant pas en compte la thermodynamique de la couche passive, celle-ci étant exprimée implicitement par la valeur affectée au coefficient de Tafel anodique de l’acier passif. Ainsi, aucune conclusion définitive ne peut être tirée de ce résultat. Pour autant, il va dans le sens de certains résultats expérimentaux obtenus dans le cadre de travaux précédents. En effet, dans le cadre de tests électrochimiques menés sur des barres d’acier noyées dans des bétons au laitier très pauvres en dioxygène et non contaminés par les chlorures, Garcia a mesuré sur certains spécimens des potentiels libres très faibles, également associés à des résistances de polarisation très faibles [93]. Une très faible résistance de polarisation apparente est habituellement interprétée comme le signe d’une absence de couche passive et d’un état de corrosion active. L’autopsie de ces spécimens n’a cependant révélé aucune trace de corrosion à la surface des aciers. Ce résultat est ainsi compatible avec l’hypothèse d’un acier dans son état d’immunité en l’absence de dioxygène.

La concentration en cations métalliques joue également un rôle prépondérant dans la stabilité thermodynamique des produits de corrosion secondaires. En effet, dans le diagramme de Pourbaix, l’étendue des domaines de stabilité des hydroxydes ferreux et des ions hypoferrites est directement lié à la concentration en 𝐹𝑒$e. Une augmentation de la concentration locale entraîne une extension du

domaine d’existence des hydroxydes de fer II au détriment de celui des ions hypoferrites (cf. chapitre 1). Les cations métalliques étant largement en excès au niveau de l’acier actif du fait de la réaction anodique d’oxydation du fer, les hydroxydes de fer II deviennent alors l’espèce prédominante au droit du site de corrosion. Plus le degré de saturation est élevé et plus le domaine de stabilité des hydroxydes

ferreux est grand. Par exemple, dans le cas de la simulation à 95% de saturation, il forme un demi-disque de 5cm de diamètre autour du site actif, soit près de 10% de la surface totale.

A l’inverse, les cations métalliques sont limitants en périphéries du site anodique et la diminution de leur concentration conduit à une expansion du domaine de stabilité thermodynamique des ions hypoferrites (cf. diagramme de Pourbaix). Le domaine de prédominance de ces ions représente plus de 80% de la surface totale du modèle pour des bétons saturés à plus de 80%.

Dans un béton fortement saturé, l’acier se dissout progressivement (sous réserve d’une quantité de dioxygène suffisante pour assurer la réaction cathodique) mais le béton d’enrobage ne fissure pas car les produits de corrosion formés (hydroxydes ferreux et ions hypoferrites) sont peu expansifs (chapitre 1). Ces complexes relativement fluides peuvent diffuser jusqu’à la surface où ils sont éventuellement oxydés par le dioxygène atmosphérique ou encore lessivés par l’eau dans le cas d’une structure immergée. Ces résultats numériques vont donc dans le sens des observations de Walsh et Sagües [85] sur la corrosion non fissurante. Ils ont montré qu’il pouvait exister des zones de corrosion active dans des bétons fortement saturés (zone immergée par exemple) sans aucun dommage apparent en surface

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