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II. LES STRATEGIES ET ACTIONS EN FRANCE ET DANS QUELQUES PAYS

5  L ES STRATEGIES ET ACTIONS EN F RANCE

5.2  Un monde connecté est en train de se former où la surveillance de la personne devient

5.2.3  Une transformation de l’exercice de la médecine est en cours

Au-delà des possibilités de mieux suivre l’observance et la situation clinique des patients, au-delà des plus grandes facilités diagnostiques et thérapeutiques qu’ils offrent, les dispositifs de télé-suivi-accompagnement sont en train de transformer l’exercice de la médecine :

- d’abord parce que les usagers vont avoir les moyens véritables d’être des acteurs de la prise en charge de leur pathologie, grâce aux données dont ils seront les destinataires au premier chef, grâce à la pratique des actes diagnostiques et thérapeutiques qu’ils pourront réaliser eux-mêmes. L’asymétrie d’information entre médecin et personne malade s’en trouvera réduite. La co-construction du parcours de soins entre soignants et personne malade s’en trouvera facilitée ;

- ensuite parce que les résultats de ces mesures, aussitôt transmis à une plate-forme de service, seront croisés avec d’autres informations cliniques recueillies en temps réel par les intervenants au domicile du patient, sanitaires ou sociaux. Viendront s’ajouter les résultats des analyses plus complexes réalisées par les laboratoires de biologie médicale et les données sur le traitement suivi recueillies par les pharmaciens d’officine avec lesquels le patient aura été en contact. Le traitement de ces signaux d’origine diverse sera effectué avec l’aide d’un système expert capable de déclencher des alertes, des alarmes. La surveillance médicale du patient à domicile offrira une sécurité presqu’aussi grande qu’à l’hôpital85 ;

- enfin parce que la coordination des soignants en ambulatoire, qui a tant de mal à s’organiser, pourra devenir une réalité, sous l’impulsion naturelle des dispositifs de télé-suivi-accompagnement qui, en s’appuyant sur les données recueillies et traitées, orienteront les interventions des soignants, conseilleront les soins les plus adaptés86. Articulations entre dispositif de télé-suivi et offreurs de soins de proximité : l’expérience de Cardiauvergne

Ce dispositif de télésurveillance au domicile organise une coordination des soins de l’insuffisant cardiaque. Il existe depuis près de quatre ans. Il couvre les besoins de toute la région Auvergne.

La cellule de coordination, animée par des médecins, notamment un cardiologue, est alimentée en données sur le patient par :

- une balance électronique connectée qui adresse le résultat d’une pesée quotidienne réalisée par le patient (alerte automatique quand le patient ne s’est pas pesé pendant 4 jours consécutifs) ;

- les infirmiers à domicile qui sur leur smartphone transmettent, à la suite de leur visite chez le patient, effectuée selon une fréquence prescrite par le médecin traitant, des informations cliniques selon une cotation préétablie (dyspnée, fatigue, œdème, tension artérielle…) ;

- les laboratoires de biologie médicale qui transmettent les résultats des analyses demandées par le médecin traitant ;

- les pharmaciens qui adressent la photocopie des ordonnances.

85 Certains objets devenus connectés — balances, podomètres, bracelets, montres, etc. — permettront de mieux connaître nos habitudes. Combinés à des logiciels d’analyse, tels Pathway Genomics ou 23toMe spécialisés dans l’analyse du code génétique, ils aideront à avoir une connaissance fine de l’état de santé, sans avoir recours à un spécialiste. Grâce à des capteurs, le médecin pourra suivre à distance l’état de santé d’un patient, établir un diagnostic et procéder à des soins.

L’interconnexion d’objets domestiques permettra aussi d’améliorer le confort et la vie des personnes dépendantes à domicile.

86 L’une des technologies clefs de l’Internet des objets, la RFID (identification par radiofréquence), montre que l’émergence de nouvelles technologies opère parfois un rapprochement entre des disciplines à première vue éloignées, telles que l’informatique, la biologie et la médecine. Pour la plupart en cours d’élaboration, les technologies de communication sans fil pourront s’incorporer aux usages individuels : existent déjà les lentilles de contact connectées qui mesurent le taux de glucose dans le corps humain, ou les tatouages qui communiquent les signes vitaux d’un patient. Ce qui paraissait même inenvisageable hier devient aujourd’hui possible : le projet Cyborg 4.0 de l'Université de Reading travaille à la communication entre humains au moyen d’implants dans le cerveau.

La cellule analyse ces informations, aidée par un système expert capable de déclencher des alertes. En fonction de cette analyse, elle appelle le patient pour le conseiller, ou pour lui recommander de modifier la posologie de ses médicaments en cas d’urgence ; elle prévient si nécessaire l’infirmière à domicile et/ou le médecin traitant de l’existence d’un problème justifiant leur intervention auprès du patient ; elle oriente le patient vers le soignant qui aura à revoir avec lui son traitement.

Pour arriver à construire cette coordination entre plusieurs professions de santé différentes, Cardiauvergne a dû entrer en contact avec chaque professionnel de santé concerné pour l’intéresser à ce fonctionnement.

Un exemple : la mesure des INR87 dans le cadre d’un télé-suivi

Les patients suivant un traitement anticoagulant88 par anti-vitamines K (AVK) peuvent connaître divers incidents iatrogènes graves89.

L’assurance maladie a mis en œuvre un programme d’accompagnement des patients se voyant prescrire des AVK fin 2013, basé sur deux entretiens confidentiels par an assurés par le pharmacien d’officine délivrant le médicament.

Pour mesurer l’INR, plusieurs contrôles biologiques sont par ailleurs nécessaires, en moyenne 20 par an, effectués par des laboratoires de biologie médicale.

Un dispositif médical connecté sous la forme d’un boitier tenant dans la main90, peut permettre au patient de mesurer lui-même son INR. Une plate forme de service peut en lire aussitôt le résultat et conseiller au patient de modifier la posologie de ses AVK, et/ou l’orienter vers son médecin traitant.

La meilleure efficience de la prise en charge grâce à la mise en place d’un télé-suivi-accompagnement est un présupposé qui paraît raisonnable. Mais peu d’étude aujourd’hui en font la démonstration. Cela n’est pas surprenant, nous sommes au début d’évolutions techniques qui vont sans aucun doute prendre des formes encore aujourd’hui difficiles à toutes prévoir. Quelques expériences cependant semblent montrer au moins une meilleure efficacité de la prise en charge, et sans doute une moindre dépense de soins – du fait d’hospitalisations évitées.

Exemple du télé-suivi-accompagnement mis en place par Cardiauvergne sur les insuffisances cardiaques

Cardiauvergne, dispositif de télé-suivi-accompagnement sur les insuffisants cardiaques en Auvergne, a réalisé une étude sur le devenir de ses patients sur un an, inclus dans son dispositif de télésurveillance et d’accompagnement en 2013, à l’issue d’une hospitalisation.

La cohorte comprend 246 patients.

Selon les promoteurs de ce service, la mortalité à un an a été de 15,5 % et les ré-hospitalisations pour une nouvelle poussée d’insuffisance cardiaque ont concerné 15,4% des patients, avec une durée moyenne de séjour (DMS) de 10,2 jours.

87 « International Normalized Ratio », qui permet d’évaluer le taux de prothrombine.

88 Environ 900 000 patients concernés (Source : rapport Cardiauvergne).

89 Environ 17 000 hospitalisations par an par accident hémorragique, 5 000 décès (Source : rapport Cardiauvergne).

90 Dispositif LabPad, produit par la société Avalun liée au CEA de Grenoble.

Une véritable étude médico-économique n’a pas été faite et serait souhaitable. Mais ces résultats enregistrés par cet opérateur, s’ils se vérifiaient, montreraient un impact certain sur les dépenses hospitalières et la santé des personnes.

De telles évaluations de l’efficience de ces dispositifs devront certainement prendre en compte leur type d’intégration au sein d’une organisation des offreurs de soins de proximité facilitant le travail d’équipe entre professionnels de santé de compétences différentes. Il n’est sans doute pas nécessaire d’attendre leurs résultats pour s’engager dans la voie d’un développement de dispositifs de télé-suivi. Mais il faudra certainement les prévoir au plus tôt.

5.2.4 Les modèles d’organisation du télé-suivi-accompagnement sont à