• Aucun résultat trouvé

La réforme de la tarification des traitements de l’apnée du sommeil par appareils à PPC :

II. LES STRATEGIES ET ACTIONS EN FRANCE ET DANS QUELQUES PAYS

5  L ES STRATEGIES ET ACTIONS EN F RANCE

5.3.1  La réforme de la tarification des traitements de l’apnée du sommeil par appareils à PPC :

subséquente

Dès 1998, un arrêté prévoyait pour les traitements par appareils à PPC que « le renouvellement et le maintien de la prise en charge sont subordonnés à la constatation d’une observance de 3 heures minimales de traitement chaque nuit, sur une période de 24H ; et de l’efficacité clinique du traitement »99. Mais cet arrêté n’était pas véritablement appliqué, le moyen de vérifier objectivement et simplement l’observance étant peu pratique.

96 Source : le CEPS.

97 Ensemble des adhérents du groupe sectoriel « respiration à domicile » du SNITEM.

98 Voir annexe à rédiger sur la conditionnalité

99 Arrêté du 23 décembre 1998 modifiant le titre Ier du tarif interministériel des prestations sanitaires et relatif aux dispositifs médicaux pour traitement de l’insuffisance respiratoire et de l’apnée du sommeil et aux prestations associées.

Ainsi, la réforme de la tarification des traitements de l’apnée du sommeil par des appareils à PPC a été une première expérience en France liant prise en charge d’un traitement et observance, non pas parce qu’elle aurait affirmé un principe nouveau, mais parce qu’elle l’a traduit dans les faits100.

Le contexte : de plus en plus de personnes concernées par ce traitement, prescrit dans plusieurs spécialités médicales, entraînant une dépense importante

Le syndrome d’apnées-hypopnées obstructives du sommeil (SAHOS) « est caractérisé par un collapsus répété des voies respiratoires hautes au cours du sommeil, responsable d’interruptions ou de diminution du flux respiratoire »101. Ces épisodes d’apnées et d’hypopnées entraînent une hypoxie et des micro-réveils. Les conséquences sur la santé peuvent être importantes102, à court et à moyen terme. Les appareils à PPC permettent de traiter les cas de SAHOS sévères, mais peuvent aussi être prescrits en cas de SAHOS modéré103. Ce traitement peut être prescrit par des pneumologues, des neurologues, des cardiologues, des médecins ORL, et des généralistes. Il nécessite une entente préalable du médecin conseil.

Le nombre des patients traités par appareil à PPC a triplé en sept ans, passant d’environ 200 000 en 2006 à près de 600 000 en 2013. Selon les estimations de la HAS104, il faut s’attendre à un nombre de cas traités s’établissant dans les années à venir entre 1,2 et 1,5 millions de personnes.

En 2013, le montant remboursé pour la prise en charge d’un appareil à PPC a été de 426M€. Entre 2006 et 2013, il a plus que doublé. Ces quatre dernières années, le taux de progression de ce montant a été d’environ 5 à 8% par an.

L’efficacité du traitement dépend de la durée et de la régularité d’utilisation de l’appareil pendant le sommeil. Or l’appareil à PPC est difficile à supporter par les patients. Il s’en suivrait une non-observance de la prescription par environ 15 à 20% des patients105. Cependant, bien que peu ou pas utilisé, l’appareil est facturé à l’assurance maladie et la dépense pour cette non-observance représenterait environ 80M€ par an106.

Les objectifs de la réforme de la tarification des appareils à PPC

La réforme prévoyait une gestion en deux temps de la bonne mise en œuvre du traitement, facilitée par la mise en place d’appareils à PPC connectés :

- dans un premier temps il s’agissait, en fonction du degré d’observance du traitement, de mettre en œuvre une modulation de la tarification du service rendu au patient107 par le prestataire à domicile, afin de l’inciter à accroître la qualité de son accompagnement108. Les mécanismes prévus pour améliorer l’observance du patient étaient mis en œuvre sur une période de 7 mois ;

100 Voir fiche en annexe sur la prise en charge des dépenses liées à l’emploi des appareils à pression continue (PPC), pour le traitement de l’apnée du sommeil.

101 InVS.

102 Maladies cardio-vasculaires (hypertension artérielle, infarctus, AVC…), diabète, épisodes de somnolence avec risque accidentel.

103 Il existe quatre moyens de traiter un SAHOS : le recours à un appareil à PPC, l’orthèse mandibulaire, la chirurgie, la modification du comportement hygiéno-diététique. La PPC administre une pression continue par voie nasale ou naso-faciale, afin d’empêcher l’occlusion des voies aériennes supérieure pendant le sommeil. Elle oblige à porter un masque pendant la nuit.

104 Evaluation clinique et économique des dispositifs médicaux et prestations associées pour prise en charge du syndrome d’apnées hypopnées obstructives du sommeil (SAHOS). Rapport HAS. 2014.

105 Aucune étude objective n’existe sur ce taux de non-observance avancé par de nombreux acteurs. Il paraît cependant assez réaliste aux yeux des prestataires de services à domicile.

106 Selon l’estimation faite par la DSS.

107 Installation de l’appareil et accompagnement pour procéder aux réparations nécessaires, aux adaptations du dispositif de PPC aux caractéristiques du patient, au soutien du patient pour faire accepter le traitement.

108 Les trois premiers mois étaient consacrés à l’initialisation du traitement, puis, pendant une période de deux mois, si l’observance n’était pas satisfaisante, le prestataire alertait le médecin traitant, puis au bout de ces deux mois, le tarif de la prestation appliqué au prestataire était diminué de moitié.

- dans un second temps, en l’absence de correction de son comportement par le patient, huit mois après la prescription du traitement, l’appareil pouvait être retiré sans avis médical.

Pour améliorer la santé des personnes, les auteurs de la réforme ont conçu un mécanisme de tarification incitant les prestataires à domicile à mieux cibler et intensifier leur accompagnement, de manière à obtenir une bonne observance des patients. D’un autre côté, la diminution du tarif, justifiée par la mauvaise performance du prestataire à domicile pour obtenir une bonne observance du patient, et l’arrêt in fine de toute facturation en cas d’une non-observance persistante, permettaient de satisfaire le second objectif de la réforme, à savoir faire des économies en évitant des dépenses inutiles.

Les prestataires à domicile de leur côté étaient intéressés à ce que leur tarification évolue en fonction d’indicateurs de performance, plutôt que de subir année après année des diminutions de tarifs destinées à les ramener à des prix pratiqués dans d’autres pays d’Europe, où le coût du traitement par appareils à PPC est certes plus bas, mais avec une médiocre observance des patients, sans doute du fait d’un accompagnement de plus mauvaise qualité.

La controverse suite à cette réforme

Les deux arrêtés109 réformant la tarification des appareils à PPC ont été annulés par le Conseil d’Etat, saisi le 28 novembre 2014 par deux associations représentant des prestataires de service à domicile pour l’une et des usagers pour l’autre110. Le Conseil d’Etat, sans se prononcer sur le bien fondé de la mesure, a considéré que la loi n’avait pas donné compétence aux ministres pour subordonner, par voie d’arrêté, le remboursement du dispositif PPC à une condition d’utilisation effective par le patient.

Cette réforme, finalement avortée, a fait l’objet de vives critiques qui se sont notamment exprimées par voie de presse. Le retrait de l’appareil à PPC a été considéré comme une sanction du patient mauvais observant111. Et la réforme a été accusée de préfigurer un modèle plus général de prise en charge des maladies chroniques où les patients sont rappelés à leurs devoirs, à l’égard de la collectivité qui finance leurs soins, et punis s’ils ne les respectent pas en limitant ou en supprimant le remboursement de leurs soins. Ce modèle qui entend faire de la prescription médicale une norme, et de sa bonne observance par le patient la condition à remplir pour bénéficier de la solidarité collective, s’est vu reprocher de mettre le malade dans une situation de soumission à l’égard de son médecin. Plus largement, la prise en compte de l’observance du traitement pour moduler le remboursement des soins a paru annoncer une forme de société où l’adoption par chacun de comportements vertueux, en faveur de sa bonne santé, serait recherchée par tous moyens, au nom de bonnes intentions mais au prix de bien des libertés sacrifiées. « L’arrêté de 2013 qui limite le remboursement du traitement de l’apnée du sommeil à des patients non-observants pose les premiers jalons de la fixation demain de critères de rationnement des soins en fonction du comportement des patients. L’assurance maladie doit-elle se voir attribuer la mission de police des mœurs ? »112.

109 Arrêtés en date du 9 janvier 2013 et du 22 octobre 2013.

110 L’union nationale des associations de santé à domicile et la fédération française des associations et amicales des insuffisants respiratoires.

111 Sachant de plus que le seuil à partir duquel le patient était considéré comme mauvais observant n’avait pas de base scientifique très rigoureuse (voir l’annexe sur ce sujet).

112 Anne Laude. Le comportement du patient : une condition du remboursement des soins ? Recueil Dalloz, 2014 p.936.

Bien sûr, la réalité de la réforme de la tarification des appareils à PPC a été travestie. Il ne s’agissait pas de lier le remboursement à l’observance mais d’arrêter un traitement qui n’était pas pris de manière à produire tous ses effets. Et le mécanisme incitant le prestataire à domicile à améliorer la qualité de son accompagnement a été occulté par tous les critiques. Il n’en reste pas moins qu’il y avait bien là un projet construit de responsabilisation du patient, susceptible d’être abandonné à lui-même113 s’il se montrait récalcitrant aux injonctions médicales.

5.3.2 Les enseignements à tirer de cette réforme de la tarification des appareils