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Etablir un cadre de principes à respecter pour développer les dispositifs de télé-suivi-

III. LES RECOMMANDATIONS DE LA MISSION

4  D EVELOPPER LE TELE - SUIVI AU SERVICE DE LA QUALITE DE L ’ ACCOMPAGNEMENT DU

4.1  Etablir un cadre de principes à respecter pour développer les dispositifs de télé-suivi-

Le cadre de principes auxquels doit obéir le développement des dispositifs médicaux connectés, doit permettre de tirer le profit espéré de ces progrès techniques mis au service du patient, tout en se prémunissant des risques potentiels.

L’absence aujourd’hui de ce cadre de principes empêche qu’existe en France un espace de construction et de soutien des progrès médicaux et économiques possibles grâce aux innovations technologiques. Elle rend incertaine toute stratégie industrielle pour les entreprises en France, embarrasse les pouvoirs publiques sollicités pour favoriser le développement de nouveaux dispositifs médicaux connectés, ne permet pas d’engager les réorganisations nécessaires de l’offre de soins et, in fine, ne profite pas aux patients qui ne bénéficient pas autant qu’ils le pourraient des avantages offerts par les progrès de la e-médecine sur le plan du suivi de leur traitement et de leur accompagnement.

Ces principes doivent porter sur les sujets suivants :

La sécurité et la confidentialité des données portant sur la vie privée des personnes et le respect de leurs libertés

Tout dispositif de télé-suivi-accompagnement, en ce qu’il implique la collecte et/ou l’échange de données à caractère personnel, doit s’opérer dans un cadre conforme à la règlementation sur la protection de ces données.

Sa mise en œuvre doit faire l’objet d’un contrat thérapeutique entre le patient, le médecin traitant et le service d’accompagnement qui livrera l’équipement et assurera le suivi. Ce contrat permettra d’informer le patient sur les objectifs du suivi, le fonctionnement du dispositif de suivi, les données transmises, leur emploi, les modalités d’accès à ces données, les obligations du service d’accompagnement... Il doit être établi à partir d’un contrat type défini par voie réglementaire.

La fiabilité des équipements utilisés dans le cadre d’un télé-suivi

Plutôt que de concevoir une réglementation nouvelle, propre à ces équipements, il est sans doute plus simple de s’appuyer sur les dispositions existantes, en étendant aux objets connectés les procédures de certification prévues pour les dispositifs médicaux (DM).

La définition très large donnée aux DM, leur reconnaissant une fonction de diagnostic, de prévention, de contrôle, permet d’inclure les objets connectés. Aussi pour accepter l’intégration d’un objet connecté dans une prise en charge financée par l’assurance maladie, il conviendrait d’exiger du fabricant qu’il fasse état d’un marquage CE de son équipement, demandé au titre des DM.

Cependant, seuls les DM rangés dans une catégorie IIa, IIb et III font l’objet d’une certification par un organisme notifié. Ceux appartenant à la catégorie I suivent une procédure d’auto-certification. Il conviendrait que l’exigence d’un marquage CE pour un objet connecté, en l’assimilant à un DM, aille jusqu’à réclamer qu’il relève de la catégorie IIa, pour obtenir l’intervention d’un organisme notifié dans la procédure de certification. Cette exigence devrait être acceptable, car la catégorie IIa accueille des instruments de diagnostic, avec un degré moyen de risque136.

Cette logique, qui identifie à un DM les équipements (objets ou logiciels) jouant un rôle dans le diagnostic, le traitement ou la prévention d’une maladie, intégrés donc dans des soins, est appliquée aux Etats-Unis depuis 2011. En conséquence, le développeur doit appliquer des normes de qualité, notamment sur le plan de la cyber sécurité et de la confidentialité des données.

L’application de ces normes est contrôlée par la FDA.

136 Les équipements permettant de suivre directement ou indirectement l’observance d’un traitement sont bien des instruments de diagnostic. Et les conséquences d’une non-observance peuvent entraîner un risque parfois grand pour le patient.

Quant aux systèmes experts permettant d’analyser et interpréter les données recueillies par le dispositif de télé-suivi-accompagnement, il conviendrait de demander à la HAS d’organiser leur examen afin de dresser une liste de ceux qu’elle recommande. Cependant, pour ne pas retarder la mise en œuvre d’innovations, l’emploi d’un système expert pourrait être accepté dés lors qu’il est validé par une société savante, dans l’attente de son inscription sur la liste recommandée par la HAS.

La séparation entre le producteur et le service d’accompagnement

Un équipement de télé-suivi est lié à un service capable d’intervenir auprès du patient en fonction des données transmises. Le producteur de l’équipement a intérêt bien sûr à proposer aussi le service d’accompagnement allant avec, afin de s’assurer un avantage commercial. En conséquence, un service d’accompagnement relevant d’un producteur d’équipements n’emploiera bien sûr que des objets et DM connectés fabriqués par ce dernier. Il s’en suivra des stratégies de captation du marché des services d’accompagnement par des producteurs cherchant à écouler leurs fabrications. Peu à peu quelques grands groupes se partageront la production d’objets et de DM connectés liés à un service d’accompagnement qu’ils contrôleront. La situation limitera la concurrence et entravera l’apparition de nouveaux produits innovants. Les producteurs de nouveaux équipements, souvent des petites entreprises, ne parviendront pas à écouler leur fabrication, car leurs clients potentiels – les services d’accompagnement – seront presque tous gérés par des concurrents.

Il faut donc que soit imposée une séparation stricte entre les producteurs d’équipements connectés et les services d’accompagnement, quand il s’agit de matériels intégrés à une prise en charge, à des fins diagnostiques, curatives ou préventives, financée par l’assurance maladie. Ainsi, le service d’accompagnement pourra proposer au patient un choix d’équipement, et procéder à des remplacements en cas de fonctionnement non adapté. Ainsi, un produit innovant apparu sur le marché pourra plus facilement trouver sa place.

C’est là reprendre les dispositions de l’article L. 1161-4 du code de santé publique.

Les règles déontologiques sur les conflits d’intérêt potentiels entre producteurs d’équipements, services d’accompagnement et services publics

La législation et la réglementation fixent aujourd’hui de telles règles déontologiques sur les relations entre industries du médicament, offreurs de soins et services publics. Il faudrait étendre ces règles à la situation qui existera entre producteurs d’équipements connectés, services d’accompagnement, offreurs de santé, agents des services publics. Les comportements commerciaux des producteurs d’équipements connectés ne doivent pas servir à créer des connivences entre eux et les services d’accompagnement, les offreurs de santé, les agents des services publics.

L’utilisation des données issues du télé-suivi

Il faut mettre en place une facturation par l’assurance maladie du dispositif de télé-suivi-accompagnement mis en œuvre, faite au prestataire. Le patient n’est donc pas remboursé d’une dépense qu’il ne fait pas. Et les données recueillies dans le cadre du télé-suivi ne sauraient en aucun cas servir à moduler le remboursement du traitement suivi par le patient (application de la recommandation n°1 de la mission).

Les données rendues anonymes, issues du télé-suivi, doivent pouvoir être mises à la disposition de l’autorité publique qui en assure le financement, dans des conditions fixées par voie réglementaire. Cette mise à disposition permettra de réaliser toutes les études épidémiologiques nécessaires à une meilleure connaissance de la pathologie concernée par ce télé-suivi et de l’efficacité des traitements mis en œuvre.

Le producteur de l’objet ou DM connecté doit pouvoir obtenir, dans des conditions fixées par voie réglementaire, un accès aux données issues du télé-suivi utiles à la recherche d’une amélioration du fonctionnement et des performances de son équipement.

Ces données doivent aussi être aisément accessibles au patient qui doit pouvoir exercer ses droits de rectification et d’opposition. Elles font parties de son dossier médical.

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Seule la loi est à même de fixer un cadre de principes suffisamment solide pour garantir de saines conditions de production et de commercialisation de ces produits de santé, protéger les patients et organiser l’offre. Ces principes doivent venir compléter les dispositions de la loi informatique et liberté, sachant qu’un projet de règlement général sur la protection des données137 est en cours de discussions au niveau européen et conduira à refondre en partie le cadre juridique actuel. Il serait souhaitable par ailleurs que soit institué, selon la recommandation du Conseil d’Etat évoqué plus haut, un droit à « l’autodétermination informationnelle » des usagers de l’Internet.

Recommandation n°11 : Définir par la loi les principes auxquels doit obéir le développement de dispositifs médicaux permettant un télé-suivi du patient.

Principes à inscrire dans la loi Commentaires

1ème principe : La mise en œuvre d’un dispositif de télé-suivi-accompagnement fait l’objet d’un contrat thérapeutique entre le patient, le médecin prescripteur et le service d’accompagnement, établi à partir d’un contrat type défini par voie réglementaire.

Ce contrat permettra d’informer le patient sur les objectifs du suivi, le fonctionnement du dispositif de suivi, les données transmises, les obligations du service d’accompagnement, les conditions pour mettre fin au télé-suivi.

2ème principe : Le patient doit avoir le choix du service de télé-suivi-accompagnement auquel il aura recours.

En cas de changement de service décidé par le patient, les données sur le suivi passé doivent être transmises par l’ancien opérateur au nouveau.

Doit être assuré un droit de portabilité des données, permettant, en cas de changement d’opérateur de télé-suivi-accompagnement, de conserver l’historique des données enregistrées.

Ces données en effet font partie du dossier médical du patient.

3ème principe : Les objets connectés intégrés à la prise en charge d’un problème de santé, à des fins diagnostiques, curatives ou préventives, financée par l’assurance maladie, devront bénéficier d’un marquage CE les assimilant à des DM de classe IIa.

La HAS dressera une liste des systèmes experts, utilisés pour analyser et interpréter les données recueillies, dont elle recommande l’emploi.

Les sociétés savantes pourront valider dans un premier temps, à titre expérimental, des systèmes experts le temps que la HAS les

Pour ne pas ralentir la mise en œuvre de dispositifs innovants, pourrait être accepté l’emploi d’un algorithme de traitement des données validé par la société savante correspondant à la pathologie concernée

137 http://www.consilium.europa.eu/fr/policies/data-protection-reform/data-protection-regulation/

expertise de façon plus approfondie.

4ème principe : La séparation entre l’industriel producteur du dispositif médical de télé-suivi et le gestionnaire d’un service d’accompagnement doit être stricte.

L’intérêt commercial ne doit pas risquer de prendre le pas sur l’intérêt médical dans la mise en œuvre d’un dispositif de télé-suivi-accompagnement. Les métiers de production et de commercialisation de produits de santé et d’objets connectés n’ont pas à être confondus avec ceux d’accompagnement du patient. La séparation entre les deux doit être absolue.

5ème principe : Des règles déontologiques, précisées par voie réglementaire, régissent les relations entre producteurs d’équipement, services d’accompagnement, offreurs de santé, agents des services publics.

Les comportements commerciaux des producteurs d’équipements connectés ne doivent pas servir à installer des situations de connivence entre ceux-ci et les services d’accompagnement, les offreurs de santé, les agents des services publics.

6ème principe : Les données recueillies et transmises par un dispositif de télé-suivi ne doivent pas être utilisées pour moduler le remboursement par l’assurance maladie du traitement d’un patient.

Le dispositif de télé-suivi-accompagnement est directement facturé au prestataire à domicile. Il ne doit pas exister de modulation d’un remboursement fait au patient en utilisant ces données.

7ème principe : L’autorité publique qui assure le financement des prestations liées à ces dispositifs doit pouvoir mener, dans des conditions conformes à la règlementation, des études épidémiologiques sur la base des données produites à cette occasion.

Cet accès aux données permettra de réaliser les études épidémiologiques utiles à une meilleure connaissance de la pathologie concernée et de l’efficacité des traitements mis en œuvre.

8ème principe : Le producteur de l’objet ou DM connecté doit pouvoir obtenir, dans des conditions fixées par voie réglementaire, les données issues du télé-suivi qui peuvent être utiles à la recherche d’une amélioration du fonctionnement et des performances de son équipement.

9ème principe : Les données recueillies dans le cadre d’un télé-suivi sont à la disposition du patient et font parties de son dossier médical. Le patient doit pouvoir exercer ses droits d’accès, de rectification et d’opposition.