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ANNEXE 2 : EDUCATION THERAPEUTIQUE

1.   U N DISPOSITIF DEVENU COMPLEXE

Alors que dans la loi HPST le concept d’éducation thérapeutique englobe un ensemble de programmes destinés, de façon générale, à faciliter la prise en charge de la maladie en développant ou en s’appuyant sur les capacités propres du patient, plusieurs types d’action se sont individualisés. Par ailleurs, l’Etat et l’assurance maladie ont chacun développé leurs propres approches. Il s’en suit aujourd’hui un grand nombre d’appellations distinguant des actions parfois de nature semblable, des règles de mise en œuvre et de fonctionnement différentes et des modes de financement divers.

1.1 Des types d’action différents concourant pourtant à des objectifs proches ou identiques, complémentaires entre eux

Trois grandes catégories d’action en faveur du développement et du soutien des capacités du patient se distinguent :

174 Rapport de l’Académie nationale de Médecine en date du 10 décembre 2013.

175 Article L. 1521-7 du code de la santé publique.

176 Rapport du 10 décembre 2013.

- les programmes d’éducation thérapeutique ; - les programmes d’accompagnement du patient ; - les programmes d’apprentissage du patient.

Dans son rapport daté de 2008, Christian SAOUT définit l’éducation thérapeutique comme étant « un processus de renforcement des capacités du malade et/ou de son entourage à prendre en charge l’affection qui le touche, sur la base d’actions intégrées au projet de soins. Elle vise à rendre le malade plus autonome par l’appropriation de savoirs et de compétences afin qu’il devienne l’acteur de son changement de comportement, à l’occasion d’évènements majeurs de la prise en charge (initiation du traitement, modification du traitement, événement intercurrents,…) mais aussi plus généralement tout au long du projet de soins, avec l’objectif de disposer d’une qualité de vie acceptable par lui. »177.

Ce rapport distingue, l’éducation thérapeutique de « l’accompagnement du malade » défini comme « un processus externe veillant à soutenir le patient et son entourage, y compris dans le cas d’un accompagnement pour une bonne observance des traitements ».

Dans les faits, ces séparations entre éducation thérapeutique, accompagnement du malade et apprentissage ne sont pas toujours souhaitables. On comprend bien qu’il y a une différence entre une approche qui cherche à faire en sorte que le patient se saisisse lui-même de son destin et en devienne en quelque sorte l’auteur, et, d’une autre côté, une aide qui reste extérieure à la personne, dont l’effet disparaît quand elle cesse. Mais, souvent, faire en sorte que le patient soit le sujet de son traitement n’est pas qu’affaire de savoir et de compétence, et nécessite un accompagnement par un tiers plus ou moins durable ou épisodique.

Cependant, la transmission de savoirs est à distinguer de la recherche d’une appropriation de ces savoirs, d’un développement de compétences propres, d’un accompagnement par des aides matérielles, physiques, psychologiques. Ce ne sont pas à chaque fois les mêmes méthodes, la même relation à établir avec le patient. Mais il peut être nécessaire de s’engager dans toutes ces voies à la fois, afin, au bout du compte, de faciliter le développement par le patient de capacités à prendre en charge son problème de santé, autant que possible. L’organisation d’approches plurielles et complémentaires au service d’un même patient est donc parfois utile.

1.2 Le cloisonnement entre éducation et accompagnement

Un représentant d’une association d’usager rencontré par la mission a expliqué ainsi son ressenti sur la situation actuelle : l’éducation thérapeutique est l’affaire des médecins, elle est réglementée178 et bénéficie de financement ; l’accompagnement est l’affaire des non médecins, elle n’est donc pas réglementée179 et bénéficie de financements réduits ; quant à l’apprentissage, il est le domaine réservé aux entreprises qui s’efforcent autant que possible de faciliter la consommation de leurs produits de santé.

Les interventions en faveur du développement de capacités à agir chez le patient se partagent donc entre secteur médical, associatif et entreprises de produits de santé.

177Pour une politique nationale d’éducation thérapeutique du patient. Rapport présenté à la ministre de la santé par Christian SAOUT. Septembre 2008.

178 Arrêté du 2 août 2010 relatif au cahier des charges des programmes d’éducation thérapeutique du patient et à la composition du dossier de demande de leur autorisation.

179 L’arrêté prévu par la loi HPST qui devait fixer le cahier des charges des programmes d’accompagnement n’a pas été pris.

Les actions d’éducation thérapeutiques font l’objet d’une autorisation par les ARS. Elles obéissent à un cahier des charges fixé par un texte réglementaire. Elles sont en général promues par un service hospitalier, un réseau ou une maison de santé180.

Elles démarrent souvent à l’hôpital avec un prolongement en ambulatoire, une fois le patient retourné à domicile. Les associations d’usagers sont parfois associées au montage de ces actions, et depuis peu des patients experts ou patients ressources sont parfois présents en tant qu’intervenant.

Cette part prise par l’hôpital dans le développement de l’ETP s’explique pour des raisons de facilité. L’hôpital était en capacité de mener de telles interventions, et un financement était possible avec la dotation sur les missions d’intérêt général (MIG).

Une expérience intéressante, selon le rapport d’évaluation rendu en 2008 par la HAS et l’IRDES, est le projet ASALEE, du nom d’une association constituée par des médecins libéraux en Poitou-Charentes en 2003. Des infirmières sont recrutées par des cabinets médicaux. Le médecin prescrit une action d’ETP dont il délègue ensuite la réalisation à l’infirmière intégrée à son cabinet.

Le financement est assuré par le FIR. Il sert essentiellement à rémunérer l’infirmière recrutée par le cabinet médical.

Les programmes d’accompagnement manquent d’une définition réglementaire et aucun cahier des charges n’a été fixé. Cette situation gène leur développement. Une mission à ce sujet a été confiée à Christian SAOUT pour proposer une définition et une expérimentation portant sur la mise en œuvre des programmes d’accompagnement. Le rapport devrait être rendu fin juillet 2015.

La loi de santé actuellement en débat au parlement envisage de développer les actions

« d’accompagnement sanitaire, social et administratif ». Selon les termes de l’article 22 du projet de loi, grâce à cet accompagnement les personnes souffrant de maladies chroniques ou de handicap pourront « disposer des informations, conseils, soutiens et formations181 leur permettant de maintenir ou d’accroître leur autonomie, de participer à l’élaboration du parcours de santé les concernant, de faire valoir leurs droits et de développer leurs projets de vie. ». Cet accompagnement est donc loin de se réduire à des actions en faveur d’une meilleure observance, mais il pourra en comprendre bien sûr, sachant de plus que les initiatives permettant d’améliorer l’observance ne sont pas toujours spécifiques, peuvent relever du simple conseil ou d’un soutien moral apporté à la personne souffrante de maladie chronique et supportant mal sa situation. Dans ce projet d’article de loi, il est prévu que ces actions d’accompagnement, dans le cadre d’une expérimentation sur cinq ans, pourront être engagées par tout type de promoteur, notamment par les associations d’usagers du système de santé.

Ce dispositif, envisagé par la loi de santé, cherche manifestement à rééquilibrer les efforts faits en faveur du développement et du soutien des capacités des patients, entre les offreurs de soins et les associations d’usagers. Cependant, il insiste ainsi sur la coupure entre des actions portées par les offreurs de soins d’un côté et par des associations de l’autre, toutes poursuivant au fond des objectifs si ce n’est superposables, au moins complémentaires.

Chaque acteur de santé s’appropriant de son côté ses modes d’intervention ainsi distingués, il est à craindre que les collaborations utiles entre offreurs de soins et associations seront compliquées à établir, les logiques des uns et des autres ayant tendance à s’écarter pour suivre la pente de leur individualisation, quand elles devraient chercher à se rapprocher.

En attendant de définir ce qu’est un programme d’accompagnement et le cahier des charges auquel il devrait obéir, les associations font l’objet d’un financement global n’individualisant pas les ressources consacrées par celles-ci à l’accompagnement des patients.

180 En Lorraine où la mission s’est rendue, environ 45% des crédits consacrés au total à l’éducation thérapeutique (2, 255 M€) en 2014 l’étaient au profit de réseaux. Les maisons de santé ont consommé 0,7% des crédits. Le reste a été attribué à des établissements de santé. Pourtant l’arrêté du 2 août 2010 prévoit que les programmes d’éducation thérapeutique peuvent être coordonnés par le « représentant dûment mandaté d’une association de patients… ».

181 Terme souligné par la mission.

1.3 Le cloisonnement entre les approches conduites par les services de l’Etat et par ceux de l’assurance maladie

L’assurance maladie développe des programmes répondant à des appellations différentes mais dont les objectifs relèvent de l’accompagnement autant que de l’éducation thérapeutique, voire de l’apprentissage : SOPHIA, PRADO, accompagnement pharmaceutique des patients sous traitement chronique par anti-vitamine K (AVK).

Ces actions ne sont pas spécifiquement centrées sur le développement d’action d’éducation thérapeutique du patient et la recherche d’une meilleure observance. Elles relèvent en général plutôt de stratégies d’accompagnement et de suivi. Elles peuvent viser surtout à améliorer la qualité des soins et la coordination entre professionnels de santé (exemple des dispositifs PRADO). Elles ont cependant un effet sur l’observance.

Le dispositif SOPHIA, lancé en 2008 à titre expérimental dans 10 départements, s’inspire des approches relevant du disease management. Il s’adresse aux patients atteints de diabète relevant du régime général, pris en charge à 100% au titre des affections de longue durée (ALD). Sa mission est d’« aider les personnes concernées à mieux connaître leur maladie et à adapter leurs habitudes afin d’améliorer leur qualité de vie et de réduire les risques de complication. »182. Il propose aux patients un accompagnement téléphonique par une infirmière, destiné à apporter conseils, informations, écoute aux patients sur leur maladie et leur traitement. C’est un service gratuit pour le malade. Il est proposé à 600 000 personnes aujourd’hui. Il est en cours d’extension dans 18 départements pour des patients souffrant d’asthme.

Le régime social des indépendants (RSI) a lui aussi mis en place un programme d’éducation thérapeutique du patient pour les personnes souffrant de diabète. L’accompagnement proposé est confié à des opérateurs recrutés par appel d’offre.

Le régime agricole a engagé un programme national d’éducation thérapeutique pour les patients de ce régime atteints de maladies cardio-vasculaires.

Le dispositif PRADO (programme d’accompagnement de retour à domicile), prévu par la convention d’objectifs et de gestion (COG) de la CNAMTS 2010-2013, est destiné à faciliter la sortie d’une hospitalisation et le retour à domicile. Il a porté pour l’instant sur les domaines suivants : maternité, orthopédie, insuffisance cardiaque. Le programme PRADO concernant l’insuffisance cardiaque comprend, notamment, des actions d’éducation et de surveillance par une infirmière à domicile, hebdomadaires pendant deux mois, puis bimensuelles pendant quatre mois.

L’accompagnement pharmaceutique des patients sous traitement chronique par anti-vitamine K (AVK).Dispositif défini par l’avenant n°1 à la convention pharmaceutique du 4 avril 2012, entré en vigueur le 28 juin 2013.

Une sorte de partage des tâches s’est installé entre Etat et assurance maladie, dans ce domaine des interventions visant à développer et à soutenir les capacités des patients. A l’Etat les actions d’ETP. A l’assurance maladie les actions d’accompagnement, d’abord initiées sous la forme d’expérimentation (comme pour SOPHIA), puis généralisées. Et, au sein de l’assurance maladie, il peut y avoir des initiatives différentes engagées selon les régimes (exemple de l’action en faveur des diabétiques menée par le RSI et celle menée par la CNAMTS avec le programme SOPHIA ; exemple de l’action sur les maladies cardio-vasculaire menée par le régime agricole).

182 Voir la définition du dispositif SOPHIA sur le site « Ameli » de l’assurance maladie.

Même si de nombreux professionnels font la distinction entre tous ces concepts (disease management, accompagnement et apprentissage), la frontière est assez floue en fait. Ainsi, les programmes d’accompagnement pilotés par l’assurance maladie comprennent bien sûr de l’éducation thérapeutique ou en tout cas affichent cet objectif.

Le financement de tous ces programmes obéit à des règles différentes. Les actions d’ETP font l’objet de subventions. Les actions d’accompagnement engagées par l’assurance maladie sont financées dans le cadre du dispositif conventionnel pour les médecins et pharmaciens impliqués.

L’Etat n’exerce jamais un rôle d’opérateur, il n’en est pas toujours de même pour l’assurance maladie (la CNAMTS gère les plates-formes téléphoniques du programme SOPHIA).

Globalement le pilotage des ces actions est assurée par le niveau régional (les ARS) du côté de l’Etat, et par le niveau national pour l’assurance maladie.

Ainsi, toutes ces approches visant des objectifs parfois identiques, et souvent complémentaires, obéissent à des stratégies différentes portées par plusieurs autorités publiques exerçant leur compétence tantôt du niveau national, tantôt du niveau régional. Au total, ces actions apparaissent comme s’engageant de façon parallèle.