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I. L’OBSERVANCE DES TRAITEMENTS, UN ENJEU POUR LA SANTE

4  L ES CONSEQUENCES DE LA NON - OBSERVANCE SUR LA SANTE ET SUR LES COUTS

La non-observance des traitements médicamenteux a des conséquences en termes d’efficacité (les patients ne retirent pas tous les bienfaits qu’ils pourraient attendre de leurs traitements), de qualité de vie et de sécurité (les erreurs de posologie, les interactions médicamenteuses sont à l’origine d’accidents iatrogènes qui provoquent plus de 130 000 hospitalisations par an en France). Elle a aussi des conséquences en termes de coûts pour le système de santé.

Les coûts de la non-observance sont multiples. Ils vont de la dépense immédiate faite en pure perte, aux dépenses dues à la prise en charge des complications exigeant des traitements plus coûteux, qui auraient été évités si le traitement initial avait été suivi. A titre d’exemple, pour le diabète, la non-observance de médicaments oraux entraîne souvent la mise en place rapide d’un traitement avec insuline, et éventuellement des complications graves et coûteuses, parmi lesquelles les amputations, la cécité, etc.

4.1 Les conséquences de la non-observance aux Etats-Unis

C’est à la fin des années 1970 que l’on voit apparaitre les premières études sur « la surveillance de l’observance »38 : l’afflux massif de patients aux urgences, considérés comme coûteux pour le système de santé, est alors une des préoccupations majeures des organisations de santé aux Etats-Unis.

38 Ainsi les articles de Cook et de ses confrères sur le suivi clinique de jeunes patients atteints de pathologies cardiaques,). Ils évaluent l'économie à 250$ canadiens par an pour une consultation d'environ 300 patients. Cook, & al., 1978; Cook, & al., 1977.

Cette question de l’incidence de la non-observance sur la santé des personnes et sur les coûts entraînés par les complications médicales évitables est récurrente dans l’ensemble de la littérature

«… pensons à l’argent gâché en explorations conduisant à des décisions thérapeutiques non suivies, au coût des complications secondaires à un comportement non-observant, aux hospitalisations rendues nécessaires par les accidents cités plus haut, aux tonnes de médicaments qui dorment dans les armoires à pharmacie. On a avancé aux États-Unis le chiffre de 100 milliards de dollars par an. 39».

Pour la Food and Drug Administration (FDA), l’impact de la non-observance sur le système de santé américain serait compris entre 77 et 300 milliards de dollars par an. Mais cette évaluation prend en compte les erreurs médicales évitables également expliquées par la mauvaise pertinence des prescriptions (sur ou sous-prescription).

En 2002, le "Congressional Budget Office40 » (CBO) du gouvernement américain a indiqué que les preuves d'une relation entre l'observance et les dépenses de santé étaient suffisantes pour justifier un investissement important dans les interventions pour améliorer l'observance des patients inscrits dans le programme Medicare.

D'autres payeurs sont également arrivés aux mêmes conclusions. « Kaiser Permanente », le plus grand payeur privé aux Etats-Unis, réalise un grand nombre d'études dédiées à l'observance et y consacre un budget important. Selon Elizabeth Oyekan, vice-présidente des Opérations à Kaiser Foundation Health Plan of Colorado : « l'observance est cruciale pour le patient, le prescripteur et le payeur ». Aux Etats-Unis, le"Council for Affordable Healthcare"41 a calculé que la non-observance entraîne des coûts supplémentaires globaux de $290 milliards par an et est responsable de 125 000 décès. Au Royaume-Uni, les coûts, en traitements supplémentaires, s'élèvent à plus de

£500 millions par an42.

39Reach, Clinique de l’observance : l’exemple des diabètes,2006, p. 411.

40 Congressional Budget Office, « Offsetting Effects of Prescription Drug Use on Medicare’s Spending for Medical Services ».

41 Liz Tierney, « Patient non-adherence costs underestimated | Packaging World ».

42 Christopher A Langley, Jane E Harvey, et Alpa Patel, « Aston Medical Adherence Study. ».

Tableau 6 : Niveau global d’adhérence aux traitements et ses conséquences 43 (comparaisons internationales)

4.2 Les mesures sur les conséquences de la non-observance en France

L’étude Jalma44, effectuée en 2014,

Cette étude visait à évaluer les impacts de la non-observance en termes de mortalité, d’hospitalisations évitables et de dépenses injustifiées sur un périmètre de pathologies restreint, en se conformant le plus possible à la structure de coûts et de morbi-mortalité de notre système de soins. Trois types d’impacts de la non-observance ont été étudiés (les décès, les hospitalisations et les coûts considérés comme évitables car dus à un défaut d’observance) pour les pathologies suivantes : diabète, infarctus du myocarde, insuffisance cardiaque, hypertension, VIH, cancer du sein, broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO), maladies psychiatriques.

- Impact sur la mortalité : la non-observance, ou l’observance insuffisante, serait responsable d’environ 12 000 décès en France chaque année. Ce qui signifie qu’au moins 2 % des décès annuels en France pourraient être évités.

43 Economic aspect of medication adherence using mobile medication reminder in French Health System.

44 Les enjeux de l’observance en France, cinq propositions pour renforcer l’observance des produits de santé, Jalma, 2014.

- Impact sur le nombre d’hospitalisations : Plus de 100 000 hospitalisations complètes pourraient être évitées chaque année en France. Ainsi, près de 14 % des hospitalisations de patients atteints de BPCO seraient dues à une non-observance, 10

% des hospitalisations pour insuffisance cardiaque ou bien encore 4 % des hospitalisations de patients diabétiques.

- Impact sur les dépenses de santé : la non-observance coûterait chaque année près de 1 milliard d’euros en hospitalisations évitables. La moitié de ces coûts évitables concernerait le secteur de la psychiatrie, où les hospitalisations et ré hospitalisations dues à un défaut d’observance sont particulièrement fréquentes et la durée moyenne de séjour très élevée. Une étude45 montre que 40 % des dépenses hospitalières en psychiatrie pourraient être imputées aux rechutes par défaut d’observance, soit plus de 3 milliards d’euros.

Une seconde étude46 très récente de IMS Health

L'observance a été mesurée pour plusieurs pathologies47, représentant un quart des remboursements de médicaments de l'assurance maladie en ville en 2013 (4,9 Mds€). Ont été inclus dans cette étude longitudinale sur un an, 170 000 patients dans 6 400 pharmacies, de façon anonyme. L’indicateur retenu est le Medication Possession Ratio (MPR), qui mesure le nombre de patients se présentant à la fin effective de la durée de leur traitement pour un renouvellement.

- l'observance moyenne pour les six pathologies48 est de 40% ; - Le coût de la non-observance49 est d’environ 9 Mds€ par an50.

A un niveau plus global, il s’agit de tenir compte aussi bien de la pertinence des indications que de l’observance. L’étude des conséquences d’une mauvaise observance dans les maladies chroniques met en exergue le surcoût représenté notamment par une augmentation des passages aux urgences et des hospitalisations. Aux Etats-Unis notamment, elle couterait environ 300 Milliards de $ par an, mais cette évaluation prend en compte les erreurs médicales évitables également expliquées par la mauvaise pertinence des prescriptions (sur ou sous-prescription).

Mais la non-observance n’entraine pas toujours des conséquences négatives et, d’un autre côté, la mesure des coûts peut être incomplète

Si de nombreuses études montrent que les coûts de prise en charge augmentent lorsque l'observance diminue, ce lien n’est pas toujours automatique pour toutes les pathologies et tous les traitements. Par ailleurs, certains auteurs soutiennent que la liaison entre observance et coûts médicaux n'est pas linéaire. Par exemple, une étude a montré qu'une légère diminution du taux d'observance engendre une baisse des coûts de prise en charge, mais en-dessous d'un certain seuil d'observance les coûts médicaux s'alourdissent.

45 Llorca P.M., “Les psychoses”. Éditions John Libbey Eurotext, 2010.

46 IMSHealth, CRIP, Observance, Nov 2014.

47 L'hypertension artérielle (HTA), l'ostéoporose, le diabète de type 2, l'insuffisance cardiaque, l'asthme (traitement de fond) et l'hypercholestérolémie.

48 Elle était de 40% dans l'HTA, 52% dans l'ostéoporose, 37% dans le diabète de type 2, 36% dans l'insuffisance cardiaque, 13% dans l'asthme et 44% dans l'hypercholestérolémie.

49 N’ont été visés que les coûts directs liés à la non-observance et en retenant une seule complication par pathologie, respectivement l'accident vasculaire cérébral (AVC), les fractures ostéoporotiques, les maladies coronaires, l'œdème pulmonaire, l'état de mal asthmatique sévère et l'infarctus du myocarde.

50 4,4 milliards pour l'HTA, 281 millions pour l'ostéoporose, 1,5 milliard pour le diabète de type 2, 1,6 milliard pour l'insuffisance cardiaque, 207 millions pour l'asthme et 1,4 milliard pour l'hypercholestérolémie.

Pour les études relatives à l’évaluation des coûts et des conséquences, la littérature s'avère très hétérogène concernant le type de coût considéré. Certaines études s'intéressent exclusivement aux coûts d'hospitalisation et ne prennent pas en compte les autres coûts associés à un comportement de non-observance, tels que les dépenses ambulatoires, les examens de laboratoire, les appareils médicaux... De même, les coûts indirects de l'inobservance (pertes de productivité, de revenus, arrêts de travail ou bien externalités négatives dans le cas de maladies infectieuses transmissibles ou de développement de résistances et mutations des virus) ou les coûts non médicaux (ressources consacrées par les proches notamment en temps) sont le plus souvent négligés. Par ailleurs, la plupart des études font l'hypothèse que l'inobservance engendre des effets secondaires accrus, sources de coûts supplémentaires dans la prise en charge totale, or cette hypothèse ne semble pas vérifiée dans toutes les pathologies51.

Les études disponibles s'inscrivent dans le paradigme médical dominant selon lequel un comportement de mauvaise observance diminue l'efficacité clinique d'une thérapie sans prendre en considération le point de vue du patient et les effets potentiels en termes de qualité de vie et de diminution d’éventuels effets secondaires.

De plus, ces travaux ont souvent été menés de manière parcellaire, pathologie par pathologie, système de santé par système de santé. De ce fait, les évaluations disponibles sont imprécises dans la mesure de l’observance avec une confusion entre non-observance et mauvais usage des soins.

Enfin, elles procèdent souvent de généralisations abusives à partir d’études partielles menant à des chiffrages peu vraisemblables mais très efficaces en termes de communication. .

51 Lamiraud K, méthode d’évaluation de l’utilité du patient, une analyse économique et économétrique du comportement d’observance dans un essai clinique, 2004.

II. L ES STRATEGIES ET ACTIONS EN F RANCE