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Les trafics fret et voyageurs dans le processus horaire : des besoins différents

capacités français à l’épreuve du fret : quels défis pour le gestionnaire

3.1.2 Les trafics fret et voyageurs dans le processus horaire : des besoins différents

Le processus de répartition des capacités est un processus complexe dans la mesure où il fonctionne par étapes successives qui s’échelonnent sur plusieurs années. Aussi les équipes travaillant sur les étapes les plus éloignées des horizons de circulation commencent-elles à travailler sur un nouvel horaire de service alors même que le service annuel qui préoccupe les clients est en cours. Or, pour planifier une offre pertinente, le gestionnaire d’infrastructure souhaiterait anticiper et recueillir le plus tôt possible les expressions de besoins de ses partenaires (État, régions et opérateurs). Si, pour les trafics voyageurs, il y a un besoin de planification précoce avéré, le fret, lui, a tendance à susciter une forte activité plutôt tardivement dans le processus.

Le tableau 3.2 présente les volumes de sillons-jours traités à chaque étape du

processus qui traduisent – bien qu’imparfaitement13 – l’effort fourni par le gestionnaire

d’infrastructure pour chaque activité. Si on prend comme référence le ratio 85 % – 15 %14

calculé à partir des circulations (en trains-km) sur le réseau, on constate qu’au fil du temps, le fret requiert un effort proportionnellement plus important de la part du gestionnaire d’infrastructure que sa place réelle sur le réseau. Un centre de gravité propre à chaque activité semble ainsi se dessiner : en amont pour les trafics voyageurs (phases

13. Le volume de sillons-jours traduit certes un volume d’activité plus représentatif que le volume de demandes en ce sens qu’il donne une indication sur le régime moyen des demandes traitées mais il ne rend pas compte du degré de complexité et en conséquence, du temps passé pour répondre à chaque demande. Traiter une demande de suppression est très rapide et ne pose aucun problème. En revanche, une demande de modification ou de création peut se révéler très délicate à traiter, pouvant nécessiter de longues heures de travail par plusieurs horairistes. De manière globale, il n’existe pas d’indicateur relatif au temps moyen passé par un horairiste à traiter une demande (quelle que soit la phase du processus à laquelle elle intervient).

14. 380 millions de trains-km ont été comptabilisés pour le trafic voyageur pour seulement 75 millions de trains-km fret en 2013 (Source : RFF).

de structuration, de préconstruction et de construction) et en aval pour le fret (phases d’adaptation et demandes de dernière minute).

En phase d’adaptation, environ 110 000 demandes (fret et voyageurs) ont été reçues par le gestionnaire d’infrastructure pour le service annuel 2013. Cela inclut

des demandes de création, de modification et de suppression15. 40 % d’entre elles ont

été formulées par des clients fret. On en déduit un régime moyen de l’ordre de 28 jours par demande de sillon fret contre 45 jours pour une demande de sillon voyageur. En dernière minute, le nombre de demandes correspond au nombre de sillons-jours puisque chaque de demande de SDM est formulée pour un jour donné. On constate ainsi que le volume global de demandes à traiter a tendance à croître de manière très rapide à l’approche de l’horizon de circulation et que cette dynamique est très largement portée par le fret. Nous développons les ressorts de cette dynamique à la sous-section 3.2.3.

Étape du processus Volume de sillons-jours traités

Total Voyageur Fret

A-5 à A-3 Structuration - toutes les trames 2h certaines trames 2h

A-2 Préconstruction 4 300 000 93 % 7 %

A-1 Construction 6 200 000 85 % 15 %

A à J-8 Adaptation 4 200 000 28 % 72 %

J-7 à J Dernière minute 700 000 15 % 85 %

Tableau 3.2 – Volume de sillons-jours traités par le gestionnaire d’infrastructure au service

annuel 2013 – Source : RFF

En quoi ce décalage temporel entre trafics voyageur et fret serait-il problématique ? On pourrait en effet considérer que si l’activité de production des sillons peut être lissée dans le temps, cela ne peut que fluidifier l’organisation de cette production. En réalité, une telle organisation séquentielle pose la question d’une forme de place par défaut du fret étant donné l’inscription des sillons commandés à ces stades avancés du processus dans la seule capacité résiduelle.

Ce décalage temporel traduit la coexistence de deux logiques de production chez les clients du gestionnaire d’infrastructure. En s’appuyant sur le vocabulaire de la gestion des flux logistiques, on peut dire que :

— pour le trafic voyageur, la configuration dominante s’apparente à une production poussée par la demande. L’objectif est de construire par anticipation, sur une base prévisionnelle, une offre attractive pour le client final en termes de parcours, de fréquence et d’horaires mais sans pour autant que celui-ci ait une influence décisive sur la circulation du train. Un train de voyageurs planifié circulera même s’il est peu rempli. De manière plus marginale, certains trains sont affrétés spécialement

15. Nous ne rentrons pas dans le détail de ces demandes car leur classement n’est pas à ce jour plei- nement fiabilisé. Les études de cas présentées au chapitre 6 illustrent les difficultés de traitement de l’information sur la nature des demandes d’adaptation.

à l’occasion d’événements sportifs ou de manière saisonnière (« trains de neige »). Ces exemples peuvent être affiliés à la deuxième logique.

— dans le cas du fret, la configuration dominante est plutôt celle d’une production tirée par la demande. La décision de faire circuler le train à un moment donné entre deux points du réseau résulte entièrement d’une demande formulée par le client final (celui qui a une marchandise à faire transporter). Il existe cependant des différences entre les sous-segments du marché fret. On peut distinguer les trains entiers et du lotissement, qui rentrent bien dans ce schéma, des trains de l’autoroute ferroviaire et du transport combiné continental dont l’offre horaire sur différentes origines-destinations est rendue publique et se rapproche en ce sens davantage d’une demande voyageur.

Cette différence structurelle a évidemment des conséquences d’un point de vue temporel : les demandes de sillons, que nous avons définies dans le chapitre 2, comme des demandes dérivées, ont tendance, pour le fret, à être connues plus tardivement, ou sont a minima susceptibles de subir des ajustements à brève échéance en fonction de la conjonc- ture économique, des conditions climatiques, des besoins/envies des consommateurs, des contraintes de sous-traitants. . . Cela signifie que le gestionnaire d’infrastructure est susceptible de recevoir des demandes de sillons quelques mois, quelques semaines voire quelques jours seulement avant la date de circulation souhaitée (demandes d’adaptation et de dernière minute). Ces demandes peuvent être des demandes de création, de modifi- cation ou de suppression qui sont plus ou moins aisées à traiter. Leur nombre indique que le graphique horaire n’est en rien un livrable figé à la fin de la construction de l’horaire de service. D’ailleurs, on soulignera que, malgré une réputation de stabilité, le trafic voyageur n’est pas exempt de changements. En analysant les volumes de demandes de sillons déposées entre avril et septembre A-1 (c’est-à-dire des demandes tardives déposées

après l’échéance de la construction mais avant la phase d’adaptation16), on constate que

ces demandes représentent un accroissement de 18 % du volume de demandes de sillons voyageurs au service (c’est-à-dire un peu plus de 5000 nouvelles demandes) et de 42 % pour le fret (environ 2000 nouvelles demandes). Le tableau 3.3 donne des indications sur la nature des demandes reçues sur cette seule période de quelques mois. Les ajouts de jours liés à de nouveaux besoins ainsi que les modifications du besoin initial – tel que spécifié durant la phase de commandes au service (entre décembre A-2 et avril A-1) – représentent respectivement les plus gros gisements de ces nouvelles demandes pour les trafics voyageur comme fret.

Les entretiens menés comme les différents indicateurs mobilisés mettent en lumière une maîtrise inégale des attentes des différentes activités (fret et voyageurs) par le gestion- naire d’infrastructure. Le fret apparaît aujourd’hui comme le parent pauvre du processus de répartition des capacités, bien que des efforts aient été engagés et des améliorations constatées sur les derniers services annuels. Quels sont les grands défis auxquels le gestion- naire d’infrastructure fait face dans la préparation de son offre puis dans le traitement des demandes des clients fret ? Si la question des travaux est très souvent mise en avant, elle

16. Voir les explications de la note de bas de page no30 (chapitre 2) sur le double sens de l’expression

n’explique pas seule le positionnement actuel du fret. Nous souhaitons à présent mettre l’accent sur trois défis structurels posés par le fret au travers d’une relecture de l’ensemble du processus, en associant à chaque horizon temporel un enjeu de production des sillons fret.

Activité

Nature de la demande Voyageur Fret

Nouveaux besoins

52 % 49 %

création et ajout de jours

Abandons du besoin initial

18 % 8 %

suppression ou retrait de jours

Modifications du besoin initial 30 % 43 %

Total 100 % 100 %

Tableau 3.3 – Nature des demandes déposées entre avril et octobre A-1 (2014) – Source : RFF

3.2

Une relecture temporelle du processus horaire : les

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