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À la recherche du temps perdu ou les enjeux temporels la qualité des sillons

fret

Résumé :

La mauvaise qualité des sillons est un argument récurrent du discours sur le déclin du marché du fret ferroviaire en France. Pourtant, il n’est pas aisé de cerner avec précision et concision les motifs d’insatisfaction en la matière. Notre hypothèse est que cette difficulté tient en particulier à l’agrégation de griefs portant sur le produit lui-même mais également, en amont, sur le processus de production et en aval, sur son « incorpo- ration » dans une prestation de transport. En prenant appui sur différents champs disci- plinaires, nous cherchons à décrypter ce sentiment de confusion de l’observateur face à une insatisfaction généralisée et persistante. À partir d’une série d’entretiens menés avec les principaux demandeurs, une grille de lecture de la qualité des sillons fret, composée de neuf critères, est proposée. L’analyse insiste sur les conséquences croisées de la défaillance ou de l’absence de certains de ces critères. Sans sous-estimer la diversité des trafics et des organisations, la gestion du temps, sous différentes formes, apparaît cruciale pour tous les acteurs. Deux dispositifs de contractualisation sont finalement présentés. Ils mettent en lumière des enjeux autour de l’engagement réciproque et la mesure de la qualité.

Sommaire

5.1 La mauvaise qualité des sillons fret pointée du doigt : une agrégation de griefs . . . 157 5.2 Appréhender la qualité d’un produit industriel : quels contours ? . . . . 161 5.2.1 Qualité(s) : une notion kaléidoscopique . . . 162 5.2.2 La dimension de service du produit . . . 164 5.2.3 Une nécessaire implication des acteurs . . . 165 5.2.4 Quand la qualité du produit de l’un fait la qualité de la production de l’autre 166 5.2.5 La satisfaction comme évaluation globale inscrite dans le temps . . . 167 5.3 Qu’est-ce qu’un bon sillon ? Une proposition de grille d’analyse . . . . 168 5.4 La qualité sous contrat : engagement et responsabilisation des acteurs 179 5.4.1 Les accords qualité sillons . . . 179 5.4.2 Le système d’amélioration des performances . . . 181

Moins fiable et moins flexible mais plus sûr, plus « capacitaire » et plus « vert » que le camion, le train jouit aujourd’hui en France d’une image contrastée selon les résultats du dernier baromètre de perception des chargeurs sur le transport ferroviaire (Eurogroup Consulting, 2014). Le positionnement des industriels vis-à-vis de ces différents qualificatifs témoigne en tout cas d’une réalité : le prix n’est pas le seul déterminant du choix modal. Cette sensibilité « qualitative » a eu tendance à s’affirmer au cours des dernières décennies dans un contexte économique international où les cycles de production industrielle se sont largement (1) réduits avec la diffusion de la pratique du « juste-à-temps » et (2) étendus dans l’espace, nécessitant des prestations de transport particulièrement performantes. En la matière, la route semble avoir tiré son épingle du jeu face au rail en France (Bernadet et Sinsou, 2010). La question de la qualité des prestations de transport ferroviaires se pose dès lors dans le débat public dans une perspective environnementale de rééquilibrage entre modes de transport, indispensable pour limiter les nuisances liées à l’usage prédominant du mode routier. Elle a notamment été abordée dans le cadre du Grenelle de l’Environnement en 2008, prolongé par l’Engagement National pour le Fret Ferroviaire (2009) et plus récemment, lors des conférences ministérielles pour la relance du fret ferroviaire (septembre 2013, février et décembre 2014 et mars 2015). À une échelle plus large, l’amélioration de la qualité des services ferroviaires de fret a été identifiée comme un enjeu central de la politique européenne des transports (Commission européenne, 2001 ; Commission européenne, 2004 ; Commission européenne, 2008 ; Parlement européen et Conseil, 2010 ; Parlement européen et Conseil, 2012).

Bien qu’incontournable, la qualité de service dans le secteur du transport de marchan- dises demeure cependant une notion assez vague (Savy, 2006). Dans ce cadre mouvant, le discours sur la qualité des sillons, ressources indispensables à la production des services ferroviaires, a de quoi interpeller. La mauvaise qualité des sillons est en effet un argument souvent mobilisé pour expliquer les mauvaises performances du rail en France. Or, mal- gré les critiques, largement relayées par la presse professionnelle et récemment, par des saisines du régulateur (ARAF), nous faisons le constat qu’elles sont hétéroclites, laissant planer un sentiment confus d’insatisfaction généralisée et persistante qui a de quoi dérou- ter l’observateur et qui rend son amélioration difficile à amorcer (section 5.1). Comment expliquer ce sentiment ? Dans la section 5.2, nous montrons qu’au-delà de la sphère fer- roviaire, aborder la qualité d’un produit n’a rien de trivial et que plusieurs approches et définitions coexistent dans la littérature économique et marketing. Selon nous, la difficulté à appréhender clairement la qualité des sillons renvoie à deux réalités :

1. l’imbrication de considérations qui portent sur le produit lui-même mais également, en amont, sur son processus de production, et en aval, sur son « incorporation » dans une prestation de transport,

2. les spécificités du cadre relationnel dans lequel s’insère le sillon qui induit de fortes interactions entre des acteurs « professionnels ».

Préalable à toute démarche d’amélioration, le diagnostic sur la qualité des sillons mé- rite alors d’être développé avec le souci d’une mise en perspective des attentes et des contraintes des parties prenantes selon une approche intégrée. À travers une série d’en-

tretiens, réalisée entre décembre 2013 et juillet 2014, avec les principales entreprises fer-

roviaires et quelques candidats autorisés fret actifs sur le réseau français1, une grille de

lecture de la qualité des sillons fret a été élaborée. Neuf critères ont été retenus. Dans la section 5.3, notre objectif est de présenter cette grille en nous attachant à illustrer les conséquences de la défaillance ou de l’absence de certains de ces critères de qualité pour les clients et pour le gestionnaire d’infrastructure. Au-delà de la diversité des attentes en lien avec les organisations et les portefeuilles de trafic des clients, certains critères prennent alors un relief particulier : la gestion du temps, sous différentes formes, apparaît particulièrement cruciale. Dans la section 5.4, deux dispositifs de contractualisation entre le gestionnaire d’infrastructure et ses clients sont présentés. Le premier est en lien direct avec la qualité des sillons (accords qualité sillons) et le second avec celle des circulations (système d’amélioration des performances). Leurs objectifs et leurs premiers résultats sont détaillés. Ces deux exemples mettent en évidence l’importance de l’engagement réciproque dans la relation qui unit un fournisseur à son client et l’existence d’un enjeu autour de la mesure objective de la qualité de la production du gestionnaire d’infrastructure.

5.1

La mauvaise qualité des sillons fret pointée du

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