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capacités en France : de l’entreprise intégrée à la révolution inachevée du

1.1.1 Le texte de référence : la directive 2001/14/CE

Les premières directives 91/440/CCE et 95/19/CE

Au début des années 1990, un texte fondateur pour le secteur ferroviaire européen est adopté : la directive 91/440/CCE (Conseil, 1991). Il formule un principe fort qui consiste à séparer, a minima comptablement, la gestion de l’infrastructure de l’exploitation des services de transport par les entreprises ferroviaires dans la perspective de « faciliter l’adaptation des chemins de fer communautaires aux exigences du marché unique et accroître leur efficacité ». Cette directive ouvre également la voie à l’ouverture à la concurrence du transport international de marchandises et des services de transport combiné aux groupements internationaux d’entreprises ferroviaires. Ce texte a fait date car c’est lui qui impulse le mouvement législatif qui va, au fil des années, s’affiner et s’immiscer dans tous les aspects du secteur ferroviaire.

En 1995, deux nouvelles directives sont adoptées dont la directive 95/19/CE qui définit un cadre pour les aspects relatifs à la répartition des capacités :

« Chaque État membre doit désigner l’organisme de répartition2 [...] qui

veille notamment à ce que :

— la capacité d’infrastructure ferroviaire soit répartie sur une base équitable et non discriminatoire,

— la procédure de répartition permette une utilisation efficace et optimale de l’infrastructure ».

(Conseil de l’Union européenne, 1995b, art. 3) Cette directive prévoit également que « les capacités d’infrastructure ferroviaire [soient] réparties par attribution des sillons selon la législation communautaire et la législation nationale » (art. 1). Le sillon est défini comme « la capacité d’infrastructure requise pour faire circuler un train donné d’un point à un autre à un moment donné ». Assimilé à un droit d’utilisation de l’infrastructure, l’octroi d’un sillon doit désormais faire l’objet du versement d’une redevance (ou péage). Il s’agit d’une nouveauté dans le contexte ferroviaire européen, la séparation souhaitée créant une nouvelle forme de

transaction (externe), auparavant réalisée au sein de l’entreprise historique intégrée3.

L’article 10 précise que les procédures arrêtées par les États membres doivent faire l’objet d’une publication, dans un souci de transparence.

Après ces premiers pas législatifs, c’est l’adoption du premier Paquet ferroviaire par le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne en juillet 2001 qui va modeler en profondeur le paysage ferroviaire communautaire avec trois nouvelles directives rempla- çant et approfondissant les précédentes (Parlement européen et Conseil, 2001a ;

2. L’organisme de répartition est défini à l’article 2 de cette directive comme « l’Autorité et/ou le gestionnaire de l’infrastructure chargé par les États membres de répartir les capacités d’infrastructure ».

Parlement européen et Conseil, 2001b ; Parlement européen et Conseil, 2001c). L’objectif est désormais de disposer d’un ensemble cohérent de textes législatifs en mesure de concrétiser la revitalisation et l’intégration du secteur ferroviaire européen. Parmi ces directives, la directive 2001/14/CE définit les principes et procédures en ma- tière d’affectation des capacités et de tarification des sillons. Ce premier Paquet prévoit, en outre, les dispositions nécessaires à l’ouverture des services de transport de marchan- dises internationaux à la concurrence sur un cœur de réseau : le Réseau Transeuropéen de Fret Ferroviaire (RTEFF) (Parlement européen et Conseil, 2001a). Le délai de transposition est fixé au 15 mars 2003. Le décret transposant ce premier Paquet en droit français est publié le 7 mars 2003 (République française, 2003). Il confie à Réseau Ferré de France (RFF), gestionnaire d’infrastructure nouvellement créé en 1997, la respon- sabilité de répartir les capacités sur le réseau ferré français. Nous revenons en détail dans la sous-section 1.1.3 sur les relations entre RFF et la SNCF dans ce nouveau contexte. Objectifs et principales dispositions

Comme indiqué dans son préambule (point 4), la directive 2001/14/CE vise à dépasser les limites et disparités persistantes entre États membres, constatées après l’adoption des premières directives mentionnées ci-avant. La nécessité d’un accès non discriminatoire aux réseaux nationaux est réaffirmée.

Le chapitre 3 de cette directive porte spécifiquement sur la répartition des capacités d’infrastructure. Le livrable clé du processus est appelé horaire de service. Il correspond à l’ensemble des « données définissant tous les mouvements programmés des trains et du matériel roulant, sur l’infrastructure concernée, pendant la période de validité de cet horaire ».

Le processus repose sur plusieurs principes :

— Le gestionnaire d’infrastructure est chargé de répartir les capacités. Si celui-ci n’est pas indépendant de l’entreprise ferroviaire historique, « sur le plan juridique, orga- nisationnel ou décisionnel » (art. 14), un organisme indépendant peut assurer cette mission. Cette précision met en évidence que la législation européenne donne seule- ment un cadre et que diverses configurations d’organisation des secteurs ferroviaires nationaux peuvent en résulter.

— Une fois l’affectation réalisée, aucun transfert de capacités entre demandeurs n’est admis. Le rôle du gestionnaire d’infrastructure est donc incontournable dans le dispositif.

— Les capacités affectées aux demandeurs ne le sont que pour la durée d’un horaire de service (en dehors de la conclusion d’accords-cadres pluriannuels).

— Une procédure de coordination est prévue pour résoudre les incompatibilités nées de demandes de capacités concurrentes. La concertation constitue le mode de co- ordination privilégié pour satisfaire toutes les demandes.

— Une procédure spécifique est prévue en cas de saturation constatée de l’infrastruc- ture. Dans ce cas de figure, les États membres sont autorisés à définir des priorités pour certains types de service (service public et fret).

Par ailleurs, cette directive jette les bases d’un calendrier commun pour la répartition des capacités dans son annexe 3 :

1. L’horaire de service est établi une fois par année civile. Les principes d’antériorité et de reconduction automatique des sillons acquis l’année précédente ne sont pas

de mise4. Ceci constitue une rupture avec la pratique répandue de construire deux

services : un service d’hiver et un service d’été5.

2. Les modifications de l’horaire de service interviennent à minuit le dernier samedi de mai sur tous les réseaux. Toutefois, il est précisé que « les gestionnaires d’infra- structure peuvent convenir de dates différentes ». En 2002, la décision 2002/844/CE (Commission européenne, 2002) entérinera finalement le deuxième dimanche de décembre comme date du changement d’horaire de service suite à une demande de

modification émanant du Forum Train Europe6. Cette modification est effective le

15 décembre 2002 pour l’horaire de service 2003. Elle n’a pas été remise en question depuis.

3. La date limite de réception des demandes de capacités à intégrer dans l’horaire de service ne peut être fixée plus de douze mois avant l’entrée en vigueur de cet horaire. Cette disposition conforte l’idée d’un fonctionnement du processus sur des cycles annuels (de décembre à décembre).

4. Les sillons internationaux font l’objet d’une mention spéciale : « [a]u plus tard onze mois avant l’entrée en vigueur de l’horaire de service, les gestionnaires de l’infrastructure établissent des sillons internationaux provisoires en coopération avec les autres organismes de répartition compétents ».

5. Enfin, il est stipulé qu’« au plus tard quatre mois après la date limite pour la présentation des offres par les candidats, le gestionnaire de l’infrastructure établit un projet d’horaire de service ».

6. Les demandeurs disposent alors d’au moins un mois pour faire part de leurs observations sur ce projet (art. 20).

Cette ossature de calendrier constitue une première étape vers une harmonisation des calendriers nationaux afin de faciliter la coordination entre gestionnaires d’infrastructure, en particulier pour les services ferroviaires internationaux qui requièrent des interactions multiples. Néanmoins, ces jalons laissent des marges de manœuvre aux gestionnaires d’infrastructure puisqu’en dehors de la date de changement d’horaire de service, les autres dates ne sont pas strictement arrêtées. On remarque d’ailleurs que dans le préambule de la directive (point 18), il est précisé qu’« il importe de laisser aux gestionnaires de l’infrastructure autant de souplesse que possible pour la répartition des capacités d’infrastructure, mais [qu’] il convient que cette souplesse reste compatible avec la satisfaction des besoins raisonnables des clients ». La figure 1.1 replace les jalons fixés

4. Ces principes correspondent au droit dit « du grand-père » (ou droit du premier occupant) qui s’applique dans le secteur aérien européen. Il fait régulièrement l’objet de critiques pour ses implications en termes d’ouverture à la concurrence dans la mesure où il contribue à conforter une place privilégiée à la compagnie historiquement présente dans chaque aéroport.

5. C’était le cas de la France (Martin et Quinchon, 1993). 6. Nous présentons cette entité dans la sous-section 1.1.2.

par rapport à la date de changement de service (points 2, 3 et 4) sous la forme d’un calendrier simplifié. Les autres jalons (5 et 6) vont, quant à eux, faire l’objet de choix concertés entre gestionnaires d’infrastructure (voir infra).

Figure 1.1 – Les jalons fixes résultant des dispositions de la directive 2001/14/CE (amen-

dée par la décision 2002/844/CE) – Réalisation : Morvant (2014)

Afin de garantir la transparence entre demandeurs de capacités, un Document de Référence du Réseau (DRR) doit être publié par chaque gestionnaire d’infrastructure au plus tard quatre mois avant la date limite de réception des demandes de capacités à intégrer dans l’horaire de service (art. 3). Son contenu est détaillé dans l’annexe 1 de la directive qui spécifie qu’un chapitre doit être consacré à la présentation détaillée des principes et critères relatifs à la répartition des capacités. Il s’agit du chapitre 4 dans le DRR français (RFF, 2003-2014).

Principales modifications depuis 2002

La directive 2001/14/CE a fait l’objet de modifications retracées de manière synthétique dans la thèse de Klabes (2010) pour la période 2001-2009. On notera, outre la modification de la date de changement de service inscrite dans la décision 2002/844/CE déjà mentionnée, la modification introduite par la directive 2007/58/CE du troisième Paquet ferroviaire concernant les accords-cadres (Parlement européen et Conseil, 2007). Définis à l’article 17 de la directive 2001/14/CE, ces accords-cadres étaient présentés comme des contrats pluriannuels liant un demandeur au gestionnaire

d’infrastructure autour de capacités d’infrastructure7 pour une durée supérieure à un

service annuel « afin de répondre aux besoins commerciaux légitimes » dudit demandeur. Une durée de principe de cinq ans était envisagée. La directive 2007/58/CE précise et élargit les modalités du dispositif (la durée pouvant être étendue au-delà de quinze ans dans des cas spécifiques). Elle ouvre la voie à une mise en place concrète du dispositif à partir de janvier 2010.

En novembre 2012, la directive 2012/34/UE adoptée par le Parlement européen et le Conseil abroge la directive 2001/14/CE et regroupe au sein d’un même texte les

dispositions des directives du premier Paquet ferroviaire8. L’objectif est de clarifier et

moderniser le cadre règlementaire existant dans un contexte où l’activité du fret est

entièrement libéralisée depuis le 1er janvier 2007 (suite à l’adoption du deuxième Paquet

ferroviaire en 2004) et où les services internationaux de voyageurs ont commencé à s’ouvrir dans les conditions prévues par le troisième Paquet ferroviaire adopté en 2007. Sur la question de la répartition des capacités, le chapitre 4 et l’annexe 7 reprennent les différentes thématiques évoquées dans le chapitre 3 et l’annexe 3 de la directive 2001/14/CE sans modification du calendrier de répartition des capacités.

Ainsi, l’évolution du contexte règlementaire au niveau européen revêt un caractère structurant pour les processus de répartition des capacités nationaux en instaurant des principes et jalons temporels communs. Première étape vers une convergence de ces pro- cessus, les dispositions de la directive 2001/14/CE ont été prolongées et concrétisées à partir de la deuxième moitié des années 2000 par les travaux d’une nouvelle instance : Rail Net Europe.

1.1.2

La genèse de Rail Net Europe : premiers pas vers une

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