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Nombre et statut des demandeurs de sillons aujourd’hu

Le « marché des sillons » : quand la demande et l’offre se conjuguent au

2.2.3 Nombre et statut des demandeurs de sillons aujourd’hu

Avant de présenter qui et combien sont les nouveaux entrants, il est important, en préambule, de revenir sur le rapport de l’opérateur historique à la demande de sillons. En effet, la SNCF est une entreprise ferroviaire dont émanent différents types de demandes que l’on peut classer selon :

— le type de trafic : fret ou voyageur17,

— la nature du service : conventionné (Transilien, TER et Intercités) ou commercial (TGV et fret).

Le trafic voyageur, au travers des activités des branches Voyages (trafic TGV) et Proximi- tés (Transilien, TER et Intercités), a représenté près de 85 % des demandes de sillons pour l’horaire de service 2015. Le pôle Transports ferroviaires de Marchandises de la branche Geodis – rebaptisée SNCF Logistics en 2014 – à laquelle sont rattachés Fret SNCF et des filiales comme VFLI, Naviland Cargo ou Lorry rail est le premier transporteur ferroviaire de marchandises sur le réseau ferré national. Ainsi, la SNCF conserve une place singulière au sein d’une configuration d’échange qui pourrait être assimilée à un monopole bilatéral

en termes de volume de demandes de sillons et de recettes pour RFF18. Cette vision est

cependant à nuancer au regard :

— du découpage par branches et activités qui contribue à asseoir une fragmentation des demandes. Chaque activité est un demandeur de capacités à part entière et a sa propre logique économique et de production. Cette réalité est à l’origine de rapports de force pour l’usage du réseau au sein même de la SNCF.

— de la perte d’influence du Service Sillons (présenté à la sous-section 1.1.3) en ma- tière de coordination interne depuis la fin des années 2000. Les activités de ce service sont désormais centrées sur le trafic voyageur et en particulier, TGV. — de la montée en puissance de concurrents.

16. Le droit d’accès des entreprises ferroviaires pour exploiter des dessertes intérieures à l’occasion de ces services s’exerce dans le respect de l’article L.2121-12 du Code des Transports, comme rappelé dans le DRR.

17. On exclut ici les demandes émanant de la branche Infra.

18. Les activités exploitées par la SNCF représentaient 99 % des recettes commerciales du gestionnaire d’infrastructure en 2013 (Source : RFF).

Depuis 2006, les demandeurs de sillons se sont en effet multipliés sur le réseau. Le tableau 2.1 montre la progression du nombre d’entreprises ferroviaires habilitées par l’EPSF à partir des chiffres issus des rapports annuels de cet organisme. Le secteur du fret est évidemment celui sur lequel l’évolution a été la plus significative du fait d’une libéralisation plus précoce et plus complète. Sur les 29 entreprises ferroviaires habilitées en 2013, seulement trois commandaient des sillons pour réaliser des services ferroviaires voyageurs (la SNCF, Eurostar et Thello). Les quatre principaux concurrents de Fret SNCF (ECR, VFLI, Europorte et Colas Rail) sont présentés dans l’encadré 2.1. Le tableau 2.2 complète ce portrait avec la progression des parts de marché des nouveaux entrants sur le segment du fret entre 2006 et 2014.

Il faut néanmoins avoir à l’esprit que toutes les entreprises détentrices d’une licence et d’un certificat de sécurité n’exercent pas nécessairement leurs droits. Aujourd’hui, seulement les deux tiers des entreprises ferroviaires commandent effectivement des sillons. Une partie de la concurrence est donc en quelque sorte « dormante ». Si on remet en perspective ces chiffres avec la situation allemande où il existe sur le seul segment du fret plus de 300 entreprises ferroviaires pour une part de marché à peu près similaire (33 % selon la DB (2014)), l’ouverture du marché français apparaît relative. Toutefois, soulignons que comme en France, toutes ne sont pas actives et surtout, seulement une poignée d’entre elles se positionnent sur le créneau de l’opérateur historique (services

nationaux et internationaux)19.

Année 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014

Nombre d’EF 8 9 10 11 16 21 26 29 32

Tableau 2.1 – Évolution du nombre d’entreprises ferroviaires habilitées sur le RFN (toutes

activités confondues) –Source : EPSF (2006-2014)

Année 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014

Part de marché

0,5 % 5 % 9 % 15 % 20 % 29 % 32 % 36 % 37 %

(en tonnes-km)

Tableau 2.2 – Évolution des parts de marché des nouveaux entrants sur le marché du fret

ferroviaire français – Source : CGDD - SOeS (2000-2014)

En ce qui concerne les candidats autorisés, leur nombre a également crû sur la période 2008-2014. Début 2013, ils étaient 14 à avoir souscrit un contrat d’attribution des sillons avec RFF. On retrouve dans cette catégorie d’acteurs majoritairement des opérateurs de transport combiné (T3M, Novatrans, Froid Combi, Combiwest. . .) mais également l’opérateur de l’autoroute ferroviaire Bettembourg – Le Boulou (Lorry Rail) et quelques grands ports maritimes comme les ports de Dunkerque et du Havre.

19. 20 à 25 atteindraient une taille critique selon le CEO de DB Schenker Rail (Lettre ferroviaire no117,

Encadré 2.1 – Portraits des principaux concurrents de Fret SNCF

Source : sites internet des entreprises et presse professionnelle ECR

Créé en 2005, Euro Cargo Rail (ECR) est la filiale française de DB Schenker Rail, opérateur historique allemand. Actif sur le réseau français depuis octobre 2005, ECR se positionne comme une entreprise ferroviaire à vocation généraliste, opérant des trafics nationaux et internationaux. Après avoir investi le train massif et le transport combiné, il se lance début 2014 sur le segment du lotissement. Sa part de marché de 18% en 2013 confirme son statut de principal concurrent de Fret SNCF. Pour la deuxième année consécutive, il a réalisé un résultat opérationnel positifa.

VFLI

Créé en 1998 pour exploiter des embranchements terminaux, VFLI obtient sa licence d’entreprise ferroviaire en 2006. Filiale à 100% de la SNCF, il se positionne d’abord en sous-traitant de l’opérateur historique. Fin 2007, il commence à opérer des services en propre après avoir obtenu son certificat de sécurité. Assurant des prestations logistiques sur des sites industriels, il réalise aussi des services de traction de longue distance pour des chargeurs comme des opérateurs de transport combiné. VFLI a opéré début 2014 un recentrage sur son cœur de métier en cédant une partie de ses activités de gestion d’infrastructures portuaires et de maintenance. Sa part de marché a atteint 6% en 2013.

Europorte

Europorte France (anciennement Europorte 2) est une filiale du groupe Eurotunnel. Il est l’un des premiers opérateurs à avoir obtenu une licence d’entreprise ferroviaire dès 2004. A côté d’Europorte Channel dont l’activité est axée sur le tunnel sous la Manche, Europorte France reprend en 2009 les activités de transport de marchandises en France du groupe Veolia par le rachat des filiales Veolia Cargo France, Socorail, Veolia Cargo Link et CFTA Cargo. Avec une part de marché de 5% en 2013, il est le deuxième concurrent privé de Fret SNCF. Opérateur généraliste, il réalise des services de traction de longue distance et a la caractéristique d’être implanté sur huit grands sites portuaires. Comme ECR, Europorte France a réalisé pour la première fois en 2013 un résultat net positif. Colas Rail

Colas Rail (anciennement Sécorail) est une filiale du groupe Colas, elle-même filiale de Bouygues. Entreprise ferroviaire depuis janvier 2007, Colas Rail est spécialisé dans le trans- port de produits de carrière. Toutefois, il a élargi ses horizons ces dernières années en ouvrant ses services à des chargeurs autres que le groupe Colas et en transportant d’autres produits (voitures et produits agricoles) sur longue distance. L’opérateur a doublé ses trafics entre 2012 et 2013. Avec un peu plus d’un milliard de tonnes-km réalisées, Colas détient une part de marché de près de 3% et est devenu pour la première fois bénéficiaire.

a. Contrairement à Fret SNCF dont la dette a atteint des sommets (plus de 3 milliards d’euros fin 2012) bien que les pertes aient diminué au cours des dernières années (150 millions d’euros en 2013 contre 450 en 2010).

Outre une évolution liée au nombre, le statut de droit privé des nouveaux entrants marque aussi un changement en contribuant à infléchir la logique qui prévaut derrière les demandes reçues par le gestionnaire d’infrastructure : ces acteurs sont mus par une pure logique de rentabilité. Cette mention ne doit pas être mal interprétée. Elle ne témoigne pas d’un jugement idéologique mais cherche plutôt à introduire la profondeur du changement qui est incarné par ces nouveaux venus dans un secteur historiquement marqué par un monopole public où l’idée de service public est toujours très présente,

y compris pour l’activité du fret20. On notera que d’un point de vue géographique la

trajectoire d’ouverture progressive à la concurrence du fret n’est pas anodine sur la structure et l’utilisation du réseau : « les logiques prévalentes de rentabilité ou du moins de d’équilibre budgétaire renforcent le processus de sélection et de hiérarchisation dans les réseaux et les axes des entreprises ferroviaires » (Debrie, 2005, p.201).

Sans aller plus loin à ce stade dans la présentation des caractéristiques et des at- tentes des demandeurs dans leur relation avec le gestionnaire, que nous aurons l’occasion d’approfondir dans les chapitres 3 à 6, il faut garder à l’esprit que :

1. Fret SNCF reste le principal demandeur de sillons fret, même si les nouveaux entrants ont réussi au fil des années à gagner des parts de marché significatives ; 2. cette montée en puissance est à mettre en perspective avec la situation de déclin

structurel présentée dans l’introduction générale : le volume de sillons-km réservés pour le fret diminue ;

3. cette activité reste aux mains d’un petit nombre de demandeurs. Les cinq premières entreprises ferroviaires (Fret SNCF, ECR, VFLI, Europorte et Colas Rail) ont réservé, en 2012, 97 % des sillons-km fret sur le réseau, les autres demandeurs commandant des volumes très faibles de sillons sur des périmètres géographiques souvent restreints ;

4. plus globalement, le fret demeure un petit segment de la demande de capacités par rapport au trafic voyageur : seulement 15 % des sillons-km réservés sur le réseau en 2013.

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