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Introduction de la première partie

Chapitre 1 : Critique universitaire de Sophocle

3. Autres vulgates universitaires de Sophocle

3.2. La lecture philologique autoréflexive de Jean Bollack

3.2.3. Traduire et lire autrement avec Jean Bollack

Dans son ouvrage Antigone, enjeux d’une traduction (2004), Jean Bollack relève dans quelle mesure le personnage d’Antigone a fasciné nombre de critiques. En effet, ce personnage constitue la figure emblématique du « détournement catégorique »101. Autrement dit, l’affrontement du divin et de l’humain selon Hölderlin ; l’héroïne qui réconcilie l’universel de la loi et le particulier de la famille pour Hegel. À partir de ce rappel, Jean Bollack entend questionner le processus aboutissant à la construction du sens originel d’Antigone. Ce point a été abordé dans son œuvre, La mort d’Antigone : la tragédie de Créon.

Dans cet ouvrage, sa démarche s'est établie sur le développement des perspectives et des enjeux de la traduction de l’Antigone de Sophocle. Le problème de compréhension se pose toujours : « Et, je peux dire que cette compréhension, dans mon herméneutique, est une construction, et donc a été montrée à un moment historique »102. C’est l’élément le plus sensible à la base des multiples lectures.

Jean Bollack préconise une lecture loin de toutes idées reçues. Il s’agit des interprétations classiques faisant d’Antigone, l’héroïne de l’humanisme, la figure emblématique du détournement catégorique et de la liberté. Pour une analyse plus objective, Jean Bollack propose de remplacer les a priori par un débat constructif. À cet effet, il écrit :

101 Hölderlin, Remarques sur Œdipe. Remarques sur Antigone, 1965, p. 13.

102 Bollack, Jean, «La construction du sens dans Antigone», Antigone, enjeux d’une traduction, Paris, Campagne, 2004, p 37. La construction du sens est à l’origine de lectures plurielles dont la véracité suscite autant d’interrogations.

« Et si je formule ainsi les choses, le seul fait que l’on fasse d’Antigone une figure – tradition dans laquelle se trouve Lacan – peut être discuté et réexaminé.

Quand je dis « pièce à débats », je parle de ce qui est proprement démocratique dans cet espace de discussion ouvert par le théâtre athénien, qui est en effet très étonnant – c’est quelque chose de surprenant qu’il ait pu exister. Ce que j’appellerais

« démocratique », c’est que l’on se serve d’une problématique qui ensuite fait l’objet de discussions. On peut très bien imaginer les spectateurs se demandant, le lendemain, ce que Sophocle avait voulu dire » (Bollack, Jean, p. 38).

Selon Bollack, lorsque Sophocle écrivait cette pièce, il était loin d’illustrer un mythe et encore moins une vérité immémoriale dans une représentation romantique. En revanche, pour lui, Sophocle, en référence à une tradition donnée, se demandait ce que l’on pouvait en faire intellectuellement : « Qu’est-ce que je peux en tirer qui soit juste, et en même temps théâtralement efficace… C’est ce que fait Sophocle » (p. 38). Il relève un point sur l’orientation intellectuelle qu’a prise l’œuvre de Sophocle :

« L’intrigue conduit à une réflexion, non pas sur la femme et l’État, comme le pensait Hegel, mais sur deux points de vue amenés par des intérêts contradictoires ; l’un est rationnel et l’autre, défendu par Antigone, tient compte de l’irrationnel…

C’est le moment crucial pour moi. Je crois qu’il y a là un point fort, il s’agit de comprendre strictement la position de celui qui écrit, tout à fait déterminée, historiquement déterminée, située face à sa propre tradition. Ainsi, on ne peut pas dans le cas d’Œdipe – et encore moins dans celui d’Antigone – passer directement au mythe et dire que c’est un mythe que la pièce illustre. » (p. 38).

Au regard de ce qui précède, Sophocle aurait abordé une nouvelle problématique dans son œuvre. Elle oppose le discours rationnel et l’irrationnel. Cependant, il fait certaines précisions relatives au contexte. Sophocle transmet une problématique dans un cadre nouveau et dans les limites de la tragédie. Il s’interroge sur la manière d’analyser cet art en tant que technique de la production de sens. Pour ce faire, Jean Bollack propose une lecture à partir de la période de production de la pièce, afin d’éviter des interprétations trop hasardeuses.

C’est fort de sa culture philologique que, Jean Bollack, soucieux d’une traduction et d’une interprétation objectives du texte, proches de la vérité, appelle à un examen à la lettre de l’œuvre de Sophocle. En s’orientant vers l’étude philologique des textes anciens, Bollack s’est préoccupé de la nécessité de la restitution des distances prises à l’origine, afin d’éviter des contresens dans un exercice tendant à déterminer le sens de l’œuvre de Sophocle. Sur ce point, nous ne remettrons pas en doute le bien-fondé de sa démarche. Cependant, nous

jugeons utile de formuler quelques réserves. En effet, ce dernier effectue un travail relatif au texte, comme si la tragédie était essentiellement un texte, lorsqu’il écrit :

« Pour moi [un texte] c’est d’abord et avant tout la prise de position de quelqu’un dans un contexte culturel donné, se servant de concepts préformés et socialement déterminés mais les transformant peut-être, les poètes tragiques étant des

« créateurs qui travaillent à transformer la société »103.

En réaction à ces propos, Florence Dupont écrivait : « selon cette perspective, le message du poète tragique s’inscrirait dans l’histoire de la culture grecque, en la transformant ; tout poète grec dramatique aurait été un producteur de concepts, apte comme tel à intervenir dans l’histoire des idées »104. Sophocle serait donc un producteur de concepts ayant influencé son époque. C’est ce qui se dégage de l’interprétation de Jean Bollack fondée sur le texte. Cette allusion au texte ne pose aucun problème en soi. Le danger provient de la lecture et donc de la permanence du texte. Il oublie que ce théâtre était à l’origine un rituel qui n’avait de sens que dans sa pratique.

Nous retiendrons que les travaux de Jean Bollack, fondés sur la philologie allemande, ont eu pour résultat une interprétation portée sur les éléments internes au texte. Contrairement à lui, Jean-Pierre Vernant et Pierre Vidal-Naquet, dans une approche marxiste, anthropologue et structuraliste, abordent la tragédie à partir du contexte social et politique de l’Athènes du Ve siècle av. J.-C.

3.3. La lecture marxiste, anthropologique et structuraliste de Jean-Pierre Vernant et Jean-Pierre Vidal-Naquet

Après l’Allemagne, la France affiche à son tour son intérêt pour la tragédie grecque.

L’une des critiques les plus significatives provient de Jean-Pierre Vernant, historien et anthropologue français, spécialiste de la Grèce antique et plus spécialement des mythes grecs.

Influencé par Louis Gernet, il se tourne vers l’anthropologie de la Grèce antique quand il rentre au CNRS, en 1948. Même s’il a été un auteur majeur de l’antiquité grecque, on retiendra dans le cadre de nos travaux, Mythe et tragédie en Grèce ancienne 1 et 2. En collaboration avec Pierre Vidal-Naquet, historien et helléniste français, il a réalisé de nombreuses recherches sur la question grecque.

Jean-Pierre Vernant se place sur le terrain de la psychologie historique. Il a rejeté, comme Meyerson, la psychologie que Nicole Loraux a eu le mérite de réintroduire, selon

103 Bollack, Jean, Europe, janv.-fév., 1999, n° 837-838, p. 5

104 Dupont, Florence, L’insignifiance tragique, Paris, Éditions Gallimard, 2001, p. 20-21

Pierre Vidal-Naquet, dans Les Grecs, les historiens, la démocratie (2000). Jean-Pierre Vernant réfléchit sur la mémoire, le travail et la raison avant de glisser, peu à peu, par esprit comparatiste, dans l’anthropologie historique :

« J’ai essayé de comprendre l’homme grec ancien, comment il s’est transformé et construit, dans ses manières de penser, ses formes de sentiment, ses façons d’agir, à travers les changements qui se produisent dans la vie sociale et politique, entre les VIIIe et IVe siècles avant notre ère »105.

Dans sa réflexion, l’histoire n’est qu’une transformation continue de la nature humaine. Il est, par conséquent, impossible de parler des hommes en dehors des groupes dans lesquels ils sont insérés. De fait, il rattache l’histoire des hommes à leur contexte social précis.

Il n’existe pas, d’un côté, une étude psychologique et, de l’autre, des réalités sociales isolées, inertes. Une société est un système de relations entre les hommes, les activités pratiques qui s’organisent sur le plan de la production, de l’échange, de la consommation et dans tous les autres domaines de la vie collective. En définitive, la lecture de Jean-Pierre Vernant se construit autour de l’homme antique, de ce qu’il a créé et produit dans les divers secteurs de la vie collective, depuis ses outils, ses techniques jusqu’à ses mythes et ses dieux, en passant par les institutions de la cité, le droit, les grandes créations littéraires et plastiques. Dans son analyse, le vrai comportement de l’homme se définit à partir ce qu’il fait en tant qu’être social en liaison avec les autres et pour les autres. L’homme serait présent dans les œuvres qu’il édifie afin qu’elles subsistent, soient communiquées et transmises de génération en génération. C’est ainsi que se présente le fondement de la lecture de Jean-Pierre Vernant.

Dans sa démarche, une lecture de la tragédie de Sophocle devrait tenir compte de tous ces paramètres.

La lecture qu’il effectue, avec son collaborateur Pierre Vidal-Naquet dans Œdipe et ses mythes (1988), est assez représentative de ce fondement de sa critique de la tragédie. En effet, en s’appuyant sur Œdipe-roi et Œdipe à Colone, ils se placent dans l’historicité de la tragédie du Ve siècle avant Jésus-Christ. La prise en compte des institutions, des réalités, des notions familières aux hommes de ce temps, s’inscrit sans ambages dans cette étude. Dans leur analyse, ces œuvres constituent un tout. Les composantes de tout cet ensemble se conjuguent pour donner naissance à une réalité donnée. Et, à travers leur appartenance à un genre défini, par sa date et son auteur, ces éléments apparaissent inscrits dans un contexte social et mental, situé historiquement. Ils ont un sens dans un contexte anthropologue qu’il ne

105 Vernant, Jean-Pierre, Entre mythe et politique, Paris, Éditions du Seuil, 2000, p. 51.

faut pas ignorer. De fait, en dehors du cadre institutionnel et du contexte mental dont ces œuvres sont solidaires, ces éléments perdent toute signification et deviennent sans objet.

Toutefois, il convient d’émettre des réserves quant à ces interprétations. En effet, les ambiguïtés et les polysémies qu’elles recouvrent sont parfois exploitées à la hâte. Ce qui conduit Jean-Pierre Vernant à effectuer cette précision :

« Il faut ensuite qu’on évite la facilité qui consisterait à se servir du texte comme d’un tremplin, d’un prétexte pour justifier ses propres vues, en oubliant que la lecture doit avoir pour première exigence une mise au point du regard permettant de viser ce qu’on a appelé l’intentio operis, c’est-à-dire la façon dont l’œuvre a été, dans son ensemble et ses détails organisée pour commander son interprétation en guidant le lecteur, en l’orientant dans certaines voies »106.

À ce jour, il ne dispose d’aucune confidence, d'aucun message d’aucune sorte sur ce que Sophocle entendait transmettre en dehors des tragédies elles-mêmes. Le seul document que possèdent tous les critiques jusqu’à ce jour est le seul texte. Il est vrai qu’en l’absence de témoignage de l’auteur, la diversité d’indices peut parfois créer une confusion. Si message il y a, il n’a de sens que pour le public présent aux représentations. Selon Jean-Pierre Vernant, il convient d’éviter de recevoir aujourd’hui ces œuvres comme les contemporains de Sophocle.

À cet effet, il écrivait :

« Impossible, bien entendu, pour le lecteur d’aujourd’hui de recevoir l’information comme l’accueillaient tout naturellement les contemporains de Sophocle. D’abord parce que ce qui, pour nous, est un texte était pour eux un spectacle où le chant, la danse, la musique avaient leur part, et que nous ne saurions du tout imaginer. Ensuite parce qu’ont changé, autant que le milieu social, les catégories de pensée, les formes de sentiment, les cadres de l’expression de soi, d’autrui, du monde, des dieux – en bref l’homme intérieur, c’est-à-dire tout ce fond commun, ce savoir partagé auxquels le texte fait implicitement référence pour assurer, dans la transmission au public, ses effets de message » (Vernant, Jean-Pierre, 1988, p. XI).

Cette vision de la tragédie ne saurait se confondre avec celle du XXe siècle. Elle ne peut donc s’interpréter comme celle des citoyens d’Athènes. Ceci ne doit pas empêcher l’historien de tenter une reconstruction de ce modèle perdu. Ces récits étaient déjà connus à

106 Vernant, Jean-Pierre, Œdipe et ses mythes, Paris, Éditions complexes, 1988, p. X.

l’époque d'Homère. Dans l’Odyssée (XI, 271-280), il y faisait une brève allusion dans un passage de la Nekuia (sacrifice pour l’invocation des morts). La mère d’Œdipe ne porte pas le nom de Jocaste. Elle s’appelle Épicaste. Sans savoir qu’il s’agit de son fils, elle épouse Œdipe, lequel tua et dépouilla son père de ses armes. Quand les dieux révèlent aux hommes la vérité, Épicaste se pend, laissant sur le trône de Thèbes Œdipe qu’elle maudit et voue à la vengeance des Erinyes maternelles. Nous remarquerons, dans cette tradition, qu’Œdipe ne se crève pas les yeux : il n’est chassé ni du pouvoir ni de la ville. Tandis que la plupart des lectures s’effectuent autour de l’histoire d’Œdipe telle qu'elle est relatée dans l’œuvre de Sophocle. C’est à cet Œdipe tragique que l’on se réfère le plus souvent pour aborder la question du mythe d’Œdipe. C’est lui que visent en particulier l’interprétation de Freud et l’appellation de complexe d’Œdipe qui en dérive. Il est important de l’indiquer, parce que le mythe originel est parfois ignoré au profit d’une lecture se fondant sur une œuvre qui a été, elle-même, dans sa forme initiale, une réinvention. Parfois, l’antiquisant est contraint de sortir du cadre du texte dans son interprétation de la tragédie. Il a très souvent recours à des institutions, des fonctions sociales, qui lui sont et nous sont par ailleurs étrangères et méconnues. Mais le drame exige qu’elles soient présentes à l’esprit du spectateur pour que se mette en place, dans des ambiguïtés, la figure de l’Œdipe tragique. Jean-Pierre Vernant se pose des questions sur la nature des institutions et des fonctions sociales associées à l’analyse de ces œuvres. Il s’agit entre autres du rituel pharmacos, de l’ostracisme, de la figure du tyran dans l’Athènes du Ve siècle, des droits d’asile et de la cité, des statuts juridiques et religieux de citoyen, de métèque, de proxène, d’évergète et de héros. Désormais, la critique se réfère à tous ces éléments dans le but de décrypter les œuvres de l’antiquité grecque. Il s’agit, en effet, de maîtriser de façon efficace le contexte de création. Dès lors, il importe de souligner les détours que le contexte contraint l’interprète à effectuer, afin de rendre plus sensibles l’ouverture et la polysémie de l’œuvre. Le texte, pour signifier, suppose toujours un récepteur.

Ses réseaux de signification se tissent et s’établissent entre deux pôles : le texte et son public de lecteurs. Et sa charge sémantique, son impact émotionnel variant en fonction des différents publics, le regard que l’historien porte sur l’Œdipe athénien ne peuvent être figés. Il se découvre en fonction des époques. C’est une métamorphose que subit l’Œdipe originel. Ce qui laisse entrevoir la création de plusieurs mythes hérités du modèle athénien.

Rappelons que dans le domaine de l’anthropologie historique, le problème auquel se sont heurtés les historiens français, relève du statut du texte. Nous avons pour exemple l’oraison funèbre (institution étudiée par Nicole Loraux dans l’Invention d’Athènes : histoire de l’oraison funèbre dans la cité classique) qui ne peut être une source directe que l’on puisse

transcrire comme telle. L’illusion positive a été dénoncée dans le domaine antique comme dans d’autres. Et lorsque Jean-Pierre Vernant et Pierre Vidal-Naquet parlent de mythe et tragédie, la coordination « et » dit quelque chose d’important : la tragédie (ou la comédie) est un texte qu’il faut découper. Il y a des institutions que l’on peut mettre en rapport avec des textes et des pratiques sociales. L’Œdipe-roi a été ainsi éclairé par Jean-Pierre Vernant en le confrontant avec le rite du bouc émissaire (pharmakon) et l’institution très laïcisée de l’ostracisme. L’ostracisme vise en principe à écarter des citoyens qui, s’étant élevés trop haut, risque d’accéder à la tyrannie. Il s’agissait d’une condamnation à l’exil pour une période de dix ans. Cette décision était prise, en marge des tribunaux, par l’assemblée, sans aucune accusation formulée contre quiconque. De fait, le tort se résumait en une élévation au-dessus du commun et une trop grande chance qui risquait d’attirer sur la ville la vindicte divine (Vernant, Jean-Pierre, 1988, p. 47). Il fallait donc expulser de la cité ce type de citoyen qui constituait une gangrène. Jean-Pierre Vernant rappelle le développement d’Aristote. En effet, si un être politique dépasse le niveau commun, en vertu et en capacité politique, on ne saurait l’admettre sur un même pied d’égalité avec les autres citoyens. Un tel citoyen serait naturellement comme un dieu parmi les hommes. Aristote ajoute que cette raison aurait fondé l’institution de l’ostracisme dans les États démocratiques. Il s’agit d'États dans lesquels le principe de l’égalité, à tous les niveaux, battait son plein. Jean-Pierre Vernant finit donc par s’interroger sur l’opportunité, pour la cité, d’admettre en son sein celui qui, comme Œdipe, a lancé sa flèche plus loin que l’autre. À travers cette institution, la cité se débarrasse de la personne incarnant le mal, l’ostracisé, lequel proviendrait des dieux. La cité expulserait donc ce qu’elle a de plus vil et qui la menace. Aristote exprime la conduite de la cité dans sa théorie politique. L’homme, écrit-il, est par essence un animal politique. Celui, donc, qui se trouve par nature ápolis est ou bien phaûlos, un être dégradé, un sous-homme, ou bien au-dessus de l’humanité, plus puissant que les hommes. Cet être ne peut vivre dans la communauté. C’est dans ce contexte de la création de l’ostracisme que se situe l'Œdipe-roi de Sophocle. C’est donc le statut d’Œdipe dans son double et contradictoire aspect, selon les mots de Jean-Pierre Vernant, qui serait ainsi défini : au-dessus et en dessous de l’humain, héros plus puissant que l’homme, égal au dieu, et du même coup, être monstrueux.

La tragédie, en tant que création des Grecs, si nous nous en tenons à l’interprétation qu’en donne Aristote, ne peut donc être définie loin des institutions de cette société. Que dit Jean-Pierre Vernant à ce propos ? Il s’interroge si oui ou non : « comme il nous a semblé, présente dans les institutions et dans la théorie politique des Anciens, la tragédie fait-elle autre chose que refléter une structure déjà donnée dans la société et dans la pensée

commune ? » (Vernant, Jean-Pierre, 1988, p. 53). Il estime que la tragédie s’écarte de cet objectif. De fait, elle la contesterait, s’agissant, bien entendu, de la société qu’elle mettrait en question. Le problème à résoudre est lié au statut de l’humain dans la société grecque. Ce qui est admis dans la pratique et dans la théorie sociale serait la structure polaire du surhumain et du sous-humain, laquelle tendrait à mieux cerner, dans ses traits spécifiques, le champ de la vie humaine définie par l’ensemble des (nomoi) qui la caractérise. Ainsi, se présente l’en deçà et l’au-delà qui constitueraient deux lignes de démarcation. Jean-Pierre Vernant trouve chez

commune ? » (Vernant, Jean-Pierre, 1988, p. 53). Il estime que la tragédie s’écarte de cet objectif. De fait, elle la contesterait, s’agissant, bien entendu, de la société qu’elle mettrait en question. Le problème à résoudre est lié au statut de l’humain dans la société grecque. Ce qui est admis dans la pratique et dans la théorie sociale serait la structure polaire du surhumain et du sous-humain, laquelle tendrait à mieux cerner, dans ses traits spécifiques, le champ de la vie humaine définie par l’ensemble des (nomoi) qui la caractérise. Ainsi, se présente l’en deçà et l’au-delà qui constitueraient deux lignes de démarcation. Jean-Pierre Vernant trouve chez