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Introduction de la première partie

Chapitre 1 : Critique universitaire de Sophocle

1. Genèse d’une lecture idéologique

2.3. Mythe et démocratie chez Jacqueline de Romilly

Jacqueline de Romilly a consacré toute sa vie à scruter la culture grecque. Elle a largement questionné dans ses travaux : la tragédie, la science politique et la mythologie antiques grecques. Quel intérêt avait-elle à consacrer plusieurs années d’études à la Grèce ? À cette interrogation, nous répondrons qu’elle a porté une attention particulière à l’esprit grec qui lui semble universel, bien entendu dans ses rapports avec l’homme. Jacqueline de Romilly se distingue des autres hellénistes par son combat pour l’intégration de la langue grecque dans le système éducatif en France. Elle écrivait à ce propos :

67 Force est de constater que, dans ses travaux, André Bonnard égalise tragédie et science. De fait, au même titre que la science, elle serait par le dépassement du tragique qu’elle opère, une conquête de l’homme sur l’inconnu, une utilisation du réel réputé inutilisable et appelé divin, qu’elle mettrait au service de l’homme et de son progrès (André Bonnard, La tragédie et L’homme, p. 210)

« La bataille, qui semble presque perdue dans l’enseignement, semble presque gagnée hors de l’enseignement. On n’a jamais autant publié d’œuvres antiques, souvent dans des éditions de poche ; on n’a jamais autant joué de pièces antiques ou inspirées par l’Antiquité »68.

Pour Jacqueline de Romilly, il s’agit, dans cet enseignement, de mener un combat pour l’humanisme, pour la défense des langues anciennes69. C’est fort de ces langues qu’elle révèle son intérêt pour la civilisation grecque. La soutenance de sa thèse de doctorat d’État, en 1947, intitulée : Thucydide et l’impérialisme athénien, marque le début d’une série de travaux au sujet de la Grèce :

« Elle s’intéresse non seulement à la littérature grecque, à l’épopée, à la tragédie, mais aussi à la philosophie et à l’histoire, plus particulièrement celle des idées. Cet intérêt pour l’Antiquité n’exclut pas une réflexion sur notre monde contemporain, comme le montre son livre, L’enseignement en détresse (1984) qui met en garde contre la tentation actuelle de l’enseignement à renoncer à l’humanisme traditionnel »70.

Selon Sébastien Dalmon :

« L’étude de Thucydide l’initie à l’histoire des idées, et notamment à celle de la notion de démocratie, comme décrite dans le troisième chapitre [d’Une certaine idée de la Grèce].

Jacqueline de Romilly s’intéresse ainsi à la formation de la pensée morale et politique, étudiant tour à tour les notions de liberté, de concorde, de douceur, de loi ou de violence…C’est l’exploration de la guerre et du champ politique qui l’amène à la tragédie »71.

Du reste, Jacqueline de Romilly donne la définition suivante de la tragédie :

« Il s’agit d’une action représentée traitant d’une histoire où le malheur s’abat sur quelqu’un et où l’on s’interroge sur sa responsabilité ainsi que sur les conditions

68Romilly, Jacqueline de, Alexandre Grandazzi, Une certaine idée de la Grèce – Entretiens, Paris, Éditions de Fallois, 2003, p 45.

69 Romilly, Jacqueline de, Alexandre Grandazzi, 2003, p 45.

70 « Jacqueline de Romilly. La grande spécialiste de la Grèce antique », paru à Montpellier le 10 juin 2004 sur www.lacitoyenne.com/magazine/portrait/romillyj.php

71 Dalmon, Sébastien, « L’helléniste immortelle et la latiniste », mise en ligne sur www.parutions.com, le 21/01/2004.

de la vie humaine, la présence simultanée d’un chœur aidant à donner à cette action portée plus émouvante et plus universelle » (Romilly, Jacqueline de, 2003, p. 131).

Dans cette définition, il y a lieu de noter une réflexion sur les conditions de la vie humaine, et ce, de façon universelle. En effet, Jacqueline de Romilly, tout comme André Bonnard, se situe dans une critique humaniste de la tragédie. Dans un entretien paru dans le numéro un de La Revue Libre, Jacqueline de Romilly, à la question de savoir si durant la période grecque antique, on trouvait une préparation des interrogations sur l’homme, sur la vie, sur le sens qui est essentiel, répondait :

« On le voit dès le début, dans les poèmes homériques où sont confrontées les volontés de l’homme et les décisions des dieux où se manifeste la souveraineté de ces dieux, mais aussi la dignité que peut garder, en toutes circonstances, l’homme même vaincu. On voit aussi les principaux héros même incarner les grands sentiments ou les grandes situations humaines, à telle enseigne qu’ils en sont restés les symboles jusque dans nos littératures modernes. Ce trait est encore plus net quand on arrive au cinquième siècle athénien : on voit alors la tragédie poser ouvertement ses problèmes, discuter de la justice divine, s’en inquiéter, s’interroger, et s’interroger sur les limites de la vengeance ou du pardon et sur les conduites politiques »72.

Jacqueline de Romilly, lorsqu’elle aborde la tragédie, évoque des problèmes qui seraient liés aux conditions de vie de l’homme. C’est dans cette optique que son interprétation mêle justice divine, politique, vengeance, pardon… Dans son analyse, elle ne veut exclure aucun aspect de ce qu’elle entend des conditions de la vie de l’homme en Grèce. Mais il semble que le fondement de ses réflexions se réfère à l’humanisme, c’est d’ailleurs ce qui l’amène, dans cette même revue, à définir ces valeurs humanistes en ces termes :

« Je pense que le propre des valeurs humanistes est de tenir compte de ce qui est propre à l’homme. Ceci implique le désir de comprendre les autres, de se faire comprendre d’eux, et de respecter par rapport à eux des règles précises. Ce principe n’exclut nullement le dévouement à la Patrie et à la Cité, loin de là ; mais il implique aussi le respect des règles de la justice et aussi de ces valeurs plus douces dont j’ai parlé et qui englobent pitié, indulgence et tolérance ; et par delà les règles de la Cité, cela implique les règles valant pour tous, des lois non écrites qui imposent un certain respect des personnes et dont l’autorité vient directement des dieux. On trouve souvent dans les textes grecs des justifications de certaines conduites fondées sur l’idée " il est

72 Paru dans La Revue Libre, n° 1 : www.revue-libres.com

un homme comme moi ", " il pourrait m’arriver la même chose qu’à lui ". La fierté d’être un homme digne de ce nom anime les textes grecs ; mais à la fierté des progrès techniques se mêle toujours le rappel de la règle morale qui commande tout » (Paru dans La Revue Libre, n° 1)

Ce sont ces valeurs qui constitueraient, en dernier ressort, le fondement des réflexions de Jacqueline de Romilly relatives à la tragédie. Il y a dans ces travaux un réel engagement pour tout ce qui se réfère à l’humanisme. En effet, elle témoigne d’un intérêt particulier pour les règles morales sous-tendues par ce qu’elle qualifie de « lois non écrites » dans l’Antigone de Sophocle. Chez Jacqueline de Romilly, ces règles morales commandent tout. C’est une véritable rupture avec la philosophie hégélienne pour laquelle ces lois font partie du domaine du privé.

Pour mieux saisir ses analyses au sujet de la civilisation grecque en général et de la tragédie en particulier, il importe de parcourir ses ouvrages critiques. Son examen est axé sur l’homme, qu’elle place, tout comme ses prédécesseurs, au centre de toute société. L’homme occuperait également une position essentielle dans toutes les représentations dramatiques de la Grèce classique. Sophocle, par exemple, poserait le problème de la condition humaine dans ses œuvres, avec une présence moins forte des divinités, comparativement à celles de son grand prédécesseur Eschyle. Quant à Eschyle, ses tragédies seraient coupées du monde humain, selon Jacqueline de Romilly. L’unique sujet de son art, c’est le dialogue de l’homme avec ce qui le dépasse et parfois ce peut être lui-même. De là, la douloureuse inquiétude des héros quant à leur destinée : son Œdipe apparaîtrait comme le prototype du pieux mortel qui subit néanmoins de grands malheurs par la faute des dieux. Pourtant, malgré les épreuves, les héros eschyléens restent forts et dignes : nul poète grec n’a chanté avec autant de persuasion la grandeur de l’homme. N’est-ce-pas ce qui fait dire à Jacqueline de Romilly : « aussi la tragédie grecque présentait un langage directement accessible de l’émotion, une réflexion sur l’homme »73.

Il y a donc une correspondance entre la tragédie et toutes les valeurs de la société.

Nombreux sont les critiques qui ont trouvé dans la tragédie, plus précisément dans l’Antigone de Sophocle, un conflit motivé par des principes défendus par les deux forces en présence, à savoir Antigone et Créon. Ils établissent un rapport entre la naissance de la démocratie et le théâtre. Il s’agit plus clairement des contradictions qui auraient précédé la naissance de ce régime. Jacqueline de Romilly se rapproche de cette lecture. Si, pour elle, la tragédie n’a duré

73Romilly, Jacqueline de, La tragédie grecque, Paris, PUF, 1970, p. 6

que quatre-vingts ans, cette durée est aussi celle qui a permis d’asseoir la démocratie ; ce qui prouve bien le lien qui unit les deux institutions :

« Les 80 ans, qui vont de la victoire de Salamine à la défaite de 404, marquent dans tous les domaines, un essor intellectuel et une évolution morale absolument sans pareils [] La victoire de Salamine avait été remportée par une démocratie toute neuve, et par des hommes encore pénétrés de l’enseignement de Solon » (Romilly, Jacqueline de, 1970, p. 9).

La conclusion que nous tirons est la suivante : la tragédie doit son rayonnement à son contexte socio-historique ; et Jacqueline de Romilly n’a pas manqué de l’exploiter, notamment par sa mise en relation avec l’actualité politique, sociale et intellectuelle de l’Athènes du Ve siècle avant Jésus-Christ. La tâche qui est la nôtre consiste à mettre en évidence, par des exemples concrets, la lecture idéologique de l’académicienne.

Pour Jacqueline de Romilly, l’invention de la tragédie constitue un beau titre de gloire pour les Grecs. Elle témoigne ainsi de sa fascination pour le succès de cet art. Pour s’en convaincre, elle relève qu’aujourd’hui, vingt-cinq siècles après, on en écrit un peu partout dans le monde, après celles d’Athènes. On continue, périodiquement, d’emprunter aux Grecs leurs sujets et leurs personnages. On écrit des Antigone et des Électre. C’est ainsi qu'elle perçoit la renaissance de la tragédie au fil des années. Il ne s’agit pas d’une simple fidélité à un passé brillant. Il est, en effet, évident que le rayonnement de la tragédie grecque tient à l’ampleur de la signification, à la richesse de la pensée que les auteurs avaient su y attacher : la tragédie grecque présentait, dans un langage directement accessible à l’émotion, une réflexion sur l’homme. Quant à Romilly, elle trace les sillons d’une lecture axée sur l’homme en général, il ne s’agit pas seulement du Grec du Ve siècle avant Jésus-Christ, mais de l’Homme. Elle met en exergue l’idée d’un retour systématique à l’antiquité grecque en temps de crise, ce qui témoigne de l’omniprésence de la Grèce, qui en fait l’origine de toute chose :

« Sans doute est-ce pourquoi, dans les époques de crise et de renouvellement, comme la nôtre, on éprouve le besoin de revenir à cette forme initiale du genre. On attaque les études grecques, mais on joue, un peu partout dans le monde, des tragédies d’Eschyle, de Sophocle et d’Euripide, parce que c’est en elles que cette réflexion sur l’homme brille avec force première » (Romilly, Jacqueline de, p. 5).

Une signification politique se dégage de l’analyse de Jacqueline de Romilly. Tout part du contexte d’émergence de la tragédie. En effet, la naissance du théâtre serait corrélative à l’apparition de la démocratie dans la Grèce antique. Dans cette optique, elle écrivait : « les Athéniens de cette époque ne cessaient de louer les beautés du régime, exaltant, la liberté,

l’égalité, l’humanité qui en sont les traits distincts »74. Elle relève les principes de la démocratie athénienne. Et, en essayant de penser ce régime sous forme de principes, d’en apprécier les mérites et les inconvénients et les devoirs, d’en définir et d’en clarifier la nature, les Athéniens se seraient donné pour tâche de rejoindre l’universel. Le sens politique de l’Antigone de Sophocle se perçoit dans l’intervention d’Hémon. Il tente de dissuader son père de l’idée d’emmurer Antigone vive. De là, s’engage une opposition entre le père et le fils. Une opposition mettant dos à dos un jeune et un adulte, mais également un citoyen et un tyran. À ce effet, Jacqueline de Romilly ne dit-elle pas : « avec Hémon, c’est l’humanité, et c’est un peu le sens politique ; car Hémon s’appuie sur l’opinion, sur ce que disent les gens, et il demande à son père de ne pas s’endurcir au point d’écouter aucun avis » (Romilly, Jacqueline de, 1981, p. 85). C’est comme si Hémon constituait une sorte de voix du peuple lorsqu’il dit : « ce n’est pas ce que dit tout le peuple de Thèbes » (Antigone, de Sophocle, vers 733). Cette référence au positionnement du peuple témoigne du pouvoir et de la force qu’il constituerait. Désormais, il faudra tenir compte du peuple. À partir de ce constat, ne s’agit-il pas d’une allusion au gouvernement du peuple, autrement dit la démocratie, un régime politique où le pouvoir appartient au peuple ? Un gouvernement dans lequel le peuple exerce la souveraineté, une société où l’élément populaire a de l’influence. La tragédie refléterait ainsi la vie politique de l’Athènes du Ve siècle avant Jésus-Christ, n’est-ce pas ce qui conduit Jacqueline de Romilly à indiquer que : « la tragédie est de tous les genres littéraires qui surgissent alors, le plus étroitement lié à l’essor d’Athènes et sa démocratie »75. La preuve réside, selon elle, dans le fait que la tragédie naît et meurt avec le grand moment de la démocratie athénienne : l’une et l’autre coïncident. Aussi trouverait-on, dans le principe de ce théâtre, l’inspiration même qui animait les institutions premières de la démocratie. Jacqueline de Romilly poursuit pour dire, qu’à Athènes, la tragédie faisait l’objet d’une manifestation collective, organisée par l’État, à laquelle tout le peuple assistait. Athènes créa même, très tôt, une allocation destinée à compenser le manque à gagner des citoyens pauvres venus assister aux concours de tragédies.

Cela impliquerait pour les auteurs l’obligation de savoir toucher un très large public ; d’où la nécessité de se servir de moyens d’expression efficaces, parmi lesquels figure la tragédie. Et, la soudaine éclosion du genre tragique relèverait alors du même élan fondamental que celui de l’éloquence, de la réflexion politique ou de l’histoire. Liée à une séance annuelle

74 Romilly, Jacqueline de, Problème de la démocratie antique, Paris, PUF, 1981, p. 12.

75 Romilly, Jacqueline de, Pourquoi la Grèce ?, Paris, Éditions de Fallois, 1992, p. 189.

et à une compétition organisée, la tragédie obéirait même à des contraintes plus urgentes et plus ambitieuses : il lui faudrait donc émouvoir tout le monde, et tout de suite.

On voit poindre ainsi, dans le principe même de la tragédie, une aspiration à l’universel. Selon Jacqueline de Romilly, les auteurs auraient choisi le mythe et la forme tragique qui associent harmonieusement des personnages dialoguant sur une scène, et un chœur chantant dans l’orchestra. L’un et l’autre deviendraient porteurs d’universalité – un peu comme si les diverses composantes de la tragédie avaient été retenues pour ce but. Elle indique que l’emploi du mythe correspondrait de façon rigoureuse à l’épanouissement du genre, et avec lui, celui de la démocratie. De fait, ce serait bien là la merveille du mythe, tel que l’ont pratiqué les tragiques grecs : par son essence même, il prend valeur universelle. La survie des Électre et des Antigone, dans le théâtre de tous les temps et de tant de pays, en serait la conséquence et aussi la preuve éclatante. Jacqueline de Romilly part du principe du sujet mythique afin de mieux étayer sa pensée. Tout d’abord, elle souligne le fait que les mythes viennent de loin. À l’origine, ils seraient sans doute liés à notre sensibilité. Les mythes auraient été inventés, ou bien adoptés et retenus par la mémoire collective, parce qu’ils traduiraient des peurs, des rêves ou des scandales enracinés en nous. Elle prend à témoin les études de Claude Lévi-Strauss qui montre que les mythes présentent des formes qui se retrouvent en diverses cultures, pour la simple raison qu’ils expriment à leur manière des données communes à des sociétés diverses (Romilly, Jacqueline de, 1992, p. 192). Les mythes auraient cette capacité de puiser assez largement dans un fonds immémorial, dont nous portons la trace en nous. Ils retiendraient, en quelque sorte, des histoires privilégiées pour l’imaginaire humain. De même, par leur nature, présenteraient-ils, littérairement, des possibilités particulières qui les rendraient plus susceptibles que d’autres sujets de prendre la valeur universelle qu’ils ont bel et bien revêtue. C’est de cette même universalité que le mythe informe la tragédie.

Par ailleurs, le mythe prendrait, dans la lecture de Jacqueline de Romilly, la valeur de leçon humaine, précisément parce qu’il se situe dans un monde d’exception, dans un monde grandi et lointain, dans un monde de symboles. Elle use de l’exemple d’Œdipe pour illustrer son analyse. À cet égard, il est un texte bien révélateur : c’est celui d’Œdipe-roi, dans lequel Sophocle fait dire au chœur, lorsque la vérité est révélée, que l’exemple d’Œdipe vaut pour tous, précisément par ce qu’il a d’extrême

(

Romilly, Jacqueline de, 1992, p. 196-197).

« Pauvres générations humaines, je ne vois en vous qu’un néant. Quel est donc l’homme qui obtient plus de bonheur qu’il n’en faut pour disparaître à l’horizon ?

Ayant ton sort pour exemple, ton sort à toi, ô malheureux Œdipe, je ne puis plus juger heureux qui que ce soit parmi les hommes.

Il avait visé au plus haut. Il s’était rendu maître d’une fortune et d’un bonheur complets. Il avait détruit, ô Zeus, la devineresse aux serres aiguës. Il s’était dressé devant notre ville comme un rempart contre la mort. Et c’est ainsi, Œdipe, que tu avais été proclamé notre roi, que tu avais reçu les honneurs les plus hauts, que tu régnais sur la puissante Thèbes.

Et maintenant, qui pourrait être dit plus malheureux que toi ? Qui a subi désastres, misères plus atroces, dans un pareil revirement » (Œdipe-roi de Sophocle, vers 1186-1207)

Bien que le malheur d’Œdipe représente un cas particulier, son sort incarnerait la condition humaine. Ce que Jacqueline de Romilly tente de montrer, se résume au fait que toutes les œuvres de la civilisation grecque, plus particulièrement celles d’Athènes du Ve siècle avant Jésus-Christ, se distinguaient par un effort exceptionnel vers l’humain et l’universel. Et le genre qui convenait le mieux à la cité démocratique était le théâtre, et quand bien même, selon Romilly : « notre théâtre n’est plus celui du temps de Périclès, mais, ici est encore gardé l’armature, les genres, les concepts »76. Il s’agit d’un exemple de la manifestation de l’héritage grec dans le domaine littéraire. Elle poursuit son analyse avec l’idée de la continuité de la Grèce à notre époque :

« Mais de même que dans les sciences, la Grèce nous a transmis, outre les noms, des concepts et des méthodes : il nous est resté du théâtre grec beaucoup plus que des cadres vides. Car ce théâtre a traversé les siècles sous la forme de grands mythes et de héros » (Romilly, Jacqueline de, 1995, p. 275).

Le théâtre français du XVIIe siècle aurait vécu ses mythes. Il est difficile de parler de la guerre sans faire référence à la guerre de Troie, de la captivité et de l’exil sans Hécube et

Le théâtre français du XVIIe siècle aurait vécu ses mythes. Il est difficile de parler de la guerre sans faire référence à la guerre de Troie, de la captivité et de l’exil sans Hécube et