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Introduction de la première partie

5. L’Antigone de Jean Anouilh

1.1. Du contexte de l’œuvre

La question de ce contexte est d’autant plus utile qu’elle nous permettra de mieux lire cette œuvre. D’entrée de jeu, notons que l’Antigone de Jean Anouilh est une pièce des années noires, lorsque la France connaît sa défaite face aux armées nazies. De fait, il n’est pas évident de dégager le contexte de création de l’Antigone de Jean Anouilh, sans évoquer cette période trouble de l’histoire de France.

Quant à Anouilh, il n’a pas cessé d’écrire sous l’Occupation. C’est le cas d’Eurydice en 1941. Mais, dans ce climat troublé, il se sent décalé et refuse d’afficher une opinion tranchée. Face aux nazis et à la Résistance, il se veut au-dessus de la mêlée et refuse de suivre quelque mouvement que ce soit. Ce qui lui sera abondamment reproché. En 1944, un an après Les Mouches de Jean-Paul Sartre, Antigone est jouée pour la première fois. Elle connaît un grand succès, mais avec un parfum de scandale. Dans le contexte de la guerre, la pièce est récupérée ou accusée, de tous bords. Aussi, après la Libération, la rumeur accuse-t-elle Jean Anouilh de pronazi. Il s’en défend, mais affiche une certaine compassion pour les vaincus et dénonce les excès de l’épuration. L’un des actifs matérialisant cette sympathie se réfère à l’organisation d’une campagne de signatures pour sauver l’écrivain collaborationniste Robert Brasillach, condamné à mort en février 1945. Cette entreprise se solde par un échec, compte tenu de l’exécution à laquelle il n’a pas pu échapper. Au regard de ce qui précède, Jean Anouilh s’est révélé actif dans sa jeunesse marquée par les deux grandes guerres que connut la France. Son choix s’est porté sur un personnage des récits légendaires grecs, à savoir Antigone, afin de mieux peindre cette période délicate de l’histoire de France. La question qui nous préoccupe demeure les motivations de ce retour à l’Antiquité, de ce néoclassicisme ? Comment s’est effectué le passage de l’antiquité grecque, plus précisément le Ve siècle avant Jésus-Christ, au XXe siècle, lorsque nous admettons que la principale pièce qui relate cet épisode du cycle thébain demeure l’Antigone de Sophocle ? Il est vrai qu’au niveau idéologique, Jean Anouilh peut être influencé par le contexte des guerres. Mais, au niveau du support sur lequel se fondent ses idées, il sera nécessaire d’établir le degré d’implication de la

130 Taquin, Véronique, Antigone d’Anouilh, Paris, Éditions Hachette, 1998, p. 17.

pièce de Sophocle dans son œuvre. C’est fort de ce constat que nous proposons d’aborder à présent la question de l’hypertextualité.

1.2. L’hypertextualité

Pour aborder cette réécriture, nous utiliserons la notion d’hypertextualité. Nous empruntons cette notion à Gérard Genette131, ce qui nous permettra de démontrer comment le texte de Jean Anouilh ne se comprend qu’à partir de l’Antigone de Sophocle. Gérard Genette définit l’hypertextualité de la manière suivante : « toute relation unissant un texte B (que j’appellerai hypertexte) à un texte antérieur A (que j’appellerai, bien sûr, hypotexte) sur lequel je greffe d’une manière qui n’est pas celle du commentaire » (Genette, Gérard, 1982, p. 11). Ainsi le définit-il comme un texte dérivé d’un autre texte préexistant au terme d’une opération qu’il qualifie de transformation : transformation simple (transposer l’action du texte A dans une autre époque). La notion d’hypertextualité se définit très souvent comme la mise en rapport de deux textes dont l’un, considéré comme modèle, sert de support au second texte qui joue le rôle de copie.

Il est possible d’établir, à partir du texte considéré comme texte-mère ou hypo texte, une sorte de tableau mettant en valeur la spécificité de chaque texte, les éléments de similitude, etc. En fait, tout texte tisse des rapports implicites ou explicites avec d’autres qui l’ont précédé. C’est ce phénomène, autrefois appelé intertextualité, qui prend une valeur universelle sous l’appellation actuelle d‘hypertextualité. Ce phénomène peut s’analyser facilement dans les œuvres qui se veulent une imitation avouée ou non. Il peut également apparaître comme une transformation souvent délibérée d’un texte, d’un auteur ancien. La relation entre un nouveau texte : hypertexte et le modèle hypotexte se nomme plagiat si elle n’est pas avouée.

En revanche, si elle est reconnue, ce n’est pas un plagiat mais une transposition. Nous avons le cas de l’Antigone d’Anouilh qui est une transposition de l’Antigone de Sophocle. C'est de ce texte de Sophocle que va s'inspirer Anouilh pour écrire Antigone, en 1942 : « l'Antigone de Sophocle, lue et relue et que je connaissais par cœur depuis toujours, a été un choc soudain pour moi pendant la guerre, le jour des petites affiches rouges. Je l'ai réécrite à ma façon, avec la résonance de la tragédie que nous étions alors en train de vivre »132. C’est ainsi qu’il déclare l’apport de la pièce de Sophocle dans l’élaboration de son Antigone. Si la transposition ou la transformation apparaît comme une filiation avec l’œuvre-mère, elle n’en

131 Genette, Gérard, Palimpsestes, Paris, Éditions du Seuil, 1982.

132 Antigone de Jean Anouilh, 4e de couverture de la première édition, La Table Ronde, 1946.

est pas pour autant la copie. Dans le texte transposé, l’auteur apporte toujours un cachet personnel. C’est ce qu’ont réalisé Jean Cocteau et Jean Anouilh. Au niveau de la transposition, nous assistons à une transformation formelle chez Anouilh, qui opte pour un texte en prose, contrairement aux vers de l’Antigone de Sophocle. Il s’agit du passage d’un mode de discours à un autre, une « transmodalisation ». Cette transformation formelle peut influencer le sens et la dynamique du texte, ce qui peut éventuellement déboucher sur une transformation sémantique. Au regard de ce qui précède, retenons que toute transformation obéit explicitement ou implicitement à une certaine intentionnalité, confessée ou non. Cela implique toute transformation ou transposition. Dans une autre mesure, cela produit une modification sémantique de l’hypotexte. Dès lors, on parlera de transformation thématique.

Dans cet élan, nous n’occulterons pas le fait que la thématique et la sémantique sont conjointes. Elles ne peuvent pas être dissociées. Dans le mode dramatique, aucune action ne peut se réaliser sans projection dans un temps et dans un espace. Autrement dit, chaque action dramatique tire son point d’ancrage dans le temps et dans l’espace. Lorsque nous passons des récits légendaires, dont on ignore encore l’existence, à la Grèce antique qui voit la création de l’œuvre de Sophocle (hypotexte) à l’Antigone d’Anouilh (l’hypertexte), on change de cadre spatio-temporel. C’est une transformation diégétique. Comment pouvons-nous appliquer cette théorie à l’Antigone ? Quelle transformation a subi la pièce de Sophocle au XXe siècle ? Ces transformations se perçoivent déjà dans le prologue. Dans la tragédie grecque, la première partie s’appelait effectivement « prologue ». Elle mettait en présence des personnages de la pièce qui exposaient la situation à travers leur dialogue. C’est ce que l’on retrouve dans la plupart des traductions de l’Antigone de Sophocle. En effet, la pièce s’ouvre sur un échange entre Ismène et sa sœur. C’est seulement dans la comédie romaine de Plaute (254-184 av. J.-C.) et Térence (185-159 av. J.-C.) que le prologue est devenu un personnage à part entière. Il était chargé, au début de la pièce, de réclamer l’attention et l’indulgence du public, puis de l’intrigue. En ce qui concerne Jean Anouilh, le procédé repris au genre comique est déjà une indication sur le mélange des genres. Le comique et le tragique vont rythmer toute son œuvre. Il s’agit d’une transformation formelle. Un certain nombre de termes ou d’expressions participent de la parodie et donc de la tonalité comique. Nous citerons : « un soir de bal »133, « sa nouvelle robe », « l’orchestra », « les belles reliures », « les antiquaires », « un ouvrier », le jeu de « cartes ». Ces éléments montrent les changements qui

133 Anouilh, Jean, Antigone, la plupart des références, des pages, parties, renvoient à l’édition de La Table Ronde, 2004.

ont été apportés à l’œuvre de Sophocle. Ces éléments témoignent d’un incontestable anachronisme. Certains critiques, notamment Jean Broyer, y voient le signe de l’intemporalité et de l’universalité du mythe de cet épisode du cycle thébain. Ils vont même dire que si le mythe d’Antigone n’appartient pas à un genre défini, c’est peut-être parce qu’il n’appartient pas non plus à une époque précise. Il faut faire, dans cette façon originale de remplacer la traditionnelle scène d’exposition, le constat suivant : les personnages nous sont présentés avant que l’action ne commence, comme si l’on voyait les acteurs dans les coulisses avant le début de la représentation. L’une des particularités de ce prologue réside dans sa capacité à établir des rapports privilégiés avec les spectateurs. Il leur montre les différents personnages en multipliant les démonstratifs, les déictiques et les représentatifs. C’est ce que nous percevons à la page 9 de l’édition la Table Ronde de l’Antigone de Jean Anouilh : « Voilà.

Ces personnages vont vous jouer l’histoire d’Antigone. Antigone, c’est la petite maigre qui est assise là-bas », à la page 12 : « ce garçon pâle, là-bas, au fond, qui rêve adossé au mur, solitaire, c’est le messager ». Il s’adresse directement à la salle : « Et maintenant que vous les connaissez tous, ils vont jouer leur histoire ». Le prologue établit une certaine complicité avec elle, en se mettant de son côté, à la page 10 : « elle s’éloigne […] de nous tous, qui sommes là bien tranquilles à la regarder, de nous qui n’avons pas à mourir ce soir ». Cela constitue la preuve d’une transformation formelle, ce qui peut influencer la signification de la pièce, disons même l’intérêt de l’œuvre qui était, dans le passé, une tragédie jouée par Sophocle dans un contexte de naissance de la démocratie athénienne.

Jean Anouilh a introduit dans son œuvre le personnage de la nourrice. On rencontre ce type de personnage dans plusieurs tragédies, notamment chez Euripide. La particularité de Jean Anouilh consiste à faire de la nourrice la confidente d’Antigone. La nourrice est avant tout une femme du peuple, simple et pleine de bon sens. Dans la relation d'Antigone et de sa sœur Ismène, il règne certes une affection certaine, mais une grande incompréhension réciproque les sépare, comme chez Sophocle. Elles symbolisent toujours, comme dans l’Antiquité, deux figures opposées de la féminité. La relation entre les deux filles est plus complexe, chez Jean Anouilh, par rapport au modèle sophocléen. Dans le prologue, Ismène nous est présentée comme une fille belle, élégante qui aime s’amuser. Comparée à Antigone, elle paraît plus calme, réfléchie et raisonnable dans la pièce de Jean Anouilh. Elle estime avoir

« bien pensé » à la page 23 et « bien réfléchi » à la page 24 dans son projet d’ensevelir ou non Polynice. Elle essaie de dissuader Antigone. Son argument témoigne de son manque de courage. De fait, elle voudrait imposer sa conception traditionnelle et sans ambition du rôle de la femme à Antigone à la page 29 : « c’est bon pour les hommes de croire aux idées et de

mourir pour elles. Toi, tu es une fille ». Dans cette approche, la femme est considérée comme une mineure juridique. Cette même idée de la femme transparaît dans la pièce de Sophocle. Il existe cependant une différence liée au contexte. Dans la Grèce antique, l’œuvre de Sophocle est apparue dans le contexte de naissance de la démocratie. À cette époque, à Athènes, le statut de citoyen était reconnu aux seuls hommes de père et de mère athéniens d’origine. Dans la démocratie athénienne, les femmes, les enfants, les étrangers, et les métis étaient exclus du débat politique. Jean Anouilh présente autrement son Antigone, sur la question des droits et de la citoyenneté.

On ne peut dissimuler également le rajout qui relève de la rencontre des deux amants.

Il s’agit effectivement d’une invention de Jean Anouilh. Au cours de cette unique rencontre, Hémon parle très peu. C’est Antigone qui mène le dialogue. L’image qu’elle nous donne est très différente de celle de Sophocle. Elle ira jusqu’à douter de l’amour de Créon. Elle ne comprend pas pourquoi le regard de Créon s'est tourné vers elle. Cela s’explique par la différence qu’elle établit avec sa sœur : « je suis noire et maigre. Ismène est rose et dorée comme un fruit ». C’est de cette manière qu’elle justifie son incertitude face à l’amour à la page 41 des Éditions de la Table Ronde de l’Antigone de Jean Anouilh.

D’autres modifications ont été également apportées dans la construction du personnage du garde. Il est vrai que le garde est une reprise du garde lâche et peureux de la pièce de Sophocle. Le garde, chez Anouilh, est accompagné de deux autres gardes, Boudousse et Durand, tout aussi méprisables et vulgaires que lui. Jonas est le modèle du militaire ou fonctionnaire borné, soucieux seulement de la hiérarchie et n’obéissant qu’aux ordres. Ce que nous observons à la page 48 : « Moi je suis "service". Je ne connais que ce qui est commandé ». Il a une appellation qui témoigne de sa fidélité à Créon qu’il ne cesse d’appeler

« chef ». Une subordination sans précédent qu’il faut percevoir dans cette formule qui revient chez le garde : « Allez ! Pas d’histoires ». Elle est également présente dans les pages 55, 107, 113 et 117.

Ils ne dédaignent pas de faire quelques entorses au règlement. Ainsi Jonas se laisse-t-il corrompre pour un anneau d’or, à la page 113 :

« Le garde : comment ça une lettre ?/ Antigone : une lettre que j’écrirai. / Le garde : Ah ! Ça non ! Pas d’histoires ! Une lettre ! Comme vous y allez, vous ! Je risquerais gros, moi, à ce petit jeu-là ! / Antigone : Je te donnerai cet anneau si tu acceptes. / Le garde : C’est de l’or ? / Antigone : Oui. C’est de l’or. / Le garde : Vous comprenez, si on me fouille, moi, c’est le conseil de guerre. Cela vous est égal à vous ? (Il regarde encore la bague.) Ce que je veux, si vous voulez, c’est écrire sur

mon carnet ce que vous auriez voulu dire. Après, j’arracherai la page. De mon écriture, ce n’est pas pareil ».

De plus, la fidélité des gardes à un régime n’est jamais assurée : « Ce sont les auxiliaires toujours innocents et toujours satisfaits d’eux-mêmes, de la justice. Pour le moment, jusqu’à ce qu’un nouveau chef de Thèbes dûment mandaté leur ordonne de l’arrêter à son tour, ce sont les auxiliaires de la justice de Créon ». Cette citation provient des Éditions de la Table Ronde. Jean Broyer perçoit dans ces propos une allusion directe à la police du régime de Vichy.

Des modifications ont été également apportées au rôle traditionnel du chœur. Il est ici un personnage unique, contrairement à la tradition antique où il constituait un groupe censé représenter les habitants de la cité. Cependant, ici, comme dans la tragédie antique, il commente l’action à l’intention des spectateurs. Il dialogue également avec Créon comme le faisait le coryphée, le chef du chœur chez Sophocle. C’est ce que nous percevons aux pages 53-55, 99-106 et 117-123. Le chœur s’adresse directement aux spectateurs pour leur faire comprendre comment fonctionne la tragédie à laquelle ils assistent. Il procède ainsi à une sorte de mise en abyme, en mettant le théâtre sur le théâtre. Il rompt l’illusion théâtrale dans laquelle le spectateur pourrait être plongé pour le faire réfléchir sur le sens de la pièce qui se joue devant lui.

Le procédé de transformation suit toujours son cours dans l’Antigone de Jean Anouilh.

Ces personnages principaux, à savoir Antigone et Créon, s’affrontent pour deux conceptions opposées du monde en l’absence de toute divinité. C’est de cette incompatibilité des philosophies humaines que naît le tragique dans cette œuvre.

De fait, Créon ne cesse de clamer son humilité face à celle qu’il appelle à la page 68 : « l’orgueil d’Œdipe ». Il ne peut pas comprendre l’attitude d’Antigone qui lui paraît dérisoire et absurde. En même temps, il est conscient de la rigidité et de la rigueur de sa tâche, ce qu’il indique à la page 77 : « Ce qu’on peut discuter, c’est s’il faut le faire ou ne pas le faire. Mais si on le fait, il faut le faire comme cela ». Il a en effet choisi de faire partie de ceux

« qui disent oui » (p. 81) et qui s’accommodent des contraintes de l’existence humaine.

Antigone ne cesse de lui opposer sa liberté : « Moi, je peux dire " non " encore à tout ce que je n’aime pas et je suis seul juge » (p. 78). Elle poursuit : « Moi, je ne suis pas obligée de faire ce que je ne voudrais pas ! » (p. 80). De cette conscience de sa liberté, elle tire une grande fierté qui la placerait très au-dessus de Créon : « moi je suis reine » (p. 80). Mais, c’est sur la question du bonheur qu’elle est en désaccord profond avec Créon, alors qu’elle semblait prête devant ses arguments à admettre l’absurdité de son geste et à y renoncer. C’est le mot

« bonheur » prononcé par Créon qui la pousse à reprendre l’affrontement avec plus de force et de rage. Elle est horrifiée à l’idée d’une existence qui ne lui proposerait que des fragments de bonheur : « Moi, je veux tout, de suite, – et que ce soit entier – ou alors je refuse ! » (p. 95). Elle n’admettait pas d’avoir pour seul horizon l’espoir, qui lui paraît une insupportable mesquinerie. Elle en appelle à l’acharnement de son père : la quête de la vérité au détriment de tout espoir : « Nous sommes de ceux qui lui sautent dessus quand ils le rencontrent, votre espoir, votre sale espoir ! » (p. 95). Elle dévalorise le pragmatisme de Créon, qu’elle qualifie péjorativement de « cuisinier ». Elle lui oppose un point de vue idéaliste, une vision esthétique sur le monde qu’elle divise entre « beau » et « laid ».

Jean Anouilh modifie profondément le sens de la pièce de Sophocle. Nous assistons à une transformation formelle. Antigone n’agit plus, comme chez Sophocle, au nom des « lois non écrites » des dieux. En effet, toute transcendance divine a disparu. Il ne reste plus que l’affrontement de deux êtres humains, deux éthiques opposées. Antigone ne peut répondre que : « Pour personne. Pour moi » (p. 73), lorsque Créon lui demande la raison de son acte.

Ainsi, ce qu’elle entend comme le devoir de rendre les honneurs funèbres à son frère ne correspond à aucune loi morale ou religieuse extérieure à elle-même. Ce devoir émane, en réalité, de sa propre volonté d’être en conformité avec sa nature profonde, son éthique personnelle, laquelle se résume en l’expression de son refus.

Au total, nous pouvons retenir que la pièce d’Anouilh est une reprise de l’œuvre de Sophocle. Antigone est bien la victime choisie par le destin, qui ensevelit Polynice malgré les avis d’Ismène, qui brave Créon et ordonne son supplice. Mais la pièce s’achève par un retournement imprévu. En effet, la mort d'Hémon et d'Eurydice répond à celle d'Antigone.

Il en occulte le volet politique pour traduire ses grandes préoccupations de l'époque. Jean Anouilh a surtout procédé à une désacralisation la tragédie du Ve siècle avant J.-C. Antigone, chez Sophocle, obéit à deux impératifs associés : le devoir fraternel et la piété à l’égard des dieux. Son geste ne constitue pas un crime, mais une belle action. En cela, elle est saintement criminelle. De même, le fait de ne jamais avouer son amour pour Hémon montre qu’il n’est pas assez fort pour justifier son acte. Dans l’Antigone de Jean Anouilh, toute référence aux

Il en occulte le volet politique pour traduire ses grandes préoccupations de l'époque. Jean Anouilh a surtout procédé à une désacralisation la tragédie du Ve siècle avant J.-C. Antigone, chez Sophocle, obéit à deux impératifs associés : le devoir fraternel et la piété à l’égard des dieux. Son geste ne constitue pas un crime, mais une belle action. En cela, elle est saintement criminelle. De même, le fait de ne jamais avouer son amour pour Hémon montre qu’il n’est pas assez fort pour justifier son acte. Dans l’Antigone de Jean Anouilh, toute référence aux