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Tractographie, projections corticospinales et manifestations cliniques

Dans le document Université de Sherbrooke (Page 121-125)

6.6.1 Association entre les métriques de tractographie et les projections corticospinales

L’IRM de diffusion ainsi que la TMS sont deux des techniques utilisées en recherche afin d’évaluer l’intégrité de la voie corticospinale. Nous voulions donc explorer si les métriques de tractographie étaient associées à celles obtenues avec les métriques obtenues avec la TMS.

Les résultats ont montré qu’il existe une corrélation positive entre le seuil moteur et le volume de fibres du faisceau reflétant l’ensemble de la voie corticospinale du côté atteint par l’arthrose. Cette corrélation était absente avec la même métrique extraite uniquement du faisceau à la région d’intérêt, suggérant ainsi que l’association avec la voie corticospinale est davantage globale que spécifique. Il est intéressant de souligner ici que le seuil moteur a été démontré comme étant la mesure la plus fidèle (moins de variabilité) comparativement aux autres mesures pouvant être prises avec la TMS (telle que les PEM; mesures utilisées pour le calcul de pente) chez une population de personnes âgées (Houde et al., 2018).

Malgré l’absence d’études antérieurs sur le sujet, la corrélation obtenue va toutefois à l’encontre des hypothèses émises initialement, alors que nous nous attendions à ce que l’excitabilité corticospinale corrèle positivement avec les métriques de tractographie. De fait, il est logique de croire que plus le volume de fibres est important, plus l’excitabilité corticospinale sera élevée (Abbruzzese et Trompetto, 2002). À l’inverse, la corrélation observée indique plutôt que plus l’excitabilité corticospinale est faible (seuil moteur plus élevé), plus le volume de fibres du faisceau reflétant l’ensemble de la voie corticospinale est élevé. Une étude publiée en 2016 par Kim et collaborateurs, réalisée chez des participants ayant subi une ischémie touchant l’artère cérébrale moyenne, a rappelé qu’il était possible d’avoir à la fois une excitabilité corticospinale élevée et une moins bonne préservation de l’intégrité de la voie corticospinale et vice-versa (Kim et al., 2016). Ces auteurs ont montré que le pronostic de la fonction des membres inférieurs et ambulatoire chez les patients présentant à la fois des PEM détectables et une bonne préservation de l’intégrité de la voie corticospinale était supérieur à celui des patients présentant uniquement des PEM détectables et une intégrité altérée de la voie corticospinale. Ainsi, les résultats obtenus semblent indiquer que les métriques issues de la tractographie et les métriques issues de la TMS mesurent des paramètres différents – la tractographie renseignant sur l’intégrité de la matière blanche (Yousaf et al., 2018) et la TMS reflétant une augmentation ou une perte de motoneurones ou

des axones (Currà et al., 2002) – et qu’il serait préférable de les utiliser comme des mesures complémentaires afin d’avoir un portrait plus global de l’intégrité de la voie corticospinale.

6.6.2 Association entre les métriques de tractographie et les manifestations cliniques des participants

À l’inverse de ce qui a été observé pour les mesures TMS, les corrélations significatives entre les métriques de tractographie et les manifestations cliniques des participants sont présentes seulement lorsque les analyses sont réalisées avec le faisceau de la région d’intérêt (genou) et non avec l’ensemble du faisceau de la voie corticospinale. Ceci suggère que les manifestations cliniques liées à l’arthrose de genou seraient davantage associées aux caractéristiques du faisceau de la région d’intérêt (genou). L’absence de corrélation avec les mesures contrôles de matière blanche (MB) de l’ensemble du cerveau semble également indiquer que ces corrélations sont spécifiques à ce faisceau. Les résultats obtenus suggèrent donc que les individus souffrant davantage de raideur au genou sont également ceux qui possèdent une plus grande anisotropie au niveau de la région d’intérêt (FA) en plus d’avoir une densité de fibre apparente plus élevée (AFD totale). Ces résultats tendent vers le sens inverse de ce qui aurait normalement était attendu – il serait logique de croire que plus l’intégrité du faisceau de la voie corticospinale est altérée (diffusion isotrope; FA près de 0, densité de fibre par volume plus faible) plus les individus auraient des symptômes cliniques sévères. Les changements observés pourraient ainsi être la résultante de compensations liées au « travail » supplémentaire que la voie corticospinale du genou arthrosique doit effectuer chez les individus plus atteints. En effet, il a, entre autres, été montré que chez les gens souffrant d’arthrose du genou, la co-contraction des muscles du genou est augmentée (Hubley-Kozey et al., 2008 ; Childs et al., 2004) afin de potentiellement compenser la laxité articulaire associée au rapprochement des surfaces articulaires érodées (Sharma et al., 1999).

Très peu d’études ont étudié l’association entre les manifestations cliniques dues à un trouble du système musculosquelettique et de son effet sur l’intégrité de la voie corticospinale mesurée à l’aide de la tractographie (Van Riper et al., 2017 ; Lieberman et al., 2014). De

manière intéressante, l’étude de Kim et collaborateurs, citée plus haut, a montré que la combinaison de deux mesures (excitabilité corticospinale [PEM mesurables] et bonne intégrité de leur voie corticospinale [capacité de reconstruire le faisceau corticospinal]) pouvait prédire la fonction motrice des patients ayant subi un AVC suite à 4 semaines de réadaptation (Kim et al., 2016). Dans le même ordre d’idée, il est possible d’observer une corrélation négative entre l’atteinte de l’ensemble de la voie corticospinale (mesurée notamment avec la FA) et la performance à un test évaluant la mobilité et la fonction des jambes chez les individus souffrant de sclérose en plaques (démyélinisation et perte axonales) (Tovar-Moll et al., 2015). En ce qui concerne l’arthrose du genou, les études antérieures se sont essentiellement intéressées à mettre en relation les métriques de tractographie et les mesures articulaires (cartilage, synovite) (Sandford et al., 2021); Guha et al., 2015). Ces études ont, entre autres, montré que les valeurs de MD étaient plus élevées, et les valeurs de FA plus faibles au niveau du cartilage chez les participants atteints d’arthrose que les participants sains, suggérant ainsi l’idée que l’IRM de diffusion pourrait être un outil potentiel pour le diagnostic précoce de l’arthrose (Guha et al., 2015). À notre connaissance, aucune étude n’avait encore étudié les associations entre l’intégrité de la voie corticospinale et les mesures cliniques chez les patients souffrant d’arthrose.

Rappelons ici à nouveau que l’ensemble des analyses réalisées avec les métriques de tractographie demeurent exploratoires; d’autres études devront être réalisées avec des échantillons de plus grande taille afin d’être en mesure de tirer des conclusions plus robustes quant aux possibles associations avec les mesures TMS et les manifestations cliniques des individus souffrant d’arthrose du genou. Les observations réalisées dans le cadre de cette étude montrent que la voie corticospinale devrait être segmentée (l’ensemble de la voie vs la région d’intérêt) lors des futures recherches en raison des différences observées entre celles-ci (assocelles-ciations différentes avec le seuil moteur et les manifestations cliniques). Il serait également intéressant que les futures études utilisant l’IRM de diffusion chez les individus souffrant de différentes conditions de douleur chronique ajoutent une évaluation TMS à leur protocole d’évaluation afin combler les lacunes de chaque technique (mesures complémentaires permettant d’avoir un meilleur portait de l’intégrité des tractus du système nerveux).

Dans le document Université de Sherbrooke (Page 121-125)