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Association entre les manifestations cliniques et les projections descendantes

Dans le document Université de Sherbrooke (Page 108-112)

Les résultats découlant de ce projet de recherche ont montré que la douleur, la raideur et l’incapacité, évaluées à l’aide du questionnaire WOMAC, ne sont généralement pas corrélées avec les projections descendantes (corticospinales et bulbospinales). Toutefois, il est possible de constater la présence d’une corrélation positive entre l’une des variables dépendantes

secondaires, soit l’impact de la douleur sur l’incapacité quotidienne, et la pente des courbes de recrutement, suggérant ainsi que les individus qui ont une excitabilité corticospinale plus élevée sont également ceux qui ont des niveaux d’incapacités plus importants. Ce résultat semble indiquer que certaines manifestations cliniques, englobant entre autres, la difficulté à accomplir les activités générales, à marcher, et à dormir (incapacités quotidiennes) aurait davantage un rôle à jouer au niveau de l’excitabilité corticospinale (cause ou conséquence d’une excitabilité corticospinale plus élevée) comparativement à la douleur, la raideur et aux incapacités fonctionnelles (mesurées par le WOMAC).

L’absence de corrélation entre les variables dépendantes principales et les projections descendantes vont à l’encontre des hypothèses émises initialement, où il était suggéré que les manifestations cliniques liées à l’arthrose du genou (mesurées avec le WOMAC) seraient modérément associées aux projections descendantes. De plus, la direction de l’unique corrélation observée (association positive entre la pente des courbes de recrutement et le niveau d’incapacité quotidienne) va à l’opposé de ce qui était attendu. En effet, il était logique de croire que plus le niveau de douleur (raideur et incapacité) serait élevé chez les individus, plus les projections corticospinales (excitabilité corticomotrice) et/ou bulbospinales (CPM) seraient diminuées. En ce sens, Kittelson et ses collaborateurs ont observé une relation inverse entre le niveau de douleur (mesuré avec le WOMAC) et le seuil moteur (r = −0,58; p

= 0,02) (Kittelson et al., 2014). Le résultat obtenu pourrait, du moins en partie, s’expliquer par des altérations corticomotrices, qui seront évoquées au cours des prochains paragraphes.

Le manque de puissance est, sans contredit, un facteur important pouvant expliquer l’absence de corrélation significative. Le calcul de puissance à postériori a en effet montré une puissance très faible (oscillant entre 5% et 38%) pour les analyses évaluant les relations entre les manifestations cliniques liées à l’arthrose et les mesures reflétant les projections descendantes (volet 1). Par le fait même, cela indique que nous avions en moyenne 22% de chance d’observer une corrélation significative entre ces mesures faisant en sorte que le risque de commettre une erreur de type II était grandement augmenté (existence de corrélations, mais impossible à visualiser). Par ailleurs, les calculs de taille d’échantillon à postériori – voir à nouveau section 5.7, suggèrent que certaines corrélations pourraient

s’avérer significatives au terme du recrutement de l’étude (entre 40 et 50 participants requis).

Alors qu’à l’inverse, un nombre élevé de participants seraient nécessaires afin d’obtenir certaines corrélations avec une puissance statistique de 80%, ce qui soulève un questionnement quant à la pertinence clinique de recruter autant de participants. Ces calculs laissent donc présager que le MPQ (projections corticospinales) ainsi que le WOMAC-Raideur (projections bulbospinales) ne sont probablement pas les questionnaires qui expliqueront une grande partie de la variance observée lorsqu’il sera question d’évaluer la relation entre les manifestations cliniques liées à l’arthrose du genou et les projections descendantes. En raison de ces dernières observations, il serait donc cohérent d’évaluer les manifestations cliniques les plus susceptibles d’être associées aux projections descendantes respectives en utilisant les questionnaires appropriés; WOMAC (Douleur et Total [projections corticospinales]), et MPQ (projections bulbospinales). Ainsi, il demeure primordial de poursuivre ce projet de recherche afin d’augmenter le niveau de puissance (taille d’échantillon) et, ultimement, être en mesure de tirer des conclusions claires quant à l’effet de l’association entre les manifestations cliniques et les projections descendantes. De plus, il est important de souligner ici que l’efficacité des CPM n’a pas été mesurée chez tous les participants puisqu’approximativement une personne sur trois (36%) n’a pas été en mesure de compléter le test de 2 minutes de l’immersion de l’avant-bras dans le bain d’eau en raison de sa température (10 degrés); trop froide. Bien que cette situation puisse être problématique (ex. diminution de la puissance statistique de l’étude), cela soulève également des hypothèses intéressantes, notamment concernant la possibilité que ces individus puissent présenter une hypersensibilité généralisée à la douleur. En effet, certaines études ont montré que la douleur chronique peut être associée à des changements pathologiques au niveau du système nerveux central pouvant conduire à une hypersensibilité généralisée (Schliessbach et al., 2013 ; Woolf et Salter, 2000). La possible présence d’hypersensibilité généralisée chez les patients souffrant d’arthrose du genou renforce ainsi la pertinence d’étudier la variabilité interindividuelle en recherche et tenter d’élucider les conséquences cliniques (ex. réponse aux traitements) de ce phénomène.

Parallèlement à ces observations, lorsqu’on s’attarde plus précisément aux corrélations entre les manifestations cliniques et l’excitabilité corticospinale à 110% du SM, nous remarquons

plusieurs corrélations significatives. Comme le révèle le Tableau 6, l'excitabilité corticomotrice liée à cette mesure précise semble influencer ou être influencée par certaines manifestations cliniques telles que les différents niveaux de douleur ainsi que le niveau d’incapacité quotidienne. Bien que les études évaluant l’excitabilité corticomotrice chez les individus souffrant d’arthrose montrent des résultats divergents (Tarragó et al., 2016 ; Kittelson et al., 2014 ; Hunt et al., 2011), nous observons dans ce cas-ci que plus les participants ressentent de la douleur ou éprouvent des incapacités importantes, plus ceux-ci auront des mesures d’excitabilité corticospinale élevée. Les résultats obtenus ne sont pas surprenants considérant que, dans de nombreux cas de douleur chronique, les recherches mettent en évidence une plasticité maladaptée du cortex moteur, se traduisant par une altération de l'équilibre entre les circuits corticomoteurs facilitateurs et inhibiteurs (Parker et al., 2016 ; Woolf, 2011). Une étude publiée récemment par Jodoin et collaborateurs (Jodoin et al., 2020) suggère que cette altération serait associée à la gravité des manifestations cliniques. Ces derniers ont ainsi montré que les patients souffrant de douleur modérée à sévère, suite à un traumatisme orthopédique (fracture), présentaient une réduction des activités inhibitrice GABAergique et facilitatrice glutamatergique comparativement à un groupe de participants sains sans douleur, ce qui n’était pas le cas des individus qui avaient subi un traumatisme et qui rapportaient des douleurs légères (aucune altération du système corticomoteur comparativement aux participants sains). À la lumière de ces observations, il est possible de croire que l’excitabilité corticospinale élevée que montrent les individus souffrant d’arthrose du genou, observée dans le cadre de notre étude, est le résultat de l’activation de mécanismes compensatoires médiée par ces altérations corticomotrices.

Comme il est possible de constater, il est difficile de comparer spécifiquement les résultats obtenus au cours du présent projet à ceux des écrits scientifiques antérieurs. En effet, bien que des changements ont été observés au niveau de l’excitabilité corticospinale chez les gens souffrant d’arthrose du genou (Tarragó et al., 2016 ; Hunt et al., 2011), la relation entre les manifestations cliniques liées à l’arthrose (douleur, raideur et incapacité) et les projections corticospinales (PEM) a été très rarement étudiée. Très souvent, les mesures d’excitabilité corticomotrice ont été comparées entre le côté sain et le côté atteint (diminution de l’amplitude des PEM) (Hunt et al., 2011), ou entre une population arthrosique et une

population saine sans douleur (aucun changement ou augmentation des PEM) (Tarragó et al., 2016 ; Kittelson et al., 2014), sans jamais chercher à mettre en relation l’amplitude des PEM avec les manifestations cliniques. À l’inverse, notre étude a cherché à mettre en relation ces mesures, mais n’a pas comparé les mesures d’excitabilité corticospinale entre le côté sain et le côté atteint, ou entre un groupe de patient souffrant d’arthrose et un groupe d’individus sains (sans douleur), ce qui rend les comparaisons avec les études antérieures hasardeuses et difficiles.

Il est possible de faire le même constat en ce qui concerne l’efficacité des CPM chez les patients arthrosiques. De fait, les projections bulbospinales (efficacité des CPM) ont largement été étudiées chez différentes populations souffrant de douleur chronique, dont l’arthrose du genou (Lewis et al., 2012 ; Arendt-Nielsen et al., 2010). Les études s’accordent à l’effet que les patients souffrant de douleur chronique montrent une diminution de l’efficacité de leur CPM, sans toutefois tenir compte de la variabilité entre les participants concernant les manifestations cliniques éprouvés par ceux-ci. Dans tous les cas, leur efficacité a été comparée à un groupe de participants sains et généralement appariée pour l’âge et le sexe. De cette façon, notre étude permet difficilement de confirmer ou d’infirmer les résultats des études précédentes quant à l’intégrité et à l’efficacité des projections corticospinales ou bulbospinales. Cette dernière permet, par contre, de bonifier les études déjà existantes, en plus d’évaluer la variabilité interindividuelle à travers une même population de gens.

6.3 Association entre les projections corticospinales et les projections bulbospinales

Dans le document Université de Sherbrooke (Page 108-112)