• Aucun résultat trouvé

Université de Sherbrooke

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Université de Sherbrooke"

Copied!
182
0
0

Texte intégral

(1)

Évaluation des projections descendantes du système nerveux: une fenêtre pour mieux comprendre la douleur chronique liée à l’arthrose du genou?

Marylie Martel Par

Programmes de recherche en Sciences de la santé

Thèse présentée à la Faculté de médecine et des sciences de la santé en vue de l’obtention du grade de philosophiae doctor (Ph.D.)

en Sciences de la santé

Sherbrooke, Québec, Canada Février, 2022

Membres du jury d’évaluation Guillaume Léonard, pht, Ph.D., Directeur Programme de recherche en Sciences de la santé

Nathaly Gaudreault, pht, Ph.D., Co-directrice Programme de recherche en Sciences de la santé

Jean-François Lepage, Ph.D., Neuropsychologue, Président du jury Département de Pédiatrie

Mathieu Roy, Ph.D., Évaluateur externe

Département de Psychologie, Faculté des sciences, Université McGill François Desmeules, pht, Ph.D., Évaluateur externe

École de Réadaptation, Faculté de médecine, Université de Montréal

© Marylie Martel, 2022

(2)

SOMMAIRE

Évaluation des projections descendantes du système nerveux: une fenêtre pour mieux comprendre la douleur chronique liée à l’arthrose du genou?

Marylie Martel Par

Programme de recherche en Sciences de la santé

Thèse présentée à la Faculté de Médecine et des Sciences de la Santé en vue de l’obtention du diplôme de philosophiae doctor (Ph.D.) en Sciences de la santé, Faculté de Médecine et des Sciences de la Santé, Université de Sherbrooke, Sherbrooke, Québec, Canada, J1H 5N4 Introduction: L’arthrose du genou est une pathologie douloureuse caractérisée par des changements ostéoarticulaires. Un nombre grandissant d’études suggèrent que ces changements n’expliquent que partiellement la douleur ressentie par les individus souffrant d’arthrose, et que certains mécanismes inhibiteurs descendants, situés au niveau du système nerveux central, pourraient jouer un rôle clé dans la douleur arthrosique. La présente étude visait donc à évaluer la relation entre les manifestations cliniques liées à l’arthrose du genou (douleur, raideur et incapacité) et les projections descendantes (corticospinales et bulbospinales) issues du système nerveux, en plus d’évaluer la faisabilité d’un devis longitudinal visant à explorer la relation entre ces projections descendantes et l’évolution clinique des patients suivant une arthroplastie du genou. Un troisième objectif était de déterminer la présence d’association entre des mesures de tractographie (imagerie de diffusion) et les symptômes cliniques des patients. Méthode: Vingt-huit patients souffrant d’arthrose du genou, et en attente d’arthroplastie, ont été recrutés. Les projections corticospinales ont été mesurées à l’aide de la stimulation magnétique transcrânienne (TMS), alors que les projections bulbospinales (CPM) ont été évaluées en utilisant une procédure de contre-irritation faisant intervenir des stimulations thermiques. Différents questionnaires ont été utilisés afin de documenter les manifestations cliniques liées à l’arthrose du genou et évaluer certains facteurs psychologiques des participants. Ces mêmes mesures ont été prises de nouveau à 6 mois ainsi qu’à 12 mois post-arthroplastie. Résultats: Tous les participants souffraient de douleur modérée à sévère (score moyen: (4 ± 3)/10). Aucune relation n’a été observée entre les mesures cliniques et les mesures neurophysiologiques (seuil moteur, pente des courbes de recrutement, CPM) traduisant l’intégrité et l’efficacité des projections descendantes (tous les p > 0,06). Néanmoins, l’intensité de la douleur était associée à une excitabilité corticospinale plus élevée à 110% du seuil moteur. La raideur, quant à elle, était corrélée avec l’anisotropie fractionnelle (FA) et la densité de fibre apparente (AFD) de la voie corticospinale de la région d’intérêt (genou). Les participants ont tous complété leur visite de suivi à l’exception de deux individus; dont les raisons de leur abandon n’étaient pas en lien avec les procédures de l’étude. Conclusion: À première vue, les résultats suggèrent que les projections corticospinales et bulbospinales ne seraient pas associées aux manifestations cliniques des individus souffrant d’arthrose du genou. Plusieurs projets de recherche, avec des puissances statistiques adéquates, sont nécessaires afin de tirer des conclusions finales quant à l’impact des projections descendantes dans les manifestations cliniques liées à l’arthrose du genou et l’évolution clinique des patients suite à l’arthroplastie.

Mots-clés: Douleur, arthrose du genou, stimulation magnétique transcrânienne, excitabilité corticospinale, cortex moteur, CPM, modulation de la douleur

(3)

SUMMARY

Assessment of descending nervous system projections: a window to better understand knee osteoarthritis pain?

Marylie Martel By

Health Sciences Research Program

A thesis presented to the Faculty of Medicine and Health Sciences in partial fulfillment of the requirements of the degree of Doctor of Philosophy (Ph.D.) in Health Sciences, Faculty of Medicine and Health Sciences, Université de Sherbrooke, Sherbrooke, Québec, Canada,

J1H 5N4

Introduction: Knee osteoarthritis (OA) is a painful condition characterized by osteoarticular changes. A growing number of studies suggest that these changes only partially explain the pain experienced by individuals with OA, and that some of the descending projections of the nervous system, may play an important role in OA pain. The purpose of the current study was to evaluate the relationship between clinical manifestations related to knee OA (pain, stiffness and disability) and the strength of corticospinal and bulbospinal projections, in addition to assessing the feasibility of a longitudinal design exploring the relationship between these descending projections and the clinical evolution of patients following knee arthroplasty. A third objective was to evaluate the association between tractography measures (diffusion imagery) and the clinical symptoms of knee OA patients. Methods: Twenty-eight patients with knee OA awaiting for arthroplasty were recruited. Corticospinal projections were measured using transcranial magnetic stimulation (TMS), while bulbospinal projections (CPM) were evaluated using a counter-irritation paradigm involving thermal stimulations (thermode and cold-water bath). Different questionnaires were used to document the clinical manifestations of knee OA and to evaluate key psychological factors of the participants.

These same measures were taken again at 6 and 12 months post-arthroplasty. Results: All participants suffered from moderate to severe pain (mean score: (4 ± 3)/10). No association was observed between measures of pain, stiffness and disability and neurophysiological measures (motor threshold, slope of recruitment curves, CPM) reflecting the strength of the descending projections (all p > 0.06), although, pain intensity was associated with higher corticospinal excitability at 110% of the motor threshold. Diffusion imagery revealed that stiffness was correlated with fractional anisotropy (FA) and apparent fiber density (AFD) of the corticospinal pathway of the region of interest (knee). All participants completed their follow-up visits except for two individuals; their reasons for dropping out were not related to the study procedures. Conclusion: At first sight, the results suggest that the corticospinal and bulbospinal projections are not associated with the clinical manifestations of individuals with knee OA. More research, with adequately powered studies, is essential to draw final conclusions about the impact of descending projections in the clinical manifestations related to knee OA and the clinical evolution of patients following arthroplasty.

Keywords: Pain, osteoarthritis, transcranial magnetic stimulation, corticospinal excitability, motor cortex, CPM, pain modulation

(4)

TABLE DES MATIÈRES

PREMIER CHAPITRE – INTRODUCTION ... 1

DEUXIÈME CHAPITRE – RECENSION DES ÉCRITS ... 4

2.1 La neurophysiologie de la douleur ... 4

2.1.1 Le phénomène de nociception ... 4

2.1.2 Les mécanismes endogènes de modulation de la douleur ... 7

2.1.3 La douleur chronique ... 11

2.1.4 Un rôle pour le système moteur? ... 12

2.2 Implication des projections descendantes dans la douleur chronique ... 15

2.2.1 Les projections corticospinales ... 15

2.2.1.1 Imagerie et projections corticospinales ... 19

2.2.2 Les projections bulbospinales ... 23

2.2.3 Impact sur l’évolution clinique des patients ... 27

2.3 L’arthrose du genou ... 28

2.2.1 Physiopathologie de l’arthrose du genou ... 28

2.2.2 Manifestations cliniques liées à l’arthrose du genou ... 34

2.2.3 Traitements utilisés en cas d’arthrose du genou ... 37

2.2.3.1 Outils de mesure évaluant la douleur et la fonction physique chez les gens souffrant d’arthrose ... 40

2.2.4 De bons prédicteurs cliniques pour une arthroplastie réussie ? ... 42

2.2.4.1 Facteurs biologiques ... 42

2.2.4.2 Facteurs psychologiques ... 46

2.2.4.3 Autres facteurs ... 48

TROISIÈME CHAPITRE – OBJECTIFS ET HYPOTHÈSES ... 55

3.1 Objectifs ... 55

3.2 Hypothèses ... 55

QUATRIÈME CHAPITRE – MÉTHODOLOGIE ... 57

4.1 Devis expérimentaux ... 57

4.2 Population à l’étude ... 57

4.3 Critères d’admissibilité ... 58

4.3.1 Critère d’inclusion ... 58

4.3.2 Critère d’exclusion ... 58

4.4 Procédure d’échantillonnage et de recrutement ... 58

4.5 Taille de l’échantillon ... 59

(5)

4.6 Variables et instruments de mesure ... 60

4.6.1 Variables indépendantes ... 60

4.6.1.1 Projections corticospinales ... 60

4.6.1.2 Projections bulbospinales ... 64

4.6.1.3 Variables indépendantes secondaires ... 67

4.6.2 Variables dépendantes ... 70

4.6.2.2 Variables dépendantes secondaires ... 71

4.6.3 Variables reliées à la faisabilité du devis longitudinal ... 72

4.7 Déroulement de l’étude ... 72

4.8 Considérations éthiques ... 74

4.9 Analyses statistiques ... 74

CINQUIÈME CHAPITRE – RÉSULTATS ... 77

5.1 Caractéristiques des participants ... 77

5.2 Normalité des données ... 79

5.3 Association entre les manifestations cliniques et les projections corticospinales (volet 1) ... 80

5.4 Association entre les manifestations cliniques et les projections bulbospinales (volet 1) ... 82

5.4.1 Association entre les manifestations cliniques et la sommation temporelle ... 83

5.5 Association entre les projections corticospinales et bulbospinales (analyses exploratoires) ... 84

5.6 Association entre les projections descendantes et l’évolution clinique des patients post-arthroplastie (volet 2) ... 85

5.6.1 Mesures de faisabilité du devis longitudinal de l’étude ... 87

5.7 Association entre les métriques de tractographie et les projections corticospinales (volet 3) ... 88

5.8 Association entre les métriques de tractographie et les manifestations cliniques des participants (volet 3) ... 90

5.9 Estimation de la puissance à postériori ... 92

SIXIÈME CHAPITRE – DISCUSSION ... 95

6.1 Retour sur les objectifs ... 95

6.2 Association entre les manifestations cliniques et les projections descendantes ... 95

6.3 Association entre les projections corticospinales et les projections bulbospinales ... 99

6.4 Association entre les projections descendantes et les symptômes cliniques ... 102

6.4.1 Association entre la sommation temporelle et la douleur ... 104

(6)

6.5 Projections descendantes et évolution clinique des patients post-arthroplastie ... 105

6.5.1 Faisabilité du devis longitudinal de l’étude ... 107

6.6 Tractographie, projections corticospinales et manifestations cliniques ... 108

6.6.1 Association entre les métriques de tractographie et les projections corticospinales ... 108

6.6.2 Association entre les métriques de tractographie et les manifestations cliniques des participants ... 108

6.7 Forces et limites de l’étude ... 112

6.7.1 Forces ... 112

6.7.2 Limites ... 113

6.8 Retombées de l’étude ... 115

6.8.1 Pour la recherche ... 115

6.8.2 Pour la clinique ... 116

SEPTIÈME CHAPITRE – CONCLUSION ... 118

RÉFÉRENCES ... 120

ANNEXE A ... 151

ANNEXE B ... 153

ANNEXE C ... 160

ANNEXE D ... 162

(7)

LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1: Critères radiologiques de Kellgren-Lawrence ... 43

Tableau 2: Informations sociodémographiques des participants ... 77

Tableau 3: Mesures neurophysiologiques et cliniques des participants ... 78

Tableau 4: Test de normalité des données ... 79

Tableau 5: Corrélations entre les manifestations cliniques et les projections corticospinales ... 80

Tableau 6: Corrélations entre les manifestations cliniques et l’amplitude des PEM à 110% du seuil moteur ... 81

Tableau 7: Corrélations entre les manifestations cliniques et les projections bulbospinales ... 82

Tableau 8: Amélioration de l’état clinique des participants ... 86

Tableau 9: Corrélations entre les projections descendantes et l’évolution clinique des participants (6 mois post-arthroplastie) ... 87

Tableau 10: Corrélations entre les métriques de tractographie de l’ensemble de la voie corticospinale du côté atteint par l’arthrose et les métriques TMS ... 89

Tableau 11: Corrélations entre les métriques de tractographie de la voie corticospinale de la région d’intérêt (genou) et les métriques TMS ... 90

Tableau 12: Corrélations entre les métriques de tractographie de l’ensemble de la voie corticospinale du côté atteint par l’arthrose et les manifestations cliniques des participants ... 91

Tableau 13: Corrélations entre les métriques de tractographie de la voie corticospinale de la région d’intérêt (genou) et les manifestations cliniques des participants... 92

Tableau14: Calcul de puissance à postériori ... 93

(8)

LISTE DES FIGURES

Figure 1: Voie ascendante de la douleur ... 6

Figure 2: Voie corticospinale ... 16

Figure 3: Visualisation des modèles de diffusion à l’aide du DTI et de la fODF du corps calleux en vue coronale ... 20

Figure 4: Tractogramme & Visualisation de fibres de matière blanche et de segmentation de différents faisceaux d’intérêts ... 21

Figure 5: Projections bulbospinales ... 24

Figure 6: Genou sain vs Genou arthrosique ... 28

Figure 7: (A) Prothèse unilatérale de genou; (B) Prothèse totale de genou ... 39

Figure 8: Visualisation du faisceau de la voie corticospinale ainsi que de la sphère de segmentation du faisceau d’intérêt affilié au genou arthrosique ... 64

Figure 9: Paradigme de contre-irritation utilisé ... 66

Figure 10: Corrélation entre l’efficacité des CPM et A) l'amplitude des PEM à 110% du SM; B) l'amplitude des PEM à 150% du SM ... 84

Figure 11: Corrélation entre l’efficacité des CPM et la période de silence ... 85

Figure 12: Organigramme du recrutement et des suivis des participants de l’étude ... 88

(9)

LISTE DES ABRÉVIATIONS

AFD Densité apparente de fibre – Apparent fibre density AINS Anti-inflammatoires non stéroïdiens

ANTs Advanced Neuroimaging Tools AVC Accident vasculaire cérébral

BDI Questionnaire abrégé de Beck – Beck depression inventory BPI Inventaire abrégé de la douleur – Brief pain inventory CCA Cortex cingulaire antérieur

CdRV Centre de recherche sur le vieillissement

CoVAS Échelle visuelle analogue reliée à l’ordinateur – Computer visual analog scale CIDN Contrôle inhibiteur diffus nociceptif

CPM Conditioned pain modulation CPT Cold pressor test

CSI Inventaire de sensibilisation central – Central sensitization inventory DTI Imagerie du tenseur de diffusion – Diffuse tensor imaging

EEG Électroencéphalographie EMG Électromyographie

ÉT Écart-type

ÉVA Échelle visuelle analogue

FA Anisotropie fractionnelle – Fractional anisotropy

fODF Fonction de distribution des orientations de fibres – fiber orientation distribution function

IMC Indice de masse corporelle

IRM Imagerie par résonnance magnétique LCA Ligament croisé antérieur

LEFS Lower Extremity Functional Scale M1 Cortex moteur primaire

MB Matière blanche

MD Diffusivité moyenne – Mean diffusivity MPOC Maladie pulmonaire obstructive chronique

MPQ Questionnaire McGill-Melzack sur la douleur – McGill pain questionnaire NMDA N-méthyl-D-aspartate

NRM Noyau raphé magnus

OARSI Osteoarthritis Research Society International

PCS Échelle de dramatisation face à la douleur – Pain catastrophizing scale PEM Potentiel évoqué moteur

PTG Prothèse totale du genou PUG Prothèse unilatérale du genou SI Cortex somatosensoriel primaire SII Cortex somatosensoriel secondaire SICI Short intracortical inhibition

SDRC Syndrome douloureux régional complexe SF-36 36-Item Short Form Survey

SGPA Substance grise périaqueducale SM Seuil moteur

(10)

LISTE DES ABRÉVIATIONS (SUITE)

SNC Système nerveux central

SP Période de silence – Silent period

STAI Inventaire d’anxiété état-trait de Speilberger – State-Trait anxiety inventory tDCS Stimulation transcrânienne par courant direct – Transcranial direct current

stimulation

TENS Transcutaneous electrical nerve stimulation

TMS Stimulation magnétique transcrânienne – Transcranial magnetic stimulation TNF 𝛼𝛼 Facteur de nécrose tumorale – Tumor necrosis factors

TSK Échelle de kinésiophobie TAMPA – Tampa scale of kinesiophobia WOMAC Western Ontario & McMaster universities osteoarthritis index

(11)

À Chantal, Luc et Simon

(12)

Expliquer toute la nature est une tâche trop ardue pour un seul homme ou une seule époque. Il est plus sage de faire peu en étant sûr de soi et laisser le reste à ceux qui viendront après, que présumer de tout sans être sûr de rien.

Isaac Newton Astronome, mathématicien, physicien et scientifique (1642 - 1727)

(13)

REMERCIEMENTS

En premier lieu, j’aimerais remercier de tout cœur mes directeurs de recherche, les professeurs Guillaume Léonard et Nathaly Gaudreault. Merci pour vos judicieux conseils, vos encouragements, votre confiance et aussi pour votre généreuse disponibilité, et ce, malgré vos emplois du temps très chargés. Je ne pouvais espérer mieux que de terminer mon parcours académique à vos côtés.

Il m’est également impossible de passer sous le silence la merveilleuse équipe du laboratoire GRAND (Groupe de recherche sur les Ainés, la Neurostimulation et la Douleur). Merci à vous tous qui avez su faire de ces 4 dernières années, des années stimulantes, enrichissantes et amusantes. Que de plaisir nous avons eu!

Un merci spécial à Antoine Guillerand et à Mathieu Hamel pour leur précieuse aide à la collecte ainsi qu’à l’acquisition de données. Votre vivacité d’esprit saura toujours me surprendre! Je profite également de l’occasion pour remercier chaleureusement Sonia Bédard de la clinique externe d’orthopédie du CHUS, qui m’a été d'une aide inestimable, particulièrement en ce qui a trait du recrutement des patients. Merci également au Pr Maxime Descoteaux ainsi qu’à Étienne St-Onge pour leur précieuse aide avec les différentes analyses d’imagerie.

Par le fait même, j’aimerais aussi remercier les professeurs François Desmeules (Université de Montréal) et Mathieu Roy (Université McGill) qui ont gentiment accepté d’évaluer cette thèse.

Finalement, un énorme merci à ma garde rapprochée; ma famille, mes ami(e)s, pour votre soutien et vos encouragements tout au long de cette merveilleuse aventure. Je vous en suis, et serai toujours, extrêmement reconnaissante! – xxx –

(14)

PREMIER CHAPITREINTRODUCTION

La douleur est définie, selon l’International Association for the Study of Pain, comme « une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable associée à, ou ressemblant à celle associée à, une atteinte tissulaire réelle ou potentielle » (Raja et al., 2020). Bien qu’elle puisse s’avérer invalidante dans certains cas, la douleur demeure un phénomène essentiel agissant comme un signal d’alarme en réponse à la présence d’une menace potentielle pour l’organisme (Basbaum et Thomas, 2013 ; Seifert et Maihöfner, 2009). Néanmoins, lorsque celle-ci perdure au-delà de la période de guérison normale, la douleur, dite aigüe, se transforme en douleur chronique perdant ainsi toute fonction bénéfique qui lui était initialement destinée (Apkarian et al., 2009 ; Marchand, 2009). L’arthrose compte parmi les douleurs chroniques les plus prévalentes, et est, par le fait même, un des diagnostics le plus fréquemment posé chez les individus souffrant de douleurs musculosquelettiques (GBD 2017 Disease and Injury Incidence and Prevalence Collaborators, 2018 ; Petersen et al., 2015b ; Peat et al., 2001).

Cette pathologie chronique touche approximativement 3,3 à 3,6% de la population mondiale, plaçant l’arthrose au 11e rang des maladies les plus invalidantes à travers le monde (Sen et Hurley, 2020).

L’arthrose est caractérisée par des changements articulaires tels que l’amincissement et la destruction du cartilage (présent aux extrémités des os), le remodelage des surfaces osseuses sous-jacentes, ainsi que par une réaction inflammation accentuée au niveau du site où la maladie prend forme (Glyn-Jones et al., 2015 ; Felson, 2009). Ces effets néfastes engendrent d’importantes douleurs articulaires, une perte de mobilité, en plus d’induire divers degrés de déficiences fonctionnelles (Abhishek et Doherty, 2013). Les sites les plus fréquemment affectés par l’arthrose sont les genoux, les hanches et les mains (Salaffi et al., 2014 ; Abhishek et Doherty, 2013), et l’âge est, sans aucun doute, le facteur de risque le mieux documenté dans les écrits scientifiques (Vina et Kwoh, 2018 ; Neogi et Zhang, 2013).

L’arthrose représente ainsi l’une des principales causes de douleur chez les aînées, touchant plus de 33% des individus âgés de plus de 65 ans (Hawker, 2019). Cette atteinte musculosquelettique est parmi les maladies chroniques liées au vieillissement pour laquelle

(15)

il n’existe peu de traitements efficaces permettant de renverser les processus physiopathologiques (Felson, 2009). À ce jour, la plupart des traitements disponibles, généralement une combinaison de traitements pharmacologiques et non pharmacologiques, permettent de soulager les symptômes associés, sans toutefois les faire disparaître complètement (Sen et Hurley, 2020 ; Hochberg et al., 2012 ; Schaible, 2012). L’arthroplastie, soit une chirurgie impliquant le remplacement total de l’articulation par une prothèse artificielle, est alors une alternative envisagée lorsque les traitements conventionnels ne suffisent plus à soulager la personne et que l’autonomie fonctionnelle est compromise (Sen et Hurley, 2020 ; Michael et al., 2010).

Avec 70 502 interventions dénombrées entre 2017 et 2018, l’arthroplastie du genou demeure l’une des chirurgies orthopédiques les plus pratiquées au Canada (2e rang des chirurgies avec hospitalisation) (Institut canadien d’information sur la santé, 2019). Selon le rapport annuel du Registre canadien des remplacements articulaires de 2017-2018, plus de la moitié (63,1%) des patients ayant subi une arthroplastie du genou sont âgés de 65 ans et plus (Institut canadien d’information sur la santé, 2019). L’objectif premier de l’arthroplastie est de réduire, voire éliminer la douleur en remplaçant l’articulation endommagée par une prothèse artificielle (Gittins et Doucette, 2014). Naturellement, en remplaçant l’articulation ainsi que les structures lésées, l’individu ne devrait plus ressentir de douleur. Toutefois, bien que l’arthroplastie soit une intervention efficace, la douleur reste un symptôme important et invalidant chez un nombre appréciable d’individus suite à la chirurgie (Maillette et al., 2017 ; Lewis et al., 2015 ; Vince, 2014). Dans une récente étude utilisant des méthodes de recherche qualitative réalisée par Maillette et collaborateurs auprès d’un échantillon de 8 travailleurs ayant subi une arthroplastie du genou, il a été observé que la douleur restait présente chez tous les travailleurs interrogés, 6 à 12 mois post-arthroplastie, et que celle-ci était un obstacle important au retour au travail pour la moitié d’entre eux (Maillette et al., 2017). La présence de douleur suite à l’arthroplastie témoigne de la complexité du phénomène de la douleur, reposant certes sur l’activation de nocicepteurs en périphérie, mais également sur une série de mécanismes excitateurs et inhibiteurs situés à différents endroits du système nerveux (Marchand, 2010 ; Fields et al., 2006). De fait, de récentes études mettent de l’avant certaines hypothèses suggérant que le système nerveux central aurait un rôle important à jouer dans la

(16)

douleur arthrosique et pourrait être impliqué dans certains échecs thérapeutiques observés chez cette population (Petersen et al., 2016 ; Perrot, 2015 ; Salaffi et al., 2014). Avec les prochaines années à venir, marquées par le vieillissement de la population, le nombre de personnes qui bénéficieront d’une arthroplastie du genou connaîtra une augmentation fulgurante (Lewis et al., 2015 ; Dragan et al., 2014). Considérant que le coût moyen de cette intervention est estimé à environ près de 8 000$ (excluant les honoraires des médecins ainsi que les frais de réadaptation) (Institut canadien d’information sur la santé, 2019), il s’avérerait avantageux d’identifier les patients présentant un pronostic favorable pour une arthroplastie afin de maximiser le succès de cette dernière et de minimiser les coûts (prescrire l’arthroplastie seulement aux patients les plus susceptibles de bien répondre à la chirurgie).

À la lumière de ces observations, il est possible de constater que l’arthrose du genou a un fort impact au niveau individuel ainsi qu’au niveau socioéconomique, et que les mécanismes impliqués dans cette condition douloureuse semblent dépasser le système musculosquelettique. Cela fait de l’arthrose un modèle intéressant pour évaluer l’implication du système nerveux dans la chronicisation de la douleur. En orientant les recherches vers une meilleure compréhension de la physiopathologie de l’arthrose, les résultats qui en découleront pourraient favoriser la mise en place d’une médecine personnalisée et améliorer la prise-en-charge des patients souffrant de douleur.

(17)

DEUXIÈME CHAPITRERECENSION DES ÉCRITS

La présente recension des écrits mettra de l’avant l'état des connaissances actuelles en lien avec les différents concepts clés issus de ce projet de recherche. La neurophysiologie de la douleur, l’implication des projections descendantes dans la douleur chronique, la physiopathologie de l’arthrose du genou, les manifestations cliniques lui étant rattachés, les traitements actuels disponibles afin de soulager la douleur des gens qui en souffrent, ainsi que l’identification de certains prédicteurs cliniques favorable à l’évolution clinique des patients suite à une arthroplastie seront les principaux thèmes abordés au cours des prochaines sections.

2.1 La neurophysiologie de la douleur 2.1.1 Le phénomène de nociception

Bien que la théorie de René Descartes sur la spécificité de la douleur ait perduré au fil de nombreuses années, cette dernière a considérablement évolué suite à d’importantes découvertes scientifiques. Or, l’idée selon laquelle un stimulus nociceptif, tel qu’un pincement, engendre une tension sur une corde neurale résultant en une vibration d’une sonnette d’alarme au niveau du cerveau a été raffinée au cours des derniers siècles et des dernières décennies. Ainsi, les études effectuées ont permis de montrer que la douleur est un phénomène complexe qui est loin d’être linéaire (Millan, 2002 ; Melzack et Wall, 1965). De fait, lors de son ascension vers les centres supérieurs, le message douloureux est soumis à divers systèmes modulatoire faisant en sorte d’accentuer, ou encore de diminuer ce message, qui sera ainsi perçu comme étant plus douloureux ou moins douloureux (de Souza et al., 2009 ; Fields et al., 2006). La modulation du message nociceptif peut avoir lieu à plusieurs niveaux incluant la moelle épinière, le tronc cérébral et les centres supérieurs (cerveau). Ces différents sites de modulation seront discutés plus en détail au cours des prochaines sections.

(18)

Reste que, comme Descartes le proposait, la sensation de douleur prend généralement origine d’un stimulus nociceptif appliqué en périphérie (Marchand, 2008). En effet, lorsque l’organisme fait face à des stimuli potentiellement nuisibles, ceux-ci sont perçus grâce à des nocicepteurs, principalement constitués de terminaisons libres de fibres nerveuses, localisés à la surface ainsi qu’à l’intérieur de la peau, des organes, des muscles et des articulations (Basbaum et Thomas, 2013). Les nocicepteurs peuvent être catégorisés en trois classes distinctes soient: les mécanorécepteurs, les thermorécepteurs ainsi que les récepteurs polymodaux (Basbaum et Thomas, 2013). Dans le cas où ces derniers sont activés et que l’amplitude de la dépolarisation de la membrane cellulaire est suffisante, l’envoi du message nociceptif sera initié (étape de transduction) (Purves et al., 2005). Ainsi, des influx nerveux seront alors véhiculés par des neurones de premier ordre afin d’atteindre la corne dorsale de la moelle épinière (Calvino et Grilo, 2006). Ces neurones de premier ordre sont constitués de fibres A-delta (myélinisées), responsables de la première douleur perçue (sensation localisée et précise) et de fibres C (amyélinisées), responsables de la seconde douleur perçue (sensation diffuse) (Marchand, 2008, 2009). Or, suite à l’arrivée des influx nerveux au niveau de la moelle épinière, il y aura un premier contact synaptique avec les neurones de deuxième ordre principalement localisés dans les zones superficielles des laminas I, II et V de la corne dorsale de la moelle épinière (Marchand, 2008). Cet échange d’informations permettra de relayer le message nociceptif vers les centres supérieurs (étape de transmission) (Basbaum et Thomas, 2013 ; Marchand, 2009). Transmis par l’entremise des voies spinothalamique latérale et spinoréticulaire, le message douloureux transigera vers le tronc cérébral et le thalamus de façon à venir permettre la perception de la douleur (étape de perception). De manière plus spécifique, le faisceau spinothalamique latéral, prenant généralement origine des laminas I, IV, V et VI de la moelle épinière, terminera son chemin dans les noyaux latéraux du complexe ventrobasal du thalamus (Marchand, 2009). À cet endroit, il y aura un second contact synaptique avec les neurones de troisième ordre, permettant ainsi le relai de l’influx nerveux vers le cortex somatosensoriel primaire (SI) et secondaire (SII); tous deux responsables de la composante sensori-discriminative de la douleur traitant ainsi l’information sur la localisation, le type, la durée et l’intensité de la douleur (Marchand, 2009). Quant au faisceau spinoréticulaire, la grande majorité de ses afférences sont issues des laminas profondes VII et VIII de la moelle épinière et iront se projeter vers les noyaux

(19)

centromédian du thalamus ainsi que vers certaines structures du tronc cérébral, impliquées dans la modulation de la douleur dont la substance grise périaqueducale (SGPA) et les noyaux du raphé magnus (NRM) (Basbaum et Thomas, 2013 ; Marchand, 2008). Suite au contact synaptique entre les neurones de deuxième et de troisième ordre au niveau de ces différentes régions cérébrales, l’influx nerveux terminera son ascension vers certaines aires du système limbique telles que le cortex cingulé antérieur (CCA) et l’insula (voir Figure 1) (Marchand, 2008). Ces régions sont entre autres associées à la composante motivo-affective de la douleur, responsable des émotions, de la mémoire ainsi que de l’aspect désagréable de la douleur (Marchand, 2009).

Figure 1. Voie ascendante de la douleur

(Image produite par Sophie Thévenard, pour le compte du Groupe de recherche sur les aînés, la neurostimulation et la douleur)

(20)

2.1.2 Les mécanismes endogènes de modulation de la douleur

Tel que mentionné précédemment, le message nociceptif est soumis à une série de mécanismes modulatoires lors de son trajet vers les centres supérieurs. Ces mécanismes sont susceptibles d’influencer la perception de la douleur (Millan, 2002). Il est possible de présenter ces mécanismes endogènes de modulation de la douleur en les divisant selon trois niveaux distincts; moelle épinière, tronc cérébral et centres supérieurs, présentés ci-dessous.

I. Niveau médullaire

La moelle épinière constitue l’un des premiers sites capables de moduler le message nociceptif. Dès son entrée dans la moelle épinière, l’information nociceptive peut être modulée de façon à diminuer la perception de la douleur ressentie. Cette idée, mise de l’avant pour la première fois par Melzack et Wall dans la désormais célèbre théorie du portillon, propose qu’au niveau des cornes dorsales de la moelle épinière, plus précisément au niveau de la substantia gelatinosa, se trouve des interneurones inhibiteurs qui, une fois activé par les fibres A-bêta (fibres non-nociceptives de gros calibres), viennent inhiber l’activité des fibres A-delta et C (fibres nociceptives) (Melzack et Wall, 1965). Cela fait donc en sorte de bloquer (partiellement ou en totalité) le message nociceptif, en l’empêchant de poursuivre son chemin vers les centres supérieurs, conduisant ainsi à une hypoalgésie locale (Melzack et Wall, 1965). Ce sont ces mécanismes qui explique le réflexe qu’on généralement les individus de frotter la région douloureuse après une blessure pour diminuer la douleur. Ainsi, le fait de frotter le gros orteil lorsque l’on frappe celui-ci sur le pied du lit, par exemple, stimulera les fibres A-bêta pour ainsi mener à l’activation des interneurones inhibiteurs (au niveau de la moelle épinière) et, par conséquent, à l’inhibition des fibres A-delta et C, provoquant une analgésie localisée au niveau de l’endroit où le frottement a été effectué.

Bien que cette théorie ait récemment été jugée trop simple pour expliquer ce mécanisme de modulation de la douleur (Moayedi et Davis, 2013 ; Chen, 2011), de nombreux écrits scientifiques ont appuyé les assises de cette dernière. Entre autres, des études ont permis de démontrer la capacité que possèdent les fibres de gros calibres à inhiber ou moduler les fibres C (Nathan et Rudge, 1974). Cette théorie a donc mis la table pour de nombreuses études

(21)

ayant, ultimement, permis d’accroître nos connaissances sur le phénomène de la douleur (Moayedi et Davis, 2013).

Outre ce mécanisme inhibiteur, la moelle épinière laisse également place à des mécanismes excitateurs de la douleur, dont la sensibilisation centrale. Médiée par une libération prolongée de glutamate, un neurotransmetteur relâché suite à l’activation des récepteurs NMDA (N- méthyl-D-aspartate), la sensibilisation centrale est la résultante d’une dépolarisation des neurones nociceptifs spinaux de deuxième ordre, situés dans la corne dorsale de la moelle épinière, menant à une réponse nociceptive accentuée (hyperalgésie) ou à une réponse exagérée d’un stimulus initialement non douloureux (allodynie) (Granot, 2009 ; Marchand, 2008). La sommation temporelle est l’une des mesures fréquemment utilisées en recherche afin d’évaluer l’activation des mécanismes excitateurs ascendants de la douleur (Weissman- Fogel et al., 2009). De fait, la sommation temporelle reflète l’activité des fibres nociceptives de types C. De manière très simpliste, la méthodologie employée afin de mesurer ce phénomène consiste à induire une stimulation douloureuse tonique ou répétée (thermique, mécanique, etc.) de façon à produire une première douleur (fibres A-delta) et une seconde douleur (fibres C) qui sera prolongée dans le temps, due à la conduction lente de ce type de fibres (Basbaum et Thomas, 2013 ; Marchand, 2008). Ainsi, l’augmentation de l’intensité de la seconde douleur sera définie comme étant la mesure de la sommation temporelle.

II. Niveau du tronc cérébral

Quelque temps après que Melzack et Wall aient publié leur théorie du portillon, l’équipe de Reynolds a mis de l’avant le fait que la modulation de la douleur peut également avoir lieu au niveau du tronc cérébral par l’entremise de différentes structures (Reynolds, 1969). La substance grise périaqueducale (SGPA) ainsi que la partie ventrale du bulbe rachidien (NRM) ont été identifiées comme étant les structures à l’origine des voies descendantes sérotoninergiques et noradrénergiques respectivement (Le Bars et al., 1979a). Or suite à une stimulation douloureuse, le message douloureux empruntera la voie spinoréticulaire afin d’activer la SGPA et le NRM qui, une fois activés, vont envoyer des efférences inhibitrices via les voies descendantes nommées ci-haut vers différents segments de la moelle épinière occasionnant ainsi une analgésie diffuse dans l’ensemble du corps (Le Bars et al., 1979a).

(22)

L’analgésie engendrée est principalement due à la libération de neurotransmetteurs dont la sérotonine et la noradrénaline, provenant des voies descendantes, qui activeront au passage les interneurones GABAergiques et enképhalinergiques (au niveau de la moelle épinière) responsables de bloquer la transmission du message nociceptif du neurone de deuxième ordre vers les centres supérieurs (Le Bars et al., 1979b ; Marchand, 2008). L’effet analgésique diffus obtenu est, entre autres, attribuable aux opioïdes endogènes, libérés suite à la stimulation des interneurones enképhalinergiques. En effet, puisque les récepteurs opioïdergiques sont présents en grande quantité et localisés dans l’ensemble du corps humain, la réponse analgésique engendrée est généralisée (Fields et Heinricher, 1985 ; Fields et Basbaum, 1978). L’ampleur de la réponse analgésique sera proportionnelle à l’intensité du stimulus nociceptif, sa durée ainsi que de la superficie corporelle stimulée (Bouhassira et al., 1995). Longtemps connus sous le nom des mécanismes de contrôle inhibiteur diffus nociceptif (CIDN), ces mécanismes inhibiteurs descendants sont dorénavant appelés les CPM (de l’anglais Conditioned Pain Modulation), terminologie revue par Yarnitsky est ses collaborateurs en 2010 (Yarnitsky et al., 2010).

III. Niveau des centres supérieurs

Les centres supérieurs se trouvent à être le troisième et dernier niveau capable de moduler le message nociceptif. Au cours des dernières années, plusieurs études ont montré que certains mécanismes issus des centres supérieurs ont d’importants rôles à jouer dans le contrôle de la douleur. Utilisant des techniques de neuroimagerie, ces études ont identifié certaines régions corticales, telles que les cortex SI et SII, le CCA ainsi que l’insula (ensembles nommé la Pain Matrix), comme étant impliquées dans la perception de la douleur (Marchand, 2008). Le thalamus figure également parmi les structures cérébrales importantes impliquées dans la modulation de la douleur. Tel que vu précédemment, cette structure joue un rôle clé dans l’intégration des informations nociceptives provenant des voies ascendantes spinothalamique (SI et SII) et spinoréticulaire (CCA et insula) liées aux composantes sensorielles et émotionnelles de la douleur (Marchand, 2004). Néanmoins, tout porte à croire qu’elles ne sont pas les seules régions à être impliquées dans la modulation de la douleur; cet aspect sera discuté au cours des prochaines sections.

(23)

Reste qu’il ne fait aucun doute, l’implication de ces différentes structures cérébrales entre en jeu lorsque l’on parle de manipulations cognitives comme la distraction, l’hypnose ainsi que les attentes (Damien et al., 2018 ; Marchand, 2008). L’hypnose, par exemple, peut moduler la composante sensoridiscriminative (SI) en plus de la composante motivo-affective (CCA) de la douleur (Hofbauer et al., 2001 ; Rainville et al., 1997). En effet, Rainville et ses collaborateurs ont montré que, selon la suggestion qui est donnée lors de l’hypnose, les participants peuvent percevoir différemment (soit positivement ou négativement) l’intensité et l’aspect désagréable d’un même stimulus nociceptif (Rainville et al., 1999). Outre l’hypnose, l’effet placebo est un autre bel exemple de modulation de la douleur médié par les centres supérieurs. L’effet placebo est un phénomène complexe faisant intervenir plusieurs structures cérébrales dont le cortex préfrontal (dorsolatéral et ventro-médian) mais également certaines structures du tronc cérébral telles que la SGPA ainsi que la région rostroventrale du bulbe rachidien (Anne-Claire N, 2020 ; Wager et Atlas, 2015). Médié en partie par les systèmes opioïdergiques et dopaminergiques, cet effet implique également le CCA, l’insula et l’amygdale (activation de la libération d’opioïdes; régions qui seraient responsables de l’activation des mécanismes inhibiteurs descendants de la douleur) (Anne-Claire N, 2020 ; Lau et Vaughan, 2014), et le noyau accumbens (activation de la libération de dopamine;

région impliquée dans le système de récompenses et cruciale dans la réponse placebo) (Anne- Claire N 2020 ; Wager et Atlas, 2015). Fortement influencé par les attentes, l’effet placebo peut s’avérer très efficace en contexte clinique (Amanzio et al., 2001).

Tel que résumé au cours des dernières sous-sections, il est possible de constater que la douleur est un phénomène dynamique faisant intervenir une multitude de structures neuronales et cérébrales afin de bien réguler les mécanismes inhibiteurs et excitateurs de la douleur. Toutefois, de nombreuses études mettent de l’avant l’hypothèse qu’un manque d’équilibre entre ces deux types de mécanismes serait à l’origine de certaines douleurs chroniques.

(24)

2.1.3 La douleur chronique

La douleur aiguë, telle que définie préalablement, est un phénomène essentiel afin d’assurer la protection de notre organisme suite à une menace potentiellement dangereuse. Toutefois, cette douleur peut perdurer à travers le temps, et dépasser largement la période de guérison normale. Ainsi, une douleur qui était initialement aigüe peut se transformer en douleur dite chronique, perdant de ce fait tout effet bénéfique pour l’organisme (Apkarian et al., 2009 ; Marchand, 2009). Or, longtemps considérée comme un simple symptôme, les professionnels de la santé soutiennent aujourd’hui que la douleur est une pathologie en soi, requérant une prise-en-charge ciblée (McCarberg et al., 2012 ; Loeser, 2006). La chronicisation de la douleur engendre inévitablement des incapacités importantes faisant en sorte d’affecter grandement la qualité de vie de ceux qui en souffrent (Raftery et al., 2011 ; Neville et al., 2008). En ce sens, l’expérience de la douleur est loin de se restreindre à de simples afférences nociceptives. La douleur chronique a également des répercussions importantes sur le plan psychologique (ex. dépression, anxiété, stress) (McCarberg et al., 2012), et malencontreusement, les effets négatifs liés à la douleur ne se limitent pas seulement à l’individu. En effet, de nombreuses études démontrent que la douleur chronique peut perturber la situation familiale, sociale et économique des gens qui sont incommodés par celle-ci (Reitsma et al., 2012 ; Tang et al., 2012 ; Lewandowski et al., 2007).

Brièvement abordée au cours du paragraphe précédent, la présence de douleur chronique peut entraîner des incapacités notables se traduisant par certaines déficiences motrices telles que la faiblesse musculaire, une altération dans la coordination et le contrôle de la force ainsi qu’un patron d’activation musculaire anormal (Bank et al., 2014 ; de Oliveira et al., 2011 ; Rice et al., 2011 ; Zeni et al., 2010 ; Lamoth et al., 2006). Alors que certains de ces déficits peuvent induire des transformations au niveau des tissus se trouvant en périphérie (ex.:

atrophie musculaire, modifications métaboliques), la présente littérature soutient de plus en plus l’idée que des changements peuvent également se produire au niveau du système nerveux, plus précisément au niveau des projections corticospinales, issues du cortex moteur primaire (M1) (Parker et al., 2016).

(25)

2.1.4 Un rôle pour le système moteur?

Jusqu’à tout récemment, la majorité des études s’intéressant au phénomène de chronicisation de la douleur ont orienté leurs approches vers la neurophysiologie du système sensoriel et, par le fait même, vers les régions impliquées dans la perception de la douleur (SI, SII, CCA, SGPA) (Tracey et Mantyh, 2007 ; Apkarian et al., 2005). Néanmoins, de nouvelles observations soulèvent la possibilité que les informations nociceptives transmises et intégrées par le système sensoriel puissent affecter (ou être affectées) par d’autres régions cérébrales.

Or, au cours des dernières années, de nombreuses études ont mis de l’avant l’hypothèse que les mécanismes situés au niveau de la moelle épinière et du tronc cérébral, tel que vu préalablement, auraient un rôle à jouer dans la chronicisation de la douleur (Granot et al., 2006 ; Edwards, 2005 ; Price et Dubner, 1977). Outre ces mécanismes, le cortex moteur semble également être devenu une région d’intérêt grandissante auprès des équipes de recherche en ce qui a trait de son implication dans la modulation de la douleur.

De fait, les écrits montrent que le lien entre le cortex moteur et la douleur ne date pas d’hier.

Au cours des années 90, une étude de Tsubokawa et collaborateurs a observé que la stimulation du cortex moteur, à l’aide d’électrodes implantées au-dessus de la dure-mère (membrane entourant le cerveau), réduisait la douleur chez des patients souffrant de conditions douloureuses persistantes et réfractaires aux traitements usuels (Tsubokawa et al., 1991). Heureusement, grâce aux progrès technologiques réalisés au cours des dernières années, des outils de neuromodulation ont été développés afin de moduler l'activité de M1 de manière non invasive. Ainsi, ces outils ont permis à certains groupes de recherche d’appuyer les résultats de la précédente étude en démontrant une diminution de la perception de la douleur chez les personnes souffrant de douleurs chroniques résultant de pathologies diverses, par exemple; douleurs neuropathiques, SDRC (syndrome douloureux régional complexe), fibromyalgie (Dasilva et al., 2012 ; Hansen et al., 2011 ; Picarelli et al., 2010 ; Lefaucheur et al., 2008). Bien que les écrits cités ci-haut s’accordent pour dire que la stimulation du cortex moteur induit une hypoalgésie chez des patients souffrant de douleur chronique, la récente mise à jour de la revue Cochrane sur les techniques de stimulation cérébrale non-invasives pour les douleurs chroniques suggère que, de manière générale, il

(26)

n’y a pas de preuve de haute qualité pour appuyer ou réfuter l’efficacité de ces techniques (O’Connell et al., 2018). Pour cause, de nombreux biais y sont rapportés tels que la taille d’échantillon des études retenues, la durée de ces études, la perte au suivi de certains participants ainsi qu’un rapport sélectif de certaines données (absence des valeurs des journaux de douleur, etc.). Ainsi, de plus amples études contrôlant davantage pour ces biais sont nécessaires afin de tirer une conclusion précise concernant l’efficacité de ces différentes techniques de stimulation.

De plus, l’effet qu’a la douleur sur l’excitabilité corticomotrice ne semble pas faire l’unanimité à travers la communauté scientifique, à la fois pour les douleurs expérimentales ou cliniques. Par exemple, une récente revue systématique a révélé des preuves limitées et contradictoires concernant l’effet inhibiteur qu’aurait la douleur expérimentale (tonique ou phasique) sur l’excitabilité corticospinale lorsqu’appliquée au niveau de la main ou du visage (Rohel et al., 2021). Cela semble être également le cas lorsque ce type de douleur est appliqué ailleurs sur le corps (ex. bras et avant-bras), ou encore lorsqu’il s’agit de douleurs cliniques (Eisenberg et al., 2005 ; Karl et al., 2001). Ici encore, de nombreux biais méthodologiques (nombre limité de participants et utilisation de différentes méthodologies pour mesurer l’excitabilité corticospinales) peuvent expliquer ces résultats divergents, soulevant du même coup l’importance de standardiser la méthodologie à travers les différentes études. En ce qui à trait des douleurs chroniques plus précisément, certaines études vont jusqu’à proposer que ces modifications empêcheraient l’activation de certains mécanismes endogènes de contrôle de la douleur, favorisant ainsi le maintien de la douleur dans un état de douleur chronique (Plow et al., 2012 ; Lefaucheur et al., 2008 ; Garcia-Larrea et Peyron, 2007). Néanmoins, les preuves neurophysiologiques pouvant expliquer la relation entre l’inhibition de la douleur et le cortex moteur demeurent limitées. Les travaux menés par l’équipe de Sluka et collaborateurs ont quant à eux suggéré que la pratique d’activité physique de façon régulière (activation du système moteur), comparativement à un mode de vie sédentaire, engendrerait la libération d’opioïdes endogènes (tronc cérébral) et de sérotonine (substance grise periaqueducale et médulla rostrale ventromédiane (Piché et al., 2009)) menant à une inhibition des neurones facilitateurs (effet antinociceptif; voir notamment Sluka et al., 2018).

(27)

Le phénomène d’atténuation sensorielle est également un mécanisme intéressant à considérer lorsqu’il est question de l’influence du système moteur sur la perception de la douleur (Pinto et al., 2021). Ce phénomène est décrit comme étant un mécanisme de filtrage optimisant l’extraction des informations sensorielles nécessaires au contrôle moteur, qui ultimement mène à une détection plus lente et une évaluation réduite des stimuli somatiques (Pinto et al., 2021 ; Voss et al., 2006 ; Haggard et Whitford, 2004). L’étude de Pinto et collaborateurs s’est intéressée à savoir si ce phénomène d’atténuation sensorielle s’applique également au domaine de la douleur. Leurs résultats permettent de suggérer que l’exécution de tâche motrice (et non la préparation) affecte la perception de la douleur, soutenant ainsi l’idée que le système moteur pourrait avoir un effet inhibiteur sur le traitement (processing) du message nociceptif. Ces derniers résultats sont cohérents avec les écrits scientifiques qui montrent que l’exécution d’une tâche volontaire engendre une atténuation de l’activité neuronale dans les zones sensorielles et réduit les niveaux de sensation consciente des afférences anodines (Haggard et Whitford, 2004 ; Chapman et al., 1987).

Certains ouvrages ont également proposé d’autres hypothèses pour expliquer l’effet hypoalgésique que peut avoir la stimulation du cortex moteur, tel que la relâche de neurotransmetteurs neuromodulateurs (ex. glutamate, acétylcholine, dopamine) pouvant influencer certaines zones corticales et sous-corticales impliquées dans le traitement et la modulation des influx nociceptifs (Korchounov et Ziemann, 2011 ; Molina-Luna et al., 2009 ; Kuo et al., 2008, 2007 ; Lefaucheur, 2005), ainsi que la modulation de l’activité de la substance grise périaqueducale (relai important pour les projections inhibitrices descendantes de la douleur), du CCA périgénual et des régions orbitales-frontales impliquées dans l'évaluation émotionnelle de la douleur (Garcia-Larrea et Peyron, 2007). Malgré ces propositions fort intéressantes, aucune preuve directe ne permet encore de confirmer ou d’infirmer ces idées. Il demeure en effet extrêmement difficile de vérifier ces hypothèses chez l’humain compte tenu de la nature risquée et invasive des approches que cela impliquerait. Les études animales demeurent une option, mais rien ne nous permet, à ce stade- ci, de présumer que les circuits nociceptifs sont les mêmes chez l’animal et chez l’humain.

Ainsi, mettre le doigt sur un mécanisme précis permettant d’expliquer les interactions entre le système moteur et la modulation de la douleur demeure difficile.

(28)

Or, dû à ces dernières observations, celles-ci renforcent l’hypothèse que le cortex moteur aurait vraisemblablement, lui aussi, un rôle à jouer dans la modulation de la douleur, et que la présence de douleur chronique pourrait être, en partie, soutenue par l'implication des projections corticospinales (issus du cortex moteur).

2.2 Implication des projections descendantes dans la douleur chronique

De récentes études suggèrent que le système nerveux, en particulier les projections descendantes, aurait à jouer un rôle important dans la physiopathologie de plusieurs conditions douloureuses et par conséquent, limiter l’efficacité thérapeutique des interventions utilisées auprès des individus souffrant de douleur chronique. Ces projections descendantes comprennent entre autres les projections corticospinales (issues du cortex moteur) et les projections bulbospinales (issues du tronc cérébral).

2.2.1 Les projections corticospinales

Prenant origine au niveau du cortex moteur, la voie corticospinale (latérale) joue un rôle clé dans les fonctions motrices, particulièrement pour ce qui est des mouvements impliquant les muscles distaux (Jang, 2014). En effet, l’induction d’un mouvement volontaire est rendue possible grâce à la succession de deux motoneurones, soit le motoneurone supérieur (bleu) et le motoneurone inférieur (vert), tel qu’illustré sur la Figure 2. Le motoneurone supérieur provient du cortex moteur et poursuit son chemin le long de la moelle épinière, du côté controlatéral, suivant une décussation au niveau du bulbe rachidien (Felten et al., 2015). Il y aura ensuite contact synaptique, au niveau de la corne ventrale de la moelle épinière, entre le motoneurone supérieur et le motoneurone inférieur, qui acheminera à son tour l’influx nerveux jusqu’au muscle, menant ainsi à l’initiation de la commande motrice (Stanfield, 1992); le terme « projections corticospinales » fait donc référence à ces deux motoneurones.

(29)

Figure 2. Voie corticospinale (Image produite par Sophie Thévenard, pour le compte du Groupe de recherche sur les aînés, la

neurostimulation et la douleur)

En recherche, il est possible d’évaluer l’intégrité et l’excitabilité de la voie corticospinale en utilisant des outils de neurostimulation comme la stimulation magnétique transcrânienne (TMS) (Abbruzzese et Trompetto, 2002). C’est au milieu des années 80 que Barker et ses collègues ont découvert qu’il était possible de stimuler les cellules du cortex moteur par l’entremise d’un champ magnétique traversant le cuir chevelu et la boîte crânienne (Barker et al., 1985). De fait, cela est possible grâce à l’utilisation d’une bobine circulaire, maintenue au-dessus de la tête (vis-à-vis le cortex moteur), et dans laquelle circule un courant électrique.

Ce courant électrique va générer un champ magnétique, perpendiculaire au champ électrique et concentré en un point, qui traversera le crâne (de manière non invasive) pour ultimement dépolariser les neurones du cortex moteur (Hallett, 2000). Dans le cas où la variation de charge entre les ions est suffisante, un potentiel d’action sera généré et se propagera le long de l’axone des motoneurones supérieurs et inférieurs, pour ultimement induire une brève contraction musculaire du muscle visé. En mesurant cette réponse musculaire "provoquée"

(potentiel évoqué moteur [PEM]), à l’aide d’un système d’électromyographie (EMG), il est

(30)

ainsi possible d’évaluer une série de paramètres reflétant, entre autres, l’intégrité ainsi que l’excitabilité de la voie corticospinale (Davey, 2008 ; Epstein, 2008 ; Abbruzzese et Trompetto, 2002). Le seuil moteur (SM), représentant l’intensité de stimulation minimale requise pour obtenir une réponse EMG, est généralement le premier paramètre à être évalué étant donné que toutes les autres mesures pouvant être déterminées avec la TMS sont mesurées en fonction de cette valeur (Rossini et Rossi, 2007 ; Abbruzzese et Trompetto, 2002). L’amplitude de la réponse musculaire (PEM), acquise à différentes intensités de stimulation (% du SM), est également un paramètre couramment mesuré. Grâce aux courbes de recrutement, où il s’agit de tracer l’amplitude des PEM en fonction de l’intensité de la stimulation TMS, il est possible de visualiser les changements d’excitabilité corticospinale.

De surcroît, la pente de ces différentes courbes de recrutement reflète la force des projections corticospinales (Abbruzzese et Trompetto, 2002 ; Abbruzzese et al., 1999).

Depuis déjà quelques années, un bon nombre d’études a évalué l’effet d’une douleur clinique sur l’excitabilité de cellules du cortex moteur. Il appert que la douleur peut moduler l’excitabilité corticomotrice (projections corticospinales) et que cette modulation varie selon la condition douloureuse dont il est question. Les recherches s'intéressant aux sciatalgies (Strutton et al., 2003), ou au SDRC (Krause et al., 2005) montrent une diminution de l'excitabilité corticomotrice du membre atteint, alors que d’autres groupes de recherche montrent une augmentation des mesures d’excitabilité chez d’autres populations, dont les individus souffrant de douleurs fantômes (Karl et al., 2001). Bien que seul le type de douleur peut expliquer la divergence entre les différentes études, il est tout de même important de souligner que ces dernières ont utilisé des méthodologies différentes (évaluation TMS, répartition hommes/femmes), en plus d’avoir des tailles d’échantillons relativement petites.

L’une des rares études ayant évalué l’effet provoqué par une douleur de type inflammatoire sur l’excitabilité corticospinale est celle de On et collaborateurs, réalisés chez des patients atteints du syndrome fémoro-patellaire (On et al., 2004). Cette dernière a montré que les gens souffrant de ce type de douleur présentent une plus grande excitabilité corticospinale comparativement au groupe témoin de participants sains. De façon intéressante, les chercheurs ont observé que ces changements se limitaient aux muscles entourant l’articulation douloureuse et qu’aucune différence entre les deux groupes n’a été observée

(31)

pour les muscles extenseurs des orteils (site distant). Néanmoins, à travers une même pathologie, il est possible de constater quelques discordances entre certains groupes de recherche. C’est le cas, entre autres, avec les études ayant évalué l’excitabilité corticospinale chez une population atteinte d’arthrose du genou. En effet, ces différentes études observent une augmentation, une diminution, ou encore aucun changement au niveau de l’excitabilité corticospinale (Tarragó et al., 2016 ; Kittelson et al., 2014 ; Hunt et al., 2011). Cette divergence entre les résultats observés pourrait s’expliquer, du moins en partie, par des raisons méthodologiques ou encore par une certaine variabilité inter-sujet. De fait, une étude, réalisée dans le cadre de ma maîtrise et au cours de laquelle les participants étaient soumis à la même procédure expérimentale (application d’une crème de capsaïcine au niveau de l’avant-bras) a révélé des réponses très variables, avec approximativement deux tiers des individus montrant une diminution de l’excitabilité corticospinale suivant l’application de la crème de capsaïcine, et un tier présentant une augmentation de l’excitabilité corticospinale (Martel et al., 2017). Cette variabilité inter-sujet pourrait être une piste d’explication intéressante face aux résultats contradictoires et expliquer les conclusion d’une récente méta- analyse suggérant que, de façon générale, il n’y aurait pas de différence d’excitabilité corticospinale entre les patients souffrant de douleur chronique et les individus en bonne santé (Parker et al., 2016).

En ce sens, il serait important de s’attarder à l’implication potentielle des projections corticospinales dans la douleur chronique, et ce de manière inter-sujet, considérant que la douleur complique significativement la réadaptation physique des patients qui en souffrent (Dromerick et al., 2008 ; Boudreau et al., 2007). Une étude de Bouffard et collaborateurs suggère que la douleur aurait un impact non négligeable sur l’apprentissage de nouvelles tâches motrices (Bouffard et al., 2014), aidant du coup à comprendre pourquoi la réadaptation est souvent plus difficile chez les individus qui souffrent de douleur (Tsao et al., 2008). Ces observations, combinés aux résultats des études de neurostimulation décrits dans la section précédente montrant que le système moteur fait partie intégrante d’un réseau capable de moduler la douleur (Moisset et al., 2016 ; Dasilva et al., 2012 ; Hansen et al., 2011 ; Mhalla et al., 2011 ; Picarelli et al., 2010), permettent de croire qu’il pourrait être possible de prédire

(32)

l’évolution clinique des patients en mesurant l’excitabilité de leurs projections corticospinales.

2.2.1.1 Imagerie et projections corticospinales Imagerie par résonnance magnétique (IRM)

L’imagerie par résonnance magnétique est un outil non invasif utilisée en recherche et en clinique depuis de nombreuses années (Geva, 2006). Cette technologie permet de générer des images structurelles et fonctionnelles du cerveau humain, et ce, de façon très précise (Radue et al., 2016). L’utilisation de différents champs magnétiques (puissants et faibles;

radiofréquences) permets de créer des images de haute résolution dans le but de visualiser les structures du système nerveux et, possiblement de visualiser les lésions associées à certaines maladies. Entre autres, les images issues de l’IRM structurelle font en sorte de mettre en évidence le contraste entre la matière blanche et la matière grise et permettent ainsi de nous renseigner sur l’anatomie du cerveau (volume, surface, épaisseur corticale, etc.) (Yousaf et al., 2018).

L’IRM de diffusion est une technique d’acquisition d’image qui permet de caractériser davantage la matière blanche du cerveau par l’analyse de sa microstructure (Yousaf et al., 2018). Les prémisses de l’IRM de diffusion se basent sur les propriétés de diffusion de molécules d’eau - le déplacement des molécules d’eau varie en fonction du tissu dans lequel elles se trouvent (Jones, 2010). À titre d’exemple, l’eau contenue dans le liquide céphalorachidien, au niveau des ventricules, peut se déplacer sans contrainte, et ce, dans toutes les directions (mouvement brownien; diffusion isotrope), alors qu’au niveau de la matière blanche, la myéline se trouvant le long des axones contraint la diffusion des molécules d’eau, de sorte que le mouvement de ces dernières s’alignera essentiellement le long de ces axones (la direction de la diffusion de la molécule d’eau indiquera l’orientation de l’axone dans lequel elle se trouve; diffusion anisotrope) (Ranzenberger et Snyder, 2021).

Suivant l’application de plusieurs gradients de diffusion, et ce dans plusieurs directions, il est

(33)

ainsi possible d’obtenir de l’information sur la structure de la matière blanche alignée dans les différentes directions choisies (Ranzenberger et Snyder, 2021).

De fait, l’imagerie du tenseur de diffusion (en anglais diffuse tensor imaging ou DTI) permet d’estimer l’orientation principale de la structure suivant un modèle gaussien tridimensionnel, généralement représenter sous la forme d’un ellipsoïde (Figure 3A), et ce à chacune des postions (voxel) (Basser et al., 1994). De plus, une modélisation plus complète des orientations de la sphère, soit la fonction de distribution des orientations de fibres (fODF), peut être utilisée afin d’obtenir une estimation plus précise des directions de la diffusion et ainsi rendre la tractographie plus sensible aux croisements de fibres (Figure 3B) (Descoteaux et al., 2009 ; Tournier et al., 2004).

Figure 3. Visualisation des modèles de diffusion à l’aide du DTI [A] et de la fODF [B] du corps calleux en vue coronale (T1)

(Images produites et autorisées par Etienne St-Onge)

À partir de ces modèles, il est possible d’extraire différentes mesures de diffusion telles que la diffusivité moyenne (MD), l’anisotropie fractionnelle (FA), le volume, ainsi que la densité de fibre apparente (AFD totale) (Alexander, 2007; Pierpaoli, 1996). La MD est une mesure de la diffusion moyenne de l’ensemble des directions dans un voxel; plus la valeur est faible plus la diffusion est anisotrope. Contrairement à la MD, la FA est une mesure de l’anisotropie renseignant sur la non-sphéricité de la diffusion des molécules d’eau. Ainsi, une anisotropie de 0 correspond à une sphère parfaite (diffusion isotrope), alors qu’une valeur égale à 1 correspond à une diffusion fortement anisotrope, le long d’un seul axe. Finalement, pour ce

A B

(34)

qui est de l’AFD totale, celle-ci est une mesure quantitative d'amplitude de diffusion dans chaque voxel, obtenue à l’aide de la fODF (Raffelt, 2012).

Tractographie

Suite à la reconstruction des modèles locaux issus de l’IRM de diffusion par la tractographie, le tractogramme, tel qu’illustré ici-bas (Figure 4), est la résultante de ce processus d’analyse d’images démontrant ainsi les millions de fibres virtuelles de l’ensemble du cerveau; les fibres virtuelles sont une représentation des trajectoires potentielles entre les différentes régions et non d’axones réels. De ces trajectoires, un algorithme peut être utilisé afin de segmenter les faisceaux distincts que constituent les différentes fibres de la matière blanche (Garyfallidis et al., 2018).

Figure 4: A. Tractogramme. Les couleurs signifient l’orientation principale des fibres de matière blanche (Rouge: axe gauche-droite, Vert: axe antérieur-postérieur, Bleu:

axe supérieur-inférieur; B. Visualisation de fibres de matière blanche et de segmentation de différents faisceaux d’intérêts

(Images produites et autorisées par le laboratoire de Maxime Descoteaux)

B

A

(35)

Projections corticospinales et tractographie

La voie corticospinale est l’une des voies importantes du système nerveux, suscitant du coup un certain intérêt pour les chercheurs et les cliniciens (Dalamagkas et al., 2020). De par son implication dans la détérioration de la fonction motrice due à certaines pathologies cliniques (ex. accident vasculaire cérébrale, sclérose latérale amyotrophique, sclérose en plaques), divers groupes de recherche ont utilisé la tractographie afin d’évaluer l’intégrité des fibres nerveuses de la voie corticospinale dans ces conditions (Filippi et al., 2016 ; Feng et al., 2015 ; Graaff et al., 2011). Des études ont montré que les mesures de FA pourraient nous renseigner sur l’intégrité des fibres nerveuses (Alshikho et al., 2016 ; Doughty et al., 2016), alors que les mesures de volume du faisceau de la voie corticospinale pourraient nous informer sur les déficits nerveux (Feng et al., 2015). Cependant, il demeure important de garder en tête que la condition clinique en soi peut avoir un rôle important à jouer au niveau de l’intégrité de la voie corticospinale. Cela pourrait ainsi générer une certaine variabilité entre divers paramètres, considérant que les différentes conditions pathologiques peuvent affecter l’intégrité de la voie corticospinale de différente façon. À ce jour, peu de recherche été effectuée afin d’évaluer l’intégrité de la voie corticospinale, via la tractographie et/ou la TMS, chez les individus souffrant de conditions pathologiques ne s’attaquant pas directement à la voie corticospinale (ex. arthrose). Dans les écrits scientifiques, on retrouve toutefois une étude ayant évalué l’intégrité de nerfs périphériques (fémoral et sciatique) par tractographie en mesurant, entre autres, la FA chez des patients souffrant d’arthrose de la hanche ou d’une ostéonécrose de la tête fémorale (Wako et al., 2019); ces chercheurs ont montré qu’il n’y avait pas de différence significative de la valeur de FA entre le côté affecté et non affecté. Il est toutefois important ici de garder en tête qu’il s’agit d’une seule étude et que cette dernière s’est intéressée au système nerveux périphérique et non aux voies du système nerveux central, et que d’autres recherches subséquentes devront être réalisées avec, par exemple, des tailles d’échantillons plus élevées (n=22). Bien que cette étude inclue deux types de conditions douloureuses, les auteurs ne se sont pas intéressés aux possibles associations entre l’intégrité de la voie corticospinale et les manifestations cliniques des patients, tel que l’intensité de la douleur.

Références

Documents relatifs

Si toutes les localisations sont possibles, la céphalée secondaire à une brèche méningée (CsBM) est classiquement bilatérale sévère, constrictive, occipitale, occipito-frontale

(Macrophage Inflammatory Protein). Le rôle des macrophages dans la pathogénèse de l'asthme est difficile à élucider car ces cellules relâchent des

Par ailleurs, lorsque l'on place côte à côte un graphique de hAT 1 -WT et un graphique d'un mutant constitutivement actif hAT 1 -Nl 11G, on remarque que les deux

TEG1 Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) tels que l’ibuprofène peuvent être proposés en seconde intention, en particulier chez les patients ne présentant pas de

Thérapie Cellulaire par cellules souches mésenchymateuses Technique récente de réparation du cartilage (1). • Peu de données cliniques sur traitement

Sur le plan des résultats, nous avons montré que si la méronymie, considérée globalement, est repérée dans des proportions comparables à d’autres relations (environ 1/3

Nonnegative tensor factorization (NTF) - nonnegative Canonical Polyadic decomposition (NNCP) - multi-way analysis - preprocessing- 3D fluorescence spectroscopy..

Avoir une prothèse contrainte à. charnière