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Association entre les projections descendantes et les symptômes cliniques

Dans le document Université de Sherbrooke (Page 115-118)

Les personnes atteintes de maladies chroniques sont plus susceptibles de rapporter des symptômes psychologiques indésirables que les personnes ne souffrant pas de douleur. La dépression, la dramatisation face à la douleur ainsi que l'anxiété sont des symptômes fréquents chez les personnes atteintes d'arthrose du genou (Riddle et al., 2010 ; Dekker et al., 2009). Malgré le fait que les participants de notre étude présentaient des symptômes psychologiques légers (les scores moyens des différents questionnaires sont inférieurs au seuil de détection de troubles psychologiques; voir le Tableau 3), nos résultats ont révélé que les participants qui présentaient des niveaux plus élevés de dramatisation face à la douleur étaient aussi ceux dont l’excitabilité corticospinale était plus élevée (mesurée via la pente des courbes de recrutement). Ce résultat rejoint, en partie, celui de l’étude de Volz et collaborateurs qui a montré que la dramatisation face à la douleur était associée à une plus grande facilitation intracorticale chez les gens souffrant du syndrome de douleur mysofaciale – les corrélations avec les autres mesures TMS (SM, PEM, SP) étant toute non-significatives (Volz et al., 2013). À cet effet, les auteurs suggèrent que cette association entre la dramatisation face à la douleur et la facilitation intracorticale pourrait s’expliquer par le fait que la dramatisation face à la douleur mènerait à une suractivation des structures limbiques, ce qui engendrait une plus grande libération de glutamate et occasionnerait, du même coup, une augmentation de la facilitation intracorticale (Isaac et al., 1995 ; Kaas, 1991). De plus, certaines études ont également démontré que la dramatisation face à la douleur était un prédicteur fiable concernant différents aspects se rattachant à l’expérience de douleur telles que son intensité, l’incapacité, la charge émotionnelle et la fluctuation (Sturgeon et Zautra, 2013 ; Sullivan et al., 2005, 2001). Or, la présence de cette relation entre les mesures corticospinales et le niveau de dramatisation face à la douleur renforce ainsi l’idée que ce facteur psychologique pourrait avoir un impact considérable sur les mécanismes neurophysiologiques associés à certaines douleurs chroniques.

Dans le même ordre d’idée, nous avons observé que les participants qui avaient des niveaux élevés de dramatisation face à la douleur et/ou d’anxiété (état) étaient aussi ceux qui avaient

les CPM les plus efficaces. À ce jour, les écrits scientifiques divergent en ce qui concerne l’association entre les niveaux de dramatisation face à la douleur et l’efficacité des CPM. En effet, alors qu’un certain nombre d’études n’ont pas réussi à établir une association entre les niveaux de dramatisation face à la douleur et les réponses CPM (Martel et al., 2013 ; Edwards et al., 2003), d’autres études ont pu observer une association positive (Granot et al., 2008) ou négative (Weissman-Fogel et al., 2008) entre ces deux variables. L’étude de Nahman-Averbuch révèle que la dramatisation face à la douleur serait un facteur psychologique associé à des réponses CPM spécifiques à la modalité utilisée (ex. stimulation thermique vs stimulation électrique), chez des individus en bonne santé (Nahman-Averbuch et al., 2016).

Cette dernière observation soulève ainsi l’idée que les différents paradigmes, utilisant différentes modalités de stimulation afin d’évaluer les CPM, feraient intervenir différents mécanismes sous-jacents (Sean et al., 2020). En ce qui concerne plus précisément les symptômes dépressifs, notre étude n’a montré aucune corrélation entre ces derniers et l’efficacité des CPM. Même si certains groupes de recherche ont indiqué que les symptômes dépressifs étaient aussi corrélés avec les réponses CPM (l’efficacité des CPM était plus faible chez les individus ayant des indices de dépression plus élevés (Nahman-Averbuch et al., 2016 ; de Souza et al., 2009), l'absence d'association entre les symptômes dépressifs et les réponses CPM n'est pas surprenante ici étant donné que nos participants ont montré peu ou pas de signe de dépression. Il est intéressant de noter qu'une étude a montré qu’il était tout de même possible que les individus souffrant de dépression majeure possèdent des CPM efficaces, suggérant ainsi que les perturbations de sérotonine et de noradrénaline, engendrer par la dépression ne semblent pas influencer l’efficacité des CPM (Normand et al., 2011).

Dans cette optique, Murphy et ses collègues ont suggéré que le système nerveux central pourrait jouer un rôle plus important chez les personnes souffrant d'arthrose symptomatique (niveau élevé de douleur, fatigue, problèmes de sommeil et humeur négative) (Murphy et al., 2011). Ces observations sont corroborées par une autre étude qui a révélé que les réponses du système nerveux central diffèrent en fonction du profil psychologique des personnes atteintes d'arthrose du genou (Cruz-Almeida et al., 2013). En effet, les auteurs ont montré que le groupe d’individus ayant un profil psychologique moins favorable (faible niveau d’optimiste, présence de détresse et de sentiments négatifs [colère, mépris, culpabilité] / hypervigilance à la douleur) présentait également des niveaux plus importants de douleur

ainsi que d’incapacité. Cela renforce ainsi l'idée que la sensibilisation centrale (diminution et/ou augmentation de l’efficacité des mécanismes inhibiteurs et excitateurs de la douleur, respectivement) peut contribuer aux profils de symptômes psychologiques dans cette population spécifique.

6.4.1 Association entre la sommation temporelle et la douleur

De plus, les écrits scientifiques montrent qu’il existe une association entre la présence de nombreux problèmes de douleur chronique et certains dérèglements des mécanismes excitateurs de la douleur (Moana-Filho et al., 2018 ; Staud, 2012). Les patients souffrant d'arthrose du genou ont, par exemple, tendance à présenter une sommation temporelle (mécanisme excitateur de la douleur) plus importante que les individus en bonne santé (sans douleur) (Kurien et al., 2018 ; Petersen et al., 2016 ; Arendt-Nielsen et al., 2010). Bien que ces observations soient intéressantes, elles ne reflètent pas les variations interindividuelles de la sommation temporelle dans la population souffrant d'arthrose du genou. Ainsi, nos résultats permettent de pousser plus loin ces observations en suggérant que l'ampleur de la sommation temporelle varie entre les individus atteints d'arthrose du genou et que ces variations sont positivement corrélées avec certaines mesures de douleur (douleur mesurée avec le WOMAC). À notre connaissance, deux autres études ont rapporté des observations similaires (Kurien et al., 2018 ; Neogi et al., 2015). Dans l'une de ces études, les chercheurs ont observé que la sommation temporelle était associée à la sévérité de la douleur liée à l’arthrose du genou, mesurée également avec la sous-échelle douleur du WOMAC (Neogi et al., 2015). Toujours chez une population de patients souffrant d’arthrose du genou, l’étude de Kurien et ses collaborateurs a, quant à elle, démontré une différence significative entre la sommation temporelle des patients ayant un score élevé au questionnaire PainDETECT, et la sommation temporelle des patients ayant un score faible à ce même questionnaire. Ainsi, les patients ayant un score élevé au PainDETECT montraient une sommation temporelle plus importante (Kurien et al., 2018). Ensemble, ces résultats suggèrent que les mécanismes excitateurs de la douleur, dans le cas présent la sommation temporelle, auraient un rôle à jouer dans la douleur ressentie par les patients (cause ou conséquence à la douleur).

6.5 Projections descendantes et évolution clinique des patients post-arthroplastie

Dans le document Université de Sherbrooke (Page 115-118)