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Imagerie et projections corticospinales

Dans le document Université de Sherbrooke (Page 32-36)

2.2 Implication des projections descendantes dans la douleur chronique

2.2.1 Les projections corticospinales

2.2.1.1 Imagerie et projections corticospinales

L’imagerie par résonnance magnétique est un outil non invasif utilisée en recherche et en clinique depuis de nombreuses années (Geva, 2006). Cette technologie permet de générer des images structurelles et fonctionnelles du cerveau humain, et ce, de façon très précise (Radue et al., 2016). L’utilisation de différents champs magnétiques (puissants et faibles;

radiofréquences) permets de créer des images de haute résolution dans le but de visualiser les structures du système nerveux et, possiblement de visualiser les lésions associées à certaines maladies. Entre autres, les images issues de l’IRM structurelle font en sorte de mettre en évidence le contraste entre la matière blanche et la matière grise et permettent ainsi de nous renseigner sur l’anatomie du cerveau (volume, surface, épaisseur corticale, etc.) (Yousaf et al., 2018).

L’IRM de diffusion est une technique d’acquisition d’image qui permet de caractériser davantage la matière blanche du cerveau par l’analyse de sa microstructure (Yousaf et al., 2018). Les prémisses de l’IRM de diffusion se basent sur les propriétés de diffusion de molécules d’eau - le déplacement des molécules d’eau varie en fonction du tissu dans lequel elles se trouvent (Jones, 2010). À titre d’exemple, l’eau contenue dans le liquide céphalorachidien, au niveau des ventricules, peut se déplacer sans contrainte, et ce, dans toutes les directions (mouvement brownien; diffusion isotrope), alors qu’au niveau de la matière blanche, la myéline se trouvant le long des axones contraint la diffusion des molécules d’eau, de sorte que le mouvement de ces dernières s’alignera essentiellement le long de ces axones (la direction de la diffusion de la molécule d’eau indiquera l’orientation de l’axone dans lequel elle se trouve; diffusion anisotrope) (Ranzenberger et Snyder, 2021).

Suivant l’application de plusieurs gradients de diffusion, et ce dans plusieurs directions, il est

ainsi possible d’obtenir de l’information sur la structure de la matière blanche alignée dans les différentes directions choisies (Ranzenberger et Snyder, 2021).

De fait, l’imagerie du tenseur de diffusion (en anglais diffuse tensor imaging ou DTI) permet d’estimer l’orientation principale de la structure suivant un modèle gaussien tridimensionnel, généralement représenter sous la forme d’un ellipsoïde (Figure 3A), et ce à chacune des postions (voxel) (Basser et al., 1994). De plus, une modélisation plus complète des orientations de la sphère, soit la fonction de distribution des orientations de fibres (fODF), peut être utilisée afin d’obtenir une estimation plus précise des directions de la diffusion et ainsi rendre la tractographie plus sensible aux croisements de fibres (Figure 3B) (Descoteaux et al., 2009 ; Tournier et al., 2004).

Figure 3. Visualisation des modèles de diffusion à l’aide du DTI [A] et de la fODF [B] du corps calleux en vue coronale (T1)

(Images produites et autorisées par Etienne St-Onge)

À partir de ces modèles, il est possible d’extraire différentes mesures de diffusion telles que la diffusivité moyenne (MD), l’anisotropie fractionnelle (FA), le volume, ainsi que la densité de fibre apparente (AFD totale) (Alexander, 2007; Pierpaoli, 1996). La MD est une mesure de la diffusion moyenne de l’ensemble des directions dans un voxel; plus la valeur est faible plus la diffusion est anisotrope. Contrairement à la MD, la FA est une mesure de l’anisotropie renseignant sur la non-sphéricité de la diffusion des molécules d’eau. Ainsi, une anisotropie de 0 correspond à une sphère parfaite (diffusion isotrope), alors qu’une valeur égale à 1 correspond à une diffusion fortement anisotrope, le long d’un seul axe. Finalement, pour ce

A B

qui est de l’AFD totale, celle-ci est une mesure quantitative d'amplitude de diffusion dans chaque voxel, obtenue à l’aide de la fODF (Raffelt, 2012).

Tractographie

Suite à la reconstruction des modèles locaux issus de l’IRM de diffusion par la tractographie, le tractogramme, tel qu’illustré ici-bas (Figure 4), est la résultante de ce processus d’analyse d’images démontrant ainsi les millions de fibres virtuelles de l’ensemble du cerveau; les fibres virtuelles sont une représentation des trajectoires potentielles entre les différentes régions et non d’axones réels. De ces trajectoires, un algorithme peut être utilisé afin de segmenter les faisceaux distincts que constituent les différentes fibres de la matière blanche (Garyfallidis et al., 2018).

Figure 4: A. Tractogramme. Les couleurs signifient l’orientation principale des fibres de matière blanche (Rouge: axe gauche-droite, Vert: axe antérieur-postérieur, Bleu:

axe supérieur-inférieur; B. Visualisation de fibres de matière blanche et de segmentation de différents faisceaux d’intérêts

(Images produites et autorisées par le laboratoire de Maxime Descoteaux)

B

A

Projections corticospinales et tractographie

La voie corticospinale est l’une des voies importantes du système nerveux, suscitant du coup un certain intérêt pour les chercheurs et les cliniciens (Dalamagkas et al., 2020). De par son implication dans la détérioration de la fonction motrice due à certaines pathologies cliniques (ex. accident vasculaire cérébrale, sclérose latérale amyotrophique, sclérose en plaques), divers groupes de recherche ont utilisé la tractographie afin d’évaluer l’intégrité des fibres nerveuses de la voie corticospinale dans ces conditions (Filippi et al., 2016 ; Feng et al., 2015 ; Graaff et al., 2011). Des études ont montré que les mesures de FA pourraient nous renseigner sur l’intégrité des fibres nerveuses (Alshikho et al., 2016 ; Doughty et al., 2016), alors que les mesures de volume du faisceau de la voie corticospinale pourraient nous informer sur les déficits nerveux (Feng et al., 2015). Cependant, il demeure important de garder en tête que la condition clinique en soi peut avoir un rôle important à jouer au niveau de l’intégrité de la voie corticospinale. Cela pourrait ainsi générer une certaine variabilité entre divers paramètres, considérant que les différentes conditions pathologiques peuvent affecter l’intégrité de la voie corticospinale de différente façon. À ce jour, peu de recherche été effectuée afin d’évaluer l’intégrité de la voie corticospinale, via la tractographie et/ou la TMS, chez les individus souffrant de conditions pathologiques ne s’attaquant pas directement à la voie corticospinale (ex. arthrose). Dans les écrits scientifiques, on retrouve toutefois une étude ayant évalué l’intégrité de nerfs périphériques (fémoral et sciatique) par tractographie en mesurant, entre autres, la FA chez des patients souffrant d’arthrose de la hanche ou d’une ostéonécrose de la tête fémorale (Wako et al., 2019); ces chercheurs ont montré qu’il n’y avait pas de différence significative de la valeur de FA entre le côté affecté et non affecté. Il est toutefois important ici de garder en tête qu’il s’agit d’une seule étude et que cette dernière s’est intéressée au système nerveux périphérique et non aux voies du système nerveux central, et que d’autres recherches subséquentes devront être réalisées avec, par exemple, des tailles d’échantillons plus élevées (n=22). Bien que cette étude inclue deux types de conditions douloureuses, les auteurs ne se sont pas intéressés aux possibles associations entre l’intégrité de la voie corticospinale et les manifestations cliniques des patients, tel que l’intensité de la douleur.

De manière intéressante, une étude menée par Kim et collaborateurs s’est intéressée à évaluer l’utilité de combiner les mesures issues de l’IRM de diffusion et de la TMS afin de vérifier l’intégrité de la voie corticospinale et ultimement, de vérifier si les métriques issues de ces deux techniques pourraient « prédire » la fonction ambulatoire de patients ayant subi un accident vasculaire cérébral (AVC) (Kim, 2016). Les résultats de cette étude ont montré que les patients présentant simultanément des PEM mesurables ainsi qu’une bonne intégrité de leur voie corticospinale (visible grâce aux images d’IRM de diffusion) sont ceux qui avaient une meilleure fonction ambulatoire et une meilleure récupération motrice après 4 semaines de réadaptation. Malgré ces résultats forts intéressants, très peu d’étude s’est intéressée à comparer les mesures d’IRM de diffusion (tractographie) de la voie corticospinale et les mesures obtenues avec la stimulation magnétique transcrânienne (TMS), entre elles, et ce malgré le fait que ces mesures peuvent toutes deux nous renseigner sur l’intégrité de la voie corticospinale.

Dans le document Université de Sherbrooke (Page 32-36)