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PARTIE I. LES CONFINS TOURISTIQUES DE NATURE, ESPACE, REPRÉSENTATIONS ET PRATIQUES ESPACE, REPRÉSENTATIONS ET PRATIQUES

I.3. Les usages touristiques des confins de nature

3.1. Pratiques touristiques dans les espaces de nature

3.1.1. Tourisme de nature

Définitions

Les définitions du Tourisme en général et du tourisme de nature en particulier ont été proposées par de nombreux auteurs. Pour Dowling, Newsome & Moore, dans leur livre

Natural area tourism: Ecology, impacts and management (2012), le tourisme naturel est

considéré comme étant une composante du tourisme alternatif, par opposition au tourisme de masse, au tourisme culturel ou événementiel. Ses variantes incluent le tourisme d'aventure, le tourisme de nature et le tourisme d'observation de la faune sauvage (wildlife

tourism). Le tourisme de nature est une dénomination générale incluant les promenades à la

journée, les circuits en voiture ou autre moyen de transport en plein air. Il s'agit là d'une vision assez simple de la problématique, basée sur le type d'activité réalisée en pleine nature, soit d'observation soit sportive.

Hill et Gale (2009) dans leur livre Ecotourism and Environmental Sustainability proposent une structure théorique des activités touristiques de pleine nature (figure 17).

Figure 17. Tourisme de masse, tourisme alternatif et tourisme de nature selon Hill & Gale

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Ils opposent le tourisme de masse, qualifié de « tourisme d'un grand nombre de personnes cherchant à répliquer des schémas culturels propres dans un environnement institutionnalisé [et le tourisme alternatif] caractérisé par la petite dimension et la durabilité » (Hill & Gale, 2009). À l'interface entre les deux se trouvent les activités de pleine nature (Natural Area Tourism), en milieu sauvage ou en captivité (Wildlife Tourism). L'écotourisme a une dimension éducative et d'appui à la conservation alors que le tourisme d'aventure se réfère aux activités risquées ou sportives dans un cadre naturel.

Pour Higginbottom (2004) une classification des activités touristiques en milieu sauvage,

Wildlife Tourism, peut s'établir en fonction des usages et de l'interaction humaine avec les

animaux. Chaque pratique, le tourisme rural, l'écotourisme, la chasse ou le tourisme de nature, recouvrant des aspects des autres autour du dénominateur commun, l'intérêt pour la faune sauvage. On apprécie que l'inquiétude des auteurs consiste avant tout à classifier les pratiques afin d'évaluer leur niveau d'impact sur la faune sauvage et les écosystèmes. C'est ce que propose Reynolds & Braithwaite (1999) avec un cadre générale pour réaliser le « wildlife

tourism ». Ces définitions du tourisme dans les espaces naturels permettent in fine de cadrer

les politiques d'aménagement touristique des territoires, notamment dans les aires protégées (Bushell & Eagles, 2007 ; Eagles, McCool, & Haynes, 2002).

Imaginaires touristiques de nature

Comme le rappelle cet extrait du livre de Gaston Rebuffat, Mont Blanc et Jardin Féerique, il existe une force symbolique de la nature qui explique son attraction : « L'attrait de l'altitude ne serait pas si grand s'il n'était l'attrait du mystère. Depuis des siècles, les neiges éternelles ont fait rêver les hommes. Autrefois "montagnes maudites", pour les paysans écrasés à leur pied, aujourd'hui "jardin féérique" pour les hommes modernes cernés de chiffres, de vitesse et de bruit, elles sont encore un monde à part, un monde au-dessus du monde. Les montagnes qui charpentent la terre sont les plus belles et, sauf pour les géographes, les plus inutiles formations de la planète : rien n'y pousse qui se vend, rien n'y vit. Dans leur stérilité, les montagnes sont seulement faites pour notre bonheur. Car l'homme ne se nourrit pas que de

blé, de pétrole et d'acier. Il doit aussi nourrir son cœur » (Gaston Rebuffat, 1962)75.

Comme le rappelle Mao (2003) les lieux sportifs sont des construits sociaux ou culturels. C'est la dualité des lieux au sein d'une dialectique de l’ici et l’ailleurs qui établit sa fonction et son usage. Le lieu du quotidien, dans un espace urbain contraint par le travail, s'oppose à l'espace

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de nature, lieu de récréation et de liberté. Cette symbolique de la montagne, espace de nature par excellence, est analysée par Corneloup (2000). Le territoire communautaire, le centre, le village, ses habitants et ses modes de vie, s'opposent au monde environnant, la périphérie, l'ailleurs marqué par l'insécurité et l'ombre, mais aussi le non-humain, l'inexpliqué et le merveilleux, la nature et la montagne, lieu des divinités. Cet ailleurs est ainsi à la fois repoussant et attirant et seuls les plus braves, les chasseurs, les ermites et les montagnards osent affronter l'espace naturel et inhumain. Cette construction du rapport au monde par le biais des pratiques des sports de nature a été approfondie par la suite (Corneloup, 2004). Comprendre les mécanismes sociologiques amenant l’acteur à s'engager dans une activité sportive et aventureuse peut nous aider à comprendre ses attentes et par conséquent sa conduite et la nature des relations qui s'établissent entre le visiteur et l'hôte dans un espace de nature.

Pour comprendre la construction des espaces touristiques de nature, on peut, à l'instar de Descola, s'interroger : « pourquoi tel fait social, telle croyance, tel usage sont-ils présents ici et non là ? Pourquoi tel lieu attire-t-il et tels usages de l'espace s'y développe et non d'autres ? » (Descola, 2006).

L’abondante iconographie de la littérature de voyage montre comment les confins sont dès le

XIXe siècle un thème fort du voyage. En effet, « la relecture de l’histoire et des pratiques

sportives de nature, a permis de localiser les foyers d’innovations et de découverte de ces

activités dans les marges et confins [espaces montagnards et d’arrière-pays au XIXe siècle] »

(Mao, 2003). Ainsi le Mont Blanc est passé d'être une "sublime horreur”, à celui d'un rêve ou d’un défi des alpinistes en herbe voulant gravir leur "4 000". Debarbieux (2001) analyse en profondeur la construction du mythe de la montagne. Le Mont Royal à Montréal est une colline devenue montagne et parc urbain autour duquel se construit la ville (Debarbieux & Marois, 1997).

La nature fait partie des imaginaires des cultures occidentales. Elle a été "popularisée" dès 1850 par les vacances des Anglais à la montagne et les alpinistes victoriens dans les Alpes. Aux États-Unis d'Amérique, la création des parcs, sous la conduite de Muir (1981), participe à une construction de symbolique des lieux de nature pour rivaliser avec les monuments européens. Il condamne les projets d'aménagements (le barrage de Hetch Valley en Californie) pour le confort des hommes de la ville et déclare que La Nature est le temple le plus sacré : « Dam

Hetch Hetchy! As well dam for water-tanks the people’s cathedrals and churches, for no holier temple has ever been consecrated by the heart of man » (Muir, The Yosemite, 1912). Son

combat est celui de la sauvegarde des espaces des prédations humaines : « These temple

destroyers, devotees of ravaging commercialism, seem to have a perfect contempt for Nature, and, instead of lifting their eyes to the God of the mountains, lift them to the Almighty Dollar

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» (op. cit.). L'attrait des parcs comme Yellowstone est tel que, malgré son amour de la liberté individuelle, Muir fait un plaidoyer au Congrès des États-Unis et obtient de celui-ci, en 1886, l’envoi d’un détachement de cavalerie pour protéger le patrimoine nord-américain. C'est ainsi qu'est né le service des park rangers dont l'écrivain Abbey devint l'un des employés. Pour lui, la nature intacte n'est pas un luxe, mais un élément vital pour la vie : « Wilderness is not a

luxury but a necessity of the human spirit, and as vital to our lives as water and good bread »

(Abbey, 1968). Le rapport que nous entretenons avec celle-ci est le reflet de notre civilisation qui, si elle détruit la nature, se trahit : « une civilisation qui détruit le peu qu'il reste des espaces sauvages, l'unique, l'original, se coupe de ses origines et trahit les principes mêmes

de la civilisation »76 (op. cit.). Après deux saisons au Parc National Arches dans l'Utah, il déclare

son combat pour l'interdiction du tourisme motorisé dans les espaces protégés. « Mettons fin aux voitures dans nos parcs nationaux. Faisons marcher les gens, ou monter à cheval, à vélo, sur des mules, des cochons sauvages - tout - mais laissons les automobiles et les motos et tous leurs cousins motorisés en dehors. Nous avons accordé de ne pas conduire nos automobiles dans les cathédrales, salles de concert, musées d'art, assemblées législatives, chambres et autres sanctuaires de notre culture, nous devrions traiter nos parcs nationaux avec le même

respect, car, eux aussi, sont des lieux sacrés »77 (op. cit.). C'est dans cet esprit que Nash,

contemporain d’Abbey, constate que le tourisme menace la nature (Nash, 2001). Les discours et imaginaires semblent coïncider, car la loi fédérale dite du Wilderness Act est votée en 1964 établissant un cadre pour la protection du wilderness et de ses usages multiples pour le bien

de tous78. Cette loi, imprécise sur certains points et notamment concernant les peuples

premiers, donne aujourd'hui lieu à de nombreux débats. La construction de l'idée du

wilderness, étudiée en Islande par (Sæþórsdóttir, Hall, & Saarinen, 2011), amène de nombreux

auteurs à questionner son usage, sa conservation et les pratiques touristiques qui s'y

déroulent : « que protégeons nous, pour qui et contre quoi »79 (Saarinen, 2015).

Les imaginaires des confins géographiques de nature sont des construits historiques des centres émetteurs du tourisme international (Debarbieux & Rudaz, 2010). Les exotismes de personnalités emblématiques (Staszak, 2003) construisent une géographie des imaginaires

76 "A civilization which destroys what little remains of the wild, the spare, the original, is cutting itself off from its origins and betraying the principle of civilization itself”

77 “No more cars in national parks. Let the people walk. Or ride horses, bicycles, mules, wild pigs--anything--but keep the automobiles and the motorcycles and all their motorized relatives out. We have agreed not to drive our automobiles into cathedrals, concert halls, art museums, legislative assemblies, private bedrooms and the other sanctums of our culture; we should treat our national parks with the same deference, for they, too, are holy places". Edward Abbey, 1968.

78 " to establish a National Wilderness Preservation System for the permanent good of the whole people, and for

other purposes ", public Law 88-577 of the U.S. congrès of 1964

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(Staszak, 2006 ; Staszak, 2001 ; Harvey, 1992 ; Collignon & Staszak, 2004 ; Soja, 1989) qui explique l'apparition des lieux d'un tourisme mondialisé, que ce soit en Polynésie (Bachimon, 1990) ou en Patagonie (Bourlon, 2017). Sa diffusion massive s'explique par les motivations des voyageurs occidentaux, amoureux de paysages exotiques (Urry, 2001) et consommateurs de lieux (Urry, 1995), qui cochent comme étant "fait" suite à leur visite des « 100 destinations à

voir avant de mourir »80.

Illustration 9. Promotion des confins du Monde par l'agence Adeo en 2013

(http://www.adeo-voyages.com)

Les brochures des opérateurs touristiques de voyages d’aventure et de culture surfent sur la vague vers les "confins", clairement surreprésentés dans les imaginaires occidentaux. Comme le constatent Kuenzi et McNeely (2008), le tourisme de nature est en pleine expansion sur la planète, surtout vers les parcs et espaces de wilderness des pays en développement, lieux où

la biodiversité mondiale est concentrée81. Pour eux, le retour à la nature pour voir les

80 National Geographic's 100 places of a life time "to visit before you die" https://www.listchallenges.com/travelers-100-places-of-a-lifetime

81 "The fastest growing element of tourism is ‘nature-based’ tourism, often involving excursions to national parks and wilderness areas, to developing countries where a large portion of the world's biodiversity is concentrated (Olson & al. 2001: 936; WWF 2001; Christ & al. 2003: 5)"

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sommets enneigés, la savane multicolore avec sa faune exotique, les forêts luxuriantes ou les littoraux vierges avec leurs oiseaux et leur vie marine, est l'expérience de vacances la

plus enrichissante82 (op. cit.). Pour les occidentaux on serait passé progressivement d'un

tourisme de masse attiré par les "périphéries du plaisir"83 (Weaver, 1993), lieux balnéaires et

tropicaux, grandes métropoles et autres hauts lieux touristiques, comme certains Parcs Nationaux, à des pratiques intimistes ou élitistes d'un écotourisme de nature (Hill & Gale, 2009). Or le tourisme vers les espaces de nature a pris une nouvelle ampleur avec l'attrait clairement identifié des lieux de montagne pour les habitants de pays en voie de développement. Des imaginaires et des « pratiques de la montagne (...) globalement similaires à celles des touristes occidentaux (découvrir et contempler le paysage, marcher et respirer le « bon air »), [mais qui] se réfère néanmoins à d’autres généalogies et filiations (...) et valorise d’autres motifs paysagers comme les forêts et les cascades plutôt que la haute montagne enneigée » (Sacareau, 2017, Sacareau, Taunay, & Peyvel, 2015), induisent de nouvelles dynamiques touristiques.

Tourisme de masse contre tourisme alternatif

Pour beaucoup le tourisme de masse serait né en 1950 avec l'apparition des congés payés. Mais pour Boyer (2002) « ce ne sont pas les congés payés de 1936 qui ont initié le bronzage ; d’ailleurs, 1936 ne fut pas la grande conquête des vacances que l’on dit. Le plaisir nouveau du soleil d’été auquel les corps s’exposent est antérieur. Il fut inventé en dehors des villes d’hiver de la Côte d’Azur, dans les ports de pêche (Saint-Tropez, Collioure...), des villages d’arrière-pays (Cagnes, Vence, Vallauris...) choisis par des écrivains, des peintres qui recherchaient la lumière. » C'est bien un « processus élitiste [qui donne] naissance [au] développement des stations de ski fonctionnelles qui, après 1950, furent créées ex nihilo au-dessus de la zone

d’habitation permanente » (Boyer, 2002). Aux États-Unis à « la fin du XXe, l’Amérique, et

principalement la Californie, sont à l’origine de la plupart des inventions de tourisme (...) le contenu se résumait en trois ou quatre S : Sea, Sand, Sun and... Sex » (op. cit.), motivé à nouveau par des acteurs de la classe aisée. Le tourisme de masse est donc une dynamique élitiste qui se popularise.

82 "For many people, ‘getting back in touch with nature’ thus provides the ultimately different holiday experience. Indeed, from snow-covered mountains to earth-coloured savannas teeming with exotic wildlife, lush rain forests, vast desert landscapes and pristine coastal strips offering spectacular bird and marine life"

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Le tourisme alternatif a été défini par certains anthropologues comme celui « respectueux des

valeurs de la nature, du social et de la communauté »84 (Eadington & Smith, 1992 In Stronza,

2001). Cela semble proche de l'écotourisme qui serait inspiré par « l'histoire naturelle d'un

lieu et des cultures traditionnelles »85 (Ziffer, 1989 In Stronza, 2001). D'autres parlent de

tourisme local, « ce tourisme marginal est alors qualifié de diffus, d'arrière-pays, de villégiature résidentielle, d'intégré à son milieu, ou encore de rural ou de vert. Il est parfois dit de proximité lorsqu'on évoque des fréquentations générant des flux tendus et courts [...]. Tout cela entre dans la catégorie floue d'un tourisme local » (Amirou & Bachimon, 2000) et idéalisé. Pour Douglas Pearce (1992), aucune définition du tourisme alternatif n'est largement

acceptée86. Dans un essai de conceptualisation et typification des tourismes, il estime que les

premiers essais d'un tourisme intégré aux communautés locales auraient eu lieu en 1972 sur l'île de St Vincent et les îles des Caraïbes voisines. Un tourisme contrôlé aurait débuté, à cette époque, en Guadeloupe puis serait apparu dans les îles de Tuamotu, dans le Pacifique Sud. Il identifie enfin la Casamance, au Sénégal où un programme de tourisme alternatif a été mis en place dès 1983, avec la construction de neuf villages traditionnels Diola pour l'accueil de touristes. De ces essais surviennent, peu après, de nombreux questionnements concernant leurs impacts culturels et économiques (Cazes, 1992 ; Smith & William, 1992), mais aussi des points de vue optimistes sur ces possibles bénéfices pour les communautés traditionnelles (Stronza, 2001).

Qu'en est-il aujourd'hui de cette opposition de tourisme de masse contre tourisme alternatif ? S'agit-il de deux pratiques opposées ou de stades de développement différenciés ? Un tourisme local, durable et respectueux, mais marginal, contre un tourisme global qui participe du renforcement de l'économie d'un pays ? La question est d'autant plus cruciale quand on souhaite installer le tourisme dans un espace de nature non aménagé. La question est alors de savoir s'il faut investir massivement en infrastructures afin de créer un système de type fordiste ou au contraire proposer des stratégies diffuses. Il semble difficile de créer dans un confin un système touristique de comptoir, « lieu créé ex nihilo pour accueillir des touristes

(...) caractérisé par une banalisation complète de la capacité d'accueil [et qui] n'est pas un lieu de vie.» (Knafou & al., 1997). Des stations se créent parfois où « la primauté de l'activité

touristique dans le lieu (...) est créatrice du lieu [et] se caractérise par la présence d'une population permanente, ce qui en fait également un lieu de vie » (op. cit.). Mais il s'agit là de systèmes qui transforment totalement le milieu d'accueil et sont très dépendants d'aléas

84 "forms of tourism that are consistent with natural, social and community values, and which allows both hosts

and guest to enjoy positive and worthwhile interactions and shared experiences"

85 "inspired primarily by the natural history of an area, including its indigenous cultures"

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macro-économiques. Cette imposition du tourisme sur un territoire de marge a été mise en évidence par Sylvain Guyot (2012) au travers du concept de "fronts pionniers du tourisme", en l'occurrence à la limite entre les États bolivien, péruvien et chilien. C'est cette diffusion des pratiques touristiques dans les pays en développement qui s’érigent en « nouvelles colonies de vacances » des pays riches qu'a critiqué Cazes (1992). Il est un fait que des inégalités socio-économiques liées au développement du tourisme s’accentuent au nord comme au sud et conduisent à sa mise en cause structurelle, fonctionnelle et environnementale (Hall, 2007). La problématique du développement touristique aux frontières est aussi un enjeu pour de nombreux pays (Krakover & Gradus, 2002 ; Butler, 2002), car les espaces naturels y ont une

importance géopolitique considérable (Fourny, 2005). Lorsque la dimension

environnementale prend de l'importance autour des enjeux industriels et d'extraction de matières premières et que des projets de conservation s'y opposent certains évoquent un "Eco-front" (Guyot & Richard, 2009 ; Héritier & al., 2009). Dans ces contextes, le tourisme acquiert une dimension stratégique qu'il convient de prendre en compte dans les réflexions autour du développement économique et de l'aménagement d'un territoire. Le tourisme est devenu une composante de la structure économique d'un pays avec une incidence socio-culturelle significative que l'on cherche à maîtriser par des « tourismes alternatifs ». Ces autres usages devraient, en théorie, limiter l'impact social et environnemental, du tourisme tout en profitant de ses bénéfices économiques.

Figure 18. Les différentes pratiques touristiques de nature

(Bourlon, 2018, d’après Bushell & Eagles, 2007 ; Eagles, McCool, & Haynes, 2002 ; Mowforth & Munt, 2009 ; Furt & Michel, 2011 ; Mao & Bourlon, 2016)

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Tel que le résume la figure 18, une opposition conceptuelle se crée entre deux visions du développement touristique. L'une serait celle d'un développement industriel et l'autre d'une "infusion" lente du fait touristique dans la société, un tourisme alternatif ou local opposé aux invasions touristiques. Si l'on associe, à chaque manière de mener des projets touristiques, des intérêts culturels ou paysagers et un rapport à l'espace et à l'autre (Bachimon, 2005) passif ou actif, il apparait clairement que chaque pratique a des exigences et des incidences différentes.

Au sein des pratiques touristiques dites de "masse", l'intérêt thématique est plutôt culturel et urbain, les paysages sont des décors. Son attitude serait celle du voyageur plutôt passif, consommateur de lieux nouveaux sans implication profonde (Urry, Consuming places, 1995). Dans les pratiques alternatives, le voyageur serait l'acteur d'une expérience de découverte du monde extérieur, conscient et responsable de ses impacts. Le second ne serait plus un "idiot du voyage" (Urbain, 2002b) et aurait réinventé ses pratiques (Viard, 2000) en participant d'un tourisme "durable" (Eagles, McCool, & Haynes, 2002) soucieux de la protection des lieux de nature et de la culture des pays qu'il visite (Mowforth & Munt, 2009). Les manières de réaliser un voyage s'opposent, dans cet essai de catégorisation des pratiques touristiques, entre le tourisme sportif et d'aventure et le tourisme culturel et patrimonial. Il apparait que de nombreuses variantes ou hybridations des pratiques sont possibles. Cela semble rendre quelque peu vains les essais de classification, mais permet de mettre en évidence des systèmes et dynamiques touristiques.

Évolution des logiques récréatives

On observe que la séparation des registres touristiques aide à la compréhension des enjeux de développement d'un territoire (figure 18). Comme mis en évidence par différents auteurs,