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PARTIE I. LES CONFINS TOURISTIQUES DE NATURE, ESPACE, REPRÉSENTATIONS ET PRATIQUES ESPACE, REPRÉSENTATIONS ET PRATIQUES

I.1. Les confins, espace géographique polarisé

1.2. La région d'Aysén en Patagonie, un confin géographique emblématique

1.2.2. Aysén : front pionnier récent de la Patagonie

De nombreux livres ont traité de l'idée de la région d'Aysén comme un front pionnier. L'historien chilien Mateo Martinic raconte qu’Aysén est devenue une région administrative en 1975 après avoir été une terre de mythes, celui de Trapananda et de la Cité des César, l'El

Dorado des terres australes (Martinic, 2005). Pour lui, le littoral d'Aysén reste la dernière

frontière du Chili (Martinic, 2004), qui après avoir été le lieu de toutes les convoitises au XIXe

puis au XXe siècle, a sombré dans l'oubli du fait de l'abandon relatif de la navigation au profit

des voies terrestres pour sa colonisation.

Ce front pionnier marqué par les désastres écologiques de la colonisation récente et suivi par la déprédation des ressources par des multinationales, aidées par une classe dirigeante dominante installée à Santiago, est devenu récemment le laboratoire de divers projets, aussi bien publics que privés. La faiblesse des infrastructures associées à de fortes contraintes d’accessibilité, avec une seule route, la Carretera Austral, qui permet de connecter la région au reste du Chili, a imposé la recherche d'axes de développement rentables : celui de la production d'aluminium, des mégaprojets hydroélectriques, de l'élevage extensif de saumons ou de la mise en concession touristique des milieux naturels. C'est ainsi que le tourisme est proposé, dès 1999, comme une alternative de développement productif, prometteur, car adapté aux réalités de cette espace périphérique et pouvant aider à structurer le territoire.

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Selon le recensement de 2017,34 la population du Chili avoisine les 17 500 000 habitants. Les

zones métropolitaines et de Valparaiso accueillent 8 900 000 personnes, les deux régions au sud de Santiago (Bernado O'Higgins et Maule) hébergent 1 900 000 habitants et la région du Bío Bío, avec Concepción, la deuxième plus grande ville du Chili, possède une population de 2 000 000 habitants. Ainsi, un territoire composé de cinq régions, qui représente 15% du territoire national, accueille presque 13 millions d'habitants, soit 74% de la population du pays. La région d'Aysén, avec ses 108 494 km², est la troisième plus grande région du Chili,

après Magellan (132 291 km2) et Antofagasta (126 049 km2), mais la moins peuplée du pays,

avec 103 158 habitants. La région de Los Lagos, au nord, dont la superficie est deux fois inférieure, compte plus de 800 000 habitants.

Tableau 3. Tableau de la population et des surfaces communales de la région d'Aysén en 2017

Province Commune Ville Principale Fondation de la commune Surface (km²) Pop. Com. 2017 Coyhaique Coyhaique Coyhaique 1929 7 320 57 818

Lago Verde La Tapera 1926 5 622 852

Aysén Puerto Aysén Puerto Aysén 1957 29 970 23 959

Cisnes Puerto Cisnes 1955 15 831 6 517

Las Guaitecas Melinka 1979 787 1 843

General

Carrera Chile Chico Chile Chico 1928 5 922 4 865

Río Ibáñez Puerto Ibáñez 1921 5 997 2 666

Capitán Prat

Río Cochrane Cochrane 1930 8 930 3 490

O'higgins Villa

O'Higgins 1966 8 183 625

Tortel Caleta Tortel 1955 19 931 523

TOT. région

d'Aysén 108 494 103 158

Tot. Chili 756 102 17 574 003

Sources: INE (2017), Gobierno Regional de Aysén (2005)

Il est significatif de constater que selon les sources consultées (Instituto Geográfico Militar, Archivos Biblioteca Nacional de Chile, Gobierno Regional de Aysén ou l'Instituto Nacional de

Estadísticas) les surfaces régionales varient de 108 494 km2 à 109 444 km2. En effet des

incertitudes persistent sur les surfaces territoriales entre certaines communes limitrophes comme Cisnes et Las Guaitecas (certaines données indiquent respectivement des surfaces de

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16 093 km2 et 620 km2 au lieu de 15 831 km2 et 787 km2) ou avec le voisin argentin, sur la

commune de Villa O'Higgins (zone en dispute autour du Massif du Fitz Roy).

Carte 7. Répartition de la population par localité de la région de Aysén en 2002

Source : (INE, 2012)

Les données de 2017, partielles, encore sujettes à vérifications et ne précisant pas les valeurs par localités, montrent comment la concentration démographique se maintient au profit des communes de Coyhaique et Aysén : 77% des habitants y vivaient en 1992 contre 79% en 2002 et 2017. Ces deux communes sont cependant très dépeuplées en dehors des agglomérations de Coyhaique (44 850 habitants en 2002, soit 76% de sa population) et de Puerto Aysén (16 936 habitants, soit 90%). Dans une région immense, un cinquième de la surface de la France

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métropolitaine, 79% de ses 103 158 habitants habitent dans les deux principales villes (Carte 7). L'ensemble des autres "villes" et villages reste très rural : le village de Melinka, proche de l'Ile de Chiloé et du Chili continental, ne comptait que 1 411 habitants en 2002. Puerto Cisnes, deuxième port de la région, consacré à la pêche artisanale et à l'industrie du saumon, en comptait 2 507. La population de la ville de Chile Chico, minière et frontalière de l'Argentine, s’estimait à 3 042 habitants alors que la ville du sud de la région, Cochrane, près du futur

Parque Patagonia, des deux calottes glaciaires (Campos de Hielo Patagónicos) et du Río Baker,

où avaient commencé les projets de constructions de cinq barrages hydro-électriques, comptait 2 217 habitants en 2012. Seules deux villes possédaient plus de 2 500 habitants et neuf plus de 500. Le reste de la population étant réparti dans 26 localités de 50 à 400 habitants

et une vingtaine d'autres hameaux de moins de 40 personnes. Les hameaux de moins de 40

habitants ont été exclus du tableau de synthèse. Ils sont cependant nombreux dans les communes d'Aysén et de Cisnes, sur le littoral, où les "ports" et regroupements de maisons de pêcheurs existent en fonction de l'activité artisanale et comme résultat de traditions nomades (Peuziat, 2006).

Les données de population de 2012 existent, mais ont été déclarées illégales et invalidées par une commission d'experts de la CEPAL (Commission Économique pour l'Amérique Latine), suite à des erreurs de procédure dans le recensement. Le recensement partiel de 2017 en est la conséquence et les données démographiques récentes par localités ne sont donc pas disponibles. L'évolution de la population par commune pourrait donner une idée de l'évolution des villages, où continuent de se concentrer les habitants de la région. Un exode rural marqué continue, surtout au profit de la capitale régionale, du port de Puerto Aysén et des chefs-lieux des communes de Melinka, Puerto Cisnes, Chile Chico et Cochrane. Le village de Puerto Tranquilo, dans la commune de Río Ibáñez, avec 303 habitants en 2002, aurait vu sa population grandir significativement créant « de graves problèmes d'assainissement, une saturation dans les hébergements et une absence de logement pour les travailleurs pendant les deux mois de la haute saison » (enquête nº41 hôtel).

Comme le montrent les densités de population (carte 8) Aysén est une périphérie du Chili.

Bien qu’étant la 3ème région la plus importante du Chili en matière de superficie, elle en est

cependant la moins peuplée. Elle représente 0,6% de la population chilienne et la densité la

plus faible du pays avec 0,95 hab./km2 (alors que la moyenne chilienne est de 23,24 hab./km2).

La région du nord du Chili, totalement désertique, possède une densité de 3,81 hab./km2 à

18,67 hab./km2. Seule la région de Magellan, avec 1,26 hab./km2, se rapproche par sa faible

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Carte 8. Carte de densité de population par commune dans la région d'Aysén en 2017

(Bourlon, 2018, Source: INE 2017)

Malgré les protestations des habitants suite aux déclarations du ministre de l'Économie Rodrigo Grossi (socialiste), qui annonçait ne pas comprendre les manifestations contre l'installation d'une usine de traitement d'aluminium à Puerto Aysén, car "personne n’habite

ici!35", il faut reconnaitre que la région reste un vide démographique. Les données, même au

niveau du pays, restent très singulières et expriment en soi une forte marginalité. Au sein de la région, la très faible densité de population est remarquable. En dehors de la capitale

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régionale, Coyhaique, et de la deuxième ville de la région, Puerto Aysén, on recense 0,20

hab./km2.

Six communes ont moins de 0,08 hab./km2 et une seulement 0,03 hab./km2 : la commune de

Tortel. Dans les communes d’Ibáñez et Chile Chico (respectivement 0,44 hab./km² et 0,82 hab./km²), la population vit à 90 % sur les rives du lac Carrera. De ce fait, le pourtour du lac Général, les vallées adjacentes à l'Argentine et les îles du littoral, ont été proportionnellement plus affectés par l’action de l’homme et par les immenses incendies liés au défrichement de la colonisation pour la création d'espaces de pâturages ovins puis bovins (de 1900 à 1960).

Le dernier recensement36 montre la réalité démographique par commune (tableau 4). En

moyenne annuelle sur les 25 dernières années, la population régionale a augmenté en moyenne de 1% par an, passant de 80 501 à 103 158 habitants. Une commune, celle de Río Ibáñez, a vu sa population décroitre de 2 772 à 2 666 habitants. Ce sont surtout les communes de la capitale régionale, Coyhaique, celle de Puerto Aysén (avec le port principal de la région), de Río Cisnes (avec les deux autres ports importants de la région) et Las Guaitecas (prôche de la région de Los Lagos) qui ont vu leur population augmenter. Le cas de la commune de Villa O'Higgins, à l'êstrême sud de la région est particulier, car la population a augmenté, mais en passant de 337 habitants à 625!

On apprécie une forte polarité urbaine et une large part du territoire sans habitants. La région a un fort caractère rural et un processus de désertification rurale est en cours. La capitale concentre tous les services administratifs, les lycées et le seul hôpital de catégorie 5 (apte à des interventions chirurgicales de moyenne complexité) de la région. La possibilité d'emplois avec une rémunération régulière ainsi que l'attrait pour des modes de vie urbains explique cet exode. La déprise agricole est marquée du fait d'un surpâturage extensif qui a appauvri les sols en 100 ans. On observe une dynamique défavorable aux petits paysans et une concentration des terres autour de grandes propriétés agricoles semi-extensives. Les communes qui souffrent le plus de ces phénomènes sont La Tapera et Ibáñez, car là, les dynamiques touristiques sont plus infimes.

36 http://www.ine.cl/estadisticas/censos/censos-de-poblacion-y-vivienda?categoria=Censos%20desde%201813%20hasta%202002

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Tableau 4. Évolution de la population par province et commune de la région d'Aysén entre 1992 et 2017 Province Commune 1992 - 2002 (10 ans) 2002-2017 (15 ans) 1992 -2017 Coyhaique Coyhaique + 13,48% +13,45% 25,12% Lago Verde - 9,98% -24,65% -37,09%

Aysén Puerto Aysén + 14,60% +6,70% 20,32%

Cisnes + 6,73% +11,94% 17,86%

Las Guaitecas + 16,63% +16,49% 30,39%

General Carrera Chile Chico + 15,46% +8,65% 22,77%

Río Ibáñez - 11,91% +7,09% -3,98%

Capitán Prat Río Cochrane - 4,50% +17,85% 14,15%

O'higgins + 27,21% +25,92% 46,08%

Tortel + 11,64% +3,06% 14,34%

Tot. Aysén + 12,01% +11,31% 21,96%

Tot. Chili + 11,70% + 13,98% 24,04%

(Bourlon, 2018 d'après INE 2012 ; 2017)

Sur la commune de Cochrane, alors qu'une déprise avait lieu (- 4,5% en 1992 et 2002), une période de croissance significative, liée au lancement des projets de barrages en 2008, provoque ensuite un recul qui semble s'amorcer après leur rejet en 2014. À Tortel, la dynamique est mitigée avec une hausse régulière de population entre 1992 et 2002 puis un ralentissement au profit de Cochrane entre 2002 et 2017, sans doute lié à l'ouverture de la route australe vers le village en 2003. Villa O'Higgins pour sa part, un tout petit village connecté partiellement à la route australe à partir de 1999 grandit peu à peu. Les communes de Cisnes et de Las Guaitecas au nord de la région voient, dans leur ensemble, leurs populations croître.

Activités productives de la région

Sans chercher à être exhaustifs, les éléments suivants permettent de préciser la structure économique et l'importance des activités productives régionales au regard de leurs possibles relations à la mise en tourisme du territoire.

Agriculture et élevage

La région est dans son ensemble peu favorable à l’agriculture. On peut cependant noter l’existence d’un climat favorable autour du lac Général Carrera, sur les communes de Chile Chico et de Río Ibáñez, qui permet, par exemple, une production de fruits et légumes commercialisés dans les marchés de la capitale régionale. Dans de nombreux villages, les

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habitants s'alimentent de leur production de produits de la ferme : pommes de terre, œufs, laits et légumes du potager. La production maraîchère est très limitée et oblige une importation massive depuis la région centrale du Chili (à 800 ou 1 600 km). L'élevage est l’activité principale de la région. Elle n’est pas aussi développée qu'en Argentine, car les zones de pampas et les prairies sont moins nombreuses et moins étendues. Cependant les pâturages travaillés sont de meilleure qualité, car le climat est bien plus pluvieux. L’élevage est encore principalement extensif et "montagnard". Depuis les années 1980, l'élevage ovin a été progressivement remplacé par du bovin, à cause de la chute des cours de la laine et d'une demande accrue du marché national pour la viande rouge. La consommation de mouton reste très importante dans la région pour ses habitants. Les zones où l’activité d'élevage est la plus importante sont les alentours de Coyhaique, Valle Simpson, Villa Cerro Castillo, Puerto Guadal, Lago Verde, La Tapera et Cochrane. On retrouve cependant des éleveurs de moutons dans tous les villages, chacun possédant quelques chevaux, des moutons, des vaches ou des chèvres (dans les zones plus arides).

Activités forestières

Dès le début de la colonisation, à la fin du XIXe siècle, la région a souffert d’immenses incendies

liés au défrichage pour l'élevage ou pour faciliter l’exploitation forestière. C'est ainsi que, dès 1880, le "roi du Cyprès" Ciriaco Alvarez, a initié l’exploitation des forêts de cyprès bleu des Guaitecas sur les îles du littoral. Après les incendies, ceux-ci restaient sur pied, permettant une exploitation plus facile et rapide. Depuis 1990 la loi interdit l’exploitation du cyprès vivant, mais autorise la récolte des arbres morts encore sur pied, ce qui laisse une place aux "accidents" et à l'interprétation. Quoi qu'il en soit, de nombreux incendies touchant des forêts de Nothofagus sur la partie andine et orientale de la région ont encore eu lieu jusqu'au début des années 2000, vraisemblablement l’œuvre des éleveurs locaux voulant créer de nouveaux pâturages ou entretenir les anciens. Comme le contrôle sur le terrain pour appliquer la législation en vigueur est très aléatoire, car éloigné de la capitale régionale où se trouvent les fonctionnaires, des campagnes de sensibilisation ont été initiées pour aboutir à une exploitation rationnelle et sélective du bois, notamment pour le chauffage.

Actuellement, l’exploitation du cyprès mort a surtout lieu dans la zone de Tortel et celle des archipels. Elle est spectaculaire dans les fjords, car le transport se fait par bateau : la collecte se fait pendant un mois dans un secteur isolé et on stocke le bois près d’une rivière ou d’un embarcadère, avant de le faire dériver sur les eaux, tiré ou transporté par de petites embarcations jusqu’au port de Tortel. Là, il est entreposé jusqu’à la venue du bateau de la Marine chilienne (3 à 4 fois par an) qui l’embarque jusqu’à Punta Arenas, où il est vendu. Ce

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bois est très intéressant, car il est imputrescible. Le village, sur pilotis, est construit avec ce bois de cyprès.

L’exploitation des immenses forêts de hêtres (Nothofagus Pumilio & Dombei) se fait surtout non loin des villages de Villa Cerro Castillo, Bahia Murta et Lago Verde. D'immenses et somptueuses forêts ont poussé ici, sur un sol fait de cendres émises par le volcan Hudson. Une exploitation industrielle a eu lieu ici jusqu'en 2005, lorsque la plus grande entreprise régionale,

Maderas de Aysén, a été revendue à des capitaux chinois. Depuis, l'activité forestière

régionale d'exportation est très réduite, car les plus belles forêts ont été exploitées et les coûts d'extraction et de transport l'on rendu peu compétitive au regard de la production de résineux dans le centre sud du Chili. L'activité forestière est actuellement surtout celle du bois de chauffage des villes et villages de la région.

Pêche et pisciculture

La pêche traditionnelle est très importante sur le littoral, mais elle est en crise depuis 15 ans, du fait d'une surexploitation. De nombreux pêcheurs ont vendu leurs quotas de pêche à des entreprises industrielles venues de Puerto Montt. La consommation de poisson des habitants des villes et des paysans des villages intérieurs est faible: on lui préfère la viande. La culture "gaucha" domine sur celle des "Chilotes" du littoral. Les "ayseninos", les habitants de la région, continuent de pêcher pour leur propre consommation. Ils ne sont pas chasseurs, car la tradition n'existe pas et le grand gibier est rare, mais ils ont pris conscience de la pratique de la pêche "sportive" avec l'arrivée de nombreux passionnés de la pêche à la mouche, étasuniens ou européens. Le saumon, introduit dans les années 1980 et échappé des élevages industriels en mer, abonde dans les rivières.

L’aquaculture est l’axe clé du développement du littoral au sud de la ville de Puerto Montt et de l’île de Chiloé. De nombreuses entreprises de pisciculture et d’aquaculture (dont Alitec S.A., Nutreco Chile S.A., Pesquera Pacific Star. S.A, Marine Harvest Chile S.A., Salmones Multiexport S.A et INTESAL S.A) aux capitaux étrangers (norvégiens, japonais et coréens entre autres) ont installé plus de 400 centres d'élevage et possèdent des autorisations sur quelques 2 000 sites dans les fjords, plus ou moins éloignés des ports de Raúl Marin Balmaceda, Puerto Cisnes, Puerto Chacabuco et Puerto Tranquilo (via la route de la vallée d’Exploradores). L'activité se développe depuis les années 1990, mais elle est entrée en crise à partir de 2007, du fait de la prolifération de virus, résultats des mauvaises pratiques d'élevage. En effet, les fortes concentrations de saumons par centre, quatre fois supérieures à celles pratiquées en Europe du nord, ont favorisé leur contamination par des virus et l'eutrophisation des eaux dans les baies fermées et ont conduit à l'utilisation de fortes doses d'antibiotiques et autres produits pour éliminer les algues sur les cages. De brusques floraisons d'algues rouges, les mareas

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rojas, sans doute liées au réchauffement des eaux de surfaces de l'Océan Pacifique, mais

aggravées par l'activité industrielle, ont créé une situation de crise récurrente. Par les effets conjugués d'une mauvaise presse concernant la qualité du saumon chilien et une chute des cours mondiaux, plusieurs entreprises ont fermé des centres et mis au chômage jusqu'à 50% de leurs employés en 2010. En 2012, une crise sociale importante naît de cette récession et du malaise des artisans pêcheurs. Le manque de travail, de ressources halieutiques et les conditions de travail très difficiles, sur des fermes isolées dans les fjords au climat rude, à 6 heures de navigation d'un port, et ce pendant 25 jours d’affilée, explique le mécontentement qui a bloqué toute activité régionale pendant deux mois.

Activités minières et hydro-électriques

Il existe trois zones d’activité minière (or, argent, cuivre, zinc et plomb) sur les communes de Lago Verde (mine El Toqui), de Chile Chico (mine Fachinal) et de Cochrane (mine Furioso, mise à l'arrêt en 2018). On note aussi l’existence d’une carrière de calcaire abandonnée sur la localité de Puerto Sanchez : alors que l'activité était très importante jusqu'en 1990, la Mina Silva et le village de Puerto Cristal, sur la commune d’Ibáñez, qui comptaient jusqu'à 1 500 habitants à son apogée, sont aujourd'hui abandonnés. Le lieu déclaré Monument National est un véritable village fantôme digne d'un film du Far West. Les perspectives de développement restent importantes à en juger par le grand nombre de demandes de concessions de recherche minière. Cependant, avec l'abandon des huit grands projets hydroélectriques sur les communes de Cochrane, Villa O'Higgins et Puerto Aysén, les perspectives ont été revues à la baisse. En effet, sans une source d'énergie proche et bon marché, il faut transporter un minerai non raffiné vers le nord du pays, ce qui réduit grandement son intérêt économique. Il est important de noter que c’est surtout le village de Chile Chico qui est culturellement "minier", mais aussi paysan. La mine d’El Toqui, proche de Lago Verde, fonctionne en système fermé avec des travailleurs logés sur place par périodes de 7 jours.

Le potentiel hydroélectrique de la région est très important. Durant le régime militaire de Pinochet, l'eau a été privatisée et la grande entreprise nationale hydroélectrique ENDESA a été achetée par des investisseurs chiliens et espagnols principalement. Un système de droits d'eau pouvant être commercialisés sur le marché pour usages hydro-électrique, agricole ou domestique est établi. Le secteur hydro-électrique prend alors de l'ampleur et la région d'Aysén, où s'écoulent les plus importants fleuves du Chili dont le Río Baker, semble destinée à produire de l'énergie pour l'ensemble du pays. Cependant les conditions géographiques et