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PARTIE I. LES CONFINS TOURISTIQUES DE NATURE, ESPACE, REPRÉSENTATIONS ET PRATIQUES ESPACE, REPRÉSENTATIONS ET PRATIQUES

I.1. Les confins, espace géographique polarisé

1.2. La région d'Aysén en Patagonie, un confin géographique emblématique

1.2.1. Un confin géographique au sud de l’Amérique du Sud

La Patagonie a été longtemps considérée comme une « Terra Australis res Nillius » (Zusman, 1999), les terres du sud sans maître. Depuis la colonisation espagnole, ces vastes étendues de terres lointaines, désertiques du côté argentin et impénétrables du côté chilien, étaient considérées comme hostiles et impropres à l’élevage, en comparaison avec les terres de type méditerranéen du centre du Chili et de l’Argentine. Bien que la Patagonie apparaisse sur les

premières cartes espagnoles au XVIe siècle et que certaines cartes esquissent ses limites, la

frontière qui sépare le Chili et l’Argentine a été ébauchée récemment, entre 1881 et 1902. Elle reste cependant aujourd’hui encore disputée au niveau du Cerro Fitz Roy (province de Santa Cruz en Argentine et d’Aysén au Chili). Cet espace reste une marge, oubliée du monde moderne, comme le rappel l’ouvrage Patagonia : a forgotten land (Brebbia, 2006).

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Carte 2. Limites historiques de la Patagonie d'après Garnier en 1860

(Garnier, 1860)

Pour le naturaliste français Alcides d'Orbigny c'est « une région du monde dont on parle tant, mais dont on connait si peu » (D'Orbigny, 1854). Cette affirmation est particulièrement pertinente en ce qui concerne la partie chilienne fréquemment omise volontairement ou non dans les discours et les productions aussi bien littéraires que scientifiques. À titre d’exemple, Moss (2008) dans son histoire culturelle de la Patagonie ne fait référence que de manière allusive à la partie chilienne de cet espace, exception faite de la partie centrale de la région de Magellan (Punta Arenas et Puerto Natales). Graciela Schneier-Madanes, dans le livre La

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via une carte, des données géographiques et démographiques qui concernent exclusivement

le sud de l’Argentine. La représentation cartographique exclut la partie chilienne, qui est relayée au second rang et ne bénéficie que d’une trame grisée sans élément de localisation, ni toponymie. Grenier (2003) rappelle cet état de fait en liminaire de son ouvrage : « il existe [bien] une Patagonie chilienne. Ce n’est que dans l’esprit d’Argentins chauvins, relayés par des Européens ignares, que la Patagonie se limite à l’Argentine ».

Il est commun, dans une acceptation historique (carte 2) et restrictive (Schlüter, 1999), de considérer que la Patagonie est un territoire situé au sud de la rivière Negro en Argentine (incluant les provinces de Río Negro, Chubut, Santa Cruz et Tierra del Fuego) et au sud de la ville de Puerto Montt et jusqu’au Cap Horn au Chili (avec les régions d’Aysén, de Magallanes et de Tierra del Fuego, et la province de Río Palena de la région de Los Lagos). Cet espace

(carte 3) de quelques de 949 299 km2 (693 213 km2 en Argentine et 256 086 km2 au Chili), tout

le sud du continent sud-américain, forme un territoire 72% plus grand que la France

métropolitaine26. Dans une acceptation plus large, proposée par décret en Argentine en 1996,

l’association des régions de Patagonie inclut aussi les provinces de La Pampa (au sud de

Buenos Aires) et de Neuquén, soit 237 520 km2 de plus du côté argentin.

Dans son livre De la Trapananda al Aysén l'historien Martinic (2005) raconte l'histoire de la création de la région d'Aysén. Il la qualifie d'une « île continentale » et son espace maritime, les archipels, de « dernière frontière » chilienne (Martinic, 2004). Il est curieux de constater que les archipels de Patagonie, découverts dès 1520 et cartographiés précisément dès 1741

par les anglais, ont été oubliés au cours de la moitié du XXe pour devenir, dans les imaginaires

touristiques, la dernière frontière inexplorée de Patagonie. Les déplacements maritimes, la

chasse à la baleine et de la fièvre halieutique27 (Peuziat, 2006) ont laissé place à la colonisation

agricole, par voie terrestre, via l'Argentine. Les colons sont arrivés en provenance de la région d'Araucania et de Los Lagos pour peupler sa partie continentale, devenue une terre d'opportunités. Les paysans pauvres du sud du Chili (principalement d'origine Chilote, Huilliche et Mapuche) et les sociétés d'exploitation agricole, propriétés de riches chiliens de Santiago ou de Punta Arenas et d’étrangers, ont ainsi "découvert" ce nouveau territoire.

26551 695 km² surface géodésique selon l'IGN

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Carte 3.La limite nord habituellement acceptée de la Patagonie et les régions chiliennes et provinces

argentines, en 2016

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Éloignement, complexité du relief et isolement de la région d'Aysén

La région d'Aysén, onzième région du Chili, est située entre les parallèles 43°40’ et 49°15’ de

latitude sud. Elle possède une superficie de 108 494 km2 (INE, 2014) soit un cinquième de la

superficie de la France métropolitaine. Aysén appartient à ce qu’on appelle la Patagonie du nord ou “Patagonie occidentale”, la zone nord-ouest de la Patagonie chileno-argentine coincée entre le Pacifique et les Andes. Elle est géographiquement éloignée à l'extrême des grandes villes (carte 4). Coyhaique, sa capitale régionale, se situe à vol d'oiseau à 1359 km de Santiago

du Chili (avec une population de 5 150 000 habitants28), à 462 km de Puerto Montt, la capitale

de la région de Los Lagos (227 698 habitants), à 848 km Punta Arenas, la capitale de la région de Magellan (124 474 habitants) et à 356 km de Comodoro Rivadavia, la ville argentine

importante la plus proche (177 038 habitants29).

Les distances terrestres (carte 4) et aériennes sont marquées. Santiago du Chili est, par voie terrestre, à 1 693 km et 27 heures de trajet, via Puerto Montt et la ville de Chaiten (en empruntant des ferries) ou à 2 281 km et 32 heures via l'Argentine. En revanche seules 2 heures 20 sont nécessaires par avion (vols directs 3 fois par jours) pour rejoindre la capitale. Puerto Montt est à 45mn de vol de Coyhaique, mais à 1 402 km et 21 heures par voie terrestre

via l'Argentine et à 24h par voie maritime, depuis le Puerto Chacabuco, à 15 km de Puerto

Aysén et 70 km de Coyhaique. Comodoro Rivadavia, dans la province du Chubut en Argentine est proche à vol d'oiseau, mais non relié par avion. Il faut 7 heures pour parcourir les à 467 km de pistes et une route goudronnée. Les seuls vols possibles sont via Buenos Aires et Santiago du Chili et requièrent 9 heures de trajet, plus deux stop over dans les capitales argentine et chilienne.

28 Censo Nacional de Chile, 2015

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Carte 4. Les axes routiers de la Patagonie chilienne et argentine en 2014

(Bourlon, 2018)

Finalement, Punta Arenas, est à 1410 km de Coyhaique par la route et le voyage requiert 18 heures, en empruntant des pistes au Chili et la Ruta 40 en Argentine. Il existe une navigation possible via Puerto Natales jusqu'à Puerto Aysén et tout récemment jusqu’au village portuaire de Caleta Tortel. Il faut compter respectivement 48 heures et 36 heures de voyage. Par avion, un vol direct une fois par semaine avec DAP prend 2 heures. D'autres vols quotidiens existent,

via Puerto Montt avec les compagnies Sky et Latam et prennent 7 heures, en considérant le

temps de connexion.

Alors que la Patagonie est souvent associée aux immensités des pampas argentines, la topographie de notre zone de recherche est particulièrement accidentée (carte 5). La région est occupée dans sa quasi-totalité par la cordillère des Andes : l'épine dorsale du continent

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sud-américain se fractionne ici en deux cordons, l'un continental, l'autre maritime. La partie montagnarde aux amples vallées glaciaires habitée par l'homme, possède une caractéristique unique : la présence de deux immenses calottes glaciaires continentales.

Carte 5. La région d'Aysén en Patagonie chilienne en 2013

(Bourlon, 2018)

Ces deux masses de glace sont, au monde, les plus proches de l’Équateur. Les champs de glace

Campos de Hielos Patagónicos Norte y Sur sont des inlandsis qui constituent deux ensembles

géographiques isolant entièrement la région d'Aysén de l’océan Pacifique. Seul le fleuve Río Baker les traverse en débouchant sur l'Océan Pacifique au village de Caleta Tortel. Le relief culmine au nord au mont Saint Valentin, à 4051 m, plus haut sommet des Andes de la

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Patagonie. La Cordillera Oriental, qui sépare la région de l'Argentine, culmine au sud au Cerro

O’Higgins à 2910 m, et au centre dans le massif du Cerro San Lorenzo à 3706 m.

La partie occidentale est constituée d’îles, de fjords, de canaux et de formations granitiques imposantes. Les vallées et les creux du relief abritent une infinité de lacs et lagunes. Du nord au sud, après le Golfe de Corcovado on trouve le Canal Moraleda, le Canal Elefante, la lagune San Rafael et l'Isthme d’Ofqui avant d'atteindre le Golfo de Penas, les fjords et canaux du Río Baker et le canal de Messier, qui conduit vers la région de Magellan. Ce secteur géographique est navigable, mais peu favorable du fait des rudes conditions climatiques, marines, ventées et pluvieuses.

En définitive, la spécificité de la Patagonie d'Aysén est d'être une région au relief très montagnard, au modelé glaciaire prononcé diamétralement opposé à celui de plaines des pampas argentines. La topographie abrupte, brisée par des gorges étroites et marquée par d’importants dénivelés, est d'un attrait paysager indéniable. D'est en ouest et de vallée en vallée, les vues changent. Les hauts sommets enneigés et anciens volcans dépassent des limites de la végétation. Les glaciers s'observent facilement depuis les vallées habitées, de même que les rives des lacs aux eaux turquoise, tels que le General Carrera, le Cochrane, ou

le O'Higgins. Les relevés cartographiques du relief au 250 000e faits par l’Institut Géographique

Militaire chilien existent, mais restent des zones non cartographiées dans le détail. C'est le cas des champs de glaces, des massifs et de certains secteurs côtiers. Il existe des cartes au 50

000e, mais pratiquement aucune au 25.000e.

Comme le montrent les cartes routières d'Aysén, l'accessibilité et les difficultés de mobilité

sont extrêmes. Seule la Carretera Austral la traverse, un "axe de pénétration"30, au sens

militaire du Cuerpo Militar del Trabajo (chargé de sa création) et du Ministère des Travaux Publics chilien (le MOP). Pour circuler il est nécessaire de passer vers l'Argentine via des postes frontaliers au nombre restreint, une quinzaine, mais dont seuls trois sont ouverts en permanence. Même les itinéraires de navigation sont limités de par l'absence de ports côtiers et les conditions météorologiques très variables.

La Carretera Austral axe névralgique d'Aysén

Les mobilités vers Aysén progressent lentement et l’intérêt de la région comme destination nationale reste très résiduel. Trois à six vols par jour, des compagnies nationales (Latam, Sky

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Airlines et DAP), desservent Coyhaique et trois petites compagnies aériennes (Don Carlos, San Rafael et Aerohein) proposent des vols une à deux fois par semaine vers les aérodromes de Chile Chico, Cochrane, O’Higgins et Tortel. Des vols charters sont possibles.

La route australe s'initie au sud de Puerto Montt, après le village d’Hornopirén, d'où il faut prendre un ferry pour rejoindre le débarcadère de Caleta Gonzalo, non loin de la ville de Chaiten. De là elle traverse, du nord au sud, les villes de La Junta, Puyuhuapi, Villa Mañihuales, Coyhaique, Cerro Castillo, Puerto Tranquilo et Cochrane pour atteindre son extrême sud, le village de Villa O'Higgins. Ce Camino Longitudinal Austral Ruta 7, mieux connu comme

Carretera Austral est, sur encore plus de 80% de son parcours dans la région d'Aysén, une

piste de terre stabilisée, d’une largeur variant de 3 à 7 mètres, classifiée (de manière un peu emphatique) sur les cartes officielles de camino consolidado (chemin établi) et nécessitant l’usage de plusieurs transbordeurs afin de franchir divers canaux. Cet axe routier nord-sud, long d'environ 1 240 kilomètres, a été construit à partir de 1976, principalement pour des raisons géopolitiques d'une idée formulée par le gouvernement de Salvador Allende, mais dont l’initiative de la mise en œuvre revient au dictateur Augusto Pinochet (la piste était initialement nommée Carretera Présidente Augusto Pinochet), tous deux soucieux de marquer la souveraineté du Chili sur cet espace. On parle de cette route comme celle de “l’avancée du Chili” vers les terres australes jusqu’alors abandonnées (Grenier, 1997). Depuis, de nombreux Chiliens et surtout Argentins, comble d'ironie pour un projet nationaliste, empruntent cette route dite “d’intégration” pour rendre visite à leurs familles restées au sud du Chili, tout en venant découvrir les beautés naturelles verdoyantes, par opposition aux zones arides de la steppe désertique argentine ou méditerranéenne du Chili.

Il faut noter que c'est seulement depuis 2003, soit 25 ans après le début du chantier, qu'une piste mène au village de Caleta Tortel. La route australe est coupée, plus au sud, au niveau de Puerto Yungay, un petit village presqu'abandonné, et un ferry est à nouveau nécessaire pour poursuivre la route jusqu’à Villa O’Higgins. La région restera cependant une impasse routière au niveau de ce dernier village. La route en cours de construction par les troupes du génie militaire chilien (Cuerpo Militar del Trabajo) pour contourner le Campos de Hielos Patagónicos Sur, qui débute au niveau du Río Pascua et fjord éponyme, n'avance que de quelques kilomètres par an et nécessitera forcément l'usage d'autres transbordeurs. Selon les plans régionaux, elle devrait relier la région de Magellan en 2030, mais face à la complexité du milieu et aux multiples défis d’ingénierie à relever, cela reste pour l’instant un pari ambitieux. Depuis Villa O'Higgins, il est pour l'heure possible de poursuivre vers l'Argentine à pied, par les postes de Río Mayer et d’El Mosco, ou par bateau, puis en voiture sur 10 km et enfin à pied, par le poste de Candelario Mansilla, pour rejoindre la ville d’El Chaltén, au pied du Fitz Roy. Seules quelques centaines de personnes empruntent cet itinéraire chaque année.

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À partir de l'imposant Lac Carrera, il est possible de se rendre en Argentine via des routes transversales, depuis Puerto Guadal et Chile Chico jusqu’à Los Antiguos par exemple. En partant de Cochrane, on peut emprunter le col Paso Roballos dans la vallée de Chacabuco, devenu le Parc National Patagonia en 2017 et atteindre, par la Ruta 40, la petite ville de Bajos Caracoles, au nord de Gobernador Gregores et d’El Chaltén.

Des pistes latérales à la Carretera Austral permettent d'atteindre quelques sites d'importances du sud, comme la réserve Jeinimeni, le Cerro Tamango, la vallée du Rio Tranquilo près du Mont Saint Valentin, la vallée du Parque Patagonia, ou du nord comme Coyhaique Alto, Ñirehuao, Lago Verde, Futaleufú, mais la plupart nécessitent des véhicules tout terrain. De nombreux autres sites d'intérêt pour le tourisme, le volcan Hudson, le cordon Cristal, le Cerro San Lorenzo, les glaciers des Campos de Hielos Patagónicos ne sont accessibles qu'à pied ou à cheval.

En 2012, le réseau routier dans son ensemble était estimé à 3145 km, dont 89% de pistes (terre, gravier ou en surface stabilisée avec un mélange de sels, d'argile et de graviers), 6% de routes goudronnées et 5% de routes cimentées (données des rapports du Ministère des Travaux Publics, MOP, Dirección de Vialidad, 2012). Les plans de développement des routes sont établis entre le Ministère des Travaux Publics (Vialidad) et les municipalités qui décident sur des plans quinquennaux des nouvelles routes ou pistes à créer. L’État jugeant recevables les demandes si elles sont justifiées par des intérêts économiques : ceux de l’élevage, de l’exploitation forestière ou de l’activité minière. Le tourisme n’est actuellement pas considéré comme un facteur significatif (économique) pouvant peser sur la création d’une route. Par ailleurs, l’impact de la construction de nouvelles routes dans des secteurs fragiles et encore peu perturbés par l’homme est sous-estimé, ce qui donne lieu à des plaintes en justice des organisations écologistes. Ce fut le cas pour rejoindre le village de Caleta Tortel qui jusqu'en 2003 n'était atteignable que par la rivière Baker avec de petites embarcations de marins-bucherons. L'un d'entre eux (enquête nº77) raconte : « En 1975, je faisais en 6 jours ce que maintenant je fais en une demi-heure par la route ». Une autre habitante et propriétaire d'un gîte (enquête nº10) ajoute : « La route a été un progrès, mais depuis beaucoup de choses ont changé, les gens se parlent moins, il y a plus de problèmes dans le village, les visiteurs viennent de Cochrane pour la journée et ne partagent plus notre vie ». Par ailleurs, la route n'est pas toujours praticable, car souvent inondée par les crues du Río Baker et la montée des eaux dans les plaines marécageuses par fortes pluies.

D’après Rolando Toloza, fonctionnaire de la Dirección de Vialidad du Ministère de Travaux Publics rencontré lors du lancement du livre La Carretera Austral, La route la plus spectaculaire

d’Amérique du Sud (Toloza & al., 2012), 3000 km de pistes supplémentaires sont prévus d’ici

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confidentiels, mais « seront des routes scéniques, en respectant les beautés du paysage ». Des problèmes se posent, par exemple dans le cas de la lagune de Jeinimeni, sur laquelle la CONAF (gestionnaire du territoire) se refuse à tout accès routier. C'est aussi le cas avec la route des Explorateurs passant par des terrains privés agricoles et modifiant le transport maritime depuis Puerto Montt et Puerto Chacabuco, ouvrant ainsi la voie à de nouvelles installations de l'industrie du saumon. Un autre problème non résolu est celui des routes transversales, dont celle de la région du lac O’Higgins, frontalière avec l’Argentine, qui pourrait permettre l’accès au massif du Fitz Roy, mais que les argentins n'appuient pas, par peur des fuites de touristes vers le Chili.

C'est avant tout la Marine chilienne qui parcourt régulièrement le littoral Pacifique et quelques marins pêcheurs venus de l'île de Chiloé, au nord, ou de Puerto Natales, au sud. Le transport par bateau de personnes ou de marchandises est surtout limité au port de Puerto Chacabuco, non loin de Coyhaique. Des ferries, subventionnés par l’État chilien pour garantir la continuité territoriale, transportant passagers, véhicules et marchandises, accostent à Puerto Chacabuco (proche de Puerto Aysén) et naviguent vers Puerto Aguirre, Puerto Cisnes et Raúl Marín Balmaceda, pour rejoindre Puerto Montt, à 24 heures de là. Alors que depuis les années 1950, la Marine chilienne a aidé les colons à transporter leur bois de cyprès pour le vendre à Punta Arenas, ce n'est que depuis 2017 qu'un transport de passagers et véhicules relie Caleta Tortel à Puerto Natales en 36 heures. Ce transport maritime constituant l’unique accès actuel direct à l'océan Pacifique, au sud du Golfo de Penas, connaît diverses fluctuations du fait des aléas météorologiques. Le redoutable Golfo de Penas, limité au nord par la péninsule de Taitao et le « Champ de Glace Patagonie Nord », a toujours été une barrière naturelle aux déplacements maritimes. Le développement économique au nord a été plus important de ce fait, car rattaché aux activités du port de Puerto Montt. Aujourd’hui, seuls quelques bateaux de croisière transatlantiques ou de marchandises de gros tonnage le traversent au large ou par le canal Baker et le canal Messier, pour se rendre à Punta Arenas.

L'accès aux sites naturels remarquables de la commune de Tortel, tels le glacier Jorge Montt, le parc de Katalalixar, le parc O’Higgins, ou les “Campo de Hielo Norte y Sur”, n'est possible actuellement que par mer, au départ de Tortel, grâce à des embarcations sommaires. C'est la spécialité de Jorge Arratia d'emmener les touristes aux glaciers Montt et Steffen. Il souhaite s'acheter une nouvelle embarcation en fibre de verre avec deux moteurs de 75hp et aussi « poursuivre l'amélioration d'un sentier au pied du glacier Montt ou en construire un plus progressif pour les visiteurs », mais il estime que « les travaux ont pris beaucoup de retard, car il y avait trop de malentendus entre les différents acteurs et pas assez d'aide de la part de la commune ». La navigation vers le glacier Jorge Montt à travers le canal Baker dépend des conditions climatiques et des vents. Il est fréquent d´être bloqué par la progression d'un pack,

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constitué de l’entassement des innombrables icebergs dérivants. Les bateaux ne sont pas