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Tour d'horizon sur la caractérisation hydrique

I.3. O UTILS DE C ARACTERISATION

I.3.1. Tour d'horizon sur la caractérisation hydrique

Le problème de la caractérisation hydrique pose la question suivante : sous un jeu de conditions opératoires (Température de pile, température et humidification des gaz…) et de paramètres constitutifs donné (géométrie des canaux, technologie de la GDL, épaisseur de la membrane…), quels sont les transferts d'eau dans la PEMFC, quelle situation hydrique engendrent-ils et, finalement, quel est l'impact de cette situation hydrique sur les performances électriques de la PEMFC? Une caractérisation hydrique peut se focaliser sur une partie particulière de la PEMFC étudiée. Elle peut être utile pour améliorer, ou même permettre la modélisation des performances électriques de la PEMFC (cela sera notre cas), ou pour choisir, par exemple, la géométrie de canaux la plus adaptée.

Pour y répondre, plusieurs techniques existent. Une grande partie d'entre elles consiste en une observation visuelle, plus ou moins directe, de l'eau au sein de la PEMFC en fonctionnement : la mesure vise directement l'eau. D'autres sont basées sur l'observation des conséquences que l'eau liquide, selon sa quantité, devrait avoir sur certains paramètres, mesurables, inhérents au fonctionnement de la PEMFC.

I.3.1.1. Les PEMFC "transparentes"

Nous traitons ici de PEMFC dont les plaques bipolaires sont usinées autour d'une fenêtre translucide (plexiglas, verre, quartz, polymère acrylique, polycarbonate…).

Dans le cas d'une visualisation à l'œil nu, la fenêtre sera transparente au spectre visible, permettant d'observer directement la formation et le déplacement de l'eau liquide dans la GDL, le plus souvent cathodique, d'une PEMFC, en fonction de divers paramètres comme la sollicitation électrique, l'humidification des réactifs, la température imposée. Le problème de cette méthode réside en son caractère invasif. Le matériau transparent utilisé sera en effet isolant électriquement, et créera une discontinuité dans les propriétés de conduction thermique des plaques bipolaires, et donc de la PEMFC dans son ensemble. Il modifie de fait les distributions électriques et thermiques, et donc la distribution hydrique, altérant l'objet visé par l'observation.

Figure I-28: Photographie des canaux anodiques d'une PEMFC à fond d'anode transparent, apparition d'eau liquide [Lee09]

Nicolas Karst, dans sa thèse [Kar09], utilise ce procédé de visualisation, pour quantifier la quantité d'eau rétrodiffusée à l'anode de la µPEMFC. Pour ce faire, il usine une chambre

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anodique, dont le fond est en plexiglas. L'avantage de ce montage est qu'il n'altère pas la distribution de courant anodique, puisque le plexiglas n'entame pas le collecteur électronique. En contrepartie, il permet uniquement de visualiser l'eau sortant des canaux l'approvisionnement en H2. D'autres études, comme par exemple [Liu06] et [Lee09], utilisent cette mesure visuelle directe pour observer l'influence du design des canaux d'approvisionnement en O2 dans le premier cas, ou pour étudier l'influence des conditions expérimentales sur les transferts hydriques dans le deuxième.

Les fenêtres peuvent aussi être conçues pour être transparentes aux sources de lumière émettant dans l'infrarouge, ou dans l'ultraviolet. Ce sera le cas lorsque l'on utilisera les méthodes de spectroscopie de Raman, de spectroscopie d'adsorption (la plus courante étant la spectroscopie à rayons infrarouges, comme dans [Fus06], où les auteurs utilisent la méthode pour observer l'eau dans une membrane ex situ, puis in situ), ou encore de micro tomographie à rayons X. Toutes ces techniques procèdent en éclairant la PEMFC d'un rayon incident (sa nature variera d'une technique à l'autre), puis en analysant le spectre du rayon sortant, qui aura été altéré par sa traversée de la PEMFC, notamment par la présence d'eau liquide. Comme dans toutes les méthodes de spectroscopies par rayonnement, l'intensité de certaines raies de ce spectre sera représentative du contenu en eau liquide de la zone visée par le rayon incident. Dans ce cadre, il faut donc aussi une fenêtre de sortie côté anode (il y a donc une fenêtre côté anode et côté cathode). De plus, une modification structurelle profonde de la PEMFC est parfois nécessaire (par exemple, retrait des couches de diffusion), car la traversée des rayons ne devra être fortement modifiée par autre chose que le contenu en eau, sans être adsorbé par le carbone des électrodes par exemple. Tout dépendra de la partie de la PEMFC sur laquelle portera l'étude. Ces méthodes sont donc, sinon destructives, hautement invasives. Aussi leur utilisation peut-elle être plus pertinente dans le cas d'une étude ex situ de certains éléments de la PEMFC. Par exemple, Puneet K. Sinha et al., dans [Sin06], étudient la répartition spatiale de la formation d'eau dans une GDL seule, par micro tomographie à rayon-X.

I.3.1.2. Mesure par radiographie aux Neutrons

Il s'agit de placer la PEMFC dans un faisceau de neutrons et de capter le faisceau résultant de la traversée. Ce rayonnement aura été altéré, comme dans les méthodes évoquées dans le paragraphe précédent, par l'eau liquide. Dans ce cas, il ne s'agit pas d'analyser des spectres. Moyennant une bonne calibration, et un post traitement de l'image (compensation du bruit, des atténuations…), on peut directement observer de l'eau liquide dans les canaux, jusqu'au noyage (Figure I-29). Cette méthode ne nécessite pas de modifier la PEMFC, les faisceaux de neutron n'ayant pas de mal à traverser la matière "dure".

Figure I-29: Résultat d'une radiographie neutron, où apparaissent les canaux de la cathode, au fur et à mesure qu'ils se remplissent d'eau liquide [Boi06]

31 Cette technique peut elle aussi servir à étudier l'impact hydrique de différentes géométries de canaux, matériaux utilisés pour les plaques bipolaires, ou pour la GDL, ou encore l'emplacement de la résistance chauffante utilisée dans le montage, comme cela est fait dans [Zha06].

I.3.1.3. Mesures de pertes de charge

Ces mesures permettent de se faire une idée de la quantité d'eau liquide au voisinage des canaux d'approvisionnement en gaz, le plus souvent à la cathode. Elles se basent sur le fait que la perte charge entre l'entrée et la sortie du canal dépendent directement, entre autres, de la quantité d'eau liquide à son voisinage, c'est-à-dire dans la partie de la GDL qui est en contact avec les canaux. Plus il y aura d'eau liquide dans la GDL, et donc a fortiori, dans les canaux, plus la perte de charge augmentera rapidement avec une augmentation du débit entrant de gaz.

Cette mesure non intrusive et relativement simple, croisée avec d'autres, peut permettre de se faire une assez bonne idée de la situation hydrique de la PEMFC (différenciation entre noyage et assèchement par exemple, comme dans [Bir05], où la mesure est croisée avec une mesure de la résistance électrique de la PEMFC, représentative de l'état d'hydratation de celle-ci). Elle peut aussi permettre de comparer différents design de canaux du point de vue de la gestion de l'eau, comme le font X. Liu et al. dans [Liu06] et [Lui07], où la mesure est faite sur des cellules transparentes.

I.3.1.4. Autres méthodes

Il existe quantité d'autres méthodes de monitoring de l'eau liquide. Pour exemple, nous pourrions citer la spectroscopie fluorescente. Dans [Pat05], les auteurs mélangent du Nafion à un agent fluophore qui, sous une excitation lumineuse (ultra violet ou rayon X) émettra une fluorescence dont l'intensité sera dépendante de la quantité d'eau liquide avoisinante. Ils coulent ce mélange autour d'une fibre optique, conçue pour émettre l'excitation, et pour mesurer la réponse des fluophores, puis reconstruisent une PEMFC complète autour de cette membrane. Ils parviennent ainsi, par analyse du spectre résultant, à connaître le contenu en eau de la membrane d'une PEMFC en fonctionnement.

D'autres méthodes consistent en l'injection, dans les réactifs, d'un traceur chimique permettant de suivre les mouvements d'eau. L'imagerie par résonance magnétique peut aussi être utilisée sur les membranes. Il est aussi possible, comme dans [Sun09], de concevoir des collecteurs électroniques permettant de mesurer de nombreux courants locaux simultanément, c'est-à-dire de cartographier spatialement la PEMFC en courant, et donc en production d'eau.

Une technique récente, étudiée au LEPMI, procède à la mesure du contenu en eau par émission acoustique, comme cela est décrit dans [Leg09] ou [Leg10].

Evoquons enfin les méthodes de pesée, qui permettent de connaître par déduction la variation du contenu en eau du Nafion, comme dans [Jal05], ou [Kar09].

Jean St-Pierre Fait dans [Pie07] un état de l'art très poussé de ces méthodes de caractérisation.

I.3.1.5. Les mesures électriques "universelles"

Il s'agit ici des mesures électriques pouvant être réalisées sur n'importe quelle PEMFC, ne nécessitant pas de modification structurelle de celle-ci. Leur mise en œuvre est de plus relativement simple, d'où leur qualification d'universelles. Elles englobent autant le tracé quasistatique de la courbe de polarisation, sous conditions opératoires données, d'une PEMFC, que le tracé d'un spectre d'impédance autour d'un point de fonctionnement, ou

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encore que le tracé de sa réponse dynamique fort signal stabilisée. Ces techniques sont celles que nous avons utilisées pour réaliser la caractérisation hydrique de notre µPEMFC. Nous décrivons leurs tenants et aboutissants aux paragraphes I.3.3, I.3.4 et I.3.5.

Ces mesures permettent d'obtenir des informations diverses sur les pertes électriques de la PEMFC, en fonction de la tension ou du courant qui lui sera imposé.

Dans le monde de l'électrochimie, c'est le plus souvent la tension qui est imposée, car elle définit les réactions d'oxydoréduction qui vont avoir lieu. Cette façon de procéder est la plus largement répandue. Cependant, lorsque l'on considère l'utilisation finale, notamment d'une PEMFC, dans un système concret (c'est-à-dire lorsqu'on raisonne d'un point de vue systémique), il apparaît que naturellement, il lui sera imposé un courant, et non une tension. C'est la raison pour laquelle, dans le cadre des études menées au LAPLACE, dans l'équipe GENESYS (Groupe Energie Electrique et Systémique), c'est le plus souvent le courant qui est imposé. Dans ce manuscrit, nous trouverons les deux types de mesures (galvano ou potentiostatique), pour diverses raisons :

- Certaines mesures utilisées auront été faites au CEA LITEN par Nicolas Karst, qui imposait systématiquement la tension.

- Parfois, le mode potentiostatique sera préféré parce qu'il évite par nature à la µPEMFC de se retrouver dans le cadran "dissipateur" (courant et tension négatifs), potentiellement destructeur, ce qui peut s'avérer utile lorsque l'on veut tirer un fort courant de la µPEMFC sans risquer de la détruire (on se place alors à basse tension).

- Le courant traversant la PEMFC en quasistatique étant proportionnel au flux d'eau produite, il peut être judicieux, dans le cadre d'une caractérisation hydrique, de travailler en galvanostatique, de manière à imposer la production d'eau, ce qui peut permettre de disposer d'intéressants points de comparaisons fixes pour croiser les données…

Pour toute mesure exposée, la méthode employée sera précisée.

Contrairement au cas de certaines techniques de caractérisation exposées au-dessus, la difficulté de la méthode électrique repose sur le fait que la quantité d'eau présente dans la PEMFC n'est pas directement accessible. Il faut la déduire de son impact sur les pertes électriques, ou de leur comportement dynamique, de la PEMFC.

Afin d'illustrer le propos, nous pouvons nous représenter la situation hydrique de la PEMFC comme un objet géométriquement complexe, que l'on ne pourrait observer directement, mais dont on pourrait voir les ombres projetées sur un mur, à la manière du mobile GEB de Douglas Hofstadter, que l'on voit Figure I-30 (et qui n'est d'ailleurs autre qu'une illustration de l'allégorie de la caverne de Platon).

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Figure I-30: Mobile GEB de Douglas Hofstadter, tiré de son livre Gödel, Escher et Bach,

les brins d'une guirlande éternelle [Hof99]

Si l'on transpose par dualité cette illustration à l'étude de la PEMFC, on en vient à dire que chaque mesure électrique éclaire en quelque sorte la forme complexe qu'est la situation hydrique sous un angle différent, produisant une "ombre", c'est à dire un lot d'informations dérivé de cette situation hydrique. Or, comme on peut le déduire de la Figure I-30, une seule ombre, c'est-à-dire une seule source de lumière (dans notre cas, une seule mesure électrique), ne suffirait pas à obtenir une idée représentative de la sculpture, et pourrait même conduire à une conclusion complètement fausse (statuant par exemple que la sculpture n'est qu'un simple "B" suspendu dans les airs).

En revanche, si l'on n'a pas un accès visuel direct à l'objet éclairé, on peut essayer de s'en reconstruire une représentation en en multipliant les projections.

C'est vers cette philosophie que nous tentons de tendre dans notre approche de caractérisation hydrique. Ainsi, nous multiplierons les projections, en variant et en croisant les réponses de la µPEMFC à de diverses et complémentaires sollicitations électriques et environnementales : polarisation quasistatique, avec une spectroscopie autour de chaque point de fonctionnement, mesures dynamique fort signal à différentes fréquences, amplitudes, types et symétries de signaux, réalisation de ces mesures à diverses conditions expérimentales…

Chacune de ces mesures apporte un lot d'informations différent et complémentaire, aucune ne contient toutes les informations. Associées les unes aux autres, elles donnent une image plus nette.

L'utilisation des mesures électriques sont courantes dans la littérature. Dans ce manuscrit, nous nous efforcerons de croiser un maximum les observations qu'elles produisent, afin de montrer la nécessité du recoupement d'informations pour une caractérisation solide.

Dans un premier temps, nous décrirons le matériel utilisé au long de cette thèse, puis nous nous intéresserons aux divers types de mesures électriques utilisés, décrivant leurs tenants et

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aboutissants. Enfin, nous mettrons en regard plusieurs résultats de natures différentes, en nous efforçant d'en extraire les grands traits qualitatifs du comportement hydrique de la µPEMFC.