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Proposition d'une explication aux sauts de spectres

SOLLICITATION ELECTRIQUE

II.2. E XPERIMENTATIONS AU REGIME DYNAMIQUE P ETIT

II.2.3. Sauts de spectres

II.2.3.2. Proposition d'une explication aux sauts de spectres

Les sauts de spectres mettent en lumière la dynamique de l'évaporation de l'eau de la µPEMC, et notamment, de l'eau liquide contenue dans les pores de la cathode, à travers le prisme de la réaction de Rélec à la variation du contenu hydrique cathodique provoquée par cette

évaporation.

Nous proposons le scénario macroscopique suivant pour expliquer les sauts de spectres : Quel que soit le taux d'évaporation vers l'atmosphère de l'eau contenue dans la cathode de la µPEMFC, lorsque l'on demande à la µPEMFC de produire beaucoup plus d'eau qu'elle n'en produit déjà, en augmentant suffisamment IFC, elle réagit très rapidement, la vitesse de sa

réponse étant uniquement soumise à la dynamique fort signal, assez rapide, des phénomènes d'activation. Dans ce cas, les gouttes d'eau liquide formées autour de chaque grain de Pt croissent et se rejoignent rapidement, s'unissant par capillarité, couvrant le Nafion de l'interface cathode/membrane d'une pellicule d'eau liquide, dont les pores cathodiques se retrouvent alors tapissés. Si l'on se place à trop fort courant, dans une situation assez humide,

81 et que l'on attend assez longtemps, cette pellicule peut devenir assez épaisse pour que les pores se remplissent par capillarité, ce qui aurait pour effet de corrompre le point triple, et de provoquer de gros problèmes de diffusion de l'O2 : on aboutirait à un noyage. A aucun moment dans les tests présentés au-dessus en en Annexe A, nous ne nous sommes allés jusque là. La couverture liquide du Nafion lui assure alors une hydratation interne, et donc une conductivité, maximales. Cela se répercute sur l'évolution de Rélec, qui a tendance, dans les

cas de forte hydratation, à tendre vers une limite basse (∼250mΩ). En résumé, quelles que soient les conditions, l'eau est produite, et forme une pellicule, beaucoup plus rapidement qu'elle n'est évaporée. La formation rapide de cette pellicule est corrélée à la réduction rapide de Rélec.

Lorsque, à partir de la situation précédente, on réduit beaucoup le courant imposé à la µPEMFC, on diminue drastiquement l'alimentation en eau de la pellicule d'eau, potentiellement assez, dans les tests menés, pour rendre le flux évaporé supérieur au flux produit.

La pellicule d'eau commence alors à réduire, à une vitesse correspondant à l'intensité de l'évaporation dans l'absolu, mais aussi à la différence entre flux évaporé et flux produit. A flux produit constant, plus les conditions seront sèches (flux évaporé grand), plus la pellicule réduira rapidement. A flux évaporé constant (conditions opératoires fixes), plus le flux produit sera faible, moins la pellicule sera alimentée en eau, et plus vite elle réduira. Cependant, quoiqu'il arrive, dans un premier temps, l'eau restera majoritairement sous la forme d'une pellicule "homogène", recouvrant toujours une grande partie du Nafion de l'interface cathode/membrane. Rélec restera donc basse, alors que le courant a été réduit. De même, la

circulation des protons dans l'eau interstitielle reste aisée (le petit cercle HF reste petit). Ceci correspond à la phase d'avant saut.

Puis, au bout d'un certain temps, qui dépendra du flux évaporé et du flux produit, la pellicule d'eau liquide va devenir assez fine pour perdre sa cohésion capillaire, à l'image d'une flaque s'évaporant au soleil. Elle va alors se disloquer en une multitude de gouttelettes. La surface de Nafion en contact avec l'eau liquide va donc subitement réduire, le reste étant exposé à de la vapeur d'eau. A ce moment là, d'une part, sa conductivité va baisser par évaporation de l'eau qu'il contient, le processus étant soumis à la sécheresse de l'atmosphère. D'autre part, le fait même qu'il se trouve subitement en contact avec de l'eau vapeur pourrait provoquer une réorganisation structurelle du polymère (Figure II-34), comme par exemple ce qui est proposé par [Kav07], ce qui altérerait directement sa conductivité. Celle-ci sera alors d'autant plus basse que la vapeur d'eau sera sèche.

La discontinuité provoquée par la rupture de l'état "capillaire" de l'eau des pores, rupture qui ne se produit pas exactement au même instant dans tout le volume cathodique, se répercute donc sur Rélec. L'aspect chaotique que l'on pourrait aisément prêter à une rupture capillaire

généralisée à l'échelle d'un réseau poreux pourrait expliquer l'absence de grandes tendances concernant la durée du saut, définie dans notre scénario par le début et la fin de la rupture capillaire.

A la fin de la rupture capillaire, Rélec est plus élevée. De même, R1 a augmenté. Si cette

grandeur représente les pertes dues à la circulation des protons dans l'eau des pores de la cathode, cela signifie que la rupture de capillarité l'a rendue plus difficile, ce qui serait cohérent avec un morcellement du volume liquide supportant cette circulation. Rélec

augmentera d'ailleurs d'autant plus que l'air avec lequel sera mis en contact le Nafion sera pauvre en eau (Figure II-34), donc que l'atmosphère sera sèche, ce qui est cohérent avec nos mesures.

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Figure II-34 : Illustration de la théorie de [Kav07] : dépendance de la structure du Nafion à l'état de l'eau à sa surface (a = HR)

Par la suite, la quantité d'eau liquide présente dans la cathode, et donc la conductivité du Nafion, évolue au gré de l'évaporation et du flux produit. Un certain équilibre pourra éventuellement être trouvé. D'une part, nous verrons en effet au Chapitre III que le flux évaporé pourrait augmenter avec le contenu en eau de la cathode : après le saut, au bout d'un certain temps, ce flux pourrait alors diminuer assez pour s'équilibrer avec le flux produit. D'autre part, l'assèchement progressif de la cathode pourrait donner lieu à une rétrodiffusion de l'eau présente à l'anode (alimentée en eau par le flux d'H2 hydraté). Cela expliquerait que les spectres et IFC semblent aller vers un régime permanent après le saut.

Enfin, notons que, selon cette théorie, si à l'issue d'une transition d'un fort courant vers un faible courant, le faible courant correspond à un flux d'eau produite restant assez fort pour ne pas être surpassé par le flux d'eau évaporé, alors le saut n'aura pas de raison de se produire : on resterait en situation "normale", et la transition de courant, insuffisamment brutale, n'occasionnera pas de "singularité" dans les résultats petit signal. Nous avons justement tenté, dans les CondB, d'observer le saut de spectres après un passage de 300mV à 600mV, sans jamais y parvenir. Cette observation pourrait donc signifier qu'à 600mV, le flux d'eau produite reste supérieur au flux évaporé, ce qui pourrait confirmer la théorie. Une autre alternative serait que le temps avant saut soit très long et que nous n'ayons pas attendu assez longtemps pour l'observer. Ceci étant dit, on peut supposer qu'en contrepartie, les changements induits par le saut seraient alors infimes.