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Or, la composition de cette assemblée se caractérise par une supériorité numérique des petits États. Par conséquent, le processus d’adoption des normes et standards internationaux relatifs à la protection des droits fondamentaux par la communauté des États ne se réduit pas à une simple imposition des conceptions de ces normes et standards d’un ou plusieurs États au reste du monde.

Enfin, le texte initial qui a été proposé par la Suède n’est qu’un texte qui sert de base de négociations entre le groupe de travail qui est chargé de la rédaction de la Convention contre la torture. Or, comme on va le voir dans les paragraphes qui suivent, ce groupe se caractérise par sa diversité géographique. Donc, à tout moment du processus de la rédaction de cette convention, les États, toutes civilisations confondues, peuvent exprimer leur conception de la cruauté.

La diversité géographique des rédacteurEs de la Convention

contre la torture

En retraçant le processus de rédaction de la Convention contre la torture, on souligne la diversité géographique des membres du groupe de travail qui est chargé de la rédaction de cette convention.

116 Burgers & Danelius, op.cit., 15-16. 117 UN. Doc. A/10260 (1975).

L’histoire du projet de la Convention couvre la période de 1977 à 1984, et a suscité la participation de plusieurs organes et agences des Nations Unies, dont l’AGNU qui tient ses sessions annuelles à New York de septembre à décembre, la Commission des droits de l’homme qui se réunit chaque année à Genève, durant six semaines en février et mars, et un groupe de travail qui a été créé par cette commission.118 Comme il en a été décidé, ce groupe est à composition non limitée, ce qui signifie que tous les États membres de la Commission des droits de l’homme peuvent y participer, pendant que les ONG qui ont un statut consultatif avec le Conseil économique et social des Nations Unies ainsi que les États qui ne sont pas membres de cette commission peuvent y participer en tant qu’observateurE.119

Malgré cette ouverture, les sources primaires montrent que les réunions du groupe de travail comptent une trentaine de déléguéEs et observateurEs.120 Par ailleurs, ce groupe se caractérise par sa continuité durant les années. Ainsi, la présence des États suivants est notée soit en tant que participant soit en tant qu’observateur : l’Algérie, l’Allemagne fédérale, l’Argentine, l’Australie, l’Autriche, la Belgique, le Bénin, le Brésil, la Bulgarie, le Burundi, le Canada, la Chypre, la Colombie, le Costa Rica, la Côte d’ivoire, Cuba, le Danemark, l’Égypte, les États-Unis, l’Éthiopie, Fiji, la Finlande, la France, le Gabon, le Ghana, la Grande Bretagne et l’Irlande du nord, la Grèce, l’Inde, l’Iran, l’Iraq, l’Irlande, l’Italie, la Jordanie, le Maroc, le Mexique, la Mongolie, le Niger, la

118 Burgers & Danelius, op.cit., 31. 119 Ibid., 32.

120 UN. Doc. E/CN.4/1347 §7 (1979) ; UN. Doc. E/1980/13 § 4 ; UN. Doc. E/CN.4/L.1576 § 3

Norvège, l’Ouganda, le Pakistan, le Panama, le Pérou, les Philippines, la Pologne, le Portugal, la République démocratique allemande, la Russie, le Sénégal, le Soudan, la Suède, la Suisse, la Syrie, la Turquie, l’Uruguay, la Yougoslavie, le Zaïre, et la Zambie.

Par ailleurs, on note que l’État du Maroc a été représenté par la diplomate Halima Embarek Warzazi.121 C’est elle d’ailleurs qui a représenté cet État lors des débats de l’AGNU portant sur le projet des deux Pactes.122 Ce n’est pas le propos de notre thèse, mais on souligne tout de même que jusqu’à date, aucune étude ne s’est intéressée à cette femme qui a commencé sa carrière de diplomate à une époque où la participation des femmes marocaines dans la sphère publique est un fait exceptionnel, et qui de plus mène sa carrière depuis l’indépendance du Maroc, soit de 1956, à nos jours.

En ce qui concerne les ONG et autres organisations, Amnesty International et la Commission internationale des juristes ont été présentes le long des années de la rédaction de la Convention contre la torture,123 tandis que la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme, les Chrétiens démocrates, le Comité international de la Croix-Rouge, la Commission internationale des juristes, le Conseil de l’Europe, le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, la Ligue arabe, et l’Union des avocats arabes

121 UN. Doc. A/C.3/33/SR.73 (1978) § 3.

122 Waltz, «Universal Human Rights: The Contribution of Muslim States,» op.cit., 808.

123 UN. Doc. E/CN. 4/1347 §10 (1979) ; UN. Doc. E/1980/13 § 8 ; UN. Doc. E/CN.4/L.1576 § 5

ont été présentEs à un moment ou un autre lors du processus de rédaction de cette convention.124

La présence d’une telle diversité d’États et organisations définissant ensemble les normes et standards internationaux relatifs à la protection contre les pratiques de torture et des traitements dégradants nuance considérablement les thèses qui considèrent les droits fondamentaux comme un simple produit euro-américain.125 D’ailleurs, toutes les dispositions de la Convention contre la

torture sont sujettes à une réécriture par un processus de négociations

interétatiques. Or, comme on va le voir dans les paragraphes qui suivent, cette réécriture collective présente deux alternatives : soit les États atteignent un consensus au sujet des dispositions de la Convention contre la torture, soit l’existence du projet de cette convention est compromise.

L’existence de la Convention contre la torture dépend du