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sénégalaise : cadre spatio-temporel

4. Hypothèses de recherche

6.1.2. Tic entre modernité et insertion sociale

Les Tic sont devenues un enjeu de pouvoir dès lors que les gouvernements, en particulier américains, les ont insérées dans les différents programmes politiques nationaux et maintenant internationaux (au regard de la place accordée aux Tic dans les plans de développement des institutions internationales). Aujourd’hui, elles s’assimilent dans les discours ou débats contemporains à la « société de l’information », une société postmoderne dont les principales caractéristiques demeurent, comme le souligne Patrick Brunet (2005, t.2 : 9),

« la recherche de la productivité, le souci de l’efficacité, le triomphe de la raison instrumentale (tout est conçu et perçu comme instrument au service de l’être humain), l’individualisme, la remise en question des valeurs, une certaine perte de sens, de l’insécurité, la crainte (les termes « sociétés de l’urgence » sont parfois avancés) ».

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UIT et accessibilité. Http://www.itu.int/themes/accessibility/index-fr.html. Date de la dernière consultation : le 20/09/09.

53 ARTP, Rapport annuel 2008, Dakar, ARTP.

102 Deux pôles sont issus de cette société moderne où les Tic sont l’alpha et l’oméga de toutes les actions entreprises individuellement ou collectivement : les nantis comme les pays du Nord qui semblent avoir une avance dans l’innovation et la pratique des techniques, et ceux qui le sont moins comme les pays du Sud qui semblent être subjugués par ces techniques. Ces derniers tentent tant bien que mal d’incorporer ces dispositifs techniques dans leur société à vocation traditionnelle. Si certaines de ces expériences sont des réussites comme l’exemple du projet Manobi au Sénégal où les paysans utilisent le téléphone portable pour savoir le prix réel de leurs produits dans le marché international ou gérer la distribution de l’eau dans les campagnes, d’autres méritent d’être pensés comme l’utilisation des ordinateurs dans des localités qui ne disposent pas au préalable d’un réseau électrique fiable. L’appropriation et l’adoption du téléphone portable par les pays du Sud ont été conceptualisées par Patrice

Flichy l’« Idéologie mobilisation » qui fait que les usagers adoptent la technique, mais

développent leurs propres usages en fonction de leurs besoins.

En retour, l’exploitation de l’énergie solaire semble être une solution pour pallier le défaut de l’énergie électrique et la création d’un ordinateur fonctionnant à l’énergie solaire serait une alternative plus adaptée au contexte des pays en voie de développement. Cependant, des difficultés subsistent puisque la société nationale chargée de l’électrification monopolise ce marché et ne facilitent pas les initiatives privées.

Cette dichotomie, qui a donné naissance à la fracture numérique, a fait émerger une prise de conscience de la communauté internationale sur la nécessité de la prise en compte de la dimension morale, puisque ces techniques vont devoir impliquer les individus et les collectivités qui forment les acteurs de la société moderne. L’éthique qui sous-entend la prise en compte de la société à laquelle ces techniques vont devoir s’appliquer est la pierre

angulaire devant commander l’insertion sociale des Tic. Cette « société de

l’information » pluriforme et multidimensionnelle ne saurait être l’apanage d’un groupe et c'est pourquoi il serait plus judicieux de l’employer au pluriel à savoir "les sociétés de l’information" ou plus exactement, comme le préconise l’UNESCO "Les sociétés des savoirs". L’une des principales idées véhiculées par les Tic est la possibilité d’établir un dialogue avec l’autre, le plus rapidement possible, indépendamment des disparités géographiques, de la temporalité, en vue d’une communication interpersonnelle ou collective. La relation interpersonnelle, dès lors qu’elle s’installe, engendre des responsabilités. Qu’elles soient d’ordre économique, culturel, social ou politique, le respect de l’autre est nécessaire pour pouvoir dialoguer, échanger, discuter, en toute équité. C’est parce que des enjeux

103 importants sont liés à l’environnement engendré par les Tic, qu’il convient de réfléchir aux conditions de partage et d’échange de l’information qui, en ce XXIe siècle, se veut un lieu commun. Ces enjeux se retrouvent dans « l’accès universel à l’information, l’usage loyal et équitable pour tous, la protection de la vie privée » (Brunet, 2005 : 11).

Le développement des Tic a engendré une grande masse de déchets électroniques qui pourraient présenter un réel danger pour notre environnement. La responsabilité écologique est souvent brandie pour

« révéler une nouvelle relation entre des connaissances individuelles et un Tout universel. Les connaissances et l’intelligence redeviennent humaines. Elles réintègrent l’Homme et ne sont que les ressources d’une fertilisation croisée des savoirs dans un contexte de confiance reposant sur les différences et la diversité. Cette relation demande ainsi la mise en place d’une écologie communicationnelle où les informations sont produites, utilisées et recyclées dans des espaces anthropo-technico-informationnelles aménagés, c'est-à-dire, où on prend en considération le point de vue individuel (espace anthropocentré) identifié et reconnu (information indexée) en situation (activité, action et connaissance situées) » (Agostinelli, 2005 : 201).

L’environnement numérique que les Tic ont engendré est perpétuellement remis en cause par les découvertes techniques, et c’est pour cette raison que certains États membres ont mandaté l’UNESCO pour les tenir informés des nouveaux défis juridiques, sociétaux et éthiques. C’est le rôle de l’observatoire de la société de l’information de cette organisation, créé à cet effet pour la sauvegarde des droits de l’homme dans ce cyberespace. La mise en place de la bibliothèque numérique mondiale (21 avril 2009) participe de cet élan de promotion de la société des savoirs, en reflétant la diversité des cultures et l’accès équitable et universel54. C’est parce que la technique n’est pas neutre que l’insertion des Tic dans les sociétés doit faire l’objet d’une grande attention des gouvernants, qui engagent leurs responsabilités en cautionnant des programmes politiques, qui pourraient se retourner contre leurs gouvernés respectifs. L’exemple type est la présence des spyware ou logiciels espions dans les programmes informatiques, qui constituent une menace contre les libertés individuelles dans la mesure où l’usager n’est pas toujours informé de cette présence non souhaitée qui peut porter atteinte à sa dignité, au respect de sa vie privée.

L’avenir des générations futures est également engagé dans ce processus d’insertion des Tic. Il revient aux acteurs de cette société postindustrielle de protéger non seulement les sociétés existantes, mais aussi celle de demain, et les gouvernants ont cette lourde responsabilité de

54Bibliothèque numérique mondiale. Http://www.wdl.org/fr/about/site.html. Date de la dernière consultation : le 22/04/09.

104 veiller à la transmission générationnelle. Les discours sur les bienfaits des Tic prônés par les tenants du tout numérique comme Nicolas Negroponte (1995 : 203 ; 205), qui rappelle

« qu’on a tellement et si longtemps parlé du passage de l’ère industrielle à l’ère postindustrielle ou ère de l’information que nous n’avons peut-être même pas remarqué que nous sommes en train d’entrer dans l’ère de la postinformation. Dans l’ère de la postinformation, le public se réduit parfois à une unité. Tout est fabriqué sur commande, et l’information est extrêmement personnalisée ».

C’est dire que l’observation du monde numérique permet d’explorer et d’exploiter chacune des activités en vue de déceler l’information unique et personnalisée. Pour ce faire, les Tic offrent un large panel d’outils comme les cookies, qui chaque fois que l’on fera usage de ces techniques numériques, vont tenter de cerner notre individualité à travers nos différentes navigations dans le cyberespace. La convention internationale de l’UNESCO pour la sauvegarde du patrimoine immatériel ratifié le 20 juin 2007 par la plupart des États membres, vient à point nommer pour conscientiser davantage les acteurs de l’économie numérique sur la nécessité de protéger l’ensemble du patrimoine immatériel culturel (Pic) tel que le définit cette organisation internationale dans l’article 2 :

« On entend par patrimoine culturel immatériel les pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire – ainsi que les instruments, objets, artefacts et espaces culturels qui leur sont associés – que les communautés, les groupes et, le cas échéant, les individus reconnaissent comme faisant partie de leur patrimoine culturel. Ce patrimoine culturel immatériel, transmis de génération en génération, est recréé en permanence par les communautés et groupes en fonction de leur milieu, de leur interaction avec la nature et de leur histoire, et leur procure un sentiment d'identité et de continuité, contribuant ainsi à promouvoir le respect de la diversité culturelle et la créativité humaine. Aux fins de la présente Convention, seul sera pris en considération le patrimoine culturel immatériel conforme aux instruments internationaux existants relatifs aux droits de l'homme, ainsi qu'à l'exigence du respect mutuel entre communautés, groupes et individus, et d'un développement durable »55. En se généralisant dans les sociétés, la mondialisation a créé de fait une fracture sociale beaucoup plus importante que la fracture numérique et interpelle tous les acteurs de la société numérique à plus de responsabilités dans l’usage de ces Tic. Des voies autorisées se sont

singularisées lors du 6e forum du développement durable qui s’est tenu pour la première fois

en Afrique, pour réfléchir aux différentes mesures à prendre, afin de pérenniser le développement durable et de permettre aux générations futures d’hériter d’une société juste et équitable. L’impact des Tic sur les populations, en particulier africaines, ne cesse de se diversifier et engage directement les politiques. L’utilisation par exemple de logiciels propriétaires nécessitant l’achat d’une licence alors qu’il existe des logiciels libres, moins coûteux ou l’importation d’ordinateurs de seconde main qui polluent l’environnement africain. D’ailleurs, l’une des recommandations africaines lors du sommet de

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Ouagadougou (1e mai au 4 juin 2004) sur le Développement durable a été de promouvoir

l’utilisation des logiciels libres56, tout en reconnaissant que

« le renforcement des capacités des pays en développement n’est pas seulement une nécessité d’équité, mais la reconnaissance réelle que ces pays peuvent apporter aux autres, y compris aux pays industrialisés, des valeurs et des pratiques qui sont des contributions authentiques au développement durable »57.

L’UNESCO est consciente du rôle que peut jouer l’adoption de ces logiciels libres qui peuvent faciliter aux citoyens un libre accès à l’information numérique, à l’e-democratie. Benoît Sibaud (2007 : 35) explique que

« ces logiciels offrent deux qualités associées à la démocratie : la transparence et l’indépendance. Techniquement, il est possible de savoir comment fonctionnent les logiciels libres, d’avoir accès à leur code source, l’équivalent informatique d’une recette culinaire, décrivant la suite d’opérations élémentaires qui définissent le logiciel. La compréhension (ou pour la plupart des non-informaticiens, la simple possibilité de comprendre, de faire étudier par un spécialiste ou de se faire expliquer) les arcanes du logiciel et l’utilisation de formats ouverts apportent une vraie transparence, offrant une réelle garantie d’interopérabilité, susceptible de donner aux citoyens une confiance dans leur relation numérique avec l’État »

L’accessibilité et l’égalité des citoyens concernant l’information sont des gages de l’e-democratie, ces derniers pouvant consulter en ligne les formulaires administratifs et s’enquérir des différentes démarches en vue d’obtenir un papier officiel. Les projets de l’intranet gouvernemental du Sénégal et celui de l’intranet administratif participent de la volonté des autorités de mettre à la disposition des citoyens sénégalais, toutes les informations administratives. L’interface ainsi mise en place va faciliter aux citoyens, l’accès aux services de l’État. Ceci passera par un dialogue entre administration et administrés grâce à l’échange ou le partage de documents électroniques. Dans cette perspective, l’interopérabilité des systèmes informatiques est fondamentale pour que les citoyens indépendamment des systèmes d’exploitation puissent accéder sans difficulté aux informations. En cela, les logiciels libres qui se caractérisent par des formats non-propriétaires offrent de réelles opportunités pour l’exploitation des données administratives.