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Cadre conceptuel de l’étude

2. Appareillage méthodologique : approches et outils

2.2. Approche sociopolitique des usages

Au-delà du caractère innovant qu’elles véhiculent, l’insertion des TIC dans les sociétés oscille entre deux dimensions : une qui affirme la primauté de la technique sur les usagers comme une perspective « structurant les usages qui en sont faits » (Vedel, 1994 : 13) et une autre sociale qui met en exergue le rôle et l’importance des usagers qui sont les véritables catalyseurs de la technologie.

J’ai présenté différentes approches de l’innovation technique qui me semblent essentielles : à travers la théorie de l’acteur réseau de Michel Callon et Bruno Latour ; du modèle de la circulation de Patrice Flichy qui tente d’articuler les relations des concepteurs et des usagers, qui doivent négocier en permanence pour s’affirmer respectivement. Celle de Bernard Miège (1997 : 155) sur le modèle socio-économique est très intéressante pour notre étude puisqu’elle soulève une question souvent négligée par les autres approches, à savoir une antériorité de l’offre technologique, mais surtout une durée d’apprentissage, d’appropriation de la technologique, nécessaire à la mise en place de normes sociales. Ceci est la conséquence directe des expériences acquises qui correspondent aux connaissances cognitives de l’objet technique. J’ai volontairement choisi de ne pas développer l’hypothèse de la cognition distribuée, puisque mes préoccupations ne concernent pas directement l’analyse des processus cognitifs qui de mon point de vue relève d’une autre problématique nécessitant de travailler sur la dimension quantitative. Les usages des Tic au Sénégal et, par extension, de la presse en ligne sénégalaise en sont à leurs débuts. Les pratiques ne sont pas encore stabilisées et ne génèrent pas d’automatismes collectifs ou comme le souligne Bernard Miège de normes sociales. À ce propos Bernard Conein (2004 : 56) rappelle que,

65 « La cognition distribuée est d’abord une hypothèse sur un fonctionnement général de la cognition humaine. Dans ce cadre, je souligne qu’il est nécessaire de prendre en compte, de façon concomitante, la modification des technologies cognitives et la modification de la coordination sociale. Ce qui est en jeu dans cette conception de l’hypothèse distribuée, c’est sa capacité à rendre compte des phénomènes liés à la diffusion des technologies et à l’accroissement de la coopération, dans des contextes qui vont au-delà de l’interaction homme-ordinateur. Pour défendre cette version de la cognition distribuée, il est nécessaire de mieux contextualiser les mécanismes mêmes de la distribution, c’est-à-dire de penser, pour chaque contexte, au moins trois dimensions : le site comme unité d’extension de la cognition individuelle (l’espace de travail), le modèle de l’interaction et les propriétés fonctionnelles selon les technologies ou les aides cognitives externes utilisées. Je défends en effet l’idée que la distribution des processus cognitifs au sein d’un site ne peut pas se concevoir à partir d’une figure unique de l’espace de travail ou de la tâche. Ainsi, lorsqu’un paradigme technologique, informatique ou non, se modifie, il devient, à chaque fois, nécessaire de repenser les frontières de la distribution et le modèle de l’interaction sociale ».

M’engager dans cette hypothèse m’amènerait à voir mon sujet sous un angle nécessitant une mobilisation de moyens dont je ne dispose pas. Cependant, j’utilise la cognition à travers mes questionnaires pour vérifier quelques connaissances informatiques de base.

Ces approches, quand bien même sont-elles novatrices, sont inadaptées à mon objet d’étude pour les raisons déjà évoquées. Les Tic présentées, tantôt comme le fruit d’un déterminisme – ce qui occulte la question du sens–, tantôt comme des outils que les usages vont déterminer, ne peuvent être appliqués au contexte sénégalais. En partant de l’éclairage de la situation socio-économique et politique, de l’observation des pratiques des usagers face à l’objet technique, j’ai constaté que l’innovation technologique ne se résume pas à des tensions permanentes entre les concepteurs de l’objet technique et les usagers, encore moins aux facultés issues de dynamiques sociales capables de peser sur les choix technologiques. Les enjeux sont plutôt à rechercher du côté de la sphère politique et de la sphère socio-économique. C’est la raison pour laquelle je me réfère à la sociopolitique des usages, une option pertinente pour interroger l’insertion des Tic au prisme de la presse en ligne sénégalaise.

Les élections présidentielles de 2007 constituent le prétexte idéal pour se pencher sur ces outils de communications numériques, puisque pour la première fois dans l’histoire électorale du pays, les politiciens ont pris en compte le Web et l’internet dans leurs stratégies de communication. La couverture médiatique des élections présidentielles est reprise en ligne avec des extraits audiovisuels des meetings politiques. Outre la mise en ligne des principaux journaux, le premier portail sénégalais Seneweb.com fait une synthèse des articles marquants avec un signalement des organes de presse et une fréquente mise à jour des articles.

66 Dans ma démarche j’accorde une place importante aux discours de l’acteur « en tant qu’être connaissant et expérimentant », un acteur « agissant, un acteur en tant qu’interprète du monde qui l’entoure » (Mucchielli, 1996 : 11 ; 108). C’est en essayant de comprendre la ou les significations des actions sociales à travers les analyses de discours que je pourrai confirmer ou infirmer mes hypothèses : « Choisir de mener une analyse de contenu, c’est reconnaître la signification sociale de la communication et des médias » (Bonville, 2006 : 14).

Les techniques utilisées pour cette analyse sont d’abord l’analyse du contexte de la réalité à travers un corpus composé de rapports institutionnels nationaux ou internationaux ; sites de presse (forum de discussion, blog). D’abord, l’exploration du contexte social, économique, politique et culturel, constitue une base pour mieux comprendre les éléments de ma recherche. Leurs incidences sont repérables à travers certaines pratiques, notamment avec les sites de presse qui font ressortir quelques spécificités sénégalaises pour ne pas dire africaines. Les discours des acteurs de cette presse en ligne avec leurs différents usages, les discours institutionnels, le contenu des rubriques mis en ligne (fonds) et l’ergonomie (la forme), les forums, les contributions sont autant de matériaux qui révèlent les stratégies mises en œuvre pour la communication interactive.

Il s’agit de distinguer le signifiant du signifié dans les écrits et puisque le support multimédia l’impose, à travers les sons et les images, je tenterai de déceler les éléments qui attestent de mes hypothèses. Les analyses des discours s’avéreront nécessaires pour la compréhension des phénomènes de notre étude. La combinaison du contenant et du contenu me semble intéressante pour révéler les sens dans leurs formes et dans leurs contextes de production. Un site de presse sur l’internet, au-delà de l’écriture, de la mise en forme des images et de l’insertion d’objet multimédia, procède d’une organisation faisant ressortir les aspects ergonomiques, mais aussi les règles stylistiques qui demeurent les mêmes quelque ce soit le support.

Les options que j’ai prises sont d’ordre qualitatif pour expliciter le sens dans les discours des acteurs concernés, à partir de référents identifiés et récurrents qui interviennent pour camper l’imaginaire ou la croyance sur l’internet en général et sur la presse en ligne sénégalaise en particulier.

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3. Problématiques de la presse en ligne