• Aucun résultat trouvé

Audience ciblée et fidélisation ou quand les cookies s’invitent à la table Dans la perspective de toucher encore plus d’audience, la presse s’est mise en ligne pour

1. À la recherche d’un modèle

1.1 Audience ciblée et fidélisation ou quand les cookies s’invitent à la table Dans la perspective de toucher encore plus d’audience, la presse s’est mise en ligne pour

espérer tirer profit de cet avantage. Avec l’utilisation des procédés de marketing qui étudient les motivations et les centres d’intérêt des utilisateurs, la presse en ligne s’est trouvé un allié inespéré qui lui permet d’affiner, d’ajuster sa politique globale de communication. Non pas

149 que ce procédé n’existait pas, bien au contraire, le marketing a fait ses preuves dans la presse traditionnelle, mais grâce aux Tic il s’est révélé plus performant encore. Les stratégies de référencement de fidélisation du lecteur/internaute sont de plus en plus utilisées pour mieux rentabiliser les journaux en ligne qui n’hésitent plus à se lancer dans cette bataille d’algorithme. La possibilité de disposer en temps réel, de l’ensemble des données concernant le nombre d’utilisateurs (temps de consultation, rubriques consultées, nombre de pages lues, etc.) a fini de séduire les producteurs de journaux. Les fonctions logistiques et commerciales étant souvent confiées à des logiciels qui donnent immédiatement toutes les informations souhaitées : « Deux grandes méthodologies permettent d'effectuer des mesures d'audience sur l’internet : les mesures dites "site centric" qui chiffrent la fréquentation des sites d'une part, et les mesures dites "user centric" qui permettent de connaître le comportement des internautes » (Jouët, 2003 : 206).

L’une des particularités du journalisme en ligne réside en sa capacité à cibler en temps réel, individuellement ou collectivement, les internautes ou lecteurs en ligne. Dès l’instant où les patrons eux aussi sont devenus conscients de l’importance du public ou de l’audience internet, une vision stratégique est née consistant à la fragmentation et à la segmentation de l’information. Aujourd’hui, elle utilise les outils numériques du marketing pour fidéliser et connaître les habitudes des internautes, mesurer le trafic ou quantifier la consultation des pages internet, pour se rapprocher davantage des intérêts du public. L’utilisation de procédés

techniques comme le push108 ou pull109 qui permettent d’anticiper les attentes du cyberlecteur

montre encore une fois la vitalité de la presse en ligne qui pourrait mieux affiner le contenu de ses thèmes en partant de la collecte des données sur l’usager. C’est parce que,

« sur internet, la presse écrite et la presse audiovisuelle se trouvent à découvert. Leurs contenus, dépouillés de leur contexte traditionnel, affrontent un environnement à la volatilité extrême : le monde médiatique du tout en ligne. Changer de média, changer de contenu ne coûte qu'une pression du doigt sur le bouton d'une souris. Pour le journalisme en revanche, le prix d'un tel zapping est d'un montant considérable. Il suffit que les audiences se fragmentent entre en ligne et hors-ligne, entre sites et pages sur papier, pour que la presse perde la faculté de décider ce qui fait l'actualité » (Fogel, Patino, 2005 : 95).

L’apparition du marketing dans le modèle éditorial des journaux en ligne apparaît comme un second souffle dans la mesure où elle fait ressortir toutes les caractéristiques afin d’adapter l’offre à la demande. Dans cette optique, le journaliste semble être dépossédé de son autonomie de producteur d’information, contrairement aux journaux classiques qui lui

108Technique de marketing consistant à fournir à l’usager ce dont il a besoin.

109 Technique de marketing consistant pour l’usager à aller au devant de l’information, c’est le cas par exemple du Web.

150 laissaient le loisir de livrer ses informations à un public attentif, qui ne réagissait qu’après coup dans la rubrique courrier des lecteurs :

« Dans une société de l'information, le journaliste n'a plus le monopole du traitement de ce qui est devenu la denrée économique et stratégique de premier ordre. Bien que cette prophétie à vocation autoréalisatrice ne se soit pas encore accomplie, notons tout de même que sur le Web, le journaliste n'est plus, à lui tout seul, l'information » (Pélissier, Ruellan, 2000 : 645-655).

L’information n’est pas le seul apanage des journalistes, car il faut composer avec ce public qui contribue à l’essor de l’information. Si le journaliste a comme objectif fondamental de servir le public, par conséquent, d’informer les citoyens internautes sur les enjeux sociaux, encore faudrait-il composer avec l’offre économique qui relève de stratégies économiques et l’offre informationnelle qui relève plutôt de la mission publique. Par ailleurs, l’arrivée de l’internet a bousculé les règles établies du journalisme sur le plan géographique –la zone de couverture s’élargit avec l’abolition des frontières tangibles–, sur le plan temporel – l’information est traitée et livrée à temps réel–, mais aussi sur le plan professionnel –avec des journalistes qui disposent maintenant d’outils numériques facilitant le traitement, la diffusion et la recherche de l’information–. Comme le constatent Jean François Fogel et Bruno Patino (2005 : 72-73) :

« C'est avec la pénétration des médias audiovisuels, et notamment de la télévision, capable de mobiliser une audience durant plusieurs heures, que la place relative des médias devient un atout pour les annonceurs publicitaires et une migraine pour les responsables de rédactions. Il ne s'agit plus de s'adresser à l'audience en fonction de ce qu'on veut lui dire, mais de ce que l'on suppose qu'elle apprend par ailleurs des autres médias. Qu'un responsable comme

Catledge [patron du journal New York Times des années soixante], pilotant le quotidien le

plus puissant du monde, ajuste son sommaire en fonction du contenu des journaux télévisés n'était en rien l'expression d'un doute sur l'influence de son journal, mais la prise en compte d'un contexte neuf où chaque média s'exprime sans jamais couvrir l'écho des autres médias. De ce point de vue internet n'est pas une intention, mais un aboutissement : la systématisation du bruit médiatique à l'échelle planétaire ».

Le poids de l’audience est un élément majeur pour le journalisme en ligne qui se voit contraint de composer avec cette donne, qui n’est pas méconnue en soi, puisqu’elle existait dans les médias traditionnels, mais le panel d’outils numériques offert par l’internet est sans commune mesure en comparaison du traitement traditionnel de l’information, ce qui donne l’impression d’assister à des bouleversements dans la pratique professionnelle. Il semble que la communication en ligne bénéficie de réelles opportunités avec l’élargissement du lectorat (la navigation qui ignore les distances géographiques). Un autre aspect est la possibilité d’interagir avec le public en temps réel, mais aussi à travers l’utilisation de l’écriture numérique qui fait fi de la contingence du papier, et permet, grâce aux hyperliens,

151 d’approfondir certains articles, de les mettre en valeur avec des fichiers multimédia. Néanmoins, ces procédés ne changent pas fondamentalement la profession de journalistes, puisque les principes demeurent et s’articulent autour de la transmission d’informations.