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8. NIVEAU D’ANALYSE ET TYPE DE RECHERCHE

8.2 Théorisation, processus et approche qualitative

Investis de ce choix de niveau d'analyse, il devient pertinent de préciser le type de recherche choisi. Ce dernier est fondé sur les souhaits exprimés par des chercheurs sur l'incubation et d'autres champs explorés ci-dessus. L'appel à des recherches futures est une source d’inspiration de ce qui intéresse les chercheurs et qui mérite une attention. À cet effet, trois appels ont une résonnance plus forte en lien avec la situation problématique de l’ACET, l'évolution des recherches et les limites des recherches explorées. Ces appels implorent pour plus d'efforts de théorisation, plus d'études sur les processus et plus d'approches qualitatives en recherches. Ces trois appels qui justifient mon type de recherche sont présentés ci-dessous.

Le premier appel est lancé pour des efforts de théorisation du phénomène de l'incubation. En ce sens, les articles scientifiques qui se sont prêtés à des exercices de revue de l'évolution de la littérature sur l'incubation confirment ce souhait (Hackett et al., 2004; Perdomo Charry et al., 2014; Theodorakopoulos et al., 2014). À cet égard, la plupart des recherches sont athéoriques et restent plutôt descriptives du phénomène de l'incubation (Bøllingtoft et al., 2005; Hackett et al., 2004; Phan et al., 2005). Bien qu'une théorie unifiée de l'incubation ne puisse être espérée, des efforts de théorisation sont souhaités et l'emprunt de concepts à d'autres champs de recherche est réclamé (Hackett et al., 2004; Perdomo Charry et al., 2014; Phan et al., 2005). Ma trajectoire conceptuelle vers d'autres champs est conséquente de cet appel.

22 […] afin de comprendre complètement (et ultimement changer) la performance d'une équipe ou d'un

individu, nous devons comprendre le contexte organisationnel dans lequel la performance survient (traduction libre).

De plus, une recherche sur les réseaux de l'organisation peut difficilement faire abstraction de l'héritage qu'apportent d'autres champs de recherche sur le plan des concepts théoriques. Enfin, dans le contexte d'incubation, l'absence de théories limite la portée des résultats de recherches à des listes de facteurs de succès ou de meilleures pratiques (Hackett et al., 2004). Comme noté en début de contexte théorique, quoiqu’inspirantes, les pratiques actuelles ne peuvent pas être une fin en soi et un effort de théorisation, de contextualisation et d'introspection des processus plus particuliers s'impose (Hackett et al., 2004, 2008).

En ce sens, le deuxième appel lancé concerne les études sur les processus de l'incubation. Une meilleure compréhension des processus impose de poser la mire sur le comment des processus internes de l’incubation (Hackett et al., 2008; McAdam et al., 2006). L'étude sur les processus de l'incubation est souvent négligée au détriment de celles sur les résultats (Bergek et al., 2008; Lewis et al., 2011; Patton et al., 2009). En ce sens, les études sont plus nombreuses à proposer des configurations d'incubateurs et des résultats souhaités que celles qui documentent les processus d'interaction entre les intervenants de l'incubateur (Patton et al., 2009). Or, une étude sur les réseaux doit poser sa lentille sur comment et quand les liens de ces réseaux sont formés, se développent et sont appelés à interagir avec l'organisation (Hite et al., 2001; Martinez et al., 2011; Ng et Rieple, 2014).

Ainsi, plus de recherches sur les processus sont espérées afin qu'elles tiennent compte de l'évolution des organisations et des changements que leur émergence provoque au sein des liens et des réseaux qu'elles entretiennent (Aernoudt, 2004; Burt, 2000; Elfring et al., 2007; Hite et al., 2001; Hoang et al., 2003; Jake, 2010; Larson et al., 1993; Lewis et al., 2011; Patton et al., 2009; Poppo et Zenger, 2002). Ce n’est qu’à partir de l'exploration des processus qui surviennent à l'intérieur de l'incubateur que le caractère unique de l'organisation est distingué (Aaboen, 2009; Ahmad et al., 2011; Bergek et al., 2008; Hackett et al., 2008). Les chercheurs sont donc nombreux à réclamer l'observation des processus et la formulation, par le fait même, de questions

de recherche sur le « comment » et le « quand » plutôt que sur le « quoi » (Ahmad et al., 2011; Bøllingtoft et al., 2005; Dubini et al., 1991; Hackett et al., 2004; Hite et al., 2001; Ng et al., 2014; Theodorakopoulos et al., 2014).

Enfin, le dernier appel lancé sur le plan du type de recherches souhaité vise les approches de nature plus qualitative que quantitative. Ce faisant, l'approche qualitative permet de nuancer les observations sur un phénomène complexe qui ne peut pas être expliqué suivant un modèle unique et universel (Ahmad et al., 2011; Hackett et al., 2004; Bøllingtoft et al., 2005; Soetanto et al., 2011). À cet effet, des chercheurs mettent en garde contre les approches de recherche ancrées dans des méthodologies et des quêtes de théorisations trop étroites qui ne reflètent pas l'unicité et le caractère dynamique et complexe d'une organisation forte de ses réseaux (Bøllingtoft et al., 2005). La nature même des configurations en réseaux incite de nombreux chercheurs à interpeller des approches de recherche plus qualitatives et participatives où des efforts d'observation et d'écoute se déploient sur des périodes de temps plus prolongées (Aldrich et Herker, 1997; Bøllingtoft et al., 2005; Hoang et al., 2003; Hormiga et al., 2011a; 2011b; Jack, 2010; Soetanto et al., 2011; Witt, 2004).

De plus, la nature changeante de ces organisations en réseaux impose une approche systémique à l'observateur afin de saisir une image plus complète d'un phénomène dynamique qui évolue (Aldrich et al., 2007; Granovetter, 1983; Jack, 2010; Lewis et al., 2011; Theodorakopoulos et al., 2014). Ces approches permettent ainsi de contextualiser chaque cas observé et d'en relever les particularités (Ahuja, 2000; Autio et al., 1998; Bergek et al., 2008; Clarysse et al., 2005; Lyons, 2000). Enfin, les approches plus qualitatives sont propices à l'observation et à la description de l'intangible. Les recherches qui tiennent compte de l'intangible sont réclamées par des chercheurs sur l'incubation (Aaboen, 2009; Adlešič et al., 2012; Calza et al., 2014; Fang et al., 2010; Hongli et al., 2011; Patton et al., 2009; Pena, 2002; Scillitoe et al., 2010; Soetanto et al., 2011).

Finalement, ma recherche place l’incubateur comme niveau d’analyse, fait des efforts de théorisation, porte sur les processus et se donne une méthodologie de recherche inspirée d’une approche qualitative invitante et systémique et qui permet de contextualiser et de détecter des aspects moins tangibles. À cet effet, avant de présenter les résultats ainsi que l’analyse et l’interprétation qui me permettent d’apporter une réponse à la question, il importe de bien décrire le cadre opératoire. Ce cadre pose les fondements de ma démarche et sa rigueur méthodologique. C’est le moment d’asseoir les postures dominantes, les paradigmes, les logiques de recherche et être descriptif de la MSS et de mes stratégies déployées. Le cadre opératoire est donc présenté, ci- dessous, avant la présentation des résultats.

TROISIÈME CHAPITRE CADRE OPÉRATOIRE

In teaching such a methodology (SSM) you are teaching not what to think, but a way of thinking which the user can consciously reflect upon. […] Certainly the biggest difficulty in understanding SSM is to absorb its shift from assuming ‘systems’ exist in the world (as in everyday language) to assuming that the process of inquiry into the world can be a consciously organized learning system.

(Checkland, 2000, p.S44)23

Le troisième chapitre est une présentation du cadre opératoire de ma démarche de recherche. Le cadre opératoire est le moment de démontrer la trajectoire ainsi que la rigueur de ma démarche de recherche. C’est le lieu pour clarifier ma stratégie de recherche et le raisonnement méthodologique qui guide l’opérationnalisation de mes objectifs de recherche afin de répondre à la question de recherche (Maxwell, 2005). Plus concrètement, le cadre opératoire trace la logique du chemin parcouru afin que d’autres puissent en comprendre la trajectoire et faire les liens entre les données du terrain et les résultats de la recherche (Pratt, 2009). Le cadre que je propose s’inspire d’ouvrages qui traitent de méthodologie de recherche en sciences de la gestion (Checkland, 1999; Checkland et al., 2006; 2010; Hlady Rispal, 2003; Miles et Huberman, 1994; Paillé et Mucchielli, 2012; Prévost et al., 2015; Wacheux, 1996).

Comme pour ma revue de littérature du contexte théorique, j’ai procédé par recherche sur les bases de données les plus utilisées. Les articles et les livres de Peter Checkland et ses collaborateurs ont guidé mes premières recherches. Suivant cela, d’autres auteurs en recherche qualitative se sont ajoutés. En ce sens, les ouvrages « incontournables » de méthodes qualitatives font partie de ma revue. Cela dit, j’ai ajouté des ouvrages plus récents afin de lancer le débat sur certains thèmes. La place

23 Dans l'enseignement d'une telle méthodologie (MSS) vous n'enseignez pas quoi penser, mais une façon

de penser par laquelle l'utilisateur peut consciemment réfléchir. […] Certes, la plus grande difficulté à comprendre la MSS est d'absorber le changement d'assumer qu’il existe des « systèmes » dans le monde (comme dans le langage courant) à supposer que le processus d'enquête dans le monde puisse être un système d'apprentissage consciemment organisé (traduction libre).

de la théorie fait partie de ces thèmes et je devais « me faire une tête » sur le sujet, surtout dans un contexte de recherche-intervention.

Comme pour ma revue des concepts théoriques, les bases de données me permettent de trier les articles qui ont été évalués par des pairs ainsi que ceux publiés dans des revues académiques. J’ai aussi utilisé Google Scholar pour explorer d’autres auteurs ou articles liés à mon positionnement méthodologique. En ce sens, j’ai fait une revue de littérature spécifique à l’utilisation de la MSS en dehors des travaux de Checkland. Ceci m’a permis de voir comment d’autres chercheurs avaient utilisé la méthodologie. Pour chaque article retenu, j’ai procédé à ma manière usuelle d’ouvrir une page spécifique dans le logiciel OneNote afin de résumer l’article, dégager des extraits pertinents et faire des liens avec d’autres auteurs. Ces résumés deviennent précieux et un outil unique lorsque vient le temps de rédiger sur les sujets retenus et, surtout, mettre en conversation des auteurs de sources distinctes. Des livres sur la méthodologie ont aussi fait partie de la revue de littérature.

Par ailleurs, j’ai participé à des conférences sur la recherche qualitative et des discussions ainsi que des ouvrages et des articles référés sont venus ajouter de la rigueur à ma démarche. Finalement, j’ai consulté des experts en MSS. À cet effet, depuis la toute première année inscrite au DBA, j’ai eu la chance de puiser dans l’immense richesse et expérience d’un expert diplômé et praticien de l’école de Peter Checkland. Ces fréquents arrêts au puits ont été d’une valeur inestimable. C’est donc sur l’ensemble de ces bases que mes revues de littérature se sont édifiées. Le résultat de ces revues devient ainsi des données secondaires qui s’ajoutent à ma recherche.

Sur ces bases, la trajectoire du raisonnement méthodologique présenté part d’une position philosophique qui mène, au final, à une défense de la validité des résultats. À cet effet, c’est d’abord philosophiquement que je prends position sur les questions déterminantes et sur les fondements de la connaissance. De ce

positionnement, une posture dominante est énoncée et mes paradigmes ainsi que mes logiques de recherche viennent s’inscrire dans cette posture philosophique.

Ensuite, la MSS est présentée comme choix de méthodologie de recherche. Campée dans la situation problématique et conséquente des paradigmes et des logiques de recherche, la MSS est décrite à partir de ses principes directeurs et un relevé d’exemples de son utilisation tiré de la littérature. Suivant cela, la MSS est distinguée d'autres méthodologies qui auraient pu être considérées dans le cadre de ma recherche. Ce détour d'exemples d'utilisation et de traits distinctifs de la MSS devient pertinent étant donné la méconnaissance de cette méthodologie.

Suivant cette description, la stratégie de recherche se précise par la délimitation du cas à l’étude et de l'échantillonnage. Par conséquent, le territoire exploré, les sources et le type de données collectées pour répondre à la question de recherche sont précisés. Ensuite, les instruments utilisés pour collecter ces données sont décrits. Après cela, la MSS est réintroduite. En ce sens, les cinq actions de la mise en œuvre de la MSS sont décrites succinctement et annoncent ma stratégie méthodologique de collecte et d’analyse des données.

Enfin, une réflexion sur la validité de la démarche et les résultats de la recherche ainsi que sur l'éthique de la recherche est présentée. Au final, le cadre opératoire est le récit de comment les composantes méthodologiques s’imbriquent l’une dans l’autre afin que d’autres chercheurs puissent en évaluer la véracité ou s'en inspirer pour mener une recherche (Pratt, 2009). La figure 15 reprend la trajectoire du raisonnement méthodologique dont les composantes sont développées ci-dessous.

Figure 15 : Trajectoire du raisonnement méthodologique Posture dominante Paradigmes de recherche Logiques de recherche Méthodologie de recherche Délimitation du cas et de l'échantillonnage Instruments de collecte des données

Mise en oeuvre de la méthodologie

Validité des résultats et l'Éthique