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3. OMNIPRÉSENCE DES RÉSEAUX EXTERNES

3.2 Capital social de l’incubation

Il existe des cas de recherches où les concepts du capital social sont spécifiquement utilisés dans un contexte d’incubation (Adlešič et al., 2012; Ascigil et al., 2009; Bøllingtoft et al., 2005; Carayannis et al., 2005; Fang et al., 2010; Hughes et al., 2007; Lyons, 2000; McAdam et al., 2008; Muniz et al., 2013; Peters et al., 2004; Phan et al., 2005; Schwartz et al., 2010; Scillitoe et al., 2010; Totterman et al., 2005). Le degré d'utilisation des concepts du capital social varie et inspire, à différents niveaux, la quête de ces chercheurs à mieux comprendre la formation et l’importance des réseaux de l'incubation qu'ils observent. D’une revue sélective, je relève, ci- dessous, des recherches sur le capital social qui peuvent aider l'exploration de la situation problématique à l'étude.

Plus globalement, les recherches qui introduisent les concepts sur les réseaux sociaux le font à partir de questions sur les dimensions sociales de l'incubation (McAdam et al., 2008). Les dimensions sociales soulèvent ainsi une composante relationnelle qui dépasse l'aspect purement économique des échanges en contexte d'incubation (Bøllingtoft et al., 2005; McAdam et al., 2008). L'activité économique est imbriquée dans des réseaux sociaux et les actions de l'entrepreneur sont dépendantes des liens et de la position qu'il occupe dans la structure sociale du réseau de l'incubateur (Phan et al., 2005; Schwartz et al., 2010).

Une importance est donc accordée à l'acte de générer un capital social autour et à partir duquel les échanges de ressources et de savoirs se déploient (Hughes et al., 2007). L'accès aux ressources du réseau et à sa communauté de savoirs réduit les coûts de transaction et facilite les échanges (Peters et al., 2004). Or, ces accès, et les échanges qui en émergent, sont conséquents de la structure sociale, des normes sociales, de

l'influence des individus et de leur position à l'intérieur du réseau (Bøllingtoft et al., 2005; Phan et al., 2005). Ce positionnement favorable peut être l'œuvre d'un individu ou celui d'un groupe.

À cet effet, des chercheurs soulèvent le capital social de l'incubation pour distinguer le capital social individuel de celui plus collectif (Bøllingtoft et al., 2005). Le capital social individuel est formé des liens sociaux générés par l'entrepreneur lui- même. En contexte d’incubation, cet entrepreneur peut être le gestionnaire de l'incubateur ou le gestionnaire de l’entreprise incubée (Ibid.). Le capital collectif, quant à lui, est plutôt constitué des relations sociales qu'un groupe forme et entretient. En incubation, ce groupe est composé des gestionnaires et employés de l’incubateur ou d’un ensemble d’entreprises incubées au sein de l'incubateur (Ibid.). Dans ce dernier cas, le capital social est internalisé auprès des incubés et les recherches relèvent l'importance des liens formés au sein de l'incubateur (Ascigil et al., 2009).

Ces liens forment le capital social des incubés duquel le partage des compétences est spécifiquement désigné. Par conséquent, l’importance de former le capital social entre incubés et la promotion de ses effets bénéfiques sont soulignées (Ibid.). De cette réflexion, le capital social devient une composante des recherches sur la satisfaction des incubés de l'offre de services de l'incubateur (Adlešič et al.,2012). Suivant cela, l'aide à la formation d’un capital social au sein de l’incubateur est un service attendu et valorisé par les entreprises incubées (Adlešič et al.,2012; Totterman et al., 2005). Autrement dit, la gestion des réseaux génère un capital social duquel une valeur est accordée (Muniz et al., 2013).

C'est en ce sens que l'aide à la génération du capital social en contexte d'incubation fait l'objet de questions de recherche (Totterman et al., 2005). Ces questions introduisent le capital social aux efforts de soutien de l'incubateur dans la formation des réseaux des entreprises incubées (Ibid.). En introduisant le capital social à l'évaluation des services offerts par l'incubateur, ces chercheurs démontrent une plus

grande satisfaction chez les incubés qui reçoivent un soutien à la formation de réseaux. Conséquemment, la structure de réseaux proposée par l'incubateur est importante et les recherches soulèvent la qualification des gestionnaires de l'incubateur à faire évoluer une véritable perspective de réseau dans l'offre de services. À cet égard, le capital financier n'est pas le soutien prioritaire sur lequel les gestionnaires de l'incubateur doivent miser (Ibid.).

De plus, la qualité, plus que la quantité de réseaux formés, donc du capital social généré, doit être une composante centrale du soutien aux entreprises incubées (Ibid.). Les aspects sociaux de l'incubation appuient ainsi des recherches sur le rôle des incubateurs dans l'évolution des processus entrepreneuriaux par la formation du capital social (Peters et al., 2004; Totterman et al., 2005). Ce capital social devient créateur de valeur pour l'individu ou le collectif qui le génère et peut même constituer un avantage compétitif (Fang et al., 2010; Hughes et al., 2007; Muniz et al., 2013). Lier la formation d’un capital social à un avantage compétitif potentiel fait partie des plus récentes questions de recherche (Fang et al., 2010; Muniz et al., 2013).

En ce sens, la création de valeur par le capital social est l'objet de recherche pour Hughes et al. (2007). Plus précisément, l'effet des comportements en réseau sur la création de valeur pour l'entreprise incubée constitue le sujet de recherche de ces chercheurs. Ainsi, le capital social sert à l'évaluation de la stratégie relationnelle des dirigeants d'entreprises incubées. Le capital social est au cœur de cette recherche et, plus spécifiquement, la dimension relationnelle du capital social de l'incubateur est relevée. De ce fait, les réseaux et les collaborations qu'ils procurent sont à l'avant-scène de la valeur ajoutée de l'incubation. Par contre, pour ces chercheurs, la présence d'une entreprise au sein d'un incubateur et l'opportunité de réseautage offerte par l'incubateur ne suffisent pas à la création de valeur. C'est plutôt la manière dont l'entreprise se comporte face à ces opportunités qui est déterminante dans sa capacité de générer du capital relationnel.

De ce fait, deux comportements sont relevés et définis par ces mêmes chercheurs. Ainsi, l'utilisation des ressources du réseau et l'utilisation du savoir que procurent les relations du réseau sont la mesure de la capacité de génération du capital social. Sur le plan de ces ressources, le réseau peut procurer, entre autres, des ressources financières, matérielles et humaines qui sont des biens et services, des technologies, des brevets, des marques de commerce, des habiletés techniques et des compétences de tout ordre.

Sur le plan du savoir, l'accès aux connaissances du réseau est plus latent et il revient à l'entreprise de le reconnaître, de l'interpréter et de l'absorber. Selon eux, ce savoir peut comprendre des manières de faire, d'innover, des gens à connaître ou des opportunités à remodeler dans le contexte de l'entreprise. Ces aspects sont moins définis que les ressources et le savoir est plutôt transmis dans les discussions et dans l'interprétation des informations qui circulent dans le réseau. Ce savoir est riche pour une entreprise en quête de résolution de problématique ou de questionnement sur les stratégies de développement à adopter. Enfin, une interaction active en réseau provient, d'une part, de la capacité de mettre en commun des ressources et, d'autre part, d'explorer et exploiter un savoir qui reste à définir, interpréter et adapter aux besoins de l'entreprise (Hughes et al., 2007).

Ces chercheurs s'inspirent donc des concepts sur le capital social pour lier l'effet des interactions en réseau sur la création de valeur et, par conséquent, la performance d'une entreprise active sur le plan relationnel. Ce faisant, ils soulignent le fait qu'être en présence d'opportunités de réseautage ne suffit pas. C'est plutôt l'effet de comportements et d’actions mises en œuvre sur les opportunités de transfert du savoir que le réseau procure qui est créateur de valeur. Suivant cette perspective, le but premier du réseautage est l'accès à des ressources et à l'acquisition du savoir qui, selon l'intensité des efforts qui leur sont consacrés, crée de la valeur. L'intensité sur ces aspects du réseautage détermine donc le niveau de capital social généré par sa dimension relationnelle (Hughes et al., 2007).

Selon les résultats de cette recherche, l'intensité varie sur une échelle allant de peu d'intensité sur les deux aspects, à une forte intensité sur un des aspects, à celle espérée sur les deux aspects relevés. En ce sens, une forte intensité sur l'acquisition de ressources et l'interaction en quête de transmission de savoirs dénotent une incubation dynamique qui génère des niveaux de capital plus élevés. Ce capital social provoque un environnement plus propice à l'apprentissage, au développement et à l'innovation (Hughes et al., 2007). Enfin, selon le degré de l'intensité déployée, l'utilisation des ressources et du savoir du réseau est créateur de valeur et, par conséquent, tributaire d'un avantage concurrentiel de l'entreprise (Ibid.). La génération du capital social, dans sa dimension relationnelle, devient ainsi une source d'avantage concurrentiel des entreprises (Fang et al., 2010; Hughes et al., 2007; Muniz et al., 2013).

En somme, dans tous les cas de recherche soulevés, des chercheurs s'accordent sur le fait que le capital social formé de ses réseaux sociaux joue un rôle de premier plan en contexte d'émergence d'entreprises (Adlešič et al.,2012; Peters et al., 2004; Rothschild et al., 2005). Or, les incubés, et parfois les incubateurs eux-mêmes, sont en contexte de démarrage et, par conséquent, la formation de leur capital social est d'intérêt pour les chercheurs sur l'incubation. Comme souligné lors de ma revue de recherches sur les réseaux, la gestion de l'incubateur est un exercice intense de génération de capital social et de coopération nécessaires à sa création de valeur ainsi qu'à celle de ses entreprises incubées (Hughes et al., 2007; Muniz et al., 2013). Individuel ou collectif, ce capital est recherché par les entreprises incubées, peut être un facteur déterminant de leur satisfaction en incubation et peut devenir un avantage compétitif pour l'incubateur (Adlešič et al.,2012; Fang et al., 2010; Hughes et al., 2007; Muniz et al., 2013).

Le capital social est donc décrit par les réseaux sociaux, l'interaction à l'intérieur de ces réseaux, l'accès aux ressources, les liens et les structures qui favorisent l'accès à l'information et aux savoirs, l'intensité des efforts déployés et, ultimement, la valeur créée et l'avantage compétitif qu'il procure (Adlešič et al., 2012; Bøllingtoft et al.,

2005; Fang et al., 2010; Hughes et al., 2007; Muniz et al., 2013; Schwartz et al., 2010; Scillitoe et al., 2010; Totterman et al., 2005).

Toutefois, une recherche sur l’incubation est mal venue si elle circonscrit la réflexion théorique qu’à l’intérieur du champ de recherche sur l’incubation. En fait, il ne semble pas avoir de « champ » de recherche spécifique à l’incubation (Hacket et al., 2004). Les chercheurs intéressés par cette configuration organisationnelle, mise en place afin d’aider d’autres organisations en émergence, sont donc obligés de faire appel à d’autres champs de recherche pour expliquer le phénomène (Perdomo Charry et al., 2014). L’effort de théorisation souhaitée de chercheurs du champ de l’incubation oblige ainsi le passage vers des champs de recherche plus établis (Bøllingtoft et al., 2005; Hacket et al., 2004; Perdomo Charry et al., 2014; Theodorakopoulos et al., 2014).

En ce sens, ma réflexion conceptuelle en contexte d’incubation m’oblige à faire appel à d’autres champs pour éclairer les concepts soulevés. De ce fait, les réseaux, le capital social, la nature des liens, le capital intellectuel et les fondements de l’approche relationnelle sont revisités sommairement à l’aide de recherches d’autres champs que l’incubation. Cet apport enrichit ma réflexion sur l’omniprésence des réseaux externes de l’incubation, contribue à de nouveaux concepts sensibilisants et, au final, démontre l’intérêt de ma recherche hors du champ de l’incubation. L’apport d’autres champs aux concepts soulevés est présenté, ci-dessous, comme quatrième thème de ma revue de la littérature.