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1. INCUBATION D’ENTREPRISES

1.1 Complexité et constats préalables

Placer une organisation à l’étude dans le contexte de son industrie oblige le chercheur à introduire des données tirées de l’exploration d'écrits de praticiens de l’industrie et de chercheurs sur l'incubation. Celles-ci permettent l'enrichissement de ma compréhension de la situation problématique et forment les premières composantes scientifiques de ma recherche et de mon intervention. À cet effet, ce regard pose les bases de ma contribution à la littérature scientifique et professionnelle sur l'incubation d'entreprises. Ce passage auprès de chercheurs qui ont traité le sujet de l’incubation a pour objectif de confirmer le besoin de connaissances dans le domaine et la pertinence que mon intervention propose (Prévost et al., 2015).

D'entrée de jeu, la complexité de cette tâche mérite d'être soulignée. Ainsi, trois aspects de la complexité d'une revue de littérature sur l'incubation sont relevés. En premier lieu, la complexité de la tâche vient du fait que le thème de l'incubation n'a pas un champ de recherche délimité scientifiquement. À cet effet, le phénomène n'a pas retenu l'attention des publications les plus cotées sur le plan scientifique (Hackett et al.,

2004; Mian, Lamine, et Fayolle 2016; Perdomo Charry, Arias Pérez et Nelson Enrique, 2014).

De ce fait, des regroupements de praticiens de l'industrie (Knopp, 2012; NBIA, 2014; UKBI, 2014), de décideurs politiques qui financent des études à grande échelle (European Commission, 2002; Lewis, Harper-Anderson et Molnar, 2011) et de chercheurs académiques (Aernoudt, 2004; Allen et al., 1990; Bergek et Norman, 2008; Colombo et Delmastro, 2002; Hackett et al., 2004; Mian, 1996, 1997; Phan, Siegel et Wright, 2005) essaient, à leur manière, de proposer des concepts unificateurs pour une meilleure compréhension du phénomène (Bruneel, Ratinho, Clarysse et Groen, 2012). Par conséquent, l'exploration de la littérature sur l’incubation passe obligatoirement par les écrits de praticiens, de scientifiques et d’études financées par les institutions qui s'intéressent à ce type d'organisation.

Par ailleurs, certains auteurs d’autres champs de recherche tentent de contribuer à leur champ d’intérêt plus spécifique, mais, par extension, traitent parfois d'incubation d'entreprises. C'est le cas, notamment, des recherches sur la stratégie organisationnelle, l'entrepreneuriat et la gestion de l'innovation et de la technologie (Hansen, Chesbrough, Nohria et Sull, 2000; Perdomo Charry et al., 2014; Peters, Rice et Sundararajan, 2004). Ainsi, l'inspiration d'autres champs de recherche transdisciplinaires à l'incubation s'impose pour une meilleure compréhension du phénomène d’incubation.

En second lieu, la complexité de l'exploration vient de l'absence de consensus sur les concepts soulevés. Malgré l'effort d'homogénéisation des caractéristiques de l'incubateur d'entreprises et de standardisation de ses processus (Bruneel et al., 2012), le terme reste, à ce jour, ambigu (Bøllingtoft et Ulhoi, 2005). De plus, la description du phénomène demeure largement anecdotique et fragmentée (Hackett et Dilts, 2008; Theodorakopoulos, Kakabadse et McGowan, 2014). L'absence de consensus sur la définition de l'incubateur, sur sa typologie ainsi que sur les meilleures pratiques constitue donc un autre élément de complexité de l'exploration. Par conséquent, force

est d'admettre que devant l'échec d'un consensus, le concept d'incubation des entreprises est devenu un terme parapluie qui soulève l'hétérogénéité du phénomène (Aernoudt, 2004; Bergek et al., 2008; Hackett et al., 2004).

Finalement, en dernier lieu, la complexité de l'exploration du phénomène de l'incubation des entreprises relève de son caractère évolutif et dynamique (Bruneel et al., 2012; Lewis et al., 2011; Phan et al., 2005). Au cœur de multiples parties prenantes, d'intérêts changeants, parfois divergents, et de pratiques souvent improvisées, l'incubation des entreprises est aussi dépendante d'un environnement économique, social et politique en constante mutation (Aaboen, 2009; Hackett et al., 2004). De ce fait, tenter de saisir le phénomène pour en extraire les meilleures pratiques transférables à un autre contexte doit se faire avec précaution et une compréhension lucide des limites que cet exercice comporte (Allen et al.,1990; Autio et Klofsten, 1998; Phan et al., 2005).

À la lumière de cette complexité et nonobstant celle-ci, l'exploration d’écrits sur l’incubation est l'occasion de me distancer des récits d'expériences anecdotiques ou des listes des meilleures pratiques qui inondent le champ de recherche (Hackett et al., 2004; Theodorakopoulos et al., 2014). À cet effet, l'exploration des résultats atteints par différentes configurations organisationnelles a besoin de théorisation (Ketchen et al., 1993). En ce sens, et plus spécifiquement aux incubateurs, les recherches entourant les processus qui mènent à des résultats souhaités restent, à ce jour, plutôt descriptives que théorisantes (Bøllingtoft et al., 2005; Hackett et al., 2004; Perdomo Charry et al., 2014; Tavoletti, 2013; Theodorakopoulos et al., 2014).

Par conséquent, le contexte théorique est l’occasion pour moi de proposer une nouvelle manière de présenter l'incubation, question de donner un sens à la recension des écrits et de contribuer au champ par une organisation originale des thèmes présentés. C’est ainsi que je propose une définition conceptuelle de l’incubation. À

partir de cette configuration proposée, une meilleure compréhension des sujets d'intérêt et des possibilités de contributions théoriques émerge.

Avant de présenter ma définition conceptuelle issue d’une revue organisée de la littérature sur l'incubation, deux autres constats spécifiques à l'incubation méritent d'être soulevés. Ces constats sont : 1) la présence d'une industrie bien présente et effervescente et 2) la forte influence des meilleures pratiques. Chacun de ces propos est pertinent pour l’intervention. D'abord, des indicateurs d'une industrie de l'incubation bien présente et effervescente démontrent que l'ACET fait partie d’une industrie bien implantée, qui se redéfinit constamment et dont le résultat de mes recherches devient d'intérêt. Par ailleurs, le constat sur les meilleures pratiques n'a pas pour objectif de les décrire, mais plutôt de soulever l'importance et les limites que ces référents comportent dans un contexte d’incubation. Ainsi, suivant le constat de la complexité du phénomène, ces deux autres constats sont présentés ci-dessous.