• Aucun résultat trouvé

Section 1. Théories des organisations explicatives du contexte

1. Théories mobilisées

1.3. Théorie de l'agence, une complémentarité incontournable

Adam Smith a mis en garde contre la tentation des gestionnaires lorsqu’ils manipulent de l'argent autre que le leur (Smith, 1776). La question qui sous-tend ce problème majeur découle directement en effet de la pensée de Smith: la performance de l'entreprise est-elle dépendante de la structure de la propriété ? La structure de propriété signifie ici à la fois la part de responsabilité de l'entreprise et la répartition des créances extérieures ; s'il y a un seul ou un petit groupe de propriétaires dominants.

140

Adam Smith disait : « Les directeurs de ces sortes de compagnies (les sociétés par actions)

étant les régisseurs de l'argent d'autrui plutôt que de leur propre argent, on ne peut guère s'attendre à ce qu'ils y apportent cette vigilance exacte et soucieuse que des associés apportent souvent dans le maniement de leurs fonds »33. Cela pourrait orienter la vision et démontrer que les enjeux de l'utilité des uns et des autres, engendrés par des questions de relations d'agence sont aussi anciens que le champ économique lui-même.

Berle et G. Means (1932) proposent par la suite une étude plus approfondie sur les problèmes liés aux conflits d'intérêts qui émergent entre le gestionnaire et le propriétaire de l'entreprise. Ainsi, la naissance du premier cas de rapport principal/agent est due à la recherche qui a porté sur des liens entre gestionnaires et propriétaires.

En prenant appui sur la théorie des droits de propriété de Jensen et al. (1976), on dépasse la simple relation en s'intéressant à la totalité des relations contractuelles, issues tous simplement des contrats, établis par la firme. Ils sont arrivés à déterminer comme suit la relation d'agence : « un contrat par lequel une ou plusieurs personnes (le principal) engage un autre individu

(l'agent) pour exécuter en son nom une tâche quelconque qui implique une délégation d'un certain pouvoir de décision à l'agent » (Jensen et Meckling, 1976).

En effet, à partir de cette définition, ils sont engagés à observer la firme tel « un nœud

contractuel ». Autrement dit, il s'agit d'un style d'organisation au sein duquel les parties sont

inter-liées à travers des contrats, qui se succèdent, et qui sont peu ou prou formalisés.

La problématique qu'ils proposent est d'appréhender, dans cette perspective, quelle serait la forme de contractualisation qui pourrait satisfaire de la manière la plus efficace les deux parties concernées par une relation d'agence tout en réduisant au maximum les coûts liés à leur contrat, en l'occurrence les coûts d'agence.

Nous pouvons comprendre que la vision de tous ces penseurs se réduit principalement à un essai pour expliquer les faits, ou tout au moins pour appréhender le comportement de l'organisation. De plus, Coase (1987), initiateur de la théorie économique des organisations, où émargent les recherches suscitées, les critiques et leur reproche de se résigner à vouloir comprendre l'organisation telle une « boîte noire », selon ses termes. Cependant, il tente de

141

convaincre que la firme mérite plus que cela, la compréhension devrait tendre vers son affirmation telle une forme organisationnelle substituable au marché.

La théorie de l'agence occupe une place centrale dans la littérature sur la gouvernance d'entreprise. Elle décrit et explique le conflit fondamental entre les gestionnaires et les propriétaires, lorsque les premiers ont le contrôle de l'entreprise, mais que les seconds bénéficient de la majorité du profit. Le modèle mis en place par Jensen et Meckling (1976) l'illustre en décrivant comment les effets managériaux entraînent une augmentation des dépenses non-pécuniaires des gestionnaires, car ils n'internalisent pas complètement les coûts. Les problèmes d'agence de ce genre génèrent des coûts d'agence. Un élément clé de leur théorie est que les actionnaires ne peuvent pas observer les actions des gestionnaires.

Les actionnaires majoritaires sont plus à même de contrôler la gestion que le petit actionnariat, car ils intègrent une part plus importante des coûts de surveillance et disposent d'un pouvoir de vote suffisant pour influencer les décisions. En outre, une série d'autres mécanismes qui alignent les intérêts des gestionnaires et ceux des propriétaires ou limitent le pouvoir discrétionnaire de la direction ont été suggérés pour réduire les coûts d'agence.

Il existe une vision différente du rôle de la structure de propriété dans les entreprises, en plus des coûts d'agence générés par les gestionnaires. Plusieurs auteurs comme Barclay et Holderness (1989) ou Bebchuk (1999) ont avancé que les propriétaires ayant une part de propriété importante pourraient eux-mêmes utiliser à leur profit des avantages privés, ce qui génère des tensions du côté des autres actionnaires. Ces avantages pourraient inclure, par exemple, la consommation des biens produits par l'entreprise, l’utilisation d'actifs ou encore les mesures d’initiés contre ou pour les prises de contrôle. Ces avantages peuvent avoir des effets négatifs sur la performance de l'entreprise. En effet, une concentration de pouvoir de propriété, pourrait nuire à la performance. L'idée centrale que la littérature démontre sur les avantages privés est qu'il n'y a pas seulement un problème d'agence entre les propriétaires et les gestionnaires, car la relation entre les grands et les petits actionnaires peut-être orientée dans le même sens.

Donc, la question de l'effet de la structure de propriété sur la performance des entreprises est une question qui concerne les incitations des gestionnaires et des propriétaires ainsi que leur capacité à contrôler la prise de décision. Le contrôle, tel qu'un résultat des droits de vote attachés au droit de propriété, intervient naturellement en tant que facteur décisif, car il détermine si les actionnaires peuvent contraindre l'entreprise à orienter son choix.

142

Bien avant l’émergence de cette question autour des coûts d'agence et des avantages privés, Berle et Means (1932) avaient déjà beaucoup écrit sur la séparation de la propriété dans les grandes entreprises publiques. Beaucoup d'autres ont depuis contribué à cette discussion. En séparant la propriété et le contrôle, Berle et Means (1932) ont mentionné le fait que la majorité des sociétés, ayant un capital ouvert, appartenaient à de petits actionnaires qui avaient peu de chance d'influencer la prise de décision. Le contrôle des entreprises s'était ensuite déplacé vers les gestionnaires, qui avaient une opportunité et une incitation à abuser de leur position. Berle et Means (1932) ont prédit que la séparation de la propriété et du contrôle nuirait à la performance de l'entreprise. Cette thèse fait partie de cette longue discussion sur la structure de la propriété qui s'est poursuivie jusqu'à ce jour.

Un papier important a été publié, dans cette perspective, par Demsetz et al. (1985, 2001) et Himmelberg et al. (1999), qui ont construit des modèles économétriques pour estimer les effets de la structure de propriété. Demsetz et Lehn (1985) ont également mis en place un modèle transversal pour examiner les effets de la concentration de la propriété sur la performance des entreprises afin de tester l'hypothèse de Berle et Means (1932), mais ils n’ont trouvé aucune relation. Demsetz et Villalonga (2001) étendent cette analyse à un ensemble de relation simultanée, où la performance et la propriété de l'entreprise sont déterminées de manière endogène avec des résultats similaires. Contrôler l'endogénéité de la propriété semble important à la lumière des résultats empiriques et de toutes ces discussions théoriques et empiriques. Himmelberg et al. (1999) à leur tour, ont analysé la même relation en ce qui concerne la propriété des petits actionnaires et ont construit un modèle à effets fixes. Contrairement à Morck

et al. (1988) qui ont d'abord analysé la relation entre la propriété de l’actionnaire minoritaire et

la performance de l'entreprise. Himmelberg et al. (1999) ne parviennent pas, cependant, à trouver une relation statistiquement significative, en contrôlant l'endogénéité. Il est à signalé que cela n'a été réalisé que dans des études utilisant des données non-américaines (Kapopoulos

et al., 2007; Hu et al., 2008).

1.3.1. Le principal et l’agent, une relation ambivalente :

Les travaux de Posner (2000)34 fournissent une approche explicative qui tente de résoudre les conflits principal-agent par le contrat. Posner (2000) donne l'exemple d'une personne qui, voulant vendre son bien immobilier, fait appel aux prestations d'une agence immobilière. Il fait ressortir deux sortes de problématiques. D'une part, les utilités recherchées par ces deux parties

143

semblent s'opposer : le propriétaire voudrait voir les efforts de l'agent immobilier déployés pour la vente du bien, tandis que l'agent immobilier pourrait naturellement fournir un moindre effort (aléa moral). D'autre part, le propriétaire ne dispose pas d'éléments lui permettant de juger les efforts de l'agent afin de le rémunérer en conséquence. Il s'agit en l'occurrence d'une asymétrie d'informations qui se définit comme cas naturel du conflit principal-agent.

La résolution de cette problématique pourrait se réaliser par un contrat opposant les deux parties. Toutefois, il est pertinent de se demander quelle serait la meilleure contractualisation ? Afin de donner une réponse pertinente à cette question, Posner (2000) prend comme point de départ un contrat de base. Il s'agit d'un état dans lequel le contrat serait optimal, car on pose l'hypothèse que le propriétaire pourrait absolument vérifier les agissements de l'agent immobilier.

En démarrant de ce contrat de base, Posner (2000) renonce à l'hypothèse du parfait informé et recherche d'autres substituts de contrats qu'on pourrait envisager pour atteindre les résultats optimaux pour les deux parties. Sa réflexion le conduit à distinguer un contrat mixte qui joint simultanément les incitations rémunérées afin de motiver l'agent immobilier à déployer un maximum d'efforts pour vendre le bien au plus haut prix possible, et la garantie de percevoir un seuil inférieur à un prix convenu au cas où la transaction se réalise à un prix en deçà de celui espéré (protection contre le risque).

Le chercheur réalise que réellement, les contractualisations entre agents immobiliers et propriétaires sont familières à celles proposées et citées par la théorie de l'agence. Cependant, elles ne sont pas précisément semblables, dès lors qu'elles comportent une allocation d'une rémunération ponctuelle, liée à une transaction, à l'agent immobilier, sauf que cette rémunération demeure constante. Il s'agit de dire que la commission ne fluctue pas en corrélation avec le prix dégagé par la transaction.

Posner (2000) perçoit la théorie de l'agence comme trop rudimentaire en la qualifiant de "too

simple". Ainsi, il propose, non exhaustivement, quatre difficultés afin de bien nous démontrer pourquoi la théorie de l'agence ne représente qu'une configuration simpliste de la réalité :

L'agent a fréquemment de nombreuses actions à accomplir, ou au moins, ses missions pourraient s'avérer beaucoup plus complexes que l'on a constaté antérieurement.

144

De nombreux agents pourraient être engagés dans la relation. C'est le cas d'un patron qui a plusieurs subordonnés.

Il se pourrait également qu'il y est de nombreux principaux. Par exemple, un directeur général qui doit fournir des explications et justifications à des regroupements d'actionnaires qui ont des intérêts divergents.

Il est évident d'évoquer la possibilité que le principal pourrait être aussi agent, et mutuellement, dans une relation de contrat. Par exemple, quand deux experts comptables fondent à part égale leur cabinet d'expertise, chaque associé serait simultanément sujet d'une relation de principal et agent face à l'autre.

Nonobstant ses critiques et les difficultés qu'il se voit énumérer, l'auteur insiste qu'il ne remettait pas en cause la pertinence de la théorie de l'agence, mais au contraire, l'intérêt de cette recherche est de l'enrichir et la rendre plus valide par la recherche du contrat optimal. Il s'agissait de créer de la confusion pour atteindre le recul de conflits tant espéré.

Par ailleurs, Posner (2000) définit les relations d'agence telles qu'elles sont citées dans l'exemple du propriétaire et de l'agent immobilier, comme étant un cas bateau qui se transpose à toutes les situations tant au secteur privé que public.

c

'est, en effet, le cas d'un propriétaire d'un bien immobilier et de son locataire, d'un directeur d'une firme et ses actionnaires, d'une banque et ses clients, d'un médecin et ses patients, d'un propriétaire d'un commerce et ses employés, des politiques et leurs électeurs, des juges et le congrès (American Congress) voire même entre citoyens.

1.3.2. La structure de l’actionnariat et la théorie de l’agence

Dans la littérature précédant Jensen et Meckling (1976), les problèmes d'agence causés par une propriété dispersée, étaient appelés le problème de la séparation de la propriété et du contrôle, qui trouve son origine dans les travaux de Berle et Means (1932). Jensen et Meckling ont placé leur discussion dans un contexte plus formel avec des modèles explicites sur le comportement des agents. Le point commun entre cette littérature et le modèle de Jensen et Meckling (1937) est qu'il y a un conflit d'intérêts puisque les gestionnaires ne supportent pas toutes les conséquences de leurs actions. Il est nécessaire d'être conscient qu'une longue discussion a précédé le travail de Jensen et Meckling (1976). Par exemple, Alchian et Demsetz (1972) avaient déjà analysé un problème similaire de contrôle et de surveillance managériale. Le principal avantage de l'approche de Jensen et Meckling est sa généralité, les relations d'agence existent tout autour de nous.

145

L'idée centrale de Jensen et Meckling (1976) était de modéliser la relation entre les propriétaires et les gestionnaires, semblable à celle qui existe entre un mandant et un agent. Les propriétaires contractent les gestionnaires pour exécuter les tâches de management d'une entreprise, seulement les deux cherchent à maximiser leur propre utilité et sont intéressés par leur propre intérêt, un conflit d'intérêts, ainsi, survient. Cependant, les gestionnaires ont un contrôle effectif sur l'entreprise, ils ont la motivation et la capacité de bénéficier des avantages au détriment des propriétaires. Jensen et Meckling (1976) définissent les coûts engendrés par la divergence des intérêts entre propriétaires et gestionnaires en tant que coûts d'agence consistant en :

 dépenses de surveillance par le principal,  dépenses de cautionnement par l'agent, et  la perte résiduelle.

Les coûts de surveillance des principaux découlent d'activités conçues pour limiter les actions dommageables des agents (du point de vue des chefs d'établissement). Les dépenses de cautionnement résultent des actions des agents pour rassurer les principaux de leur bonne volonté de mener à bien certaines actions. Malgré ces dépenses, de surveillance et de cautionnement, aussi optimales qu’elles soient, des principaux et des agents, il y aura toujours une perte causée par la divergence des décisions prises par les agents qui maximiseraient le bien-être des mandatants. Ces décisions prises par les gestionnaires peuvent impliquer, par exemple, de se soustraire au travail ou à la consommation d'avantages indirects. Ce coût créé par la relation d'agence est défini telle une perte résiduelle.

1.3.3. Mécanismes de contrôle de la relation d'agence

Le modèle de Jensen et Meckling (1976) montre qu'il existe des problèmes d'agence dès lors que des possibilités et des incitations se présentent pour la direction. Ainsi, elle poursuit son propre intérêt au détriment des parties prenantes externes, qu’elles soient actionnaires ou obligataires). Cependant, les problèmes d'agence et les coûts associés peuvent être atténués par plusieurs mécanismes. Tandis que Jensen et Meckling (1976) se concentrent sur la structure de propriété et la gouvernance managériale, plusieurs autres mécanismes ont été suggérés dans la littérature sur les problèmes d'agence. Berle et Means (1932) ont, par exemple, vu dans la propriété concentrée représentée par un ou plusieurs grands propriétaires, un bon moyen de discipliner les gestionnaires. D'un autre côté, la propriété concentrée au sein d’un actionnariat limité a également été considérée comme nuisible aux performances des entreprises, car cela

146

favorise des bénéfices privés (Bebchuck, 1999). D'autres suggestions concernant les mécanismes de contrôle des problèmes d'agence, telle que la rémunération des cadres, basée sur les actions et l’atteinte des objectifs (Haugen et Senbet, 1981), qui lie la rémunération de l’agent à la performance du cours boursier. Ainsi, l'effet de l'effet de levier sur les coûts d'agence des actionnaires a déjà été discuté plus tôt. Le marché contrôle les entreprises, c'est-à-dire que la menace de prises de contrôle hostiles, a également été considérée comme un moyen de contrôler les problèmes d'agence (Manne, 1965). Fama (1980) a également affirmé que le marché du travail joue le rôle de mécanisme de contrôle, les gestionnaires étant incités à protéger leur réputation. La concurrence sur les marchés qui existent dans l’économie a également été considérée comme un moyen de discipliner la gestion (Hart, 1983). Tous ces mécanismes ont en commun d'aligner les incitations des gestionnaires et des propriétaires ou de les limiter.