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Section 1. New Public Management, histoire et fondements

3. Légitimité de la Gestion Publique dans un contexte d'externalisation

3.1. Suprématie de l'État

Les secteurs public et privé manifestent une quasi-impossibilité de distinction organisationnelle et opérationnelle, depuis maintenant deux décennies. Cela a donné lieu à une multitude d'études lancées dans le domaine. En effet, il est observable que les organisations privées se voient de

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plus en plus amenées à gérer des activités dites de service public, déléguées par les administrations publiques et intégrant, ainsi, en leur sein une nouvelle configuration. Ces partenariats public-privé donnent naissance à une confusion entre organisations privées et publiques, difficilement classifiables, le cas échéant (Rhodes, 1997). Il peut découler de cette vision la notion de valeurs perçues, laquelle est intimement attachée aux services publics. L'émergence de l’État-providence signe la séparation avec la perception libérale de l’État, tel un État gendarme ou un État « gardien de nuit ». Cet État gendarme ou État gardien de nuit amoindrit le rôle de l’État. Cependant, l’État-providence accorde à l’État une place prépondérante dans la vie économique et sociale, car il doit répondre aux contraintes sociales. De nos jours, cette notion pourrait englober deux sens. Dans son sens large, défendu par les détracteurs du rôle excessivement important détenu par l’État, le concept fait référence à l’État interventionniste, lequel s’est institutionnalisé dès la seconde grande guerre. Par contre, dans son sens étroit, l’État-providence détient une intervention cadrée afin d'assurer une prise en charge globale des activités de solidarité.

Par ailleurs, ce concept d’État-providence met en évidence, d'une façon explicite, l'émergence de nouvelles attributions de l’État moderne : se soucier du welfare des citoyens, et ne plus se restreindre à la sécurité, à la justice, à battre monnaie, ainsi qu’aux relations internationales ou bien encore d'engager des guerres. Deuxièmement, il propose une rationalité et un objectivisme du droit au soutien. Ceci est représenté par la transformation d’une solidarité subjective (j'agis "pour en avoir le cœur net") vers une solidarité objective, basée sur les droits des populations et/ou de la force travailleuse. Enfin, ce concept met en avant le fait qu'au sein des États-providence, dès lors que les solidarités basiques sont altérées, les populations, et souvent même les résidents, pourront faire appel à la puissance publique, qui émane de la solidarité globale. Selon les propos de Polanyi (1944), l'émergence de l’État-providence veut dire que la redistribution de l'État remplace la logique de mutualisme et celle du marché. Pour la vision de Polanyi (1944), le postulat de réciprocité présume une société de destin. L'interprétation de la société de référence peut se modifier d'après les communautés et leurs styles d'aspects sociaux. La famille, les lignées, la congrégation, le village, la société ethnique pourraient, à tour de rôle, représenter des fondements majeurs de la solidarité entre semblables. Au sein des sociétés fondées sur le communautarisme, le soutien réciproque est régulièrement consolidé par une règle d’honneur qui exige d'apporter de l'aide à ses semblables. Cependant, cette application est interrompue à partir du moment où elle implique des éléments exogènes au groupe de référence.

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Elle contribue au renflouement continu du lien social et serait altérée dès lors que ce lien social est rompu, suite à des conjonctures et/ou événements inhabituels, tels que les guerres, les épidémies, l’éclatement communautaire, etc. A contrario, la redistribution fait référence à une sorte de protectorat social aménagé du haut vers le bas : des fortunés, des forts, des institutions ou encore de l’État vers les démunis ou les citoyens défavorisés. Robert Vuarin (2000) décrit les sociétés africaines actuelles comme un modèle social recourant à ces deux types d'assistance et d'entraide.

De nombreuses recherches ont expliqué le transfert de la réciprocité en redistribution et, par conséquent, l'émergence des États-providence à travers des prétendus historiques objectifs. D'après leurs défenseurs, le développement industriel et technologique, ainsi que l’urbanisation immodérée manifestent des répercussions déstructurantes. Les formes préindustrielles d'évolution de la communauté basée sur la famille, l'ethnie, les collectivités s’avèrent révolues. La communauté est, par ailleurs, dans l'obligation de créer des analogues rationnels, comme les services de santé ou de sécurité sociale, à partir de ces groupes qui sont caduques ou ne sont plus à même de répondre aux attentes de la société. Les groupes primaires tels que la famille, les clans ou les communautés villageoises ne semblaient plus êtres compétents pour garantir le bien-être de leurs partisans, particulièrement lorsqu’ils sont des plus vulnérables (maladie, vieillesse, etc.). Aussi, les communautés cultuelles sont inaptes à endosser ce rôle. La collectivité publique s'est vue progressivement dans l'obligation de répondre aux besoins de ceux qui ne pouvaient plus se prendre en charge d'une façon autonome. D'autre part, l'émergence des États-providence est une réponse à la fois aux manques d’efficience et de solidarité dans les actions communautaires primaires, mais également à la laïcisation des sociétés. En effet, la providence de l'État se substitue à la providence divine. La construction des États-providence vient en réponse, sans aucune équivoque, à des besoins objectifs. La pauvreté, les entraves que vivent les personnes âgées, l’inquiétude inhérente à la maladie et le défaut d’y faire face, en engageant seulement les ressources du ménage légitime l'implication des établissements publics. Toutefois, il n'est pas possible de rendre compte de la construction des États-providence, de leurs distinctes structures et de leurs échelles interventionnistes en se basant sur les difficultés auxquelles les sociétés ont fait face à travers leurs différents âges. Tel que le démontre Heclo (1974), dans son livre célébrissime, Modern Social Politics in England

and Sweden, les politiques sociales répondent moins aux problèmes sociaux en eux-mêmes

qu’aux politiques menées auparavant dans le secteur, lequel avait pris la forme d’un héritage institutionnel.

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Par ailleurs, le recours à l'altruisme et la solidarité pour expliquer l'équilibre social est trop restrictif. A différentes phases de l'histoire, et au sein de multiples de sociétés, l'objectif de remettre la paix sociale, ou d'affirmer les pouvoirs sur les populations, dépasse de loin les intérêts moraux. En Europe, en luttant contre le féodalisme et l'Église, les familles monarques ont distribué beaucoup de leurs richesses pour ramener à leur rang des fidèles sujets. Tout comme l'Église et les détenteurs de titres de seigneuries qui se sont vus sacrifier leurs richesses pour garder leurs vassaux et leurs Assistances. La recherche de l'ordre est intrinsèquement liée à la recherche de la paix sociale dans l'œuvre de Napoléon III, de Bismarck ou, plus tard, de Peron en Argentine.

La particularité des États-providence contemporains ne s'identifient pas seulement à ce qu'ils proposent comme protectorat à des populations livrées autrefois à l'insécurité sociale. Ils ne s'identifient pas non plus au simple fait que l'État endosse alors la responsabilité d'une protection autrefois garantie par d'autres instances. Celui qui est à présent défendu n'est pas une personne particulière, mais des droits à travers des lois communes. Autrement dit, alors qu'au sein de ses sociétés, dénuées des droits sociaux, les individus demeurent sous curatelle sociale dépendant, ainsi de la solidarité des autres (mutualité, charité ou encore entraide décidée). Au sein de l'État social, il est nécessaire et suffisant d'intégrer des couches sociales déterminées (malade, infirme, retraité, sans-emploi, démuni) afin de jouir du droit aux subventions et/ou pensions. Conséquemment, de nos jours dans la plupart des pays d'occident, la population jouit d'une protection sociale tout à fait large contre la maladie, l'inactivité après un certain âge ou encore la rupture de l'emploi. Cela pourrait être conditionné à la participation des citoyens, en contribuant à une caisse d'organisme compétent, du simple statut de ressortissants ou encore à l'étude de leur degré de précarité. En général, les citoyens se voient jouir d'assistance en matière d'habitation, d'éducation ou pour pallier à certains problèmes familiaux. Tous ces droits représentent le modèle symbolique de l'État-providence contemporain, lequel est en continuelle recherche de mise en œuvre. En se référant à l'étude du sociologue Gøsta Esping-Andersen (1999), il est recherché un démantèlement du marchandage dont est victime l'homme dans les sociétés adoptant le capitalisme comme modèle économique. Ainsi, l'État-providence reflète un mode de "capitalisme humanisé". Dans ce modèle, l'homme serait bénéficiaire d'une compensation rémunérée, dès lors qu'il est hors circuit économique ou ne correspond plus à l'offre du marché du travail pour des raisons de santé, de compétences ou d'âge. Plus encore, une attention lui est consacrée s'il ne dispose pas ou plus de moyens conséquents pour subvenir à ses besoins les plus vitaux. Par ailleurs, le

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citoyen se voit accéder à des prestations sociales et sanitaires moins coûteuses que celles qu'offre le marché. Cela mène sensiblement à de manifestes conséquences. En effet, nous pouvons disséquer principalement, à travers l'histoire des sociétés et de leur protection des individus, ce qui s'inscrit dans l'altruisme, le paternalisme ou le clientélisme social.

La mise en œuvre de l'État-providence n'a pas abouti d'une façon progressivement constante. En se positionnant sur un angle historique et globalement mondial, l'évolution des États-providence pourrait être sectionnée en trois principales phases représentant ainsi les séparations à la suite de chaque conciliation sociale.

En premier lieu, la séparation a été jointe à l'impulsion des assurances sociales pour les travailleurs. D'un côté du diagnostic de la période 1870-1935, cela a constitué incontestablement un nouvel ordre donnant lieu à un commencement dans les transformations des enjeux sociaux. La question qui se présentait n'était plus d'ordre à s'intéresser aux populations, ne tenant pas compte des liens sociaux (nécessiteux, démunis, populations sans foi ni loi, individus présentant un danger, malheureux, etc.), mais plutôt inhérente à des citoyens inscrits dans la civilisation moderne, intégrant la logique de travail qui émerge dès la période de la révolution industrielle. Aussi, en admettant les États-providence, nous visons par cela l'État interventionniste qui peine à pallier ou à faire reculer la précarité des citoyens. Une précarité émergente d'un processus historique lointain qui remonte à la grande dépression médiévale (XIV-XV siècle) d'après Robert Castel (1995). Il semble également légitime de faire référence à la fin du XIX siècle comme point d'ancrage d'un nouveau paradigme. Il s'agit d'une étape qui s'inscrit pendant la période de la révolution industrielle européenne, dans un modèle d'ouverture de marchés, d'appauvrissement de la classe travailleuse et d'accroissement du socialisme en tant que mouvement. Au sein de la quasi-totalité des pays, les érudits savent pertinemment que les précédentes politiques sont inappropriées et que le devenir des travailleurs devrait être pris en charge. Cette étape d'apparition des nouvelles politiques reste, de même et bien évidemment, fournie en conflits. Pendant la totalité de cette phase, ce concept prend de l'ampleur. L'importance de démocratiser la protection sociale et d'en assurer son affirmation s’impose de plus en plus. Cela exige, évidemment, pour un grand nombre de protagonistes, de spécialistes et de politiciens, un appel à une mobilisation conséquente de ressources et du corps social pour tous les pays. On relève que les solidarités volontaires et la charité publique, mises en œuvre avec consentement, sont privilégiées. Cependant,

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graduellement, dès la fin du XIX siècle, le modèle bismarckien21 des assurances sociales s’impose pour la totalité des pays.

La deuxième transformation s'amorce pendant les années 1930 dans le cadre de la grande crise et se développe dès la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Le consentement se rétablit autour de l'État-providence, dans un environnement de démocratie garantissant la sécurité sociale de l'ensemble du peuple. L'État devrait déployer ses actions aux contextes économiques et sociaux, en se référant aux besoins des citoyens. La nouvelle configuration de l'État-providence est l'État « providence-keynésien », se fixant instantanément comme objectifs : promouvoir la croissance et la balance économique, la maîtrise des contestations sociales et la garantie d'une activité d'allocation adaptée en fonction des richesses, dans un contexte de redistribution. L'accroissement de la sécurité sociale s'accomplit tant au niveau horizontal que vertical, protégeant des couches sociales constamment conséquentes au sein du peuple, avec davantage de prise en charge de risques. Durant la période 1950-1970, le risque social a exponentiellement augmenté et de façon accélérée, en corrélation avec la sécurité nécessaire. Ce sentiment de sécurité a enregistré un recul considérable au profit de l'augmentation de la précarité des populations démunies. Toutefois, celui-ci ne semble pas émerger des instances cohérentes au sein des providence, mais seulement de constatations de faits. Les États-providence déploient d'une façon assez exogène mais tout au moins exhaustive la protection sociale des populations. En effet, cette différence s'inscrit dans la manière de perception et d'intégration du risque, ainsi que dans les formes et nombre d'instances mises en place pour subvenir aux besoins des citoyens. Notons que, pendant les trente glorieuses, également désignées "âge d'or de la croissance", en l'occurrence, le début des années 1970, plusieurs types d'États-providence existaient. Ils étaient fortement légitimés mais aussi aisément financés. Enfin la dernière transformation se note dès la fin des années 1970. Par opposition aux années rayonnantes qui ont précédé, les États-providence ont connu des tensions démesurées d'ordre socio-économique mais aussi politique. Ils étaient dans l'incapacité d'affronter les nouveaux défis imposés par le bouleversement des économies modernes et de pallier aux inefficacités endogènes. Par ailleurs, l'aptitude à provoquer un développement simultané de l'économie et du social est devenue de la prétention. Le sujet de la crise de l'État-providence se place dans l'ordre des priorités des discussions politiques mais également académiques. Les États-providence enregistrent une maigre croissance économique,

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additionnée aux taux surélevés de chômage, corrélés à une croissance démesurée de la population inactive comparée à celle active. Toutes les formes citées des États-providences convergent dans leurs volontés de garantir le financement d'un mode de protection sociale structurellement défaillant d'une part, et prendre en charge les dépenses de l'ajustement social, au détriment de l'équilibre budgétaire d'autre part. C'est ainsi que le libéralisme vient affermir sa position en recommandant davantage de flexibilité et une réduction de protection sociale. Les classes politiques semblent tentées par cela, en dépit de la position des citoyens qui s'attachent en toutes circonstances à la configuration initiale, à savoir une protection sociale pure et simple. Il est à noter que l'ensemble des pays souhaitent modifier leurs configurations d'États-providence, afin, bien évidemment, d'absorber les déficits engendrés et de faire face aux coûts grandissants.

Toutes les phases relevées font ressortir des influences extrêmes, même si elles restent contingentes aux caractéristiques d'un pays ou de l’autre. La notion de protection sociale, jointe à la configuration bismarckienne, note la première, alors que la deuxième est rapprochée aux pensées de Keynes et de Beveridge22. Enfin, la dernière endosse incontestablement la marque des réflexions néolibérales. Les politiques sociales innovatrices mises en œuvre dans un pays sont transposées à d’autres pays selon des configurations qui semblent naturellement transposables.