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Section 2. Les organisations publiques

1. Particularité des organisations publiques

1.2. Evolution du système de légitimité de l’administration

Observons la mutation dans les pratiques de gestion dans le secteur privé, depuis la multiplication des réformes, durant ces dernières décennies. Qu'il s'agisse de la rationalisation des choix budgétaires, du management public ou encore du New Public Management, on ne pourrait être que perplexe eu égard à une attitude ambiguë et schizophrène de l'administration envers ces méthodes supposées innovantes. D’une part, elle les juge nécessaires et les proclame d'une manière claire. Mais d'autre part, une résistance quant à leur application est une réalité incontestable.En effet, l’administration manifeste un intérêt particulier aux nouveaux outils de gestion, mais les acteurs du secteur public leur manifestent, quant à eux, un scepticisme profond en dépit d’un discours qui pourrait donner l’impression de leur engagement dans ce sens. Ces méthodes viendraient naturellement légitimer les agissements de l’État qui est de plus en plus contraint par le légal qui s’immisce, depuis plus d’un siècle, en aval de la dépense publique. Ainsi, l'État a pris trois formes tout au long de son évolution, d'un point de vue de gouvernance et de légitimation de ses agissements. Il s'agissait au début d'une existence d'un État dit gendarme qui puisait sa légitimité de la nature du pouvoir, ce qui se rapproche de la légitimité de l'organisation privé, laquelle tire sa légitimité du droit de propriété. Ensuite, l'émergence de l'intérêt pour les besoins des citoyens a mené à une mutation profonde de l'État et conduit à ce

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qu'on appelle l'État providence. Cette forme de l'État se fonde sur les buts poursuivis, c'est-à-dire l'existence du service public, et la mise en avant de l'intérêt général. Enfin, l'intérêt général étant conquis par les citoyens, l'État s’est vu contraint à rechercher à légitimer son action par les méthodes de gestion ; il devient un État omnipotent.

1.2.1. L'État-gendarme

Au cours du XIX siècle, usant de sa souveraineté, l'État a exercé ses prérogatives en matière de fonctions régaliennes ; justice, police, diplomatie, etc. Ainsi, le contrat de droit privé gérait les rapports entre acteurs économiques, l'État n'y prenait pas part et les marchés étaient régis par des rapports privés. Une question s'impose, celle du cas de l'implication de l'État dans ce contrat de droit privé. Lafférière (1844) et Barthélémy (2006) appuient la thèse qui stipule qu'un acte administratif est qualifié comme tel seulement si l'État en constitue une partie, d'une part et d'autre part, si cet acte comporte un aspect d'autorité. De ce fait, l'État est légitime dans son action administrative par le simple fait de l'autorité.

1.2.2. L'État Providence

En laissant les agents économiques et le marché face à une construction libre de toutes contraintes, l'État, ainsi que la société civile, se rendent compte de la nécessité d'agir au moins comme régulateur pour rechercher l'intérêt de chaque composante de la société. L'ancien système de légitimité supposait que le marché pouvait conduire à un optimum. L'émergence de l'État providence vient justement pour préciser que la puissance publique doit garder une mainmise sur l'économie, afin de protéger la vie sociale. Cela dit, l'intérêt des citoyens, ou plutôt de leurs besoins, n’est pas encore pris en compte ; ce qui laisse la notion de service public apparaître. L'action de l'État n'est de ce fait plus légitimée par le simple fait de son autorité, mais plutôt par ses objectifs, en l'occurrence, le service public et le bien-être des citoyens. Jacques Chevalier disait (Laufer et Burlaud, 1980) "La notion de service public connait alors

une fortune extraordinaire, car elle fonde et elle limite sur le plan philosophique, les pouvoirs des gouvernants, tout en constituant un critère juridique d'application du droit administratif. Or, elle est d'une clarté remarquable sur le plan conceptuel : le droit de l'État est le droit des services publics et donc, non seulement toute activité administrative constitue en principe un service public, mais encore, seule une activité administrative peut constituer un service public."

Nous pouvons conclure que l'État ne se légitimait plus dans ce contexte par son autorité, mais plutôt par les buts qu'il poursuivait.

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1.2.3. L'État omnipotent

Cet état de fait ne suffisait plus ; encore une fois, rechercher une finalité pour être légitime dans son action est devenu inapproprié face à l’existence d'une juridiction qui contraindrait l'État à répondre de ses agissements, en l'occurrence, les tribunaux administratifs. L'État devra désormais répondre à la question suivante : Comment avez-vous géré les deniers publics ? Ce dernier siècle, l'État s'est vu dans l'obligation de rechercher des moyens qui minimiseraient la dépense publique, ou du moins l'expliquer, afin de répondre à un public qui est de plus en plus en quête de justifications quant aux dépenses.

Face à des conflits, aussi nombreux qu'ils puissent paraître, les pouvoirs publics, en réponse à une volonté citoyenne, décident que désormais les différends qui résultent du conflit administration et agents du secteur privé devront être traités devant une juridiction privée. Il s'agit d'un droit commun, dit-on. Ainsi, lorsqu'il pourra être question d'un arbitrage entre un agent privé et un agent public, agissant dans un contexte industriel et commercial, le tribunal de commerce sera compétent. Cette perte de pouvoir et d'autorité requiert de l'État une recherche d'une autre forme, ou du moins, d'un autre mode de légitimité.

Certes, cette évolution qui s'est inscrite dans l'air du temps peut laisser entendre que l'État aurait perdu de son autorité légitime, mais il semblerait qu'une forme de légitimité vienne de naître. Celle de l'argumentaire, celle de l'efficacité et celle des compétences. Sous cette forme de l'État, ce dernier est appelé à justifier tous ses agissements. Ainsi, des méthodes de gestion accès sur le facteur humain viendraient nous dire : l'État s'intéresse, désormais, à ce que pourraient penser les citoyens et il s'intéresse, de même, à leur avis, lequel émanerait des comités d'usagers qui se mettent en place d'une manière spontanée.

Avec cette nouvelle forme de légitimité se concrétisera le Public Management. 1.2.3.1. Mobilisation de méthodes efficientes

Du fait d'une fiscalité qui porte intrinsèquement une pression, l'organisation publique, soit-elle administrative ou non, prend conscience qu'elle est désormais justiciable. Les juridictions administratives existent pour régler les litiges d'un état débiteur avec un monde privé. Il est question de répondre de ses agissements devant les juridictions prévues à cet effet, en l'occurrence, les tribunaux administratifs, la cour des comptes ou encore l'inspection des finances. Ce qui est plus étendu et plus contraignant pour l'État, sera encore de répondre de ses méthodes de gestion des deniers publics devant l'opinion publique. Il est responsable devant l'ensemble de la société et doit justifier ses méthodes de gestion. La gestion se doit d'être

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rationnelle, ce qui implique qu'il s'agira dorénavant de se fixer des objectifs clairs et de mettre en place des moyens rationnels pour les réaliser.

Comme dans le secteur privé, les finalités se doivent d’être mesurables, réalisables et compréhensibles. De même, les moyens mis en œuvre devront être rationalisés. Ce qui renvoie au fameux Planing, Programming, Budgéting System (P.P.B.S) qui rentre dans le cadre de la Rationalisation des Choix Budgétaires (R.C.B). Il semblerait qu'il ne s'agit que d'un développement du management public. Nous pouvons observer un rejet de ces méthodes par les gestionnaires publics. Ils se donnent comme argument l'inefficacité du management dans le cadre de la sphère publique. Cependant, l'opinion semble favorable à l'acquisition de ce sentiment d'assurance ; elle se dit : « l'État est efficient dans sa façon de manager ! ».

1.2.3.2. Axés sur l'humain

Les clients, les usagers, les citoyens, les consommateurs, les riverains, etc. se mobilisent durant les dernières décennies pour s'unir autour d'une idée commune, un intérêt commun. Cela a fait que l'État commence petit à petit à s'intéresser à ces regroupements, pour ensuite les mobiliser autour de sa cause en quête de légitimité. Les politiques utilisent à bon escient, sainement ou non, les comités des usagers, de quartier ou autres comme proxy avec la base sociale. Cette implication aurait pour vocation de faire remonter les vœux de la base d’une party, et d’autre part, de vulgariser après observation que le secteur public est rationnel dans sa gestion.

Cette pratique évolue à une vitesse incroyable, laquelle fait aujourd'hui que les usagers sont amenés à participer dans la vie publique, et cela est connu sous le nom de « participation des usagers ». Ainsi, les usagers participent non seulement au service public, mais également au processus de décision, à la gestion et au contrôle.

2. Le New Public Management : une notion plurivoque pour une masse de diligences