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3.1 Espaces-temps topologiques et théorème de Geroch

3.1.5 Théorème de Geroch

Le théorème de séparation de Géroch énonce qu’une variété lorentzienne globalement hyper-bolique admet une surface de Cauchy.

Définition 3.1.53 (Globalement hyperbolique). SoitM un espace-temps topologique,M est glo-balement hyperbolique siM est causal et si pour toutp, q∈M,JM(p, q)est compact.

Définition 3.1.54 (Surface de Cauchy). Soit M un espace-temps topologique, une surface de Cauchy dansM est une partieS⊂M telle que toute courbe causale deM intersecteS exactement une fois.

Théorème 8 (Geroch [Ger70]). Soit M une variété lorentzienne, les propriétés suivantes sont équivalentes

(i) M est globalement hyperbolique ; (ii) M admet une hypersurface de Cauchy.

3.1. Espaces-temps topologiques et théorème de Geroch

Ce théorème est fondamental dans l’étude des espaces-temps lorentziens et nous souhaitons avoir une version de ce théorème pour les espaces-temps plats singuliers. Une preuve complète serait à la fois laborieuse et, pour la plus grande partie, redondante vis à vis de la littérature. Nous nous contentons donc d’en retracer les étapes principales en suivant les points de la très claire exposition donnée dans [S´05] et en généralisant les points importants au contexte des espaces-temps plats singuliers.

Mesures admissibles

La première étape de la preuve de ce théorème est de définir des fonctions temps continues sur un espace-temps M, voir Définition 3.1.55. Un théorème classique de Hawking énonce que l’existence de fonctions temps est équivalent à la stabilité causale. D’une part cette notion n’est pas encore clairement définie pour les espaces-temps topologiques et le travail nécessaire à la recherche des hypothèses minimales pour énoncer une généralisation du théorème de Hawking n’a pas encore été fait. La méthode classique [Ger70, HS74, Die88, S´05] pour construire des fonctions temps continues consiste à construire une mesure µ finie sur M compatible avec la topologie deM et sa causalité ; une telle mesure s’appelle une mesure admissible(Définition 3.1.56) ; puis d’étudier la continuité des fonctionst± ∶x↦ µ(J±(x)). Usuellement, les I± sont utilisés comme support de la mesure admissible, cela n’est pas possible en général car ceux-ci peuvent être vides ! La notion de passé et futur continûment atteignable 3.1.39 qui généralise I± comme support de mesure admissible à des espaces-temps plus généraux incluant le cas desE1,02-variété.

Définition 3.1.55 (Fonction temps). Soit (M,≤,≪)un espace-topologique, une fonction temps

T sur M est un morphisme d’espaces-temps topologiques (M,≤,≪)���→T (R,≤,<).

Définition 3.1.56 (Mesure admissible). SoitM un espace-temps topologique, une mesure µ sur

M est admissible dans le passé (resp. le futur) si elle satisfait les propriétés suivantes : 1. µest une mesure de Borel régulière sur M;

2. µ(M) < +∞;

3. pour tout p, q∈M, sip<q alors

µ(J−(q)∖J−(p)) >0 (resp. µ(J+(q)∖J+(p)) >0).

4. pour tout A⊂M,µ(J−(A)∖K−(A)) =0 (resp.µ(J+(A)∖K+(A)) =0).

Proposition 3.1.57. Soit M une variété lorentzienne fortement causale, alors M admet une mesure admissible dans le passé et le futur.

Démonstration. CommeM est fortement causale et lorentzienne, la topologie d’Alexandrov est la topologie de la variétéM. Dans ce cas,K±=I±, on peut alors se rammener au résultat classique, voir par exemple [S´05] Section 3.1.

Proposition 3.1.58. SoitM un espace-temps topologique causalement connexe par arc et forte-ment causal tel que

(i) pour tout p∈M, il existe un voisinage ouvert Up de pcausalement convexe dans M et une mesure admissible dans le passé surUp;

(ii) pour tout p∈M et toutq≤pon a K−(q)⊂K−(p);

(iii) pour toutp∈M et toutq∈K−(M), il existe une courbe causale passée c∶[0,1]→K−(p)de

pàq telle que

Chapitre 3. Généralisations de théorèmes classiques aux espaces-temps plats singuliers, un détour par les espaces-temps topologiques

alors il existe une mesure admissible surM.

Démonstration. Supposons que pour tout p M, il existe un voisinage U de p et une mesure admissible surU. Comme M est à base dénombrable, il existe une famille (Un)n∈N d’ouverts de

M recouvrantM et telle que pour toutn∈N,Un admet une mesure admissible et Un est . On se donne alors pour toutn∈Nune mesureµn surUn admissible de normalisée :∀n∈N, µn(Un) =1. On pose alorsµ∶=∑n∈N2n−1µn.

Comme chaque µn est de Borel régulière normalisée,µ est de Borel régulière de volumefini. Soientp<q∈M, comme la causalité de M est absolument minimale, il existen0∈Net q′∈Un0

telsp∈Un0 etp<Un0 q′. µ(J−(q)∖J−(p)) > µ(J(p)∖J−(p)) (3.5) µn0((J−(p)∖J−(p))∩Un0) (3.6) = µn0((J− Un0(q)∖J− Un0(p)) (3.7) > 0 (3.8)

L’avant dernière ligne est obtenue par convexité causale deUn.

Pour démonter la propriété 4., commeM est causalement connexe par arc,M est absolument minimal. On poseK−,(0)(A) =K−

U1(A), puis

K−,(n+1)(A) =K−,(n)(A)∪K−

Un+1(K−,(n)(A)∩Un+1).

Avec la convexité causale des(Un)n∈Net les hypothèses "techniques"(ii),(iii)on vérifie que pour toutn∈N,

K−(A)∩(U1∪ ⋯ ∪Un) =K−,(n)(A).

Finalement,K−(A) =⋃n∈NK−,(n)(A)et la propriété 4. se vérifie par récurrence sur(K−,(n))n∈N

Proposition 3.1.59. SoitM un espace-temps topologique. Si M est tarentin et globalement hy-perbolique alors pour toutK⊂M compact, J±(K)est fermé.

Démonstration. SupposonsM globalement hyperbolique et tarentin. On commence par démontrer que pour toutp∈M,J+(p)est fermé.

Soitp∈M, commeM est à base dénombrable, il suffit de montrer queJ+(p)est séquentielle-ment fermé. Soit alors(qn)n∈N une suite deJ+(p)convergeant vers un certainq∈M. CommeM

est tarentin, on se donneq′∈I+(q)de sorte queJ−(q)est un voisinage deq. Pournassez grand,

qn∈J−(q)et doncqn∈JM((p, q′)pour nassez grand. CommeM est globalement hyperbolique,

JM(p, q′)est compact donc fermé et doncq∈JM(p, q′)⊂J+(p). On en déduit donc queJ+(p)est fermé.

Proposition 3.1.60. SoitM un espace-temps topologique tarentin. Si M est globalement hyperbolique, alorsM est fortement causal.

Démonstration. Soitp∈M etU un voisinage dep. Supposons par l’absurde que pour touta, b∈U

tels quep∈J˚M(a, b), on aitJM(a, b)⊄U. Comme M est tarentin, il existe des suites(an)n∈N et

(bn)n∈Nrespectivement croissante et décroissante de points deU tendant verspet telles que pour tout n∈N, p∈ M(an, bn). La suite (JM(an, bn)∖U)nN est une suite décroissante de compacts non vides carM est globalement hyperbolique et séparé, donc, par Borel-Lebesgue,

n∈N

(JM(an, bn)∖U)≠ ∅.

Soitqun point de cette intersection. On remarque que pour toutn∈N,an∈J−(q)etbn∈J+(q); oran, bn n→+∞

���→pet J±(q)sont fermés d’après la proposition 3.1.59. Ainsip∈J±(q), c’est-à-dire

3.1. Espaces-temps topologiques et théorème de Geroch

On se donne alorsa, b∈M tels quep∈J˚M(a, b)⊂U. L’ouvertJ˚M(a, b)contientp, est inclus dans

U et est causalement convexe dansM. Finalement,M est localement causalement convexe donc fortement causal.

Proposition 3.1.61. Soit M un espace-temps topologique. Si M est tarentin, globalement hy-perbolique et si µ est une mesure admissible dans le passé (resp. dans le futur) sur M, alors

p↦µ(J−p))(resp.p↦µ(J+p))) est continue.

Démonstration. Soientp∈M,ε>0 et(qn)n∈Nune suite tendant versp. • On se donneC⊂K−(p)un compact tel queµ(K−(p)∖C) <ε.

CommeC⊂K−(p),C est recouvert par les ouverts IntJ−(p)� �

n≥N

J−(q

n)∩J−(p)�, N ∈N;

commeC est compact, il existe un recouvrementfini de C par ces mêmes ouverts. Il existe doncN∈Ntel que pourn≥N,

C⊂J−(q

n)∩J−(p)⊂J−(q

n)

On se donne un telN ∈N, pour toutn≥N, on a donc

µ(J−(q

n))≥µ(C)≥µ(K−(p))−ε=µ(J−(p))−ε.

• On se donneC⊂M∖J−(p)un compact tel queµ(C) >µ(M∖J−(p))−ε.

Comme C est compact et M globalement hyperbolique, J+(C) est fermé. Comme C

M∖J−(p), on ap∉J+(C), doncM∖J+(C)est un voisinage ouvert dep. On se donneN∈N

tel que pour toutn≥N,qn∉J+(C), on a alors :

µ(J−(q

n))≤µ(J+(q)) +µ(M∖C)≤µ(J+(q)) +ε.

On en déduit quep↦µ(J−(p)est continue et on démontre de la même manière quep↦µ(J+(p)

est continue siµest admissible dans le futur.

Fonction temps de Cauchy d’un espace-temps globalement hyperbolique

Définition 3.1.62(Fonction temps de Cauchy). SoitM un espace-temps topologique, une fonction tempsT est de Cauchy si pour toute courbe causalec∶R→M inextensible,

−lim

−∞(T○c) =lim

+∞(T○c) = +∞.

Théorème 9 (Geroch généralisé). SoitM un espace-temps topologique métrisable et localement compact. On suppose de plus M tarentin, causalement connexe par arc, localement causalement convexe et tel que pour tout p M, J±(x) {x}. Si M admet un couple (µ+, µ−) de mesures admissibles respectivement dans le futur et le passé, alors les propriétés suivantes sont équivalentes :

(i) M est globalement hyperbolique,

(ii) M admet une fonction temps de Cauchy, (iii) M admet une hypersurface de Cauchy. Esquisse de démonstration.

Chapitre 3. Généralisations de théorèmes classiques aux espaces-temps plats singuliers, un détour par les espaces-temps topologiques

(i)⇒(ii)

SupposonsM globalement hyperbolique. On utilise la proposition 3.1.61 pour montrer que les fonctions t+ x µ+(I+(x)) et t− x ↦ −µ−(I−(x)) sont des fonctions temps (donc continues) ; on pose alors

T

M �→ R

x �→ log�−tt+((xx)) .

T est une fonction temps et supposons que lims→0T○c(s) >−∞pourc∶I→M une courbe causale future donnée avec I= [0,1]ouI=]0,1]. On se donne alors une suite (xn)n∈N∈IN

décroissante tendant vers 0 et on a lim n→+∞µ(I(c(xn))) = lim n→+∞µ(J(c(xn))) =l>0 Par suite, µ(⋂n∈NJ−(c(x n)))≠0 et donc il existeq∈ ⋂n∈NJ−(c(x n)). La courbe causalec

est entièrement incluse dans J+(q) et pourt < 1,c(t)∈JM(q, c(0)) qui est compact ; par suite,c(s)admet des valeurs d’adhérences lorsquestend vers 0. Sicadmettait deux valeurs d’adhérences distinctesp1etp2, alors il existerait des voisinages convexes disjointsU1et U2

respectivement de p1 et dep2 carM est séparé et fortement causal par la propriété 3.1.60. La courbec devant revenir une infinité de fois dans U1 etU2, cela contredirait la convexité causale de U1 et de U2. On en déduit que c n’a qu’une seule valeur d’adhérence et donc admet une limite p en 0. Si I =]0,1] alors c est extensible en posant c(0) =p. Supposons à présent I = [0,1]. Il existe q′∈J−(p)∖{p} donc, par convexité causale par arc, on peut prolonger c en lui ajoutant une courbe causale future de q′ à p, et donc c est extensible. Finalement, pour toute courbe inextensible dans le passéc∶I→M, lims→infIT○c(s) =−∞. On démontre de la même manière que pour toute courbe inextensible dans le futurc∶I→M, limssupIT○c(s) = +∞. AinsiT est de Cauchy.

(ii)⇒(iii)

Il suffit de prendre S=T−1(0)comme hypersurface de Cauchy. (iii)⇒(i)

Cette étape est technique et utilise la notion de quasi-limite d’une suite de courbe causale (Définition 7 p.407 [O’N83]). La démonstration est l’objet de la proposition 8 et du théorème 35 p.415 de [O’N83]. Cette preuve est identique sous l’hypothèse de métrisabilité et de compacité locale.

Ce « théorème de Géroch » n’implique pas complètement le théorème de Geroch usuel pour les variétés lorentziennes. Il manque en effet deux éléments, d’une part le fait que la topologie d’un espace-temps globalement hyperboliqueM est scindée :M ≃Σ×R; d’autre part, toute surface de Cauchy est uneC0-surface. Le premier point est faux pour les espaces-temps topologiques généraux comme le montre l’exemple de deux copies de (R,≤,<) collées le long de R− : cet espace-temps topologique est globalement hyperbolique, on remarque qu’il admet bien une fonction temps de Cauchy mais il n’est pas topologiquement scindé. Le second point n’a de sens que si M est une variété de classe au moins C0, nous reviendrons dessus lorsque nous aborderons le théorème de Seifert-Bernal-Sanchez.