3.2 Espace-temps plat singulier
3.2.4 Surface de Cauchy lisse : existence et propriétés
Un résultat classique énonce qu’une partie acausale d’une variété lorentzienne est une sous-variété de classe C0 (et même Lipchitz). En particulier, une surface de Cauchy est une sous-variétéC0. Le problème à présent est l’existence de surface de CauchyCk dans les espaces-temps globalement hyperboliques.
Définition 3.2.12 (Surface de type espace). SoitM une variété lorentzienne. Une surfaceΣde classe C1 est de type espace si la métrique induite surΣest non-dégénérée et définie positive.
Seifert [Sei77] a été le premier à poser la question suivante :
Problème. SoitM un espace-temps globalement hyperbolique, admet-il une surface de Cauchy de classe Ck pourk≥1? Cette surface peut-elle de plus être choisie de type espace ?
Seifert donna une réponse positive pourM un espace-temps semi-riemannien mais la preuve proposée se révéla incorrecte. De nombreuses tentatives ont été consacrées à la résolution de ce problème, toutes ont été invalidées sauf les deux dernières : une de Bernal et Sanchez [BS03] et une autre de Fathi et Siconolfi[FS12].
Théorème 11([BS03], [FS12] ). SoitM uneE1,2-variété globalement hyperbolique,M admet une surface de CauchyC∞ de type espace.
L’objet de cette section est d’étendre ce théorème aux espaces-temps plats singuliers.
Définition 3.2.13. SoitM un espace-temps plat singulier globalement hyperbolique et soitΣune surface de Cauchy deM.
• Σest essentiellement lisse (resp. essentiellement lisse par morceaux) siΣ∩Reg(M)estC∞
(resp.C∞ par morceaux) ;
• Σ est essentiellement lisse (resp. essentiellement lisse par morceaux) et de type espace si
Σ∩Reg(M)est lisse (resp. lisse par morceaux, resp. lisse) et de type espace.
Théorème 12. SoitM un espace-temps plat singulier globalement hyperbolique, alorsM admet une surface de Cauchy essentiellement lisse de type espace.
Démonstration. SoitΣ1 une surface de CauchyC0 deM. • Étape 1 Soit Sing≥0(M) = � i∈Λ0 Δi � i∈Λ>0 Δi
la décomposition du lieu singulier de M en composantes connexes avec ∀i ∈ Λ0,Δi ⊂
Sing0(M) et ∀i ∈Λ>0,Δi ⊂ Sing>0(M). Pour tout i∈ Λ≥0, d’après le lemme 3.2.4, Δi est courbe causale inextensible deM et donc intersecteΣ1 exactement une fois ; on pose alors
pi=Σ1∩Δi le point d’intersection deΔiavecΣ1. Soiti∈Λ≥0, on se donne
(Ui,E1αi,2,Ti,φi) Ti∶= {τ∈[τ−
i,τi+],r≤Ri}
une carte tubulaire au voisinage depi. Sii∈Λ0, on pose
D−
i =φ−1
i ({τ=τ−
i, r≤R}) D+i ∶= {τ=τi+, r≤Ri}.
Dans ce cas,I−(Σ
1∩Ui)est voisinage ouvert du rayon BTZ passéJ−(p
i)∖{pi}issu depi. Le passé deΣ1 contient un voisinage deD−
i ∩J−(p
i)donc quitte à prendre unRi plus petit, on peut supposerD−
i ⊂I−(Σ
1); quitte à prendreRi plus petit encore, nous pouvons supposer
3.2. Espace-temps plat singulier
CommeΛ≥0 est dénombrable, on peut construire par récurrence une famille de cartes tubu-laires(Ui,E1αi,2,Ti,φi)i∈Λ≥0 telle que pour tout i∈Λ≥0,Ui est disjoint de⋃j≠iJ±(Uj)et telle que N =� � i∈Λ0 J+(D+i)∪J−(D− i)� ∪⎛⎝ � j∈Λ>0 J+(pj)∪J−(p j)⎞ ⎠
est fermé. On pose alorsM′=Reg(M∖N).
Les diamants de M′sont compact et M′ est causal, d’après le théorème 9,M′admet donc une surface de CauchyC0. De plusM′est uneE1,2-variété donc une variété lorentzienne, le théorème 11 assure l’existence d’une surfaceΣ2 de Cauchy deM′ lisse et de type espace. • Étape 2a
Il nous faut à présent prolongerΣ2 en une surface de Cauchy putative deM. Commençons par prolongerΣ2 aux singularités massives. NotonsDR le disque compact de rayon Rdans
E2 etD∗
R∶=DR∖{0}le disque épointé. Considérons la particule massiveΔj passant par pj
pour un certainj∈Λ≥0 et une carte tubulaire(U,E1α,2,T,φ)avecT = {t∈[t−, t+], r≤R}et
pj ∈U. On peut supposer t(φ(pj)) = 0,t−=−t+ et R=t+ de sorte que {t =t±, r<R} est exactement la base du côneJ±(φ(pj)dansT.
On considère la projection
π∶ φ((Σ2∩U)∪{pj}) �→ DR
x �→ (r(x),θ(x)) . – D’une part, on remarque queπest continue ;
– d’autre part, pourr0∈]0, R]et θ0∈R/2πZ, les courbes causales φ−1({r=r0,θ=θ0, t∈ ]−r0, r0[})sont inextensibles dansM′. Elles intersectent doncΣ2exactement une fois, on en déduit donc queπest bijective ;
– enfin, soit (qn)n∈Nune suite de points de Σ2∩U telle quer○φ(qn)���→n→+∞ 0. Comme
Σ2est coincé entreJ+(pj)etJ−(p
j), on a pour toutn∈N,∣t○φ(qn)∣<r○φ(qn); donc
qn→pj. Par suiteπ−1 est continue et doncπest un homéomorphisme. • Étape 2b
Prolongeons à présentΣ2au singularités BTZ. Soitpiun point BTZ aveci∈Λ0, nous avons un voisinage tubulaire(Ui,E10,2,Ti,φi)depi. La surfaceφ(Σ2∩U) est prisonnière entreD+i
et D−
i, De la même manière que précédemment, on montre que la projection
π∶φ(Σ2∩U)→D∗
R
est un homéomorphisme. Posonsf ∶=τ○π−1∶D∗
R→[τ−,τ+]de sorte queφ(Σ∩U)s’identifie au graphe de f. Soit (an)n∈N une suite de points de D∗
R tendant vers 0. Par compacité,
(τ(an))n∈Nadmet des valeurs d’adhérence, si elle en admet deux, disonsτaetτbavecτa<τb, alors,(τa,0))appartient à l’ouvertI−(π−1(an))une infinité den∈N; ainsi il existen, m∈N
tels queπ−1(an)∈I−(π−1(bm)). OrΣ2est acausale, c’est absurde et donc τa=τb. Par suite
(τ(an))n∈N converge etπ−1 se prolonge continûment en une application
DR→φ(Σ2∩U)∪{qi}
qui est alors un homéomorphisme (pour un certainqi∈Δi). On définit donc la surface essentiellement lisse et de type espace
Chapitre 3. Généralisations de théorèmes classiques aux espaces-temps plats singuliers, un détour par les espaces-temps topologiques
• Étape 3
Montrons queΣest une surface de Cauchy deM. Soitcune courbe causale future inextensible deM. Commençons par remarquer que N se décompose en
N =N+∪N− avec N±= �
i∈Λ0
J±(D±i) �
j∈Λ>0
J±(pj).
Une courbe causale future entrant dans N+ ne peut plus quitterN+ et une courbe causale quittantN−ne peut plus y revenir. Ainsi, c=c−∪c0∪c+, oùc−, c0, c+ sont les intersections decavecN−, M∖N et N+ respectivement.
– Sic0=∅alorsc⊂N donc
c∩Σ1⊂N∩Σ1= {pj∶j∈Λ≥0} =Σ∩N.
cintersecte donc Σexactement une fois à unpj pour un certainj∈Λ>0.
– Si c0≠ ∅, alors d’après le lemme 3.2.4, c0 se décompose en une partie BTZ Δ et une partie non BTZc1 avecΔ dans le passé dec1. On a alorsc=c−∪Δ∪c1∪c+.
∗ Sic1≠ ∅, alorsc1 est inextensible dansM′et intersecte doncΣ2 etΣ, exactement une fois. Si qi ∈ Δ pour un certain i ∈ Λ0, alors qi ∈ J−
M(Σ2)∖Σ2 = I−(Σ
2). Cependant,I−(Σ
2)est ouvert et qi∈Σ2, doncI−(Σ
2)∩Σ2≠ ∅ce qui est absurde puisqueΣ2 est acausal dansM′. Finalement,c∩Σ=c1∩Σqui est un singleton.
∗ Sic1=∅, alorsΔest une composante connexe de Sing0(M∖N). Ces composantes connexes contiennent exactement un des(qi)i∈Λ0 doncc∩Σ=Δ∩Σest un singleton.
Lemme 3.2.14. SoientM un espace-temps plat singulier globalement hyperbolique etΣune sur-face de Cauchy de M essentiellement lisse par morceaux et de type espace. En notant DR= {r≤
R}⊂E2. Pour toutp∈Σ, il existe une carte(U,E1α,2,T,φ)au voisinage deptelle que • T = {τ∈[τ1,τ2],r≤R}siα=0;
• T = {t∈[t1, t2], r≤R} siα>0;
• Σ∩U = {(f(r,θ), r,θ)∶(r,θ)∈DR} pour une certain fonction f ∶DR→Rcontinue sur DR
et lisse par morceaux surD∗
R.
Démonstration. Soit α ≥ 0, dans une carte au voisinage de p localement modelé sur E1α,2, et soit π ∶ E1α,2 → E2α la projection verticale de E1α,2. Quitte à prendre U plus petit, U peut être supposé causalement convexe dans M, les droites verticales de T pouvant être prolongées en des courbes causales inextensibles de M intersectent alors Σ′ ∶= φ(Σ∩U) exactement une fois et donc π∣DR
∣Σ′ ∶φ(Σ∩U)→DR est bijective, continue et est donc un homéomorphisme. On pose
f∶=t○ �π∣DR
∣Σ′ �−1 siα>0 etf ∶=τ○ �π∣DR
∣Σ′ �−1 siα=0.
La surfaceΣ′est de type espace donc les plans tangents à Reg(φ(Σ∩U))sont toujours trans-verses à la direction deπqui est de type temps siα>0 et de type lumière siα=0. Par conséquent,
f est lisse par morceaux surD∗
R.
La métrique riemannienne sur Reg(Σ)induit une structure d’espace de longueur sur Reg(Σ)
et une fonction distance sur Reg(Σ) ×Reg(Σ). La proposition suivante prolonge cette structure d’espace de longueur àΣtout entier.
Proposition 3.2.15. Soit M un espace-temps plat singulier et soit Σ une surface de Cauchy essentiellement lisse et de type espace. Alors, la fonction distance sur Reg(Σ) ×Reg(Σ) s’étend continûment à Σ×Σ.