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Théodore Monod, qui se dit handicapé par son âge (il a alors 72 ans) ; le commandant Cousteau, qui refuse

alors qu’il figure parmi les personnalités les plus connues et les plus unanimement appréciées des Français à l’époque et Charles Loriant, militant écologiste, qui est jugé trop peu connu. 46 Voir sur ce point Yves FRÉMION, Histoire de la révolution écologiste, op. cit., p. 126. 47 Sont finalement opposés à sa candidature les militants engagés de la Ligue pour la protection des oiseaux et de la Fédération française des sociétés de protection de la nature, les soutiens de la gauche classique (certains journalistes de La Gueule ouverte) et les « antiparti ». Philippe Saint Marc a finalement soutenu Valéry Giscard d’Estaing. Voir Yves FRÉMION, Histoire de la révolution écologiste, op. cit., p. 124.

48 Wilfrid SÉJEAU, « René Dumont agronome », Ruralia, n° 15, 2004, consultable sur http://ruralia.revues.org/1027.

49 Les sources divergent sur ce point.

50 Un collectif issu de la mobilisation contre la loi Debré de 1973 qui prévoyait la suppression des sursis militaires pour les étudiants.

géographie, syndicaliste à l’École émancipée51, anciennement proche de Socialisme ou

barbarie52 et militant antinucléaire) et Christian Brodhag (un étudiant de l’école des Mines)...

Se présentant comme le candidat « sérieux, propre et pauvre »53, soutenu par « plus de

cinquante associations et cent mille adhérents »54 il décline, à chaque intervention télévisée,

les fondamentaux de l’écologie politique. Si l’on a surtout retenu celle du 19 avril 1974, restée célèbre pour le « je bois devant vous un verre d’eau précieuse… »55 ou le « La voiture

ça pue, ça pollue, ça rend con » du déplacement du 2 mai en Bretagne, c’est à chacune de ses apparitions que René Dumont égrène les grandes mesures de son programme56 : réduction

des « sur consommations », arrêt du pillage des ressources du tiers-monde, contrôle démographique pour éviter la famine, droit à la contraception et à l’avortement, lutte contre l’inégale répartition des richesses et l’inégale utilisation des ressources naturelles, amélioration des conditions de travail des salariés de l’industrie, développement de nouvelles énergies, décentralisation des pouvoirs…

Près de quarante ans après avoir mené une campagne dénonçant la personnalisation politique et la financiarisation électorale, René Dumont, « candidat des mouvements sociaux, candidat des luttes »57, reste dans les mémoires écologistes comme « l’homme au pull

rouge », celui qui a bu un verre d’eau à la télévision, et qui a fait connaître l’écologie. Si cette candidature a pu être qualifiée par les médias de « surprise »58, ce n’est pas en raison du

score du candidat (1,3 %), mais du message politique qu’il entendait porter (la finitude des ressources naturelles et la nécessaire adaptation des comportements humains à cette réalité n’étaient évoquées par aucune autre force politique) et de son style (il ne portait pas de costume, avait les cheveux relativement longs, était visiblement encore plus intimidé que les autres candidats par la caméra, ne parlait souvent qu’à partir de notes rédigées, dans un style et sur un ton qui signalait plus son habitus professoral que sa vocation politique…).

51 L’École émancipée regroupe des militants syndicaux et pédagogiques et fait partie de la FSU.

52 Organisation marxiste antistalinienne fondée en 1948 par scission du Parti communiste internationaliste (PCI), auto dissoute en 1967. Voir Philippe GOTTRAUX, Socialisme ou Barbarie. Un engagement politique et

intellectuel dans la France de l'après-guerre, Lausanne, Payot, 1997 et plus récemment Marie-France RAFLIN, Socialisme ou barbarie, du vrai communisme à la radicalité, Thèse pour le Doctorat de Science politique, IEP de

Paris, 2005.

53 Voir son allocution du 19.04.74 sur http://www.ina.fr/politique/allocutions- discours/video/CAF88000834/rene-dumont.fr.html

54 Aux dires de René Dumont lors de son intervention télévisée du 19 avril 1974 sur http://www.ina.fr/politique/allocutions-discours/video/CAF88000834/rene-dumont.fr.html 55 http://www.ina.fr/video/I09167743/rene-dumont-je-bois-devant-vous-un-verre-d-eau-precieuse.fr.html 56 Voir ses interventions télévisées des 22 et 24 avril sur http://www.ina.fr 57 D’après Jean-Luc BENNAHMIAS et Agnès ROCHE, Des Verts de toutes les couleurs. Histoire et sociologie du mouvement écolo, Paris, Albin Michel, 1992, p. 37. 58 Voir notamment « La République des présidents. Du présidentiable au président », documentaire réalisé en 1995 par Jean Lassave. Disponible sur www.ina.fr

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La candidature de René Dumont est considérée, dans les récits officiels, comme un moment fondateur. Appropriée par les biographes du parti vert, elle est présentée comme l’événement59 qui a permis d’impulser le double mouvement d’« écologisation de la vie

politique » et de « politisation60 de l’écologie61 ». Elle est, à ce titre, également citée par

nombre de nos enquêtés pour justifier de leur engagement. Dans les deux cas, il nous semble que, si la saillance de cette candidature est en partie le fruit d’une reconstruction a

posteriori, elle a convaincu néanmoins une part des écologistes du bien-fondé de participer

au jeu politique. C’est sur cette conviction que des militants écologistes se rassemblent, aux Assises de Pierrelatte de septembre 1974, pour créer le Mouvement écologique (ME). Présidé par Antoine Waechter et animé par Solange Fernex, et considéré à ce titre comme l’ancêtre du parti vert, il est de taille fort restreinte et vit peu. Il ne rassemble en effet que les militants les plus convaincus de l’utilité de se retrouver dans une organisation pérenne (ceux du groupe Survivre et vivre, et quelques autres militants, dont Philippe Lebreton62,

que l’histoire officielle considère comme des acteurs importants de la généalogie des Verts), les autres préférant se réunir autour des collectifs électoraux, territorialisés et ponctuels qui continuent d’encadrer les candidatures écologistes – et parfois les leurs ! – aux municipales de 1977, aux législatives de 1978 et aux européennes de 1979, et qui concurrencent directement le ME. Si l’histoire officielle fait de l’opposition entre les premiers et les seconds la preuve que la soumission aux règles du champ politique ne va pas de soi pour les écologistes, les récits de nos enquêtés montrent, qu’à tout le moins, la politisation des militants et leur volonté de s’inscrire dans le cadre de la compétition électorale sont présentes dès le départ. Les Amis de la terre se sont en effet transformés en Réseau des Amis de la terre (RAT) en 1977 et leur vocation à participer aux élections s’est affirmée. Dans l’intervalle 1974-1979, les candidatures et les campagnes se sont multipliées. Brice Lalonde a été candidat à une élection législative partielle à Paris en 1976 (René Dumont était son suppléant) puis aux municipales de 1977 avec le collectif Paris écologie ; Écologie 78 a porté les candidatures législatives, notamment celles de Solange Fernex, Brice Lalonde, Didier

59 Au sens de rupture d’intelligibilité. D’après Alban BENSA et Éric FASSIN, « Les sciences sociales face à l’événement », op. cit.

60 Ici entendue au sens d’inscription dans l’espace spécifique des positions politiques et partisanes.

61 Pour René Dumont, l’écologie ne peut être que « de gauche ». S’il n’a pas donné de consigne de vote pour le deuxième tour en 1974, il a déclaré après avoir rencontré François Mitterrand le 8 mai 1974, qu’il voterait pour lui.

62 Il est alors professeur d’université et dirige le Laboratoire de phytochimie et de phytophysiologie de l’université de Lyon I. Militant de l’environnement et des luttes antinucléaires, il a fondé plusieurs associations (dont le Centre ornithologique Rhône-Alpes et la Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature). Il siège au bureau du conseil d’administration de la Fédération française des sociétés de protection de la nature depuis 1973, et il est membre de la Société nationale de protection de la nature et du World Wild Foundation-France.

Anger, Antoine Waechter, Jean Brière63, Guy Cambot64 ou encore Philippe Lebreton et

Europe-écologie, celles de Solange Fernex et Didier Anger pour les élections européennes de 1979. Une Coordination interrégionale des mouvements écologistes (CIME) a également été mise en place et, forte de la dynamique électorale, une partie minoritaire du Mouvement écologique s’est transformé, en marge des Assises de Dijon des 24 et 25 novembre 1979, en Mouvement d’écologie politique (MEP). Il rassemble alors la minorité des écologistes convaincus de l’utilité de s’ancrer dans le champ politique, parmi lesquels la plupart des écologistes déjà concernés par les luttes électorales (dont Brice Lalonde, Antoine Waechter, Solange Fernex et Didier Anger) et des militants engagés dans divers collectifs, syndicats ou associations. Guy Cambot en est le secrétaire général.

Parmi nos enquêtés, François Degans fait partie des membres fondateurs de ces premières organisations politiques écologistes. Né en 1942 de père inconnu, il est élevé par sa mère, employée des assurances, soucieuse « de qualité et de beauté, et préoccupée par la disparition progressive des artisans »65. Enfant tuberculeux, grand lecteur et amoureux de la

nature qu’il parcourt tranquillement avec son oncle professeur de médecine, il passe beaucoup de temps à étudier. Élève brillant, il s’intéresse à tout et s’ennuie d’autant plus à l’école que sa famille lui procure toutes les satisfactions intellectuelles et culturelles que sait encore offrir la bourgeoise « en déclin »66 à ses descendants. Il accumule néanmoins les

titres scolaires, comme s’il s’agissait non seulement de « se maintenir à tout prix »67 mais

encore de lutter contre la honte sociale que le statut de « fille-mère » de sa mère, dont il est très proche, implique malgré tout. Il passe deux baccalauréats, l’un en lettres, en 1958, l’autre en philosophie et sciences en 1959. Il entre à la faculté de droit en 1960, soutient son doctorat en 1969, un an après n’avoir effectué qu’en partie son service militaire. Victime d’un malaise pendant un exercice, il « fait Mai 68 à l’hôpital ». Entré à Sciences Po Paris, il échoue au concours de l’ENA, et retourne à Montpellier où il occupe un poste d’enseignant à la faculté de droit. Durant toutes ses études supérieures, il milite dans des groupes de droite, où trouvent à s’exprimer les valeurs conservatrices du milieu social dont il est issu. Il est

63 Médecin, ancien communiste (de 1956 à 1962), opposé à la guerre d’Algérie, il a participé à Mai 68 et aux luttes pour la légalisation de l’avortement. Irradié dans l’exercice de ses fonctions médicales, il milite contre le nucléaire.

64 Proche d’Antoine Waechter, il est souvent décrit comme son « lieutenant », son « intelligence stratégique ». Né en 1928 dans une famille de juristes bordelais, il est diplômé en droit public et économie politique et a dirigé la Société nationale de financement de Côte-d’Ivoire. Revenu en France vers 1965, il travaille comme clerc de notaire à Uzès, où il milite dans une association d’écologie urbaine.

65 Entretien réalisé par téléphone le 2 juin 2008.

66 Au sens de Pierre BOURDIEU et Monique de SAINT MARTIN, « Anatomie du goût », Actes de la recherche en

sciences sociales, vol. 2, n° 5, 1976, p.2- 81.

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notamment président de la section de la Fédération nationale des étudiants de France68 à

Sciences Po, soutient Alain Poher lors de l’élection présidentielle anticipée de 1969, puis fonde, en 1971, un groupe de réflexion politique mais « sans visée électorale », précise-t-il. Séduit par la candidature de René Dumont à l’élection présidentielle, qu’il interprète comme une invitation à l’ascétisme et à la préservation de la nature, il entre, dès 1974 au ME, et participe à toutes les transformations organisationnelles (ME de 1974 à 1979, MEP de 1979 à 1983, Confédération écologiste en 1983) jusqu’à la création des Verts en 1984. Il insiste, lors de notre entretien, sur la forte politisation69 des premiers verts, et ce d’autant plus

qu’elle est différente, du point de vue de son orientation, de la sienne :

F.D : Comme d’habitude dans les partis nouveaux, les deux tiers à peu près des gens étaient issus de mouvements anciens.

- De partis politiques ou de mouvements… ?

F.D : De partis politiques ! Ceux qui étaient au Mouvement écologique avec moi, puis au Mouvement d’écologie politique, plus de la moitié étaient issus du Parti communiste ! Vous ne les connaissez plus mais… C’est des gens qui en avaient eu marre du PC, faut pas le nier, mais qui, dans la façon de penser, essayaient de projeter dans le nouveau parti les méthodes et la façon de penser du PC ! Vous voyez, au PC, on croit au sens de l’Histoire, on croit à quelque chose de scientifique, d’objectif. Et bien pour eux, l’écologie, c’était quelque chose d’objectif, de scientifique, qui doit s’imposer aux autres. Une sorte de collectivisme au nom de l’urgence ! Tout d’un coup, c’était le retour d’une certaine rationalité, mais écologique. Elle est là la fracture, entre ceux qui cherchaient cela, et ceux qui justement critiquaient la rationalité et le monde tel qu’il est ! Mais ça ne pouvait pas plaire à des gens qui venaient de partis politiques…

Cette politisation, qui va à l’encontre de l’histoire officielle, est confirmée par le témoignage d’Andrée Buchmann qui insiste, pour sa part, sur la volonté d’utiliser Écologie et survie – dont elle a très vite fait partie – pour « dialoguer avec les institutions et relayer les luttes de terrain », et sur la vocation clairement électorale du MEP, auquel elle a participé après avoir fait la campagne de René Dumont. Elle siégeait même au bureau, dont elle a réalisé, un peu après coup, précise-t-elle, qu’il était une instance « très convoitée »70, preuve que la

concurrence pour les postes était déjà forte. Le milieu militant de l’époque était en effet extrêmement diversifié et complexe, et les minoritaires des assemblées générales toujours

68 Née de la scission avec l’UNEF en 1962 à l’occasion de la Guerre d’Algérie, elle rassemble en 1968 des étudiants proches de la droite modérée.

69 Au même sens que précédemment, voir supra p. 25.

70 Voir sur ce point Jean-Baptiste LEGRAVE, « Deux verts en politique : Entretiens avec A. Buchmann et Y. Cochet », Politix, vol. 3, n° 9, 1990, p. 7-14.

prompts à se transformer en petits entrepreneurs politiques, s’organisant par courants71

pour mieux marchander leurs votes et maintenir leur position, ou créant leurs propres organisations dans lesquelles ils monopolisaient de fait les positions dominantes72.

À la veille de l’investiture de Brice Lalonde pour l’élection présidentielle de 1981, ce milieu militant est composé de tout ce que compte l’écologie de « politiques » et d’« associatifs », rassemblés dans le RAT, le MEP et de « diversitaires », c’est-à-dire ceux qui ne se retrouvent dans aucune de ces organisations. Chacune participe à ce que l’on qualifierait aujourd’hui de primaire73, organisée à l’intérieur de la mouvance écologiste pour

choisir le candidat à l’élection présidentielle de 1981 : Brice Lalonde est le candidat du RAT, le MEP présente une « candidature-équipe »74 autour de Philippe Lebreton qui préside le

MEP désormais75, tout en continuant d’espérer la candidature du commandant Cousteau.

Plus de dix autres candidats sont également pressentis, qui n’appartiennent pas nécessairement à ces organisations : Jean-Claude Delarue76, Roger Garaudy77, Alain

Lombard78… Quant à Haroun Tazieff79 et Henri Laborit80, ils se déclarent finalement opposés

au principe même d’une candidature écologiste. Deux candidats s’affrontent finalement lors de la primaire81 : Brice Lalonde qui l’emporte au second tour contre Philippe Lebreton, avec

53,2 % des voix. L’association de soutien à Brice Lalonde, Aujourd’hui écologie, est créée pour organiser la campagne. Les cinq cent signatures sont difficilement obtenues82, les

appels réitérés de Solange Fernex et Didier Anger au commandant Cousteau perturbant en partie les démarches. Ce dernier annonce finalement son soutien à la candidature de Brice Lalonde à la mi-février et devient président du comité de soutien.

71 Nous entendons ce terme au sens de « regroupements partiels en interaction » tels qu’ils ont été définis dans Jacques LAGROYE, Bastien FRANCOIS et Frédéric SAWICKI, Sociologie politique, Paris, Presses de Science Po et Dalloz, (6e ed.), 2012. Les termes de « sensibilités » et de « tendances » sont également employés chez les Verts pour décrire ces regroupements. 72 Michel OFFERLÉ, Les Partis politiques, op. cit. 73 Nous n’avons pas encore pu consulter les archives de cette époque. Nous ne savons donc pas si ce terme était déjà employé ou s’il s’agit d’un anachronisme produit par la littérature militante contemporaine. 74 Pierre SERNE, op. cit., p. 29.

75 Il a été élu après l’exclusion de Jean-Claude Delarue, sanctionné pour avoir déclaré sans concertation sa candidature à l’élection présidentielle. 76 Fondateur de plusieurs associations (dont le Comité national antiBruit, SOS environnement…). 77 Militant et dirigeant du Parti communiste, Roger Garaudy se rapproche de l’extrême gauche après 1968. Il a été exclu du PCF en 1970. 78 Sensible à l’écologie, il est membre du Parti socialiste. 79 Le volcanologue est très visible à cette époque. Il a déjà publié deux ouvrages et participé à la réalisation de plusieurs documentaires.

80 Chirurgien et neurobiologiste, il est connu du grand public pour avoir vulgarisé les neurosciences, notamment en participant au film Mon oncle d'Amérique d'Alain Resnais sorti en 1980.

81 Leur organisation a donné lieu à de nombreuses négociations entre les représentants des différents mouvements. Un comité de neuf est constitué pour les organiser (3 MEP, 3 RAT, 3 diversitaires), dont Philippe Lebreton, Jean Brière, Yves Cochet, Brice Lalonde… Environ 1 800 militants auraient pris part au vote. 82 Brice Lalonde a obtenu 450 signatures d’élus non inscrits et 50 d’élus membres de partis politiques. Une polémique existe sur l’importance du soutien des élus centristes du CDS (minime selon Brice Lalonde, de 43 élus sur 50 pour d’autres). Voir notamment Raymond PRONIER et Vincent Jacques Le SEIGNEUR, Génération Verte. Les écologistes en politique, Paris, Presses de la Renaissance, 1992, p. 155.

123 Brice Lalonde ne débute pas en politique, nous l’avons vu. Ex-militant de l’UNEF et du PSU, dont il aurait été exclu pour avoir présenté sa candidature aux élections législatives de 1978 contre un candidat investi par ce parti, il a participé à plusieurs campagnes électorales et a déjà été candidat. Dans cette présidentielle, il renvoie dos à dos la gauche et la droite, toutes deux engagées « dans le triptyque productivisme, étatisme, nationalisme », et propose aux électeurs un programme qui tient en un slogan « Le pouvoir de vivre » et cinq points : « protéger la vie, briser la solitude, domestiquer l’économie, développer la solidarité mondiale, la démocratie du quotidien »83. La conduite de la campagne pose de nombreux

problèmes. Malgré la mise en place d’un « staff de campagne » (dont Yves Cochet84 et

Dominique Voynet85 font partie), Brice Lalonde recrute une équipe de permanents dont il

est proche. D’après certains récits, la campagne est émaillée de conflits et les reproches d’une dérive « médiatico-bonapartiste »86 faits à Brice Lalonde sont constants. Le candidat

reçoit le concours symbolique de René Dumont87, dont il modernise les modes de

communication. Aux spots de campagne où celui-ci apparaissait seul, en tenue décontractée, Brice Lalonde préfère les spots collectifs, où il converse avec des acteurs sociaux et des spécialistes. Si René Dumont avait fait « le coup du verre d’eau » pour illustrer la rareté des ressources naturelles, Brice Lalonde fait « le coup du jeu de quilles » pour symboliser le jeu politicien qu’il entend bousculer88. Il arrive finalement en tête des « petits candidats » avec 3,87 % des voix, et conformément à la décision collective, ne donne pas de consigne de vote pour le deuxième tour. Si la candidature de Brice Lalonde est clairement posée comme une candidature anti parti, ce qu’il avait rappelé dans ces allocutions officielles89, elle confirme néanmoins la conversion d’une partie des militants écologistes à la politique et leur capacité à apprendre rapidement à faire campagne.

83 D’après le spot de campagne officiel sur http://www.ina.fr/politique/partis- politiques/video/CAC01036532/brice-lalonde.fr.html.

84 Fils de chrétiens démocrates engagés au MRP, ex président de l’UNEF sciences de la faculté de Rennes où il a fait ses études de mathématiques, Yves Cochet a soutenu sa thèse (en 1971) et enseigne à l’Institut national des sciences appliquées. Il milite avec la Société pour l’étude et la protection de la nature en Bretagne (Bretagne vivante) et Eaux et rivières de Bretagne, et il est adhérent, depuis 1973, des Amis de la terre. Sur son entrée en écologie, voir Jean- Baptiste LEGRAVE, « Deux verts en politique : Entretiens avec A. Buchmann et Y. Cochet », op. cit.