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F AIRE FEU DE TOUT BOIS : UNE PRODUCTION DE DONNÉES ( DÉS ) ORDONNÉE ?

59 D’après carnet de terrain, n° 5.

3.4 F AIRE FEU DE TOUT BOIS : UNE PRODUCTION DE DONNÉES ( DÉS ) ORDONNÉE ?

Jonglant « entre impératifs méthodologiques et réalités de [m]on terrain »112, j’ai

procédé à « une construction progressive »113 de mes matériaux d’enquête et de mes

données, dans le cadre de laquelle la notion de corpus114 m’est apparue toute relative. Ayant accumulé un nombre important de matériaux avant mon entrée en enquête, puis certains au fil de l’eau sans avoir nécessairement envisagé leur place dans mon protocole d’enquête, j’ai jugé de leur pertinence au long cours et en fonction de leur « significativité »115, c’est-à-dire en fonction du « cheminement interprétatif et des esquisses théoriques qui s’élabor[ai]ent durant le déroulement même du travail de collecte […] [et] en raison d’un hasard plus ou moins assumé »116. Pariant ici, comme ailleurs, sur ma capacité d’accommodation spontanée aux situations117, sorte de « sens pratique » ajusté tant à l’activité de recherche qu’au milieu

Vert, j’ai finalement récolté une somme relativement conséquente de matériaux et de données.

Matériaux et données de l’enquête

- 10 carnets de terrain (observations de la commission thématique nationale « Économie et social », de groupes locaux dont deux représentatifs, et des événements et réunions organisés par le parti de 2006 à 2010)

- 69 entretiens semi-directifs d’une durée allant de 45 mn à près de 2 heures (la plupart sont complétés par des analyses de conversations informelles)

- 69 fiches individuelles, composées à partir de l’analyse des entretiens après retranscription et extraction des citations les plus significatives

111 Voir sur cette nuance Martin de la SOUDIÈRE, « L’inconfort du terrain », Terrain, n° 11, Mélanges, 1988, consultable sur http://terrain.revues.org/document3316html. 112 Magali BOUMAZA et Aurélie CAMPANA, « Des terrains ‘difficiles’ ? », Revue Française de science politique, Enquêter en milieu difficile, vol. 57, n° 1, 2007, p. 9.

113 Daniel FABRE, « L’ethnologue et ses sources », Terrain, n° 7, Approches des communautés étrangères en

France, 1986, consultable sur http://terrain.revues.org/index2906.html.

114 J’utilise cette notion avec précaution, partageant l’avis développé par Florence Weber dans « Archives orales et entretiens ethnographiques. Un débat entre Florence Descamps et Florence Weber », op. cit., selon lequel, pour les ethnologues, « l’unité pertinente n’est pas le ‘corpus’, mais l’enquête ».

115 Jean-François GOSSIAUX, « L’ethnologie au bout du compte », Terrain, n° 30, Le regard, 1998, consultable sur http://terrain.revues.org/index3452.html.

116 Ibid.

117 Daniel CEFAÏ, « Faire du terrain à Chicago dans les années cinquante. L’expérience du Field Training Project », op. cit., p. 130.

- 4 fiches d’analyse rétrospective des expériences professionnelles (conseil régional, réseaux d’élus, Cédis, groupe de travail « Développement économique-Emploi ») - Archives personnelles 2002-2014, dont programmes et presse interne du parti - Archives du parti : recensement des 18 palettes (221 cartons), analyse spécifique du fond « Yves Cochet » et des 21 boîtes dédiées à la presse interne - Plus de 10 listes de discussion permanentes et/ou ponctuelles. - Revue de presse aléatoire de 2002 à 2006, systématique à partir de 2006 du Monde, de Libération, du Figaro et du Parisien. J’ai tout d’abord réalisé des observations directes, plus ou moins participatives. Sachant que la participation n’était pas uniquement le moyen d’observer des interactions et des espaces auxquels je n’aurai pas autrement eu accès118, mais la modalité la plus habituelle de mon

rapport au terrain, je n’ai pas eu réellement à établir de stratégie d’observation pour entrer sur le terrain119. Mon terrain et ses spécificités ne m’obligeant à rien de particulier de ce

point de vue puisque j’étais déjà dans la place et que j’avais conscience de la nécessité dans laquelle je me trouvais de re-découvrir à chaque fois le milieu pour y voir quelque chose. En revanche, j’ai bien évidemment dû porter une attention particulière à la place – parfois différente de celle d’avant – que je décidais d’occuper pour observer, et aux conséquences que cela avait sur les enquêtés. J’ai, par exemple, toujours pris soin de ne pas trop m’afficher avec mes informateurs, pour ne pas éveiller de méfiance à leur endroit.

Trois périodes d’observation se sont ainsi succédées. J’ai, dans un premier temps, observé les réunions, événements internes auxquels j’étais habituée, en tentant de les voir différemment. Les précis de méthode m’ont été ici précieux, me permettant de dresser une liste quasi exhaustive de ce qu’il fallait observer et comment. J’ai observé les réunions et divers événements en prenant des notes dans mon carnet de terrain sur le moment, en changeant physiquement de place. Me tenir à l’arrière de la salle, ou sur ses côtés, parfois même en surplomb ou dans l’espace réservé à la presse m’a permis de déplacer mon regard, de voir comme depuis l’extérieur le déroulement de ces événements, leurs scénographies, les interactions et discours qu’ils abritaient, les us et coutumes qu’ils révélaient. Pour ceux qui m’étaient les plus proches, enquêtés ou pas, j’ai souvent théâtralisé la posture de l’ethnologue, comme pour mieux faire accepter de m’isoler et de ne plus systématiquement prendre part aux commentaires et traits d’humour qui qualifient l’entre-soi militant lors de ce type d’événements. « Là je fais la sociologue, on se voit après », suffisait dans un échange de sourires à faire accepter ma nouvelle manière d’assister aux événements militants.

118 Comme le suggérait notamment Christophe BROQUA, « L’ethnographie comme engagement : enquêter en milieu militant », op. cit.

119 Voir pour exemple les réflexions auxquelles se livrent généralement les chercheurs pour définir les modalités et stratégies d’observation pouvant constituer un idéal en terme d’apports de connaissance : Pierre FOURNIER, « Des observations sous surveillance », Genèses, n° 24, 1996, p. 103-119.

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Il ne m’a pourtant pas toujours été possible de me décaler, animant ou co-animant parfois certains d’entre eux. Dans ce cas, observatrice incognito, au moins pour les militants qui ne connaissent pas l’existence de mon enquête, je notais en différé et de mémoire, dans mon carnet de terrain, les faits ou propos les plus marquants, à propos desquels j’avais parfois griffonné en cachette sur l’un des papiers posés devant moi quelques mots clé, pour ne rien oublier. J’ai également adopté cette méthode pour noter ex-post mes commentaires relatifs à un entretien (description des lieux, des vêtements, des impressions relatives à l’interaction d’enquête…) me permettant de tenir compte dans mes analyses des conditions dans lesquelles l’entretien s’était tenu et qui l’avaient de fait influencé, ou encore mes remarques sur la vie privée des enquêtés ou leurs modes de vie120. Noter ostensiblement ces

remarques sur les intérieurs de maison ou les produits – ménagers ou culinaires – alors que l’on vous reçoit « comme une amie », pensant que vous n’êtes pas dans un moment de l’enquête, aurait en effet été délicat.

J’ai, dans un deuxième temps, on l’a vu, réalisé les deux observations sur les terrains « commission nationale Économie et social » et « groupe local ». Sur ces deux terrains, dans lesquels j’étais entrée, je l’ai souligné, avec le parrainage de militants proches, j’ai plus spécialement dû gérer mes interactions avec ces derniers. Ces « complices », dont certains étaient également mes informateurs, ont généralement joué le jeu, ne surjouant pas trop leur rôle de militants observés, sachant que j’avais de multiples moyens et occasions de recouper les informations, et de les obliger à me répondre et à en répondre plus tard (certains en effet faisaient partie de mes enquêtés et m’avaient déjà livré en entretien – ou s’apprêtaient à le (re)faire – les éléments de leur biographie ou relatif à leur engagement militant).

J’ai également veillé à ne pas trop m’engager dans les activités des groupes, pour conserver à ces terrains une particularité par rapport aux espaces de mon propre investissement militant. J’ai parfois malgré tout dû m’engager dans le cadre de certaines observations, afin de ne pas paraître trop extérieure et illégitime. J’ai, dans ce cadre, toujours tenté de satisfaire aux usages du groupe observé. Apporter à boire et à manger lors de réunions dans un groupe local dans lequel « cela se fait » ne m’a, par exemple, pas paru comme trop engageant, pas plus que ne l’était le fait, me semble-t-il, de récupérer, autre exemple, les tracts mis dans les poubelles – pour ne pas les gâcher – ou pour les rapporter aux militants. Ces comportements ont par ailleurs donné lieu à quelques plaisanteries ou

120 Voir par exemple sur ce point Daniel BIZEUL, « Le récit des conditions d’enquête : exploiter l’information en connaissance de cause », op. cit.

remerciements qui m’ont permis de dévoiler, au-delà de l’entre-soi qu’ils créent, les catégories de l’humour vert ou quelques pratiques spécifiques de campagnes électorales. En revanche, distribuer par exemple moi-même des tracts, et m’engager dans la relation prosélyte à laquelle cette pratique engage, m’ont semblé trop engageants lorsque j’observais le groupe local dont je ne fais pas partie formellement.

J’ai, enfin, observé des situations et interactions nouvelles, au moment de la transformation des Verts en EELV. Cette dernière a en effet subtilement modifié un certain nombre d’us et coutumes qu’il m’a été facile de repérer. Me trouvant ici dans une situation plus classique, observant du pas tout à fait familier, voire du non familier, j’ai pu comparer et tenter d’interpréter les différences Verts/Europe écologie ou plus exactement ce que faisait, concrètement, Europe écologie aux Verts, par exemple dans l’organisation et la scénographie des événements et des meetings. De ce fait, de nouvelles hypothèses sont apparues, infirmant ou saturant les anciennes, donnant lieu à leur tour à un temps d’observation complémentaire, pour vérification. Il faut enfin noter que ces observations directes ont été complétées par des observations par personnes interposées, faites pour moi par mes informateurs. Ils m’en rendaient compte lors d’entretiens réguliers, de visu ou téléphoniques, sortes de comptes-rendus ex post dans lesquels se transmettaient à la fois des informations et un apprentissage partagé de ce qu’il fallait, en mon absence, tenter de voir. Toutes ces observations, que je les aies réalisées par moi-même ou qu’elles aient été faites par d’autres pour mon compte, ont largement contribué à élaborer progressivement un corps d’hypothèses plausibles, et donné lieu aux « descriptions denses »121 qui donnent à

voir, au fil des chapitres, la manière dont « fonctionne » le monde « vert ».

L’entretien a constitué le deuxième outil de mon enquête. Connaissant le caractère à la fois complexe et fragile de cet outil122, et les phénomènes de reconstruction

121 Elles ne sont envisageables qu’à partir du moment où l’ethnologue ne se contente pas de récolter des données de manière quelque peu routinière mais considère la multiplicité de structures conceptuelles complexes, irrégulières et implicites qui se superposent et se nouent entre elles pour former le réel observable. D’après Clifford GEERTZ, « La description dense. Vers une théorie interprétative de la culture », in Daniel CÉFAÏ (dir.), L’Enquête de terrain, op. cit., p. 208-233.

122 Plusieurs références ont été consultées afin de combiner les approches et de bénéficier de multiples conseils : Stéphane BEAUD et Florence WEBER, Guide de l’enquête de terrain, op. cit., p. 176-230 ; Stéphane BEAUD, « L’usage de l’entretien en sciences sociales. Plaidoyer pour « l’entretien ethnographique », Politix, vol. 9, n° 35, 1996, p. 226-257 ; Alain BLANCHET et Anne GOTMAN, L’Enquête et ses méthodes : l’entretien, Paris, Nathan, 1992 ; Jean-Claude KAUFMANN, L’Entretien compréhensif, Paris, Nathan, 1996 ; Daniel BERTAUX, L’Enquête et ses méthodes : le récit de vie, Paris, Armand Colin, 2005 ; Hélène CHAMBOREDON, Fabienne PAVIS, Muriel SURDEZ et Laurent WILLEMEZ, « S’imposer aux imposants », Genèses, vol. 16, n° 16, 1994 ; « Archives orales et entretiens ethnographiques. Un débat entre Florence Descamps et Florence Weber », animé par Bertrand Müller, Genèses, op. cit.

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biographique123 auxquels il donne souvent lieu, je l’ai utilisé pour repérer les

caractéristiques socio-professionnelles des enquêtés, pour retracer le fil biographique de leur engagement, et pour répertorier l’ensemble de leurs pratiques quotidiennes et politiques. Ils ont été de deux sortes : des entretiens formels enregistrés (centrés sur le parcours biographique et militant des enquêtés) et des entretiens informatifs, non enregistrés, de visu ou téléphoniques. Il s’agissait alors, notamment, de me tenir informée de la manière dont s’engageait telle négociation entre les courants avant une assemblée générale, ou encore d’apprendre ce qui avait été décidé par les instances provisoires qui dirigeaient le mouvement au moment de la transformation des Verts en EELV. Les conversations informelles ont également été intégrées dans le protocole d’enquête, lorsqu’elles me paraissaient de nature à étayer l’une ou l’autre de mes hypothèses.

L’ensemble de ces entretiens a donné lieu à une prise de notes dans les carnets de terrain, permettant d’éclairer l’analyse des contenus et des contextes d’entretiens qu’ils soient enregistrés ou non. Tous les entretiens formels ont été conduits selon la même grille d’entretien et analysés avec la même grille d’analyse. Elles ont été bâties en amont mais amendées en fonction de ce que les entretiens déjà réalisés permettaient d’inclure comme nouvelle thématique ou interrogation. Pour que les entretiens soient relativement comparables quant à leur contenus, des informations complémentaires ont été demandées, par téléphone, mail ou de visu, aux enquêtés avant l’insertion de tel nouveau critère. Lorsque telle information n’a pas pu être recueillie, par volonté des enquêtés ou par impossibilité de la fournir, un commentaire a été ajouté et intégré à l’analyse de l’entretien. Ils ont été tous retranscrits, puisque relever les silences, les hésitations, les tonalités, les non-dits, faire attention aux mots « indigènes » ou qui reviennent sans cesse, rendre la dynamique de l’interaction en étant attentif à ce qui s’est dit tout autant qu’à ce qui s’est joué, constitue, on le sait, une part non négligeable de l’interprétation. Les retranscriptions ont nécessité de nombreuses écoutes et ré-écoutes. Les enquêtés, retraçant le fil de leur vie124 et de leurs

(dés)engagements, y donnant sens, méritent une écoute précautionneuse, attentive, presque clinique. N’ignorant pas les effets des interactions, les reconstructions biographiques, les défauts de la mémoire, les stratégies d’énonciation et de présentation de soi, j’ai exploité au maximum ces matériaux. J’ai sûrement pris un soin excessif dans cette empathie interprétative où j’avoue avoir été gênée par la violence inhérente au travail d’objectivation

123 Voir Pierre BOURDIEU, « L’illusion biographique », op. cit.

124 Certains de mes entretiens s’apparentent me semble-t-il à des récits de vie, puisqu’ils décrivent, sous forme narrative des fragments de l’expérience vécue. Voir Daniel BERTAUX, L’Enquête et ses méthodes : le récit

de la vie et de l’engagement des autres125. J’en ai tiré parti, quand, je l’ai souligné, prenant

conscience des similitudes qui se faisaient jour avec ma propre trajectoire, j’ai pris l’habitude de noter, comme pour mieux les objectiver, les sensations de proximité et les raisons qui me les faisaient éprouver. Mes retranscriptions d’entretiens sont émaillées de commentaires, « me fait penser à ma grand-mère », « comme moi lorsque j’allais à l’école primaire », « ma situation si je n’avais pas fait d’études », qui ont largement participé à l’interprétation des données et à la découverte de trajectoires types de (dés)engagement. Les entretiens ont été analysés126 dans le souci de rendre les aspects chronologiques et diachroniques des trajectoires, et d’accéder, par comparaison des entretiens entre eux, à des motifs interprétatifs plausibles. Une grille d’analyse des entretiens a été utilisée pour l’ensemble des entretiens, sur les deux terrains. Des fiches personnelles ont été réalisées à partir de ces grilles et actualisées au-delà même de la durée de l’enquête par entretiens. Ces entretiens approfondis, uniques ou renouvelés plusieurs fois au cours de la carrière militante selon les personnes, toujours longs, tirent bénéfice de leur insertion dans le cadre de mes observations participantes127, lesquelles m’ont permis de (re)contextualiser les

propos et les récits des enquêtés, de les mettre en rapport avec les données objectives que me procurait l’observation directe, de leur donner un sens complémentaire en les rapportant à une série de pratiques et de positions dans le groupe ou le parti. Dans l’enquête ethnographique en effet, l’enquêteur

confronte des descriptions d’états de fait avec des événements ou des actions observables en première main, il met en regard différents témoignages et repère les affirmations fantaisistes ou contradictoires ; il recueille les discours et décide, sur le fondement de sa connaissance de l’objet et en jugeant de leur vraisemblance relative, quel est leur degré de plausibilité ou de vérité128.

125 Voir sur ce point et sur la relation entre intégrité morale, rigueur scientifique et éthique Bastien BOSA, « À l’épreuve des comités d’éthique. Des codes aux pratiques », in Didier FASSIN et Alban BENSA (dir.), Les

Politiques de l’enquête, op. cit., p. 205-225.

126 Selon les conseils dispensés dans Stéphane BEAUD et Florence WEER, Guide de l’enquête de terrain,

op. cit. ; Howard S. BECKER, Les Ficelles du métier. Comment conduire sa recherche en sciences sociales, Paris, La

Découverte, 2002 et « Inférence et preuve en observation participante. Fiabilité des données et validité des hypothèses, in Daniel CÉFAÏ (dir.), L’Enquête de terrain, op. cit., p. 350-352 ; et Anselm STRAUSS et Juliet CORBIN, « L’analyse des données selon la grounded theory. Procédure de codage et critères d’évaluation », in Daniel CÉFAÏ (dir.), L’Enquête de terrain, op. cit., p. 363-379.

127 Voir Stéphane BEAUD, « L’usage de l’entretien en sciences sociales. Plaidoyer pour « l’entretien ethnographique », op. cit.

128 Daniel CÉFAÏ, « Faire du terrain à Chicago dans les années cinquante. L’expérience du Field Training Project », op. cit., p. 136.

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D’autres méthodes de récolte de données ont enfin été mises en œuvre, pour compléter les observations et les entretiens. J’ai ainsi réalisé des revues de presse, collecté les documents internes du parti (journaux, lettres, documents institutionnels, brochures thématiques, document de formation…) et stocké puis analysé les échanges informatiques (mails, listes de discussion, web lettres…). Les premières m’ont servi à retracer l’histoire du parti décrite au chapitre 1 ; les documents internes ont formé la matière des sections consacrées à l’analyse du processus d’idéologisation des militants (décrit dans le chapitre 3) et à la formation des collaborateurs et des élus ; enfin, l’analyse des échanges internes m’a permis, lorsqu’il s’agissait de messages ou d’articles rédigés par mes enquêtés, de compléter leur fiche individuelle avec des éléments factuels ou des commentaires que j’interprétais comme autant d’indicateurs de leur (dés)engagement en fonction de l’actualité politique et des événements qui jalonnent la vie interne du parti. J’ai également consulté les archives du parti vert, que j’ai contribué à commencer à classer après leur livraison au Centre international de recherche sur l’écologie (CIRE). Je les ai essentiellement utilisées pour trianguler les informations que me donnaient mes enquêtés, et pour composer le chapitre 4, dédié à l’insertion des militants verts, antérieurement à mon adhésion, dans le milieu de l’économie sociale et solidaire.

En revanche, l’accès aux fichiers d’adhérents a été impossible. Ces données étant, chez les Verts, régionalisées, il n’existe pas – ou alors ponctuellement dans les mains du responsable des élections au Collège exécutif (CE) – de fichier permettant de connaître le nombre exact de militants et leurs caractéristiques. Je n’ai, de ce fait, pas pu travailler à partir de cohortes, ni faire de statistiques129. J’en ai pris mon parti, comparant les

observations que je pouvais faire sur le terrain, depuis lequel je voyais « arriver », « partir » et parfois « revenir » les militants et l’actualisation du taux de turn-over (entre 30 % et 50 % selon les années et les groupes locaux), ce dernier étant généralement connu des secrétaires régionaux. Je n’ai, enfin, pas travaillé à partir de questionnaires, n’en passant qu’un seul dans l’un des groupes de travail auquel je participais. Je n’ai eu que peu de retours, ce qui confirme bien le refus des Verts d’être « fichés » ou « mis dans des cases »130, y compris

lorsqu’il s’agissait de s’intéresser essentiellement, ce qui était le cas, à la manière dont ils