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59 D’après carnet de terrain, n° 5.

2.2 L ES CONSÉQUENCES DE ( NE PAS ) EN ÊTRE

L’essentiel de la littérature traitant des conditions d’enquête porte sur l’interaction enquêteurs / enquêtés, et sur l’impact de leur relation – plus ou moins distanciée – sur la qualité des données recueillies et, par-delà, sur la fiabilité de leur interprétation. Aucune relation d’enquête n’assurant une objectivité totale et constante, le savoir-faire essentiel réside, de ce point de vue, dans le fait d’être attentif, dans la relation, à, selon l’expression de Pierre Bourdieu, « ce qui se joue dans ce qui se dit ». Si l’on peut ici intuitivement envisager qu’en être a été dans mon cas un avantage, me permettant de dé-couvrir ce que d’autres enquêteurs moins bien socialisés au milieu n’auraient pas vu, ou de comprendre le caractère très codifié des interactions et ce qu’elles contiennent nécessairement d’implicite ou d’inavouable – relations adultères entre candidats et « faiseurs de listes »67, stratégies de

dénigrement, achat de cartes d’adhérents… –, on peut également légitimement s’interroger sur les conséquences spécifiques de cette position sur les interactions avec les enquêtés. Et si pour l’observateur extérieur ou pour mes pairs dans le champ académique, j’en suis

65 Rémi LEFEBVRE, « Politiste et socialiste. Une politique d’enquête au PS », op. cit., p. 130-131.

66 Alban BENSA, « Père de Pwädé. Retour sur une ethnologie au long cours », in Didier FASSIN et Alban BENSA (dir.), Les Politiques de l’enquête. Épreuve ethnographiques, op. cit., p. 20-39.

71 indéniablement, il faut souligner maintenant qu’il n’en a pas nécessairement été de même du point de vue des Verts. Militante encartée, je n’ai tout d’abord jamais rejoint un courant en particulier – ce qui constitue en soi le signe d’un moindre degré d’intégration dans le parti – ni pris de parti très visible sur le fonctionnement des Verts ou sur ces orientations de fond. Je me différencie en cela clairement de Rémi Lefebvre pour qui, il le souligne lui-même, « la dénonciation des formes de professionnalisation du militantisme et des élites socialistes et des processus d’éviction des catégories populaires [sont] au principe de [ses] prises de positions […] en qualité de militant, [et] informe (sans nul doute) l’interprétation que l’on peut faire de [ses] données »68. J’ai, pour ma part, tenu à cette sorte d’extériorité qui avait toujours été la

mienne, pensant qu’elle serait un avantage pour mon enquête et qu’elle me prémunirait de tout phénomène supplémentaire d’« enclicage »69 dont je n’étais pas sûre de pouvoir

m’extraire tout à fait. Intégrer un courant m’aurait en effet mise en situation d’être encore plus « prise » dans mon enquête et aurait compliqué mes interactions sur le long terme. J’ai, de ce fait, pris un soin tout particulier à entretenir tout au long de l’enquête un sorte de flou, quand bien même certains de mes enquêtés m’attribuaient quelques préférences – d’ailleurs souvent contradictoires entre elles – en terme de courant de pensée ou de proximité avec des personnalités phares du mouvement. L’un considérait ainsi, par exemple, que j’avais nécessairement les mêmes opinions que l’élue pour laquelle je travaillais au moment où je travaillais pour elle, pendant qu’un autre, me voyant proche de certains partisans de Cécile Duflot, considérait comme acquise ma sympathie à son endroit.

J’ai ainsi, en fonction des interactions, soit affirmé clairement que j’étais « anticourant », afin de créer une proximité avec ceux qui se classaient de cette façon ; soit laisser penser à mon interlocuteur que j’étais du même courant que lui, ce qui créait un sentiment supplémentaire de connivence. Si cette marque d’attachement particulière au parti a pu me faire défaut, me privant de vivre notamment la sorte de socialisation militante qui tient ceux qui appartiennent à ce type de sous-groupe partisan, elle n’a pas été d’un coût prohibitif pour l’enquête. Je bénéficiais en effet d’un réseau d’« informateurs » internes qui,

68 Rémi LEFEBVRE, « Politiste et socialiste. Une politique d’enquête au PS », op. cit., p. 132.

69 Jean-Pierre Olivier de Sardan utilise ce terme pour qualifier l’insertion différenciée de l’ethnologue, « assimilé, souvent malgré lui, mais parfois avec sa complicité, à une « clique » ou une « faction » locale ». Voir Jean-Pierre Olivier de SARDAN, « La politique du terrain. Sur la production des données en anthropologie », « La politique du terrain. Sur la production des données en anthropologie », Enquête, Les terrains de l'enquête, 1995, consultable sur http://enquete.revues.org/document263.html. Voir également sur ce point Nicolas BUÉ, « Gérer les relations d’enquête en terrains imbriqués. Risque d’enclicage et distances aux enquêtés dans une recherche sur une coalition partisane locale », Revue internationale de politique comparée, vol. 17, n° 4, 2010, p. 77-91.

engagés dans ces espaces, pouvaient me tenir informée de ce qui s’y débattait et décidait, me permettant ainsi d’inclure malgré tout le point de vue de chacune des sensibilités dans mes réflexions. Ma distance avec les luttes internes a, par ailleurs, été compensée par mon engagement militant, difficile à remettre en cause vu mes fonctions.

Ce dernier m’a tout d’abord protégé de toute forme de prosélytisme, qui n’est pas particulièrement fort chez les Verts. Ils sont en effet plus enclins, nous le verrons, à penser que la vérité de leurs discours et la pertinence de leurs positions suffisent à susciter l’adhésion, tant à leur parti, qu’à leur courant. Cette croyance leur procure par ailleurs le bénéfice symbolique qui consiste, faisant passer toute forme d’embrigadement pour douteuse, à démontrer qu’ils sont toujours capables d’entretenir avec l’organisation ou le sous-groupe une forme réflexive et distanciée de relation. Ils sont en effet très jaloux de cette distance qui fait, selon eux, toute la différence entre leur engagement – librement consenti, réflexif et toujours distancié –, et celui des militants d’autres partis, et notamment du Parti communiste, qui leur semble avoir succombé aux formes les plus caricaturales de l’embrigadement.

Mon engagement a permis, ensuite, qu’il ne soit jamais formulé à mon endroit de demande de discours apologétique ou de légitimation70, ni même de contrôle « sur ce qui

sera dit »71. Il n’y a eu qu’une seule exception à cet état de fait : un dirigeant m’a clairement

fait comprendre que j’aurais des ennuis si, au-delà de mon travail universitaire, « quelque chose paraissait dans la presse »72 alors que j’observais les négociations entre les courants

lors de l’une des assemblées générales. Sans doute les enquêtés, comme la plupart des dirigeants, ont ainsi pensé qu’ils pouvaient compter sur mon engagement militant pour ne pas présenter des Verts une image trop négative. Et de fait, j’ai en de multiples occasions songé à l’effet, notamment en terme électoral, que la publication de tel ou tel passage de mon travail pourrait avoir, notamment lorsqu’il s’est agi de décrire, au chapitre 5, les coulisses des négociations inter et intra partisanes ou encore les logiques des investitures qui s’accordent mal avec l’image que certains militants ou électeurs se font de ce mouvement. Si j’ai tenté au mieux de me prémunir de toute forme de retenue, peut-être dois-je quand

70 Voir les difficultés que ce type de demande induit sur la construction de l’objet de recherche et sur la conduite de l’enquête par exemple dans Élise MASSICARD, « Être pris dans le mouvement. Savoir et engagement sur le terrain. Partie 1. », op. cit.

71 Voir, sur ce type de contrôle et en fonction de l’intérêt et des ressources politiques dont les acteurs disposent pour faire valoir l’enquête, Frédérique MATONTI, « ‘Ne nous faites pas de cadeau’. Une enquête sur les intellectuels communistes », Genèses, vol. 25, n° 1, 1996, p. 114-127.

72 Cette remarque est par ailleurs à rapporter au contexte de son énonciation : j’étais alors autorisée à observer les négociations nocturnes puis matinales d’une fin d’Assemblée générale où les instances dirigeantes étaient renouvelées. La divulgation d’informations à la presse aurait dès lors révélé précipitamment les jeux de négociations auxquels les acteurs se livraient encore au moment de la remarque.

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même à ma précaution supposée la facilité avec laquelle j’ai pu mener mon enquête, dont je ne sais à ce stade, et à la différence de Rémi Lefebvre, quels usages il en sera fait.

Toujours militante mais devenue collaboratrice d’élue puis élue, j’ai également entretenu des relations à géométrie variable avec la plupart de mes enquêtés, ce qui a sûrement créé une sorte de confusion qui n’a sûrement pas été sans conséquences sur mon enquête. Je me suis ainsi, par exemple, plusieurs fois trouvée dans la situation d’intervenir – voire d’animer – en tant qu’élue, des réunions auxquelles participaient d’anciens collègues collaborateurs, ou dans celle d’expliquer à des élus municipaux les tenants et les aboutissants de dossiers complexes sur lesquels je travaillais en tant qu’attachée de cabinet en conseil régional. On peut ainsi, de ce point de vue, classer en trois groupes mes enquêtés : ceux qui ne me connaissaient pas avant l’entretien et avec qui je n’ai pas entretenu de relation particulière pendant l’enquête ; ceux qui me connaissant avec ma décision d’entrer en enquête, et qui, en fonction de mon degré de proximité avec eux, savaient généralement quelque chose de mes positions dans le parti à l’instant de l’entretien ; et enfin, ceux qui m’étaient les plus proches et qui pouvaient, encore plus que les précédents, suivre mon parcours militant et évaluer mon degré de connaissance des affaires et des membres du parti.

Si, pour les premiers, l’interaction de l’entretien a été très classique, elle a été, avec les autres, plus complexe, mes interlocuteurs ne sachant pas toujours reconnaître avec quelle « casquette » je leur parlais ou avec laquelle des leurs ils devaient me répondre. Considérant que l’on est choisi par ses enquêtés autant qu’on les choisit73, on peut considérer que les

interactions d’entretien formel autant que les conversations au fil de l’eau ont été d’autant plus acceptables et riches d’enseignements que mes enquêtés et moi avions le sentiment de partager assez de croyances et d’intérêts pour que chacun soit satisfait de nos échanges. Nombreux ont été, de ce fait, les entretiens formels qui ont été précédés – ou se sont prolongés – par une discussion d’un autre genre, sur tel dossier sur lequel nous devions travailler ensemble ou sur la situation de tel ou tel candidat à une investiture. Soucieuse de tenir compte du contexte dans lequel l’entretien avait eu lieu au moment de l’interprétation de son contenu, j’ai systématiquement consigné informations factuelles et impressions dans une rubrique intitulée « autour de l’entretien » que je renseignais immédiatement. Je n’ai, dans ce contexte, considéré qu’à une seule occasion que l’entretien réalisé n’était pas exploitable. L’enquêté, en désaccord avec les prises de position de l’élue pour laquelle je travaillais alors, n’avait accepté l’entretien que pour me transmettre, sans grande subtilité

d’ailleurs, les messages qu’il souhaitait faire passer à cette dernière. Il touchait là l’une des limites les plus strictes de mon enquête : ne pas utiliser les informations que je récoltais en entretien pour nourrir les luttes internes ou les conflits interpersonnels ou familiaux.

La conduite des entretiens n’a ainsi pas toujours été aisée. En effet, si la capacité des militants verts, soulignée par plusieurs auteurs, à s’engager dans une relation concurrentielle avec le chercheur, critiquant un guide d’entretien ou une approche théorique pour rétablir la symétrie sociale, ne m’a pas gênée puisque je partage avec eux la plupart de mes caractéristiques sociales et de mes pratiques74, la multiplicité de mes rôles et

de mes fonctions dans le parti a été plus gênante. Être réputée « sachante » des « affaires locales »75 a, par exemple, pu rendre certains de mes enquêtés très précautionneux, ou au

contraire, très prolixes. Je n’ai, par ailleurs, pas toujours su comment mes enquêtés me considéraient76. Pour certains, j’étais identifiée comme ancienne collaboratrice d’élue ; pour d’autres, comme experte sur les questions économiques ; pour d’autres encore, comme élue. Et il m’a été difficile de saisir le poids et l’impact du rôle d’enquêtrice dans cette mosaïque d’interactions à géométrie variable, résultat de l’« incessant parcours des différentes places que les membres de la société d’accueil [n]ous assignent »77. Le changement de rôle qui consiste à passer du statut de militante à celui de politiste, n’a ainsi pas été, contrairement à Rémi Lefebvre, le mouvement le plus structurant de mon enquête. Les demandes d’expertise n’ont, dans mon cas, pas été si fréquentes, puisqu’un seul dirigeant d’Europe écologie m’a clairement interpellée en ce sens78. Si j’ai tout d’abord pensé

que cette rareté était due au fait que j’étais doctorante et que ma parole n’était pas considérée comme légitime, j’ai compris que cette rareté était surtout révélatrice de la relation que les membres du parti vert entretiennent de manière générale avec les sciences sociales. Réputés réflexifs, les Verts considèrent en effet superfétatoire toutes les

74 Cette ressemblance en terme de caractéristiques socio-culturelles est telle que je ne me suis que rarement trouvé dans une situation d’enquête à laquelle bon nombre de chercheur doivent faire face, drastiquement dissymétrique, de nature à me placer dans la situation d’en imposer à mes enquêtés. Voir parmi de multiples exemples Emmanuelle YOHANA, « Relations d’enquête et positions sociales. Une enquête auprès de jeunes d’une cité de banlieue », Genèses, n° 20, 1995, p. 126-142. De même, le féminisme inhérent à la « culture verte » ne m’a guère confrontée aux jeux d’imposition et aux phénomènes de violence symbolique auxquels les chercheuses sont souvent confrontées.

75 Terme d’après Fatoumata OUATTARA, « Une étrange familiarité. Les exigences de l’anthropologie ‘chez soi’ », Cahiers d’études africaines, op. cit.

76 Ils peuvent en effet avoir procédé à une évaluation de ma personne et de mon rôle, individuellement ou de manière « collective et contradictoire ». Voir sur ce point Daniel BIZEUL, « Le récit des conditions d’enquête : exploiter l’information en connaissance de cause », Revue française de sociologie, vol. 39, n° 4, 1998, p. 751- 787.

77 Alban BENSA, « De la relation ethnographique. À la recherche de la juste distance », Enquête, n° 1, Les

terrains de l’enquête, 1995, consultable sur http://enquete.revues.org/document268.html.

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interventions qui consistent à leur dire quelque chose d’eux-mêmes, y compris lorsqu’elles sont faites par des chercheurs spécialisés dans l’analyse des partis politiques dont ils ne contestent pas, par ailleurs, la légitimité79. Ce que confirme la plupart des auteurs ayant

travaillé sur les Verts, et qui mentionnent à quel point il a été délicat pour eux d’enquêter sur une population largement formée aux sciences sociales et aux méthodes d’enquête, extrêmement rétive à toute tentative d’objectivation la concernant80 et sur un parti politique

dont l’(in)organisation spécifique rend difficilement accessibles un ensemble de matériaux qui pouvaient pourtant se révéler pertinents81. En être a, de ce point de vue, été un atout,

puisque bien que le parti vert ne soit pas assimilable à un terrain « difficile »82, cette

structure n’est pas si souple et transparente que certains militants ou dirigeants le prétendent. Elle fonctionne comme un parti politique classique, avec ses espaces autorisés et ses différents niveaux de transparence. Si je n’en n’avais pas été, bien des informations m’auraient ainsi manqué, et de nombreuses pratiques ne m’auraient pas été accessibles. Être son propre informateur, sans se passer d’en avoir par ailleurs, être présent lors des « tambouilles » et « manigances entre courants »83 sans y prendre parti/part, jouer sur plusieurs tableaux et endosser plusieurs rôles, sont de ce fait autant de compromis utiles pour qui considère que

l’on ne voit pas en quoi l’indigène pourrait être intéressé au projet de dévoiler ce qui ne saurait subsister que voilé ; ni au nom de quoi il devrait renoncer aux bénéfices symboliques de si précieux dispositifs [et qui est convaincu qu’]avoir occupé, à un

79 Les commentaires des militants présents lors de l’intervention de Julien Fretel à l’un des événements organisé par le parti le 8 juin 2010 m’ont beaucoup rappelé ceux que j’avais entendus lors des entretiens auprès de militants évoquant l’Audit participatif interne, commandé par Dominique Voynet lorsqu’elle était secrétaire nationale, et réalisé par trois politistes – Florence Faucher, Daniel Boy et Albert Peirano : « intéressant… ».

80 Voir plus particulièrement sur ce point Sylvie OLLITRAULT, Action collective et construction identitaire : le

cas du militantisme écologiste en France, op. cit., p. 60-62.

81 Voir plus particulièrement sur ce point Cyrille LE DÉHAUT, Une figure de l’ennemi chez les Verts français :

l’exemple des États-Unis, Mémoire de DEA, IEP Paris, 2004, p. 88-89.

82 Voir parmi les multiples exemples, par ordre chronologique de parution : Dominique MEMMI, « L’enquêteur enquêté. De la « connaissance par corps » dans l’entretien sociologique », Genèses, vol. 35, n° 1, 1999, p. 131-145 ; Vincent ROMANI, « Enquêter dans les territoires palestiniens. Comprendre un quotidien au- delà de la violence immédiate », Revue française de science politique, vol. 57, n° 1, 2007, p. 27-45 ; Élise MASSICARD, « Être pris dans le mouvement. Savoir et engagement sur le terrain. Partie 1. » et « Être pris dans le mouvement. Partie 2. », op. cit. ; Daniel BIZEUL, « Des loyautés incompatibles. Aspects moraux d’une immersion au Front national », op. cit. ; Martina AVANZA, « Comment faire de l’ethnographie quand on n’aime pas « ses indigènes » ? Une enquête au sein d’un mouvement xénophobe », op. cit. ; Olivier GROJEAN, « Les aléas d’un terrain comme révélateurs de sa structuration. Gestion et objectivation d’une relation d’enquête sur la mouvance radicale et transnationale », Revue internationale de politique comparée, vol. 17, n° 4, 2010, p. 63- 76 ; et Véra NIKOLSKI, Le Moment escapiste. Militantisme et production théorique dans une conjoncture de crise. Deux mouvements de jeunesse radicaux (NBP et ESM) dans la Russie contemporaine, Thèse pour le doctorat de Science politique, Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, 2010. 83 Lorsqu’il s’agit de ce registre, les militants verts emploient plus volontiers le terme « courant » que celui de « sensibilité », comme pour mieux souligner le caractère structuré et structurant des regroupements dans les moments de rapports de force internes que sont, notamment, ceux de la sélection des candidats ou de la constitution des listes électorales.

moment ou à un autre, le sachant ou non, le voulant ou non, toutes les places [du] discours […] permet au moins de prendre vue sur l’ensemble de l’énonçable »84.

J’ai de ce fait apprécié la possibilité qui m’avait été offerte d’endosser plusieurs rôles – sachant qu’on me les faisait endosser au moins autant que je décidais de les endosser moi-même en fonction des interactions –, et de participer, même si c’était de manière plus ou moins engagée, aux diverses activités du parti. Par ailleurs, mes interlocuteurs ne se sont pas privés, tout au long de l’enquête, d’user également de mes différents rôles, à leur avantage. Tel enquêté a ainsi pu me présenter, en fonction de ses interlocuteurs et des relations qu’il entretenait avec eux, comme une amie, une militante verte, une élue ou une sociologue enquêtant soit « sur le parti », ou « sur son action », ce qui était alors une manière de se valoriser

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Il me semble ainsi avoir enquêté dans un espace réciproque de multiplicité de rôles et de jeux de rôles plus ou moins bien savamment contrôlés. De ces jeux dépendaient parfois, non pas réellement mon maintien sur le terrain de l’enquête, mais les conditions de confort dans lesquelles je pouvais travailler. Faire circuler des informations, ou faire bénéficier mes enquêtés de mon « carnet d’adresse », en plus d’attester de la qualité de mon écoute, de ma capacité à comprendre et de ma volonté de savoir, m’ont parfois permis de conserver une relation de confiance avec mes enquêtés, basée sur une sorte