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Cette thèse se découpe en cinq chapitres. Dans le premier, nous nous attardons à présenter le cadre théorique et conceptuel de cette étude qui emploie une approche encore peu connue et rarement appliquée en Amérique du Nord. Pour cette raison, il est d’abord fait une présentation des théories et méthodes habituellement privilégiées pour l’étude du matériel lithique sur ce continent, pour ensuite aborder l’approche technologique adoptée dans le cadre de cette thèse. Le chapitre 2 est voué à expliciter la méthodologie de recherche, à présenter l’échantillon de sites à l’étude et à détailler la grille d’analyse du matériel lithique. Le chapitre 3 est quant à lui destiné à présenter les données relatives aux matières premières rencontrées dans les collections analysées, mais en insistant davantage sur les caractéristiques du chert Touladi. Au quatrième chapitre, le résultat des analyses technologiques est exposé en dévoilant la manière dont s’articulent les chaînes opératoires à travers les grandes classes d’artefacts (éclats, pièces bifaciales, nucléus, pièces esquillées et outils sur éclats). Dans le dernier chapitre, ces résultats sont synthétisés et discutés afin d’en faire ressortir les stratégies

économiques mises en œuvre et d’en interpréter le rôle dans l’adaptation des chasseurs- cueilleurs du Témiscouata. Enfin, la conclusion pose un bilan général de l’étude en mettant de l’avant ses apports et les questions qu’elle soulève.

CHAPITRE 1 : APPROCHES THÉORIQUES ET

CONCEPTUELLES

a quasi-omniprésence des artefacts en pierre taillée dans les sites archéologiques de la préhistoire, attribuable tant à la propriété impérissable du matériau qu’à la nature « polluante » des activités de taille, fait de ces derniers les témoins privilégiés de la vie des chasseurs-cueilleurs. D’abord employé essentiellement pour sa valeur taxonomique par les archéologues, le matériel lithique avait alors comme principale fonction d’ordonner dans le temps et l’espace les différentes phases, cultures et faciès de la préhistoire. Cette approche historico-culturelle qui dominait depuis le XIXe siècle la discipline archéologique laissa place, durant la seconde moitié du XXe siècle, à des problématiques nouvelles. La tradition française développa une approche dite technologique12 sous l’impulsion de l’ethnologie et de chercheurs tels qu’André Leroi-Gourhan. Cette approche essentiellement inductive est fondée sur l’empirisme, l’étude minutieuse des chaînes opératoires lithiques et le rôle social des techniques. Les chercheurs nord-américains et ceux de tradition anglo-saxonne ont quant à eux développé une approche davantage anthropologique sous l’impulsion du mouvement de la New Archaeology et de son principal instigateur Lewis Binford. Fondée sur une démarche hypothético-déductive, cette tradition prend appui sur des modèles théoriques élaborés notamment à partir de données ethnographiques et ensuite testées à la lumière des données archéologiques. Le matériel lithique est quant à lui intégré au sein de ces modèles de différentes manières et étudié principalement dans l’optique où il constitue une variété de réponses à l’adaptation des chasseurs-cueilleurs à leurs milieux. Ces deux traditions intellectuelles, bien qu’elles ne soient pas incompatibles ni fondamentalement étrangères, ont néanmoins évolué de manière parallèle et somme toute indépendante l’une de l’autre (Audouze 1999 ; Coudart 1998 ; Pelegrin 1991b ; Scarre 1999 ; Soressi et Geneste 2011 ; Tostevin 2011 :353-355).

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Cette approche est connue sous le vocable d’« approche technologique » et ne doit pas être confondue avec les études et analyses dites technologiques que l’on rencontre aussi dans d’autres traditions de recherches.

Dans le cadre de cette thèse, l’approche technologique (tradition française) est celle qui a été préconisée. Or, cette recherche s’insère dans une aire d’étude où l’approche de tradition anglo- saxonne13 est prédominante lorsque vient le temps d’étudier les assemblages de pierres taillées. Nous présenterons donc d’abord l’approche couramment utilisée en Amérique du Nord pour ensuite aborder celle qui sera mise en œuvre dans cette présente étude. Il s’agit ici d’une occasion d’approfondir ces deux univers et de comprendre respectivement leur histoire, leur logique et leur fonctionnement respectifs.

L’

APPROCHE ANGLO

-

SAXONNE

Cette première partie du chapitre fait un survol de différentes approches et théories utilisées dans la tradition anglo-saxonne pour étudier les artefacts en pierre taillée des chasseurs- cueilleurs préhistoriques. Nous n’avons pas la prétention d’en faire ici une présentation exhaustive, car les théories et méthodes sont nombreuses, diversifiées et ont engendré un immense corpus littéraire qui ne peut être résumé dans les quelques pages qui suivent. L’objectif est ici surtout de présenter les approches qui ont généré le plus d’intérêt auprès des chercheurs et de mieux comprendre leur genèse, depuis les travaux fondateurs de Binford (1977, 1979, 1980), et leurs multiples développements subséquents. Pour le lecteur moins familier avec la tradition anglo-saxonne, il s’agit aussi de présenter les schèmes de raisonnement qui la sous-tendent et de mettre en exergue les différences qui résident entre elle et l’approche technologique qui a été retenue dans la cadre de cette thèse. Cela contribuera également à mettre en contexte cette présente recherche et à justifier l’emploi d’une approche et d’une méthodologie encore peu commune en Amérique du Nord.

Bien qu’une multitude de modèles théoriques ait été mise de l’avant par les archéologues et anthropologues, les artefacts en pierre taillée ne prennent cependant pas une place importante dans chacun d’eux. C’est pourquoi nous nous sommes attardés surtout à examiner la place que

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Pour des fins de simplification, nous employons dans ce texte le terme générique de « tradition anglo- saxonne » en référence aux études, modèles et théories relatifs aux chercheurs nord-américains principalement, mais aussi à ceux d’Europe et des autres continents ayant été influencés par le mouvement de l’archéologie processuelle (New Archaeology) et du foisonnement d’études qui s’ensuivit.

les chercheurs ont accordée au matériel lithique dans les différents modèles d’adaptation des chasseurs-cueilleurs à leur milieu. Nous nous sommes donc limités à ceux pour lesquels la question des industries de pierre taillée a été considérée et pour lesquels il existe une documentation suffisante et accessible. Par conséquent, les modèles présentés sont largement ceux élaborés par les chercheurs nord-américains et, dans une moindre mesure, européens.

Nous avons également voulu faire place aux débats et critiques formulés par ces mêmes chercheurs afin de présenter un regard plus nuancé des différentes tendances qui ont émergé au fil du temps. La présence de critiques ne signifie pas un désaveu ou un désintérêt de cette approche, mais montre au contraire la grande variété des points de vue. Cet élément est à souligner puisqu’il détonne du cadre plus consensuel de l’approche de tradition française où les théories et les concepts divergents prennent une place beaucoup plus marginale. Également, précisons qu’un modèle théorique peut être très intéressant en soi, mais demeurer imparfait ou encore présenter certaines lacunes méritant d’être soulignées afin de l’améliorer. L’exercice ici consiste donc surtout à présenter une revue littéraire de ces critiques et de mettre en avant plan les multiples points de vue associés à l’approche anglo-saxonne.

Enfin, précisons que nous n’aborderons ici que très superficiellement les nombreuses approches méthodologiques développées par les chercheurs anglo-saxons pour l’analyse des artefacts lithiques et que l’on pourrait rallier sous le vocable générique d’analyses technologiques. Contrairement à la tradition française qui a standardisé ses méthodes d’analyses, celle anglo-saxonne les a plutôt multipliées engendrant ainsi différentes méthodologies dont les valeurs et les portées respectives font encore l’objet de débats au sein de la communauté scientifique14.

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Pour un survol de différentes méthodologies d’analyses des artefacts en pierre taillée, le lecteur pourra notamment se référer à Andrefsky (1998 et 2009) et Odell (2000).

Technologie, mobilité et schèmes d’établissement des chasseurs-cueilleurs