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Grille d’analyse technologique

L ES CARRIÈRES DE CHERT T OULAD

L’appellation « chert Touladi » est une nomenclature informelle qui n’est associée à aucune formation géologique et désigne le chert massif à radiolaires qu’on retrouve au Témiscouata. Bien que la littérature ne fasse pas consensus sur la question, il semble fondé de croire maintenant que cette matière fasse partie de la Formation de Cabano, laquelle remonterait à l’Ordovicien moyen (Burke 2000 :178-179; Burke et Chalifoux 1998 :36-38; Chalifoux, et al. 1998 ; Chapdelaine 1991a :9-11; Gauthier, et al. 2012 :2437-2439; Leclerc 2009 :67-72). La description du chert Touladi peut se résumer comme suit45 :

Le chert Touladi est une matière plus ou moins homogène, à grains fins. En cassure fraîche, il varie entre les teintes de gris, de noir, de vert et de bleu-vert, avec un lustre plutôt cireux. Il est souvent moucheté, les taches noires étant surtout liées à la présence d’oxydes de fer. Une fois altéré par les sols humides et acides, il devient plus beige ou gris pâle et il est d’apparence plus mate. Malgré son grain fin et homogène, le chert Touladi est un chert de qualité moyenne car il contient de nombreuses failles probablement liées aux plissements de la Formation de Cabano. (Burke et Chalifoux 1998 :38)

Deux carrières de ce chert sont aujourd’hui connues et se situent de part et d’autre des lacs Touladi (CkEe-26 et CkEe-28) (Figure 22). La carrière CkeE-26 est située à quelque 700 m à l’ouest du Grand lac Touladi, à une altitude d’environ 100 m au-dessus de ce plan d’eau et elle consiste en une série de petits affleurements s’étendant de manière longitudinale, mais discontinue, sur au moins 550 m (Figure 23). Les parois de chert visibles sont situées sur le flanc est de la montagne du Serpent entre l’anticlinal et le synclinal formant un plissement dans le conglomérat de la Formation de Cabano. Les lits de chert ont une épaisseur inférieure à 25 cm, mais se situent probablement plus souvent entre 5 et 10 cm. Cependant, les nombreux plans de faille, de même que les faiblesses causées par le gel empêchent souvent l’extraction de blocs très volumineux. Aucune fouille n’a été réalisée sur la carrière CkEe-26, mais un nettoyage d’une surface de 30 m2 a permis d’exposer (sans la fouiller) une zone d’extraction et une aire de taille ayant révélé toute une gamme d’objets. Parmi ceux-ci, on rencontre des blocs et plaquettes, des nucléus, des éclats souvent assez gros, des pièces bifaciales dominées par les

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Pour en savoir davantage sur les caractéristiques géochimique du chert Touladi voir : Burke 2000 :182-185; Burke et Chalifoux 1998 :34-39; Chapdelaine 1991a :9-11; Gauthier et al. 2012 :2439; Leclerc 2009 :70-73 et Morin 1988.

ébauches et les préformes, ainsi que plusieurs outils ad hoc. D’autres inspections visuelles ont aussi permis d’identifier des artefacts lithiques en surface ou dans des secteurs perturbés (chablis, érosion, sentiers) indiquant que des activités de taille avaient lieu dans divers secteurs à proximité des affleurements de chert. Un seul sondage positif a permis la récolte de plus de 50 kg d’objets en chert, dont environ 80% consistaient en des blocs naturels apparemment non transformés46 (Burke 2000 :178-179; Burke et Chalifoux 1998 :34-39; Chalifoux, et al. 1998 :117-118; Chapdelaine 1991a :6-7; Eid 2015a :77-78; Morin 1988).

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Figure 22 : Carte montrant l’emplacement et la superficie approximative des carrières de chert Touladi CkEe-26 et CkEe-28 (polygones rouges), ainsi que les sites archéologiques environnant les lacs Touladi (cartographie : Marianne-Marilou Leclerc, tiré de Eid 2015a :3).

La carrière CkEe-28 se situe quant à elle à environ un kilomètre à l’est du Petit lac Touladi et se présente de manière différente de la précédente. Juchée à une trentaine de mètres au-dessus du niveau du lac, cette carrière se situe dans un secteur non plissé à la topographie plus plane et recouvre une superficie d’environ 43 200 m2 (360 X 120 m). De plus, les lits de chert sont ici enfouis sous des niveaux de till d’une épaisseur de 10 à 30 cm, et seuls quelques affleurements émergent légèrement de la surface (Figure 24). Pour extraire les blocs et les plaquettes de chert Touladi, il a donc été nécessaire de creuser le sol. En plus d’inspections visuelles, une aire de 50 m2 a été exposée (mais non fouillée) révélant deux concentrations de débris de chert surmontant le till47. La présence d’artefacts similaires à ceux retrouvés sur CkEe-26 montre l’existence d’aires de taille directement sur les lieux d’extraction. Soulignons également que le chert de la carrière CkEe-28 semble de meilleure qualité que celui de CkEe- 26, phénomène possiblement lié au fait que son enfouissement assure une meilleure protection contre les intempéries et les altérations (Burke 1993c :16-20; 2000 :175; 2008 :13; Burke et Chalifoux 1998 :36-39; Chalifoux, et al. 1994 :61-65; Chalifoux, et al. 1998 :117-118; Eid 2015a :81).

Aucune des deux carrières n’a révélé de contextes archéologiques ayant pu être datés via une méthode relative ou absolue. C’est donc uniquement par les autres sites datés de la région et attestant la taille du chert Touladi qu’il est possible d’établir une certaine chronologie de l’exploitation de ces gisements de pierre. Ils ont bien entendu été exploités intensément durant le Sylvicole, mais également aux époques antérieures. Même si les sites de l’Archaïque et du Paléoindien récent sont peu nombreux dans la région, ils montrent tout de même que ces carrières étaient fréquentées depuis les premières incursions humaines documentées au Témiscouata (Burke 2007 :66; Chalifoux, et al. 1998 :118; Dumais et Rousseau 2002a :63; Morin 1988).

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Figure 24 : Vues de deux affleurements de chert Touladi de la carrière CkEe-28, lesquels sont plus enfouis que sur la carrière CkEe-26.