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2.4 Stabilisation de skyrmions

2.4.1 Texture magnétique particulière

Dans les systèmes de type tricouche que nous avons présentés au chapitre 1, en section 1.4, la compétition entre les différents termes d’énergies décrivant le système28est capable de favo-

riser un angle non nul entre un moment magnétique et ses proches voisins, qui peut se traduire par une rotation cycloïdale des moments magnétiques au sein du système. La période de rotation est fonction du rapport entre l’interaction d’échange DMI et l’interaction d’échange ferroma- gnétique. Ce type de rotation peut induire des textures magnétiques nouvelles, comme la phase cycloïdale (plus généralement appelée spirale de spin), ou encore le skyrmion magnétique. Ces objets ayant tous deux une chiralité fixée pour le sens de rotation de leurs moments magnétiques. L’existence des skyrmions avait été prédite mathématiquement en 1961-1962 par Tony Skyrme qui avait prédit l’existence de singularités (particules) dans un système de méson [71]. Et ils ont été l’objet d’études théoriques depuis le début des années 1990 dans les systèmes magné- tiques [72].

Généralement dans ces systèmes, ils existent sous deux formes qui sont les skyrmions d’in- terface, pour lesquels le type de paroi préférable magnétostatiquement est la paroi de Néel (cf chapitre 1 pour la description), et les skyrmions de volume, pour lesquels les parois préférées sont les parois de type Bloch. Ces deux formes sont représentées schématiquement en figure2.18

dans le cas d’objets 2D .

Ils peuvent être observés dans des systèmes qui n’ont pas de symétrie d’inversion. En effet, ce type de système fournit les directions utiles à l’expression d’un vecteur ~D, intervenant grâce à l’anisotropie des interactions d’échange dans ces systèmes [8] (cf chapitre 1). Ce vecteur définit idéalement la chiralité que possèderont les parois de tous les skyrmions dans le système.

Historiquement, ces états de types réseaux de skyrmions ou spirales de spin29 ont été défi- nis comme pouvant être des états fondamentaux d’un système pour certaines conditions expé- rimentales, au même titre que l’état saturé ferromagnétique. Pour définir la texture magnétique attendue, il est nécessaire de définir le nombre topologique Nsk du système. Cette définition to-

pologique est donnée pour un système de moment 3D dans un objet 2D . Dans le cas de notre texture skyrmionique, il se décrit comme le nombre de fois que l’aimantation de la texture va recouvrir entièrement la sphère unité prise comme référence pour une texture de type cycloïdale : Nsk = 1 4π R ~ M · δ ~M δx × δ ~M δy !

dxdy = ±1 dans le cas d’un skyrmion, ou 0 dans le cas d’un état ferromagnétique uniforme. Les skyrmions possèdent un nombre topologique non nul (1 ou −1), ce qui leur confère une certaine stabilité par rapport à l’état ferromagnétique dont le nombre topologique est nul. Considérant une aimantation variant continûment dans l’espace, il est en effet impossible de passer de manière continue entre deux états dont les nombres topologiques

28. Énergies d’échange ferromagnétique et d’interface de type Dzaloshinskii-Moriya (DMI ), et énergie d’aniso- tropie (démagnétisante et magnétocristalline) - présentées au chapitre 1

29. Aussi appelés domaines en bandes (stripes), ces domaines sont périodiques et séparés par des parois de Néel de chiralité fixée ; ils ont été décrits en section 1.5.2 du chapitre 1 et le seront au chapitre 5

FIGURE2.18: a) Skyrmion 2D de type Néel,

b) Skyrmion 2D de type Bloch. Reportée de [73].

sont différents. Ce nombre topologique est un outil permettant de définir différentes classes d’ob- jets, correspondant à différentes valeurs de ce nombre, au sein desquelles nous pouvons passer d’un objet à un autre en utilisant des déformations continues. De ce fait, une école de pensée a développé l’idée que les skyrmions pouvaient être considérés comme topologiquement protégés, et cela en faisait donc de très bons candidats pour les applications de type mémoires car leur temps de vie ainsi que leur résistance face aux défauts étaient considérés comme très importants. En effet, ce concept mathématique considère que l’aimantation varie continûment dans l’espace (2D ).

Or, le système réel est considéré comme un système atomique discontinu. De plus, au sein de système réels, les conditions de dépôts des couches et leur rugosité, ainsi que l’agitation ther- mique, entravent en quelque sorte cette protection. Il est donc plus raisonnable de penser que la protection topologique au sens strict du terme n’existe pas, mais que l’environnement du skyr- mion est plutôt représenté comme un profil en énergie avec différentes barrières (plus ou moins importantes) qui lui permettent de passer d’un état à un autre. En 2013, Romming et al. [74] ont remis en question cette école de pensée : "In a real system with magnetic moments on an atomic lattice, strict topological protection does not exist. Instead, the states are separated by a finite energy barrier". Cette rectification rejoint bien les conclusions faites par Ivanov et al. [72] deux décennies auparavant quant à l’effondrement d’un vortex magnétique, en réduisant son rayon jusqu’à égaliser le paramètre de maille du système. Dans ce cas là, il précisait que la descrip- tion topologique n’était plus applicable et que des termes d’échange d’ordres supérieurs devaient alors être pris en compte : "The standard scenario of [...] vortex vanishing, which includes the initial decreasing of the radius up to R ≈ a, when one cannot use the macroscopical description and topological methods [...] cannot be realized because at R− > 0 the terms with (∆2m)~ 2 and

FIGURE 2.19: Diagramme de phases magnétiques du cristal de MnSi mesuré par Mühlbauer et al. [75] en fonction de la température de mesure et du champ magnétique appliqué. "Field pola- rized" correspondant à l’état ferromagnétique saturé, "paramagnetic" correspond à l’état parama- gnétique, "A phase" représente la phase skyrmionique et "helical" et "conical" correspondent à la phase cycloïdale (domaines en stripes). Les auteurs font la distinction entre ces deux textures en décrivant le fait que la structure conique s’obtient à plus fort champ donc, que l’hélice est alors dirigée dans le sens du champ magnétique.