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Extraction de la taille des domaines en fonction de la position sur l’échan-

5.2 Caractérisation précise de cette zone

5.2.5 Extraction de la taille des domaines en fonction de la position sur l’échan-

Cette section permettra de déduire les termes d’énergie utiles à la compréhension de la struc- ture en domaines. Le modèle utilisé pour déduire l’énergie surfacique de paroi de domaine, à partir des valeurs de largeur de domaines L a été énoncé auparavant (cf relation 5.1 en section (5.1.2) [31], que l’on peut réécrire :

σω = µ0· Ms2 · t π · ln  L t · exp(ln(π) − 1 + µ · (0 , 5 − ln(2)))  . (5.2) 5.2.5.1 Technique

Les exemples de cycles utilisés pour déduire les profils de Mset de µ0Ha résumés en figure 5.5 sont donnés en figure5.10. L’image utilisée pour extraire la période des domaines (2L) est également représentée en figure5.10a. Comme mentionné en annexes G et J, la période de ces domaines est déduite de la transformée de Fourier de l’image. Les images ont été divisées en fenêtres de 20 pixels de côté (équivalent à 6 , 45 µm) pour définir une valeur de période en fonc- tion de la position le long de la zone désaimantée. La transformée de Fourier 2D de ces fenêtres donne un anneau diffus représenté en figureG.4 en annexe G, dont le diamètre est inversement proportionnel à la valeur de la période des domaines. Dans notre étude, nous avons réalisé une transformée 1D pour chacune des 20 lignes de ces fenêtres et avons fait la moyenne des périodes ainsi obtenues.

Nous avons ainsi déduit une période 2L de tailles de domaines proche de 5µm au départ de cette zone désaimantée, puis qui diminue très fortement le long de la zone, pour atteindre une valeur d’environ 2µm, 300µm plus loin. Ceci représente une variation d’environ 60% sur la fenêtre de sélection étudiée (cf fig5.10b).

5.2.5.2 Énergie de paroi de domaines σω

Nous avons pu déduire de la relation5.2une valeur d’énergie surfacique de paroi de domaines qui varie entre 1 , 2 et 1 , 55mJ /m2 le long de la zone désaimantée. Une variation d’environ 20%

1. Un aimant parfait, sans interaction d’anisotropie ni dipolaire. Dans ce genre de système, un ordre magnétique à longue portée n’est pas envisageable

FIGURE 5.10: Caractérisation de la structure en domaines en labyrinthe par des techniques de

Kerr polaire. a) Image en Kerr polaire, sans champ magnétique appliqué (image similaire à celle donnée en fig.5.1, représentant la fenêtre utilisée comme base pour extraire les différents para- mètres).

b) Extraction de la période des domaines (µm) en fonction de la position (en mm). La position par rapport au front des domaines (correspondant à la position de début de la zone spontanément désaimantée (0µm)) est précisée.

c) Exemple de cycles en Kerr polaire avec champ magnétique appliqué perpendiculairement à la surface du film pour les positions indiquées par les barres de couleur dans a) et b) (cycles similaires à ceux donnés en fig.5.5). Positions correspondantes à celle par rapport au front des domaines.

d) Signal Kerr polaire en fonction du champ magnétique appliqué dans le plan de la couche, utiles à l’extraction de µ0Ha; et fits SW associés. Positions correspondantes à celle par rapport

au front des domaines.

FIGURE 5.11: a) Déduction de l’énergie de paroi des domaines σωen J/m2.

b) Variation des différents paramètres magnétiques (en utilisant leurs ajustements linéaires) par rapport au front de la zone désaimantée (0µm) (en %).

est déduite sur la fenêtre de 350µm étudiée (cf fig.5.11a et b). Cette faible valeur d’énergie vient justifier le phénomène de mobilité spontanée de ces domaines dont nous sommes témoins en imagerie Kerr à température ambiante. Cette mobilité est une conséquence directe de l’agitation thermique fortement perceptible dans cette zone désaimantée. De manière à sonder l’influence de l’agitation thermique sur notre système, nous avons utilisé le modèle de probabilité de type Néel- Brown pour exprimer le taux de nucléation des domaines de désaimantation. Comme mentionné au chapitre 2, en section 2.1.3.4, cette loi de probabilité s’exprime : P (t) = 1 − exp −t

τ 

, où τ représente le temps moyen de nucléation et qui correspond à τ = τ0exp

 EN

kBT



. Il est estimé ici égal à 1s, ce qui correspond au temps d’acquisition typique d’une image sur le microscope Kerr. EN est la barrière d’énergie à franchir pour amorcer la nucléation, elle est dépendante de

l’anisotropie magnétique du système. kB est la constante de Boltzmann et T la température. τ0

est défini comme le taux d’essai et est une constante propre au système (généralement de l’ordre de 10−10s). Avec ces valeurs de τ et τ0, ce modèle prévoit une barrière d’énergie pour la frontière

d’activation (nucléation) à température ambiante de 23kBT300K.

De plus, cette faible valeur d’énergie de parois de domaines est un bon argument pour prouver la présence d’un terme lié à l’interaction de Dzyaloshinskii-Moriya (DMI ) dans notre tricouche. En effet, en utilisant les valeurs de Ms (0 , 94 − 0 , 88MA/m) et Keff (0 , 35 − 0 , 31MJ /m3)

déduites précédemment dans cette zone, nous pouvons calculer une valeur d’énergie classique pour une paroi de type Bloch : σBloch

ω = 4 ·pAexKeff ≈ 3 , 5 − 10mJ /m2, ce qui est au moins

trois fois plus important que σωmesurée. La large gamme calculée pour σωBlochest due au fait que

nous avons choisi de réaliser notre étude pour une gamme de constantes d’échange assez vaste. Aex est choisi comme compris entre 2 , 5 et 16pJ/m. Les valeurs intermédiaires (entre 2 , 5 et

7 , 5pJ /m ont été déduites expérimentalement au VSM − SQUID grâce aux mesures de m(T ). Leur extraction est décrite en annexe B. Et 16pJ/m est la valeur communément employée pour une couche fine de Co de 0 , 6nm d’épaisseur [96].

La différence entre les valeurs d’énergie σωet σωBlochest expliquée par l’expression d’un terme

domaine suivant la relation [107] :

σω(J/m2) = 4 ·pAexKeff − π|D|, (5.3)

nous conduisant aux faibles valeurs relevées pour σω. Le signe − vient définir la chiralité des

parois des domaines, qui auront un sens de rotation anti-horaire, dans le cas d’une valeur de D positive [107]2.

Nous avons représenté la variation de σωet des différents paramètres magnétiques par rapport

au front des domaines (position 0µm) en figure 5.11. On y déduit que µ0Haet Msvarient de 5

à 6% le long de la zone étudiée, ce qui induit une variation de Keff d’une dizaine de %. Nous

remarquons que le facteur µ défini au chapitre 1 en section 1.5.2.1, rentrant dans l’expression de σω ne varie que très faiblement en position et n’a donc pas de rôle majeur dans la forte variation

déduite pour cette énergie. La variation combinée de tous les autres paramètres en est plutôt la cause.

5.2.5.3 Déduction du facteur D le long de la zone désaimantée

Grâce à la relation5.3, nous avons déduit un terme DMI , D, dans la gamme : 0 , 8 − 2 , 5mJ /m2 selon la valeur prise pour Aex, ce qui correspond aux fortes valeurs de facteur D qui ont été re-

portées pour ce système très récemment par d’autres équipes [90,108]. Belmeguenai et al. ont déduit un facteur DMI proche de 2 , 71mJ /m2 pour un Co de 0 , 6nm d’épaisseur pour le même système P t/Co/Al2O3. Dans leur cas, ce facteur est déterminé directement par une technique

de spectroscopie : Brillouin Light Scattering spectroscopy (BLS ), pour laquelle, seule la valeur du facteur de Landé g et l’aimantation Ms de l’échantillon sont à connaître. Ils s’affranchissent

donc du choix de la valeur de Aex. Cela pourrait donc signifier que la valeur de Aexà utiliser pour

notre système est proche de la valeur maximale de notre gamme (16pJ/m), car nous avons déduit D proche de 2 , 5mJ /m2 pour cette valeur d’échange. Néanmoins, nous garderons au cours de

notre étude cette large gamme de constantes Aexcar le fait que notre zone désaimantée ait une Tc

proche de la température ambiante peut aussi se traduire par une chute soudaine de la valeur de Aex[109,110].

Le facteur D étant directement lié au terme DMI de surface, Ds = t · D, nous avons aussi pu

déduire ce dernier en utilisant l’évolution de l’épaisseur de Co définie au chapitre précédent. En repérant la zone spontanément désaimantée à la position 23 , 25mm, nous avons pu déduire que l’épaisseur de cette zone est d’environ 0 , 495 ± 0 , 03nm (cf table 4.1 du chapitre précédent). Nous avons défini cette épaisseur comme correspondant au front de la zone (position 23 , 25mm, ou 0µm par rapport au front de la zone désaimantée), et avons utilisé la pente annoncée pour le gradient d’oxydation (0 , 01nm/mm, cf chapitre 4), pour déduire l’évolution de l’épaisseur le long de cette zone. Notons que cela ne représente qu’une variation d’épaisseur très faible par rapport à l’épaisseur du film, de l’ordre du pm  10−1nm.

Ds a été déduit compris dans la gamme : 0 , 4 − 1 , 25pJ /m, en utilisant différentes valeurs

pour Aex ainsi qu’une variation de cette constante le long du wedge, ce qui est à nouveau du

même ordre que les valeurs déduites par Belmeguenai et al. [90] pour des épaisseurs légèrement plus élevées d’un système équivalent.

2. Notons que le gain en énergie de paroi grâce au facteur DMI , n’est pas dépendant du signe de D si l’aiman- tation dans la paroi est orientée pour minimiser l’énergie

FIGURE 5.12: Déduction du facteur D en (J/m2) et du facteur de surface Ds (en pJ/m) en

fonction de la position sur la zone étudiée (µm) et pour différentes valeurs de Aex. Pour ce tracé,

nous avons gardé la valeur deAexconstante en position.

5.2.5.4 Influence de la variation de Aexsur l’évolution de Dsle long de la zone ultra-fine

Nous remarquons que D et Ds évoluent le long de la zone spontanément désaimantée (cf

fig.5.12) et dépendent fortement de la valeur utilisée pour la constante d’échange (cf fig.5.12). Il a été mis en évidence en 2016 que le terme DMI pouvait être piloté par le degré d’oxydation de l’interface du matériau ferromagnétique dans un système de type F e/Ir [111]. Les auteurs, Belabbes et al., ont même insisté sur le fait qu’en fonction du pourcentage d’oxydation de la couche magnétique, le signe du facteur DMI pouvait aussi être amené à varier, changeant ainsi la chiralité attendue pour leur système.

Dans notre étude, nous avons traduit cette variation de degré d’oxydation de l’interface Co/ Al2O3directement comme une variation de l’épaisseur totale de Co. Dans l’étude de Belmegue-

nai et al. [90], en prenant en compte la gamme d’erreur, le terme de surface Ds semble globa-

lement constant lorsque l’épaisseur du Co varie. Le DMI étant un effet d’interface dans le cas des tricouches, il n’est pas surprenant de ne pas remarquer de variation lorsque l’épaisseur de Co varie entre 0 , 6 et 1 , 2nm. En effet, le paramètre de maille du cobalt hexagonal est égal à 0 , 251nm. 0 , 6nm représentent donc une épaisseur supérieure à 2 monocouches, les interfaces ne sont donc pas changées lorsque l’épaisseur de Co est augmentée de 0 , 6 à 1 , 2nm. Un mé- lange des couches aux interfaces pourrait cependant s’exprimer de manière différente pour des épaisseurs comprises entre 0 , 6 et 1 , 2nm et modifier alors les interfaces.

FIGURE 5.13: Variation du terme Ds par rapport au départ de la zone désaimantée (0µm) en %

pour différentes valeurs de Aex :

a) En gardant Aexfixe,

b) En prenant ∆Aex(pos)/Aex= ∆Ms(pos)/Ms,

c) En prenant ∆Aex(pos)/Aex= 2∆Ms(pos)/Ms.

Dans le cas de notre système, dans cette zone précise désaimantée, nos épaisseurs sont tel- lement faibles (< 0 , 5nm), que nous nous trouvons justement dans le cas où les interfaces se modifient constamment. Le Co étant partiellement oxydé, sa chute d’épaisseur est équivalente à une progression de l’oxydation. De plus en plus d’atomes de Co sont oxydés. L’interface alors définie comme Co/CoO/Al2O3 est donc en évolution constante, et du fait des prédictions de

Belabbes [111], nous pouvons être amenés à voir le facteur Dsvarier.

Nous avons mis en évidence que la variation de Dsobservée est fonction de la valeur utilisée

pour la constante d’échange, mais aussi de sa variation le long de la zone. En effet, du fait de la chute du signal d’aimantation, nous pourrions nous attendre à un effet sur le facteur Aex. La

tendance générale décrite dans le cas d’approximations en champ moyen est Aex ∝ Ms2 pour

des températures proches de Tc [112]. Ms variant d’environ 5% le long de la zone désaimantée,

Aex pourrait être amené à varier d’une dizaine de %. D’autres études théoriques ont porté sur la

relation entre Mset Aexà basses températures. Ils ont conclu que la dispersion par rapport à cette

loi quadratique pouvait s’écrire comme Aex∝ Ms2−, avec  proche de 0.2 [113–115]. Considérer

∆Aex(pos)/Aex = 2∆Ms(pos)/Ms est donc une bonne approximation et permettra de définir

une gamme attendue pour la variation de Ds le long de la zone désaimantée. Nous étudierons

aussi la variation de Dspour une valeur intermédiaire de variation pour Aex(en considérant Aex

directement proportionnel Ms) donc pour : ∆Aex(pos)/Aex = ∆Ms(pos)/Ms.

Nous avons représenté en figure5.13, la variation du facteur Dsle long de la zone étudiée, en

fonction de la valeur de Aexet de son évolution avec la propagation de l’oxydation. Une diminu-

tion de Dsentre 4 et 6% est attendue en faisant varier Aex linéairement avec Ms, et jusqu’à 8 à

10% si l’on utilise la variation quadratique. Cette valeur ne varie que très peu si l’on considère la valeur la plus faible utilisée pour Aex (2 , 7pJ /m), et peut même amener à une augmentation du

facteur Dssi l’on garde Aexfixe en position (cf fig.5.13a).

Nous avons donc vu que Dsest en légère diminution dans la zone étudiée (en progressant vers

dation de la couche magnétique d’un système de type tricouche P t/Co/Al2O3. Rappelons que

cela a été traduit ici par un effet dû à la variation de l’épaisseur de la couche ferromagnétique. En simplifiant le raisonnement, un Ms volumique d’une couche de 80nm de Co a été mesuré

égal à 1 , 35MA/m et la constante d’échange correspondante a été mesurée égale à 21pJ/m par la technique de spectroscopie BLS [91]. Dans notre cas, où l’aimantation a été mesurée proche de 0 , 94MA/m dans cette zone (cf chapitre précédent et sections précédentes). On s’attendrait à une valeur de Aexaux alentours de 14pJ/m pour une variation linéaire et de 8pJ/m pour une

variation quadratique avec Ms, donc une variation de Ds entre 6 et 8% en se reportant sur les

graphes5.13b et c.

En conclusion, la chute des différents paramètres magnétiques le long de la zone désaimantée (≈ 400µm) est globalement assez régulière et linéaire (cf fig.5.5, zone β), que ce soit pour le si- gnal Kerr, le champ d’anisotropie ou encore la période des domaines. Malgré cela, la diminution de tous ces paramètres permet de mettre en évidence une variation assez forte de l’énergie utile à la création de parois de domaines, se manifestant visuellement par l’augmentation de la densité de ces domaines en labyrinthe lorsque l’on progresse vers les zones de plus forte oxydation.

Cela a permis de mettre en évidence l’expression d’un terme non-négligeable d’énergie due à la constante DMI du système, ainsi que de prédire sa valeur et d’étudier sa variation en fonction de la position sur la zone désaimantée. Rappelons que la variation abrupte de tous ces paramètres pour la zone juste voisine (cf zone α dans fig.5.5) est l’expression même d’une chute de la Tcde

l’échantillon qui se retrouve très proche de la température de mesure. Ceci accroît la mobilité des domaines.

Nous allons maintenant nous concentrer sur les effets induits par l’application d’un champ électrique dans cette zone spontanément désaimantée de l’échantillon sur les nombreux para- mètres magnétiques décrits. De forts effets en champ électrique peuvent être attendus pour une température de mesure proche de la Tcde l’échantillon.