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Contexte : Expression de K eff dans le cas des films ultra-minces

Nous avons vu en section 1.3.4 que l’on parle d’anisotropie magnétique dès lors que l’éner- gie dépend de la direction de l’aimantation par rapport à l’échantillon. Dans le cas de films très minces, les atomes de surface vont avoir une contribution qui n’est plus négligeable par rapport aux atomes de volume, ce qui viendra modifier les propriétés de l’objet. Les couches minces sont donc généralement soumises à d’importants phénomènes d’anisotropie. Nous verrons que la force de l’anisotropie, mais aussi parfois la direction des axes d’anisotropie peuvent donc être modifiées en jouant sur l’épaisseur du film.

Deux sources d’anisotropie ont déjà été mentionnées : l’anisotropie de forme (Kd, due à l’in-

teraction dipolaire, cf section 1.3.3) et l’anisotropie magnétocristalline (KV, cf section 1.3.4).

L’anisotropie de forme est un terme d’anisotropie volumique, pouvant s’écrire dans le cas de couches minces : ed = −Kdsin2(θ), avec, pour rappel, θ l’angle entre ~M et l’axe d’anisotropie

considéré (ici perpendiculaire à la surface de la couche). Afin de décrire entièrement l’anisotropie d’un système, un terme d’anisotropie magnéto-élastique peut s’ajouter, mais nous ne le considé- rerons pas dans notre étude.

L’existence d’un terme d’anisotropie d’interface avait été prédit par Louis Néel dès 1953 [11] et cela a été confirmé expérimentalement dans les films minces [12] ainsi que dans des multi- couches (Co/Pt et Co/Pd [13]) par la suite. Cette interaction étant très locale, le coefficient d’ani- sotropie par atome ne dépend que de ses premiers voisins. Il y aura donc deux types d’atomes à dissocier : les atomes de volume et les atomes des interfaces, dont les coefficients seront diffé- rents.

Dans le cas de films minces uniformes dans le plan, ces trois sources d’anisotropie (forme, magnétocristalline et interface) peuvent donc être regroupées en une énergie d’anisotropie ma- gnétique s’écrivant comme :

EMAE = KeffV sin2(θ), (1.16)

avec Keff la constante d’anisotropie effective, qui regroupe les différentes constantes mention-

nées plus haut. θ a été défini plus haut, ainsi qu’en section 1.3.4. Pour Keff positive, cette énergie

est minimisée lorsque l’aimantation se trouve alignée avec l’axe d’anisotropie. Cet axe est alors qualifié d’axe facile (axe difficile dans le cas contraire).

En séparant donc ces termes en termes d’anisotropie de volume Kvet d’anisotropie de surface

Ks, la constante d’anisotropie effective peut alors s’écrire :

Keff = Kv +

Ks

avec t l’épaisseur du film magnétique mince considéré, Ksla constante d’anisotropie de surface

dans laquelle nous regroupons les constantes de la première et de la seconde surface (Ks Pt /Co et

Ks Co/Al2O3 dans le cas de notre système). Kv représente les termes d’anisotropie de volume et

regroupe l’anisotropie magnétocristalline de volume KV ainsi que l’anisotropie de forme −Kd.

Malgré le fait que les couches déposées en réalité ne présentent pas des interfaces de qualité parfaite (présence de rugosité et de mixité des matériaux), la relation phénoménologique (1.17) décrit généralement bien leurs propriétés. Un écart à cette relation est observé pour des épaisseurs très faibles (voir fig. 1.6) quand le mélange aux interfaces devient non négligeable. La rupture de pente du profil Keff · t à très faibles épaisseurs (≤ 5Å en figure 1.6) a déjà été observée

dans le cas d’une anisotropie de surface magnétoélastique montrant la transition entre un régime cohérent et un régime incohérent où l’introduction de nombreuses dislocations d’interface vient dominer. Dans notre cas, nous verrons aux chapitres 4 et 5 que nos valeurs de Keff se situent dans

cette zone spéciale et que cela sera très fortement lié à la modification de notre interface (de plus en plus oxydée, donc présentant une perte de l’épaisseur de cobalt).

Nous avons représenté en figure1.6les valeurs de Keff · t en fonction de l’épaisseur du film

ferromagnétique t. Ces mesures avaient été réalisées sur des multi-couches de P t/Co [14]. On observe bien une relation linéaire comme décrite par l’équation (1.17) et une déviation pour de très faibles épaisseurs (t < 7Å). En utilisant l’expression (1.17), nous déduisons que la pente de la droite obtenue correspond à Kv et que l’ordonnée à l’origine n’est autre que Ks(cf fig.1.6).

Un résultat intéressant peut être déduit de ce type de tracé. En effet nous remarquons qu’il existe une valeur d’épaisseur critique tc (proche de 1 , 2nm dans cet exemple) pour laquelle la

valeur de Keff · tCo change de signe. Cette épaisseur critique représente une transition, appelée

réorientation de l’aimantation, entre un système d’axe facile perpendiculaire et planaire. Pour rappel, lorsque Keff > 0, l’axe facile sera l’axe perpendiculaire au plan de la couche.

Le terme dominant dans l’expression de Kv est Kd. En effet, en prenant les valeurs usuelles

pour le Co massif hexagonal, on compare : |KV| = 0 , 45 · 106J /m3 < |Kd| = 1 , 25 · 106J /m3.

Nous avons vu que, dans le cas de films minces, l’interaction dipolaire aura tendance à préférer une orientation de l’aimantation parallèle au plan de la couche (afin de minimiser les charges ma- gnétiques induites en surface, cf section 1.3.2). C’est ce qui est observé en l’absence d’anisotropie d’interface.

Cependant, pour une valeur positive et suffisamment importante de Ks, cette anisotropie de

surface peut venir compenser celle de forme et donc une réorientation est alors possible pour des valeurs d’épaisseurs de films inférieures à tc et lorsque Keff > 0. On parle alors d’anisotropie

perpendiculaire magnétique (PMA). La première mise en évidence de cette réorientation date de 1968, pour une monocouche de NiFe sur du Cu [12].

Nous verrons au chapitre 4 que la grandeur généralement mesurée n’est pas directement la valeur de Keff, mais que nos techniques de mesures (décrites au chapitre 3), nous permettent

d’extraire la valeur du champ utile pour amorcer cette réorientation. Ce champ est appelé champ d’anisotropie Ha et a été introduit en section 1.2.1 (et sera à nouveau décrit en section 1.5.2).

Sa valeur est directement liée à la valeur de Keff et s’écrit : µ0Ha/2 = Keff/Ms, avec Ms

FIGURE1.6: Keff·tCo(J/m2) en fonction de tCo(Å) pour une structure en multicouche de Co/P t

(1 seule bicouche pour la plus faible épaisseur de Co). Mise en évidence de la réorientation de l’aimantation pour t = tcet de l’extraction graphique des valeurs de Kset de Kv. Figure adaptée

de [14].

1.4.2

Origine de l’anisotropie perpendiculaire magnétique dans les sys-