• Aucun résultat trouvé

Origine de l’anisotropie perpendiculaire magnétique dans les systèmes

Nous allons maintenant discuter l’origine microscopique de ce phénomène particulier de PMA. Pour comprendre entièrement l’existence d’une anisotropie d’interface, des calculs de structure de bandes sont nécessaires, incluant une interaction spin-orbite. Ce que nous pouvons résumer de ces calculs est que ce terme d’anisotropie est très sensible à la structure de bandes électroniques au voisinage du niveau de Fermi. Ceci implique que Ksest fonction du remplissage

des bandes 3d des métaux de transition13. Nous avons vu en section 1.1.3 que le décalage selon

l’état de spin de ces bandes 3d est le phénomène engendrant le ferromagnétisme dans un maté- riau. Ce décalage des bandes est directement dû à l’existence du champ cristallin, qui lui-même peut être influencé par une brisure de symétrie (effet d’interface) ou encore par une hybridation des orbitales atomiques aux interfaces de la couche magnétique. En identifiant quelles orbitales contribuent le plus à l’anisotropie magnétocristalline, ces calculs permettent de faire une corré- lation entre le remplissage des sous-bandes (d’états de spins respectifs "haut" et "bas") et une tendance à l’anisotropie planaire ou perpendiculaire.

Notons que l’anisotropie est renforcée aux interfaces des couches ultra-minces car l’extinc- tion du moment orbital, assez fort dans les métaux 3d, que nous avions mentionné en section

1.3.1.1, se trouve extrêmement réduit aux interfaces, le moment orbital n’étant plus influencé par le réseau cristallin. Il y a donc une anisotropie de µlaux interface, ce qui entrainera une anisotro-

pie de µS, de par la forte interaction de type spin-orbite. L’hybridation des différentes orbitales

ne vient que renforcer cette anisotropie de µlet le remplissage de bandes en est alors influencé.

Le type de système étudié au cours de ma thèse est une tri-couche de Pt /Co/Al2O3. Il a

été démontré que ces systèmes composés d’un métal lourd (HM ), d’un métal ferromagnétique ultrafin (t < 1nm) F M et d’un oxyde sont le siège d’une forte PMA. L’origine de l’expression d’un axe facile perpendiculaire à la structure (OOP ) est dû aux deux interfaces : Co/Pt ainsi que Co/Al2O3.

1.4.2.1 Interface P t/Co

L’origine de la PMA a d’abord été démontrée pour les interfaces de type HM /FM , où il est alors possible de jouer sur le remplissage des bandes de valence du FM grâce à l’hybridation entre ses orbitales 3d et les orbitales d’un métal lourd sous-jacent. De fortes valeurs de PMA ont été trouvées pour des systèmes tels que Co/Pt , Co/Pd ou encore Co/Au.

Plus particulièrement dans le cas de l’interface Co/Pt qui nous concerne, la forte PMA est due à l’hybridation entre les orbitales 3d du Co et 5d du Pt . Le contrôle du remplissage de bandes n’est que l’un des aspects engendré par l’interface avec un métal lourd. Le Pt est aussi source d’une forte interaction de spin-orbite, couplant ainsi les moments orbitaux et les moments de spins à l’interface.

L’effet de cette hybridation, alliée à une forte interaction spin-orbite à cette interface a donc des effets particuliers sur chacun des composés :

– Dans le cas du Co, les orbitales favorisant une orientation de moment magnétique OOP seront favorisées,

– Dans le cas du Pt , cette hybridation aura pour effet une légère induction de moments magnétiques à la surface du Pt , qui s’aligneront avec ceux du Co (comme mentionné en 1.1.2), venant donc renforcer cette anisotropie perpendiculaire [4].

Pour ce type de bicouches, des épaisseurs critiques de réorientation perpendiculaire ont été me- surées proches ou inférieures à 2nm [12,15].

1.4.2.2 Interface Co/AlOx

Plus récemment, il a été démontré qu’une anisotropie perpendiculaire pouvait être induite aux interfaces de type FM /MOx [16,17]. Les oxydes de métaux qui ont montré des résultats fruc-

tueux sont AlOx, MgO et TaOx. Des valeurs d’épaisseurs critiques pour la réorientation (tc) ont

alors été mesurées proches de 3 − 4nm [1].

Deux phénomènes d’hybridation sont alors avancés comme étant responsables de l’expression d’une forte PMA pour ce type d’interface :

– Le fort recouvrement des orbitales électroniques de type 2pz de l’oxygène et de type 3dz2

du métal ferromagnétique induit une hybridation de ces orbitales

– De plus, une hybridation entre les différentes orbitales favorisant un moment d’orientation OOP (dxz ,yz et dz2) au sein du métal de transition est aussi observée.

De ce fait, malgré la très faible interaction de type spin-orbite apportée par l’oxyde, cela est suffisant pour conférer aux états hybridés (orbitales OOP ) une plus basse énergie. Ce décalage en énergie entre les orbitales IP et OOP joue donc sur la position des bandes au voisinage du

niveau de Fermi, et donc sur le remplissage de ces bandes. Une anisotropie perpendiculaire est donc induite. Nous avons représenté en figure1.7les différentes orbitales électroniques 2p et 3d pour illustrer nos propos.

FIGURE1.7: Représentation schématiques des orbitales atomiques de type 2p de l’oxygène et 3d

du métal de transition. Figure reportée de [5].

L’interface qui nous concerne Co/AlOx a été étudiée par Manchon et al. [18], qui ont mon-

tré que la PMA induite à ce type d’interface était très sensible aux conditions d’oxydation. Des calculs ab-initio ont bien confirmé que cet effet était réduit dans le cas d’une interface de type Fe/MgO sous ou sur-oxydée [19].

Manchon et al. ont donc contrôlé l’oxydation de leur interface en jouant sur les temps d’oxy- dation opérés par plasma d’oxygène, pour plusieurs échantillons différents de type Pt /Co/AlOx.

Ils ont noté que pour des temps d’oxydation assez courts (< 30s), le film de Co préférait une ai- mantation dans le plan de la couche (cf fig. 1.8). Et pour des temps d’oxydation assez longs (> 45s), la pénétration des atomes d’oxygène dans la couche de Co induisait une structure de type multi-domaines à aimantation perpendiculaire. Alors que pour des temps d’oxydation inter- médiaire, une forte PMA était observée, avec des cycles présentant une forte valeur de Hc. Il y

a donc un degré d’oxydation optimal, pour lequel la quantité de liaisons Co − O est optimale pour induire une forte PMA. Cette anisotropie est donc très sensible au degré d’oxydation de l’interface.

En conclusion, nous avons vu que l’anisotropie perpendiculaire au plan des films (PMA) est induite par une contribution de surface due au contact d’un matériau ferromagnétique avec un métal lourd (Pt , Ta). L’hybridation entre les orbitales du ferromagnétique et du métal lourd mo- difie la densité électronique et la structure de bandes des atomes ferromagnétiques à l’interface, et favorise un terme surfacique d’anisotropie hors plan. Il a aussi été démontré que des interfaces de types métal/oxyde, viennent favoriser ce terme d’anisotropie hors plan, par exemple dans les structures de type CoFeB /MgO très utilisées pour les applications de type mémoire (MRAM , qui seront décrites au chapitre 2) ou encore de type Co/AlOx.

FIGURE1.8: Représentation schématique de l’état d’oxydation de l’interface Co/AlOx, avec pré-

cision sur la direction d’aimantation envisagée. Cycles d’effet Hall extraordinaire (EHE ) associés (cette méthode de mesure sera décrite au chapitre 3) [18]