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UNE DÉMARCHE D’ANTICIPATION AU CŒUR DU CHANGEMENT

Section 1- Une démarche d’anticipation au cœur du changement pour l’établissement de santé

B- En termes de développement de la qualité

230. Institué par la loi HPST, « le développement professionnel continu (DPC) a pour objectifs l’évaluation des pratiques professionnelles (EPP), le perfectionnement des connaissances, l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins ainsi que la prise en compte des priorités de santé publique et de la maîtrise médicalisée des dépenses de santé. Il constitue une obligation pour les médecins336

».

231. Dès lors, l’évaluation des pratiques professionnelles ainsi que la Formation Médicale Continue (FMC) font partie intégrante d’un seul et unique mécanisme ayant pour seul dessein : l’amélioration de la qualité du système de santé, finalité principale de toute démarche GPEC. C’est donc dans ce contexte normatif, ayant pour préoccupation et vocation, la qualité des soins, que les démarches GPEC doivent être considérées. Le développement professionnel continu, rendu obligatoire pour tous les médecins et praticiens hospitaliers non médecins des établissements de santé publics ou privés participant au service public hospitalier, transcende donc très largement un simple droit à la formation professionnelle, et doit être envisagé sous le versant progressiste du développement de la qualité et de la sécurité des soins.

232. Pour bien comprendre l’enjeu de l’intégration du développement professionnel continu au sein d’une démarche GPEC, un bref rappel des notions de formation médicale continue et

335 S. NIEL, Accord unique égalité, pénibilité, sénior, GPEC. Les cahiers du DRH, n°181, nov. 2011. 336 L.4133-1 du Code de Santé publique.

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d’évaluation des pratiques professionnelles s’impose. Initialement ces deux notions constituaient deux obligations individuelles et « cumulatives »337

, obéissant à deux régimes juridiques distincts. En effet, conformément à l’article 11 du Code de. déontologie338

, « tout médecin doit entretenir et perfectionner ses connaissances, il doit prendre toutes dispositions nécessaires pour participer à des actions de formation continue. Tout médecin participe à l’évaluation des pratiques professionnelles ».

233. De simple « devoir professionnel » d’entretenir et de perfectionner ses connaissances339

, consacré par l’ordonnance du 24 avril 1996340

, la formation médicale continue est devenue une véritable « obligation juridique341

», affirmée par la loi du 4 mars 2002342

. Cette dernière définit la formation médicale continue comme ayant « pour objectif l’entretien et le perfectionnement des connaissances, y compris dans le domaine des droits de la personne ainsi que l’amélioration de la prise en charge des priorités de santé publique ». La notion de « droits de la personne », mise en lumière à l’occasion des débats parlementaires en 2002, apparaissait ainsi comme une notion légitimant l’obligation de formation médicale continue. Madame Catherine GENISSON343

mentionnera d’ailleurs à ce sujet, que « ce projet affirme le droit du malade face à des professionnels formés non seulement aux techniques, mais à la connaissance de tout l’être humain, qui n’est pas une somme d’organes pouvant se dérégler344

».

337 IGAS. Rapport RM 2008, 124P, Formation médicale continue et évaluation des pratiques professionnelles des médecins. Ce rapport établi par Pierre-Louis BRAS et par le Docteur Gille DUHAMEL en nov. 2008 a pour objectif d’analyser l’organisation juridique, administrative et financière des dispositifs de FMC et d’EPP. Il a également pour visée d’établir des propositions de simplification, voire d’unification de ces dispositifs.

338 Décret n°95-1000 de sept. 1995. 339 Art. L.367-2 c. santé pub.

340 Ordonnance n°96-345 du 24 avril 1996 relative à la maîtrise médicalisée des dépenses de soins, art. 3-I.

341La FMC qui était un « devoir professionnel » a progressivement évolué, pour finalement devenir une « obligation au sens juridique du terme », consacrée dans le Code de santé publique. au Chapitre III, du Titre III « Profession de médecin », du Livre Ier « Professions médicales ». N. MAGGI-GERMAIN, P. CAILLAUD, Rapport de recherche, Les évolutions du cadre juridique du droit de la formation professionnelle continue : un changement de paradigme ?, nov. 2006. Pour l’appel d’offre de la DARES, « Le droit et l’effectivité de droit à la formation professionnelle continue ». halshs-00403783, version 1-13 Juil. 2009. http://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00403783.

342 Loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Art. 59. 343 Députée socialiste de la santé, Madame C. GUENISSON est membre de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

344 Projet de loi relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé, AN, débats, 3ème séance du mardi 2 oct. 2001. N. MAGGI-GERMAIN et P. CAILLAUD, op. cit.

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234. Reprécisée par la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique345 , la notion de formation médicale continue a évolué progressivement « d’une logique de contrôle à une logique plus incitative »346

. A cette occasion, Monsieur Jean-François MATTEI précisera que « les médecins perçoivent très bien la nécessité où ils sont de se former pour continuer à délivrer les soins de meilleure qualité, et ils souscrivent de manière responsable à cette obligation. Une démarche incitative et conventionnelle est plus efficace qu’une démarche répressive347

».

235. La loi du 13 août 2004348

, quant à elle, instituera une obligation complémentaire d’ évaluation des pratiques professionnelles, définie comme ayant « pour but l’amélioration continue de la qualité des soins et du service rendu aux patients par le praticien. Elle vise à promouvoir la qualité, la sécurité, l’efficacité et l’efficience des soins et de la prévention et plus généralement de la santé publique dans le respect des règles déontologiques. Elle consiste en l’analyse des pratiques professionnelles en référence à des recommandations et selon une méthode élaborée ou validée par la HAS et inclut la mise en œuvre et le suivi d’amélioration des pratiques. L’évaluation des pratiques professionnelles avec le perfectionnement des connaissances, fait partie intégrante de la FMC349

». Cette loi s’inscrit dans une logique d’ « évaluation sanctionnante », le non-respect par le médecin de cette obligation complémentaire étant assorti de sanctions disciplinaires350

. Paradoxalement, la Haute Autorité de Santé, qui définit les modalités de mise en œuvre de l’évaluation, a donné une nouvelle trajectoire à l’ évaluation des pratiques professionnelles en privilégiant l’« évaluation formative351

» qu’elle oppose à l’évaluation « sanctionnante ».

345 Loi n°2004-806 du 9 août 2004, relative à la politique de santé publique. Art. 98.

346 D. LAURENT, Rapport sur la formation médicale continue des médecins libéraux, Rapport au ministre de la santé, nov. 2002, 43 p., p.20. La notion de FMC a évolué progressivement « d’une logique de contrôle à une logique plus incitative », en supprimant la possibilité de sanctionner disciplinairement le médecin qui n’aurait pas satisfait à son obligation de formation continue.

347 Compte rendu n°55, 10 sept. 2003. Intervention de J-F MATTEI, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, devant la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. 348 Loi n°2004-810 du 13 août 2004, art. 14, art. L.4133-1-4 du Code de santé publique.

349 Décret du 14 avril 2005. P-L. BRAS et Dr G. DUHAMEL, op. cit. 350 Art. L.4133-1-1 du Code de santé publique.

351 La HAS distingue « évaluation sanctionnante » et « évaluation formative ». Selon P-L. BRAS et G. DUHAMEL, l’ « évaluation sanctionnante » fait référence au sens commun du terme évaluation, c’est-à-dire, à « l’appréciation portée par un tiers se traduisant par la détermination d’une note, d’un prix, d’un certificat de conformité, que l’on peut avec une connotation négative appeler sanction ». L’évaluation « formative », quant à elle, fait d’avantage référence à la notion d’auto-évaluation.

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236. Si formation médicale continue et évaluation des pratiques professionnelles répondaient à des modalités de mise en œuvre distinctes, « cette séparation apparaissait comme étant largement artificielle352

». En effet, en évoluant vers une « évaluation formative », l’évaluation des pratiques professionnelles se rapprochait, de par sa finalité, du dispositif de formation médicale continue. Par ailleurs, les textes et notamment le décret du 14 avril 2005, indiquaient très clairement que l’évaluation des pratiques professionnelles faisait partie intégrante de la formation médicale continue. Les deux dispositifs étant complémentaires, il paraissait tout à fait logique de les unifier dans une notion commune de développement professionnel continu, indiquant que les médecins ne sont pas soumis à une « obligation de moyen », mais qu’ils sont tenus d’ « entretenir leur connaissances », de « perfectionner leur savoir-faire », et d’ « améliorer leur savoir-être ». Les textes concernant la formation médicale continue et l’évaluation des pratiques professionnelles sont donc remplacés par ceux relatifs au développement professionnel continu. Ce dispositif a pour objectif la qualité du service médical rendu au patient, désignant « des soins sûrs, conformes aux données acquises de la science, adaptés aux aspirations des patients et efficients353

». 237. La démarche GPEC initiée par tout établissement de santé, devra donc nécessairement

intégrer ces réformes législatives successives relatives à la formation continue et au développement professionnel continu des professionnels médicaux et paramédicaux. Cependant, ce cheminement de formation prévisionnelle devra également tenir compte du fait que les établissements privés ont l’obligation de financer la formation professionnelle de tous les salariés de l’entreprise354

, qu’ils soient classifiés dans la catégorie des personnels médicaux et paramédicaux, ou dans celle des personnels administratifs, logistiques ou éducatifs. Pour autant, si le dispositif de développement professionnel continu est obligatoire pour le personnel médical et paramédical, il demeure financé par la même enveloppe budgétaire que celle de la formation professionnelle visée par le Code du travail. La réforme mise en œuvre par la loi HPST pourrait donc avoir pour effet pervers « d’assécher les fonds de la formation professionnelle » au bénéfice d’une partie des salariés, et au détriment des personnels non médicaux. Ainsi que nous l’avons développé précédemment, cet effet est totalement contraire à l’esprit de l’art. L.6111-1 Code du travail, qui précise la nécessité pour chaque personne, indépendamment de son statut, d’acquérir et d’actualiser des connaissances et des

352 IGAS, P-L. BRAS et G. DUHAMEL, op. cit. 353 IGAS, P-L. BRAS et G. DUHAMEL, op. cit. 354 Art. L.6331-1 c. travail.

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compétences favorisant son évolution professionnelle, ainsi que de progresser d’au moins un niveau de qualification au cours de sa vie professionnelle. Assurément, les démarches GPEC initiées par les établissements sanitaires et médico-sociaux devront donc articuler droit de la santé et droit du travail, en structurant au mieux l’obligation de développement professionnel continu et l’obligation de formation professionnelle organisée par la législation du travail.

238. Par ailleurs, une autre complexité de mise en œuvre de la loi HPST peut être soulignée. Celle-ci précise que les commissions scientifiques indépendantes des professionnels de santé, ont pour mission de proposer au ministre de la santé, des orientations nationales de développement professionnel continu. A cette occasion, les ARS ont la faculté de compléter ces orientations en tenant compte des spécificités régionales. Les textes ne permettent donc pas aux établissements de définir eux- mêmes les orientations de développement professionnel continu de leur propre personnel. Ces mesures ne paraissent pas judicieuses au regard, notamment, des nombreux impératifs des établissements sanitaires et médico-sociaux, en matière de GPEC, mais aussi d’évaluation interne et externe de la qualité, ou de gestion des risques. En effet, les établissements devraient pouvoir être en mesure de définir eux-mêmes leurs propres axes de formation, en fonction de leurs besoins et de leurs projets stratégiques.

239. Conscients de l’ensemble de ces contraintes, la Croix-Rouge française, la FHP, la Fédération Nationale des Centres de Lutte Contre le Cancer, ainsi que la FEHAP, ont adressé le 31 mai 2010, un courrier à Madame la ministre de la santé et des sports, Roselyne BACHELOT-NARQUIN, pour dénoncer les difficultés soulevées par les projets de décrets relatifs au financement du développement professionnel continu et à la détermination, au niveau national, des grandes orientations du développement professionnel continu. Les décrets du 30 décembre 2011355

ne permettent cependant pas de modifier les mesures

355 Décret n° 2011-2116 du 30 décembre 2011 relatif au développement professionnel continu des médecins. JO, 1er janv. 2012. «Art. R. 4133-9. Les actions de développement professionnel continu des médecins salariés du secteur privé sont financées dans les conditions prévues par l’article L. 6331-1 du code du travail ».

Décret n° 2012-26 du 9 janvier 2012 relatif à la commission scientifique indépendante des médecins. Art. D. 4133-16. « La commission scientifique indépendante des médecins, mentionnée à l’article L. 4133-2, a pour mission de : 1- Formuler un avis sur les orientations nationales de développement professionnel continu au ministre chargé de la santé qui les arrête après information de l’organisme gestionnaire du développement professionnel continu […] 4- Formuler un avis sur les orientations régionales proposées par les agences régionales de santé en matière de développement professionnel continu ».

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annoncées, et confirment les inquiétudes annoncées par les établissements sanitaires et médico-sociaux privés.

240. Si l’établissement doit faire face aux mutations de l’environnement juridique, il doit également affronter les restrictions budgétaires du champ de la santé.

II- Les changements dans l’environnement économique

241. Les contraintes économiques et budgétaires renforcées sont des impératifs que devra concilier l’établissement avec sa démarche GPEC. C’est donc dans un esprit d’efficience, d’efficacité et de rigueur que la direction des ressources humaines devra mener sa politique de gestion des compétences, en lien avec la maîtrise des coûts de santé (A) et en procédant parfois aux groupements d’établissements (B).