• Aucun résultat trouvé

Conclusion Section 1

Section 2- Une démarche d’anticipation au cœur du changement pour les ressources humaines

B- En matière de contrat de travail

275. Depuis la loi du 16 juillet 1971424

, le départ en formation du salarié s’inscrit dans le cadre du contrat de travail, articulé autour du lien de subordination juridique. Le droit à la formation apparaît ainsi comme étant un droit individuel et contractuel.

276. En effet, en vertu de l’article L.6321-8 du Code du travail, lorsque le développement des compétences se déroule hors temps de travail, établissement et salariés définissent avant le départ en formation, la nature des engagements, dès lors que l’intéressé aura suivi avec assiduité la formation et satisfait aux évaluations prévues. Les éléments du contrat de travail, tels que le lieu, la rémunération ou la qualification peuvent ainsi subir des modifications du fait de la formation. Il est donc important de consigner les engagements réciproques des parties avant le départ en formation. Cependant, il convient de garder à l’esprit que l’accord du salarié antérieurement à son départ ne suppose nullement toute acceptation des modifications résultantes de la formation obtenue. Ainsi, la jurisprudence considère que la qualification constitue un élément essentiel du contrat qui ne peut être modifiée sans l’accord du salarié formé425

. L’employeur ne peut donc modifier les tâches des salariés, que dès lors que celles-ci correspondent à leur qualification426

.

277. La mise en œuvre d’une démarche GPEC pourra donc impacter un certain nombre d’éléments essentiels du contrat de travail, tels que le lieu ou la rémunération. Dans ce cadre, il convient de se demander si la GPEC constitue un « motif imposé » de modification du contrat de travail. En effet, une partie de la doctrine considère que la GPEC pourrait être à l’origine d’un « forçage427

» ou d’un dépassement du contrat. Accepter une formation conduirait à accepter toutes les conséquences qui pourraient en résulter. Dans le cadre de ce co-investissement ou de cette réciprocité, le salarié devrait accepter les modifications de son contrat de travail, en contrepartie de l’effort produit par l’employeur pour maintenir l’emploi. Une demande de mobilité, initiée par l’établissement dans le cadre d’une GPEC, « serait une

424 La loi DELORS n° 71-575 du 16 juillet 1971, portant organisation de la formation professionnelle continue dans le cadre de l’éducation permanente est issue de l’ANI du 9 juillet 1970.

425 M-J. GOMEZ-MUSTEL, Les enjeux de l’obligation d’adaptation, Dr. soc. 2004 p. 499. P-H. ANTONMATTEI, Les clauses du contrat de travail, éd. Liaisons, coll. Droit vivant, 2005, p. 28. A. LYON-CAEN, Le droit des classifications, Travail et emploi 1998, p. 21. cass. soc. 10 mai 1999, Bull. V, n° 199, Dr. soc. 1999, p. 736. Cass. soc. 2 oct. 2002, RJS 2002, n°1351. cass. soc. 8 mars 2006, n°05-43.335.

426 Cass. soc. 10 mai 1999, préc. 427 N. MOIZARD, op. cit.

121

obligation qui relèverait du statut collectif et non du consentement du salarié dans le contrat de travail428

». Monsieur G. VACHET propose ainsi de raisonner par rapport à l’origine de la modification, et non par rapport à l’élément modifié.

278. En dépit de ces courants doctrinaux, la législation actuelle ne semble pas s’orienter vers un dépassement du contrat. Le Code du travail précise en effet, que dans le cadre de l’article L.5121-4429

, l’accord du salarié est indispensable lorsqu’une entreprise envisage un reclassement externe. En outre, s’agissant de la mobilité géographique souhaitée par les entreprises au regard de leurs besoins en ressources humaines, l’Accord National Interprofessionnel du 23 janvier 2008430

prévoit qu’elles doivent rechercher des mesures d’accompagnement, dans le cadre d’une anticipation du changement ou d’une restructuration, au bénéfice des salariés et de leur famille. L’accord envisage également, afin de sécuriser les mobilités, la mise en place d’une « période expérimentation mobilité » permettant au salarié de découvrir son nouvel emploi, et prévoyant les conditions dans lesquelles l’intéressé pourrait revenir dans l’entreprise si le nouvel emploi ne lui convenait pas. L’ensemble de ces mesures visant à accompagner le salarié dans la mobilité ne semblent donc pas s’inscrire dans une logique de modification imposée ou subie du contrat de travail.

279. La modification du contrat de travail du fait de la GPEC, nous amène progressivement à établir une filiation entre GPEC et procédure de licenciement pour motif économique. En effet, si l’évolution jurisprudentielle considérait dans l’avenir, que la mise en œuvre d’une GPEC constitue un préalable obligatoire à toute procédure de licenciement pour motif économique, nous pourrions certainement envisager la GPEC comme « un motif légitime d’évolution du contrat de travail, imposé au salarié431

». L’établissement pourrait ainsi procéder à des suppressions de postes en évitant la mise en œuvre d’un plan de sauvegarde de l’emploi. Toutefois, la jurisprudence actuelle ne semble pas s’orienter vers ce schéma. Depuis le célèbre arrêt « Pages Jaunes » il semble en effet que la GPEC, peut justifier des licenciements économiques pour sauvegarder la compétitivité432

de l’établissement.

428 N. DEDESUS-LE-MOUSTIER, La gestion prévisionnelle de l’emploi et le droit du travail, Thèse université Rennes I, 18 mars 1996, n°737.

429 L’art. L.5121-4 du Code du. travail précise notamment que l’accord du salarié est indispensable lorsqu’une entreprise envisage un reclassement externe et que corrélativement, un accord collectif prévoit la mise en œuvre d’aides pour les actions de formation relatives à l’adaptation des salariés. 430 Art. 8 de l’ANI du 23 juil. 2008, La mobilité professionnelle et géographique.

431

N. MOIZARD, op. cit.

122

280. Si la démarche GPEC, initiée par l’établissement de santé, représente donc une avancée sociale pour les ressources humaines, tant en termes d’employabilité que de sécurisation des parcours professionnels, l’impératif GPEC semble également s’imposer à la politique de gestion des ressources humaines.

§2- Une démarche d’anticipation nécessaire pour la politique de Gestion des

Ressources Humaines (GRH)

281. La démarche GPEC semble s’imposer naturellement aux établissements de santé, tenus de s’ajuster aux évolutions et mutations du champ de la santé. La politique de gestion des ressources humaines conduite par l’établissement devra donc s’accorder aux changements en inscrivant sa gestion des hommes dans le temps et en anticipant les mutations, tant en terme de besoins institutionnels que d’aspirations individuelles.

282. Selon Monsieur P. ROUSSEL, la gestion des ressources humaines (G.R.H) est « l’ensemble des activités qui visent à développer l’efficacité collective des personnes qui travaillent pour l’entreprise. L’efficacité étant la mesure dans laquelle les objectifs sont atteints, la G.R.H. aura pour mission de conduire le développement des R.H. en vue de la réalisation des objectifs de l’entreprise. La G.R.H. définit les stratégies et les moyens en RH, les modes de fonctionnement organisationnels et la logistique de soutien afin de développer les compétences nécessaires pour atteindre les objectifs de l’entreprise433

». La gestion des ressources humaines, désignée usuellement comme « l’ensemble des activités qui permettent à une organisation de disposer des ressources humaines correspondant à ses besoins en quantité et qualité434

», doit conduire l’établissement à la réalisation d’une politique axée sur des ressources humaines non seulement « disponibles », mais aussi « mobilisées », « efficientes » et bien évidemment « adaptables », le tout dans un climat social propice à la communication et au dialogue435

.

433

Patrice ROUSSEL est coordinateur de l’équipe de recherche au LIRHE, Laboratoire Interdisciplinaire de recherche sur les Ressources Humaines et l’Emploi, créé en 1995.

434

Définition reprise par Messieurs L. CADIN, F. GUERIN et Madame F. PIGEYRE, dans « Gestion des ressources humaines » éditions DUNOD 2007.

435 O. DERENNE, A. LUCAS, op.cit. Ces auteurs considèrent que les gestionnaires de ressources humaines des établissements hospitaliers ont au quotidien pour préoccupation, des RH disponibles, mobilisées, efficientes, et adaptables. Tels sont les enjeux aujourd’hui d’une politique de GRH.

123

283. Une politique de gestion des ressources humaines réussie, doit donc conduire l’établissement à bénéficier de ressources humaines disponibles, qu’elle peut utiliser librement. Dans un contexte actuel de « crise des ressources humaines », la politique de l’établissement devra contrecarrer le manque de personnel qualifié généralement due à une mauvaise répartition des ressources humaines disponibles, mais aussi le manque de compétence ou d’engagement des professionnels, ou encore le risque de départ de ces derniers, notamment à l’étranger. Pour assurer cette disponibilité, l’établissement devra certainement renforcer son attractivité en proposant des postes assortis de conditions d’exercice avantageuses, avec logement et véhicule de fonction, amélioration des conditions de travail, ou prise en charge des frais de transport à l’occasion de congés par exemple. L’établissement pourra également formuler des propositions avantageuses en termes de rémunération, par le versement de primes d’éloignement, de responsabilité, de risque ou bien d’intéressement436

. Cependant, pour convaincre un professionnel, il faut souvent proposer bien plus qu’un salaire, aussi correct soit-il. La notion de « plaisir au travail437

» apparait ainsi comme un critère de renforcement de l’attractivité des établissements, permettant de convaincre un professionnel de quitter son emploi, pour un autre établissement. A ce titre, l’employeur pourra proposer un déroulement de carrière intéressant, des avantages permettant de concilier vie professionnelle et vie privée par l’octroi de jours de repos supplémentaires, ou bien lister les fonctionnalités que l’établissement a à offrir, en terme de crèche par exemple. Cette préoccupation permanente de disposer de suffisamment de ressources humaines, montre à quel point les rapports de travail se sont modifiés. Dorénavant, l’établissement doit être force de proposition afin de convaincre et recruter des professionnels, par ailleurs très sollicités, comme sur n’importe quel marché de la concurrence.

436 Selon l’article L.3312-1 du Code du travail, l’intéressement est un dispositif facultatif qui a pour objet d’associer collectivement les salariés aux résultats et aux performances de l’entreprise en leur permettant de bénéficier d’une rémunération complémentaire immédiatement disponible. L’intéressement a donc un caractère aléatoire, car la prime versée aux salariés est calculée à partir des résultats ou des performances de l’établissement. Précisons que l’intéressement n’a pas de caractère de rémunération au sens de l’article L.242-1 du Code de sécurité sociale. Les sommes versées ne sont donc pas assujetties aux cotisations sociales.

437

Selon Monsieur Jean-Gilles BOULA, « lorsque le soignant participe à la conception, à l’élaboration des rythmes de travail et au mode opératoire du service, c’est-à-dire dans la mesure où il peut remanier l’organisation du travail, le plaisir au travail ou mieux la joie de travailler s’en trouve renforcée, car le travail devient librement organisé, délibérément choisi et conquis. Et ce n’est qu’à ce moment-là que les rigidités et pesanteurs concrètes du travail peuvent être acceptées ». Jean-Gilles BOULA est chargé de cours en science humaines – Webster university – Genève. « Le plaisir au travail » : Sémantique, rationalité, subjectivité dans le travail des soins.

124

284. Mobiliser les ressources humaines, représente également un enjeu de taille pour l’établissement, tenu de motiver ses professionnels en les faisant participer, notamment, à une démarche projet, par l’élaboration de projet de service, ou de projet plus personnel tel qu’un parcours professionnel individualisé. Cette politique nécessite de la part de l’employeur, la mise en œuvre de plans de carrières motivants et équitables de manière à éviter les désappointements entre professionnels. L’établissement sera également tenu de promouvoir l’évaluation, l’engagement et la responsabilité par l’implication des professionnels dans les décisions.

285. En outre, obtenir la meilleure performance avec le meilleur rendement possible, constitue un enjeu auquel doit faire face la gestion des ressources humaines de l’établissement. Cette recherche d’efficience vient naturellement s’inscrire dans la logique de tarification à l’activité de l’établissement.

286. In fine, pour être adaptables, les ressources humaines doivent être en mesure de s’adapter et d’accompagner les changements. Pour ce faire, le droit de la formation continue ainsi que le développement professionnel continu constituent autant de dispositifs que devra savoir manier et articuler l’établissement à travers un plan de formation annuel ou pluriannuel.

287. Ainsi, pour mettre en œuvre une telle politique, il faut savoir « donner du temps au temps ». La politique de gestion des ressources humaines menée par l’établissement devra donc indéniablement être à même de répondre à ces multiples enjeux, manifestement tous inscrits dans la durée, par l’élaboration d’une démarche GPEC.

288. En définitive pour disposer de ressources mobilisées, efficientes et adaptables, le DRH devra « anticiper les évolutions », « faire face aux besoins », et « prendre en compte les aptitudes et aspirations individuelles438

» à l’aide d’entretiens d’évaluation ou de bilans de compétence. En effet, pour tenter de prévoir aujourd’hui ce qu’il sera demain, l’établissement doit « anticiper les évolutions du travail et des compétences », ceci en « anticipant les besoins », « les situations de travail », et « en prévenant les risques de déqualification ou

438

125 d’usure professionnelle439

». Avoir une lisibilité de l’avenir n’est plus un luxe dont peut se passer l’établissement, afin de rester compétitif, et de s’adapter aux mieux aux mutations du secteur. Anticiper les besoins quantitatifs et qualitatifs en emplois, prévoir le contenu des situations de travail, et prévenir l’usure professionnelle désignent ainsi les maîtres mots d’une démarche GPEC. En anticipant les mutations du travail qui accompagnent les décisions stratégiques de l’entreprise, « le cercle vertueux, travail-compétence-performance est donc prêt à fonctionner440

».