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Section1- Le déroulement de la négociation

I- Le niveau de négociation

304. La négociation relative à la GPEC peut être initiée tant au niveau de l’entreprise (A) que de la branche professionnelle (B). Les débats avec les partenaires sociaux pourront donc s’engager au niveau de l’entreprise en elle-même, des établissements qui la compose, ou au niveau du groupe. Par ailleurs, de manière plus large, un accord de branche pourrait inciter les entreprises de santé à négocier sur ce thème.

A- L’entreprise

305. L’obligation triennale de négocier la GPEC concerne les entreprises qui occupent au moins 300 salariés, les groupes d’entreprise d’au moins 300 salariés442

, ainsi que les entreprises et groupes de dimension communautaire comportant au moins un établissement ou une entreprise de 150 salariés en France443

. Le terme générique d’ « entreprise » désigne ici « toute institution employant du personnel et régie par le code du travail ». Il s’agit donc de tout établissement sanitaire ou médico-social de droit privé à but lucratif ou non lucratif, employant du personnel dans les conditions édictées par la législation du travail.

306. L’obligation de négocier doit être mise en œuvre, dès lors que l’ « entreprise », ou de manière plus appropriée au sujet, l’« entreprise de santé ou médico-social », atteint le seuil d’effectif de 300 salariés444

. Précisons que l’entreprise peut être composée d’établissements

442 Au sens de l’art. L.2331-1 du Code du travail. 443 Art. L. 2242-15 du Code du travail.

444 Selon l’art. L.1111-2 c. travail, sont ainsi intégrés à l’effectif « 1°) Les salariés titulaires d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein et les travailleurs à domicile sont pris intégralement en compte dans l'effectif de l'entreprise ;2°) Les salariés titulaires d'un contrat de travail à durée déterminée, les salariés titulaires d'un contrat de travail intermittent, les salariés mis à la disposition de l'entreprise par une entreprise extérieure, qui sont présents dans les locaux de l'entreprise utilisatrice et y travaillent depuis au moins un an, ainsi que les salariés temporaires, sont

133 distincts445

. Dans cette hypothèse, il paraîtra plus stratégique d’engager la négociation au niveau de l’entreprise de santé, et non au niveau de chaque établissement distinct la composant éventuellement. En effet, en pratique, les décisions se prennent majoritairement au niveau de l’entreprise ou du Comité Central d’Entreprise (CCE)446

. Il paraît donc opportun d’un point de vue stratégique de « mutualiser les efforts447

» et les réflexions relatives à la GPEC, et d’engager une négociation au niveau plus global de l’entreprise de santé, en laissant toutefois la possibilité aux partenaires sociaux d’intervenir sur certains points spécifiques au niveau de l’établissement, par l’intermédiaire d’accords d’établissements.

307. Si l’obligation triennale de négocier doit être organisée dans toute entreprise de droit privé atteignant le seuil de 300 salariés, celle-ci revêt naturellement un caractère obligatoire dans les groupes d’entreprises448

occupant au moins 300 salariés. Dès lors que la somme des effectifs des entreprises du groupe atteint 300 salariés, les parties sont tenues d’engager une négociation relative à la GPEC. Dans l’hypothèse où plusieurs entreprises de santé font partis

pris en compte dans l'effectif de l'entreprise à due proportion de leur temps de présence au cours des douze mois précédents. Toutefois, les salariés titulaires d'un contrat de travail à durée déterminée et les salariés mis à disposition par une entreprise extérieure, y compris les salariés temporaires, sont exclus du décompte des effectifs lorsqu'ils remplacent un salarié absent ou dont le contrat de travail est suspendu, notamment du fait d'un congé de maternité, d'un congé d'adoption ou d'un congé parental d'éducation ;3°) Les salariés à temps partiel, quelle que soit la nature de leur contrat de travail, sont pris en compte en divisant la somme totale des horaires inscrits dans leurs contrats de travail par la durée légale ou la durée conventionnelle du travail. »

445 Lorsque l’entreprise prend une forme déconcentrée, c’est-à-dire qu’elle est constituée de centres d’activité différents au niveau géographique et structurel, il faut envisager les élections des représentants du personnel dans le cadre de ces centres qui forment des établissements distincts. La notion d’établissement distinct varie ainsi selon l’institution représentative concernée. Pour la mise en place des DP« l’établissement distinct se caractérise par le regroupement d’au moins 11 salariés constituant une communauté de travail ayant des intérêts propres, susceptible de générer des réclamations communes et spécifiques et travaillant sous la direction d’un représentant de l’employeur, peu important que celui-ci ait le pouvoir de se prononcer sur ses réclamations », Cass. soc. 29 janvier 2003, n°01-60628 BC V n°30. Pour l’élection du comité d’établissement, la jurisprudence retient 3 critères : une implantation géographique distincte, une stabilité dans le temps, et une autonomie de gestion suffisante. Depuis l’arrêt rendu le 10 novembre 2010, la mise en place de comités d’établissement autorise à elle seule la désignation de DS à ce niveau, sans avoir à rechercher si les critères de définition de l’établissement distinct pour les DS sont réunis. Cass. Soc., 10/11/2010, n° 09-60.451.

Dictionnaire Revue Fiduciaire, Social 2012.http://dagandroitsocial.com/etablissement-distinct-nouvelle-jurisprudence/.

446 CCE. Selon l’art. L. 2327-1 du c. travail, un CCE est créé lorsqu’une entreprise comprend des établissements distincts dotés de comités d’établissement.

447 P. LE COHU, J-M. MIR, La GPEC, Liaisons sociales juin 2008, p. 25.

448 Selon l’art. L. 2331-1 c. travail, un comité de groupe est créé au sein d’un ensemble formé par une entreprise dite « dominante », et les entreprises qu’elle contrôle ou sur lesquelles elle exerce une influence dominante.

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d’un groupe, les parties demeurent libres quant au choix du niveau de négociation. Dans la majorité des cas, la négociation s’engage au niveau du groupe et vise ainsi toutes les entreprises la composant. Lorsque l’accord de groupe GPEC est conclu, alors, « par ricochet », les entreprises comprises dans le champ de l’accord de groupe sont réputées avoir satisfait à leur obligation de négociation449

. Certains auteurs considèrent ainsi que la négociation au niveau du groupe fait écho au principe de subsidiarité450

défini par l’Union Européenne, selon lequel la communauté agit lorsque les objectifs à atteindre peuvent être mieux réalisés à son niveau qu’au niveau des états membres. Ainsi, les partenaires sociaux auraient d’avantage intérêt à initier la négociation au niveau plus vaste du groupe, offrant ainsi d’avantage d’opportunité aux salariés en termes de mobilité et d’évolution de carrière. Par ailleurs rappelons que dans l’hypothèse d’un licenciement économique les possibilités de reclassement doivent être recherchées au niveau du groupe et non au niveau de l’entreprise. De ce fait une partie de la doctrine considère ainsi que « le périmètre de la négociation de la GPEC devrait (...) être calqué sur celui du reclassement451

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308. L’article L.2232-30 du code du travail offre toutefois la possibilité aux partenaires sociaux d’engager les négociations au niveau d’une partie des entreprises constituant le groupe. La négociation pourrait ainsi être initiée par activité. En définitive, « les négociateurs

à la GPEC ont toute latitude pour fixer les champs d’application de l’accord qui peut ne pas couvrir l’ensemble des sociétés du groupe452

».

449 Selon l’art. L.2242-18 du Code du travail, « Si un accord de groupe est conclu sur les thèmes inclus

dans le champ de la négociation triennale mentionnée à l'article L. 2242-15, les entreprises comprises dans le périmètre de l'accord de groupe sont réputées avoir satisfait aux obligations de négocier prévues par ce même article. »

450 P. LE COHU, J-M. MIR, op. cit. p. 25. Le principe de subsidiarité au sens européen est défini aux paragraphes 1 et 2 de l'article 5 du Traité instituant la Communauté européenne : « La Communauté

agit dans les limites des compétences qui lui sont conférées et des objectifs qui lui sont assignés par le présent traité. Dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, la Communauté n'intervient, conformément au principe de subsidiarité, que si et dans la mesure où les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les États membres et peuvent donc, en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée, être mieux réalisés au niveau communautaire ».Le principe de subsidiarité se trouve également mentionné au paragraphe 3 de

l'article 5 du Traité sur l'Union européenne : « En vertu du principe de subsidiarité, dans les domaines

qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, l'Union intervient seulement si, et dans la mesure où, les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les États membres, tant au niveau central qu'au niveau régional et local, mais peuvent l'être mieux, en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée, au niveau de l'Union. »

451

P. LE COHU, J-M. MIR, op. cit. p. 25.

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309. Rappelons que l’accord de groupe est né, ou selon Monsieur le Professeur P.-H. ANTONMATTEI « mal né » en 2004, car consacré par « un seul article de loi trop imprécis et surtout insuffisant453

». A l’époque on s’est très vite interrogé sur le fait de savoir si le groupe constituait un niveau de négociation autonome. Selon la fiche n°5 de la circulaire du 22 septembre 2004, le nouvel article L. 132-19-1454

« ne fait pas du groupe un nouveau niveau de négociation en tant que tel qui se situerait dans la hiérarchie des accords entre l'accord de branche et l'accord d'entreprise. Il se borne à définir les effets de l'accord de groupe en les assimilant à ceux de l'accord d'entreprise455

». Pour autant, concernant la GPEC, la négociation de groupe peut belle et bien se substituer à la négociation d’entreprise, car « si un accord de groupe est conclu sur les thèmes inclus dans le champ de la négociation triennale (...), les entreprises comprises dans le périmètre de l’accord de groupe sont réputées avoir satisfait aux obligations de négocier456

». La négociation de groupe repose donc sur un positionnement ambigu. Considérée par beaucoup comme un niveau de négociation non autonome, distinct du niveau d’entreprise457

, dans le cadre de la GPEC, le groupe est considéré comme « un niveau de négociation à part entière, au même titre que l’entreprise ou l’établissement458

». Ainsi, entreprise, établissement, groupe ou encore Unité Economique et sociale (UES), constituent de véritables « collectivités de négociation459

», mettant en exergue « le concept de communauté de travail460

», et nécessitant la mise en œuvre d’une réglementation stricte quant à ses quatre lieux de négociation.

310. Le champ de l’obligation triennale de négocier est donc assez large. Il vise non seulement les entreprises et les groupes d’au moins 300 salariés, mais aussi l’espace communautaire, en désignant les entreprises et groupes de dimension communautaire

453 P.-H. ANTONMATTEI, L’accord de groupe, Dr. soc. n°1 janv. 2008 p. 57. P-H ANTONMATTEI, La consécration législative de la convention et de l’accord de groupe, satisfaction et interrogations, Dr. soc. 2004, 601. Circulaire du 22 septembre 2004 relative au titre II de la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, JORF n°255 du 31 octobre 2004 page 18472. Art. L. 132-19-1.

454 L’article L.132-19-1 a été introduit dans le code du travail par l'article 46 de la loi du 4 mai 2004. Loi n°2004-391 du 4 mai 2004 - art. 46 JORF 5 mai 2004. Abrogé par Ordonnance n°2007-329 du 12 mars 2007, il est aujourd’hui remplacé par les articles suivants : art. 30; 31; L.2232-32; L.2232-33; L.2232-34; L.2232-35.

455 Fiche n°5 de la circulaire du 22 sept. 2004. Les accords de groupe (art. 46, art. L.132-19-1). 456 Art. L.2242-18 du Code du travail.

457 P.-H. ANTONMATTEI, op. cit. 458 Circulaire du 22 septembre 2004.

459 P.-H. ANTONMATTEI, op. cit. M.-L. MORIN, Le droit des salariés à la négociation collective, principe général du droit. Bibl. de droit social, tome 27. LGDJ, 1994, n°325 et s.

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comportant un établissement ou une entreprise d’au moins 150 salariés en France. Le Code du travail défini l’entreprise de dimension communautaire comme « l’entreprise ou l’organisme qui emploie au moins 1000 salariés dans les Etats membres de la Communauté européenne ou de l’Espace économique européen et qui comporte au moins un établissement employant au moins 150 salariés dans au moins deux de ces Etats461

». Le groupe d’entreprise de dimension communautaire quant à lui, est défini comme, « le groupe au sens de l’article L.2331-1, satisfaisant aux conditions d’effectifs et d’activité mentionnées à l’article L.2341-1 et comportant au moins une entreprise employant 150 salariés et plus dans au moins deux de ces Etats462

». Dans le cadre d’une entreprise de santé communautaire, l’obligation triennale de négocier va donc concerner toute entreprise ou établissement situé en France, dès lors que l’une de ses sociétés comporte au moins 150 salariés. A titre d’exemple, si une entreprise communautaire dont le siège est situé à l’étranger, dispose en France de deux entreprises atteignant respectivement 160 et 80 salariés, l’obligation triennale devra être appliquée aux deux sociétés. La négociation pourra ainsi être engagée, soit au niveau des deux entreprises, soit au niveau de chaque entreprise. De même, si les sociétés de l’entreprise communautaire forment un groupe, la négociation pourra avoir lieu, tant au niveau du groupe, qu’au niveau de chaque société.

B- La branche

311. Précisons que l’obligation triennale de négocier s’applique également au niveau de la branche professionnelle. La négociation triennale sur la GPEC doit donc également être mise en œuvre dans les entreprises de moins de 300 salariés, dès lors qu’une convention ou qu’un accord de branche a été conclu à ce sujet. Un accord d’entreprise adaptant l’accord de branche à la typologie de sa structure, peut donc être conclu en instaurant des dispositions plus favorables, ou le cas échéant, moins favorables, dans l’hypothèse où l’accord de branche ne l’interdit pas expressément463

. Par ailleurs, l’accord de groupe ne pourra déroger aux dispositions conventionnelles de branche, à moins que ce dernier ne l’ai expressément prévu464

.

461 Art. L.2341-1 du Code du. travail. 462 Art. L.2341-2 du Code du travail.

463 La gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences, RPDS n°747, juill. 2007, p.226. 464 P.-H. ANTONMATTEI, op. cit.

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312. Dès lors qu’elle aura déterminé son juste niveau de négociation, l’entreprise de santé devra s’attacher à déterminer les parties qu’elle souhaite inviter à la table des négociations