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§2 - Regards croisés des géographes de la santé et des juristes en droit de la santé

II- Regard des juristes en droit de la santé

65. Appliquer la GPEC au domaine de la santé présente l'intérêt mais également la difficulté de faire de l'homme, le protagoniste principal de la problématique. En effet, la

103 H. PICHERAL, Mots et concepts de la géographie de la santé, Cahiers GEOS, n°2 (bis), Université Paul Valéry, Montpellier 3, 1996, 80 p.

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GPEC construit l'avenir de l'établissement en plaçant l'homme au cœur de la stratégie. Confronté à l'évolution des technologies, des métiers et des besoins, elle replace le facteur humain au travail, au cœur du développement de l'établissement. De la même façon, l'homme est le sujet central du droit de la santé. Cette « discipline souvent technique et froide, s'humanise et se trouve confrontée aux joies et douleurs des existences de sujet de droit, qui sont et demeurent des personnes »105. Dès lors, si « médecins et juristes sont animés de la même préoccupation de rechercher le bien humain »106, la GPEC au sein des établissements de santé, a pour préoccupation de garantir la sécurisation des parcours professionnels des personnels mais également, la qualité de prise en charge du patient et la justice social dans l'accès aux soins.

66. A l'instar du droit du travail, le droit de la santé, où « l'ensemble des règles juridiques applicables aux actions de santé »107, se révèle être un droit mouvant, « caractérisé par sa nécessaire adaptabilité, les vérités d'hier étant les incertitudes d'aujourd'hui et, parfois les erreurs de demain »108.

67. Permettant de répondre aux problématiques de qualité dans la prise en charge des patients et d’accès aux soins pour tous, la GPEC s’ouvre naturellement au secteur sanitaire très attaché à l'acronyme « GPMC ». Dès lors, comment expliquer que le champ sanitaire ai progressivement modifié une terminologie portée, pendant tant d'années, par la gestion des ressources humaines, et institutionnalisée par le droit du travail? De toute évidence, ce secteur entend montrer sa singularité et sa volonté prononcée d’adopter la démarche en l’adaptant au particularisme du droit de la santé. Le champ de la santé identifie donc, au sein même de l'acronyme « GPMC », le terme « métiers » propre au répertoire des métiers de la fonction publique hospitalière.

105 F. VIALLA, Les grandes décisions du droit médical, LGDJ, p. 2.

106 R. SAVATIER, Au confluent de deux humanismes: ententes et mésententes entre médecins et

juristes, in Les métamorphoses économiques et sociales du droit privé d'aujourd'hui, Seconde série, éd.

Dalloz, 1959, p. 234.

107 J.-M. AUBY, Le droit de la santé, PUF, coll. Thémis - Droit, 1981, p. 13. L'auteur précise également que la santé désigne « la situation physique ou physiologique ou mentale des individus, la

présence ou l'absence chez eux de maladies, affections chirurgicales, infirmités ou imperfections organiques ou fonctionnelles ». Pour une étude approfondie, A. DEMICHEL, Le droit de la santé, Les

études hospitalières, 1998, 137 p. J.-M. DE FORGES, Le droit de la santé, PUF, coll. Que sais-je ?, 2012, 128 p. A. LAUDE, B. MATHIEU, D. TABUTEAU, Droit de la santé, PUF, coll. Thémis, 2012, 768 p.

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68. S’émancipant pas à pas du carcan de la gestion des ressources humaines et du droit du travail, la notion s’applique tant aux établissements de santé de droit privés soumis au Code du travail, que de droit publics non soumis à ces dispositions et à l’obligation de négociation triennale. Dès lors, la GPEC dépasse le cadre initialement fixé par le Code du travail pour s’ouvrir aux enjeux du secteur sanitaire, qualifiant la notion de « démarche à la fois prévisionnelle et opérationnelle permettant d’anticiper et gérer les besoins en Ressources humaines pour assurer et développer les activités des établissements sanitaires et médico-sociaux afin de répondre au mieux aux besoins de prise en charge des patients »109.

69. Confrontée aux singularités de l’organisation juridique des professions de santé, ainsi qu’à l’avènement de l’hôpital numérique, la GPEC en santé se doit d’évoluer et de s’écarter des démarches plus traditionnelles, telles qu’on les retrouve dans d’autres secteurs de types industriels.

70. Il est également important de préciser qu’au cours de cette thèse, nous traiterons de la mise en œuvre de la GPEC au sein des structures sanitaires et médico-sociales. En effet, bien que ces deux secteurs aient connus des « divergences », aujourd’hui, on ne peut que constater leur rapprochement. Il semble même que la distinction entre le sanitaire et le médico-social n’ai plus vraiment de sens110. Il est vrai que le secteur sanitaire est tourné vers la personne dont la santé est menacée ou atteinte. A contrario, le médico-social vise des individus dont la santé fait simplement partie de leurs difficultés sociales. Les deux systèmes sont également régis par deux Codes et deux législations distinctes. Le secteur sanitaire relève du Code de la Santé publique et notamment de la loi du 31 décembre 1970 portant réforme hospitalière. Parallèlement, le Code de l’action sociale et des familles ainsi que de la loi du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales, régissent le secteur médico-social.

71. Pour autant, le rapprochement entre certaines activités sanitaires et certaines prises en charge médico-sociales, semble devoir imposer le dépassement des frontières entre les deux secteurs. Cette « convergence » s’exprime tant au niveau des droits des usagers qu’au niveau

109 ANAP, Améliorer la gestion des ressources humaines, la Gestion Prévisionnelle des Emplois et des

Compétences, recueil des pratiques observées, Avril 2011, p. 9.

110 Colloque AFDS-ISFCD : la distinction entre le sanitaire et le médico-social a-t-elle encore un sens

? Perspectives Sanitaires et sociales, janvier/février 2014, n°232. Le 1er octobre 2013, l’Institut de Formation des Cadres Dirigeants et l’Association Française de Droit de la santé ont décidé de s’associer pour proposer un colloque : « la distinction entre le sanitaire et le médicosocial a-t-elle

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institutionnel. Ainsi, la création des ARS, l’intégration des projets du médico-social dans le projet régional de santé, la mise en œuvre des CPOM111 dans le secteur médico-social ainsi que la similitude entre les procédures d’évaluation et d’accréditation, marquent le décloisonnement des frontières.

72. Dès lors, le rapprochement entre les deux secteurs, nous conforte dans l’idée qu’il n’y a pas fondamentalement de différence entre la GPEC du secteur sanitaire et celle du secteur médico-social. En effet, les infirmiers, à l’instar des médecins, psychologues, directeurs ou des éducateurs ont des missions bien différentes dans le secteur sanitaire et médico-social. Pour autant, leur rôle demeure identique. Quelle que soit la structure, ils sont guidés par un même objectif fédérateur : la qualité du service rendu aux personnes. C’est ce même et unique fil conducteur qui doit nous conduire à considérer à l’identique, la GPEC du secteur sanitaire et médico-social.112