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Il y a donc transfert du pouvoir administratif dans les mains des universitaires mais sous couvert d’un mode de fonctionnement étroitement articulé avec l’administration et d’une forme de cogestion. Organisé de façon centralisé, le système se fonde sur une hiérarchie des pouvoirs en matière de recrutement et de promotion qui concentre leur mise en œuvre entre les mains d’un groupe restreint. L’affirmation d’une oligarchie professionnelle toute puissante se traduit par l’énonciation des fondements légitimes de son monopole, au travers d’un système de justification qui articule les caractéristiques centralisées du cadre universitaire aux représentations spécifiques à la profession universitaire.

La proximité physique et les possibilités d’assister à des conseils qui se réunissent de façon très régulière sont des éléments longtemps déterminants dans la probabilité qu’a un universitaire de participer à l’élaboration des décisions qui concernent la profession. Cette situation favorise les résidents parisiens, dans un système qui par ailleurs organise et renforce la domination de la capitale en incluant de façon systématique les doyens de ses facultés parmi les membres permanents. Les facultés des départements, déjà inscrites dans un principe d’infériorité produite par le double cadre salarial, se trouvent également en position de subordination. Ce déséquilibre initial ne s’est jamais complétement résorbé et marque durablement les relations entre les différentes composantes du système académique français. Il s’explique par les nécessités inhérentes au mode d’organisation centralisé d’un système national. Sa justification prend racine dans la concentration des activités scientifiques dans la capitale et la présence des figures majeures du champ, confirmant le caractère déterminant de la compétition dans la définition de la profession. Les Parisiens, en occupant les positions réputées les plus prestigieuses, c’est-à-dire les plus rémunératrices, les mieux pourvues en personnels et matériels scientifiques, disposant d’un public plus nombreux et plus sélectionné (les normaliens pas exemple), représentent les figures de la réussite professionnelle. S’y ajoute la concentration des individus, mais aussi

139 Direction de l’enseignement supérieur, note de présentation relative au fonctionnement interne du CCU, 1970 ; AN 19770496/8.

celle des établissements qui autorisent des positions de cumul, plus restreintes en province, et potentiellement mobilisables comme autant de réseaux professionnels. La hiérarchie professionnelle s’établit donc selon une grille dans laquelle les capacités d’accès aux moyens et à la concentration des pouvoirs au sein des institutions parisiennes constituent une marque de prestige. On trouve de très nombreux exemples de l’attrait irrésistible et de la marque de la réussite que constitue l’obtention d’un poste à Paris140.

Comme le rappelle Pierre Bourdieu dans Homo Academicus, un des éléments centraux du pouvoir universitaire réside dans la capacité à contrôler les espérances en termes de carrière141. La concentration académique parisienne (cf. encadré) se redouble d’une confiscation par ses membres des positions de pouvoirs professionnels, au sein même d’instances dont la fonction est d’assurer un pilotage centralisé sur l’ensemble du territoire. Les jeux de contraintes organisés par le dispositif structurel et réglementaire sont alors arbitrés par un groupe qui concentre pouvoir académique et pouvoir gestionnaire direct, dans une position de domination structurelle sur la province. Pierre Bourdieu détaille le cas de Pierre Renouvin, figure archétypale de cette concentration à partir de la nécrologie que lui consacre Jean-Baptise Duroselle, son principal disciple : « on avait l’impression qu’il accédait aux postes clefs comme par une nécessité naturelle, sans avoir intrigué, ni brigué. On finissait toujours par s’adresser à lui », ce qui lui permet de cumuler les fonctions de doyen de la faculté des lettres de Paris, de président de la FNSP, de directeur de la section d’histoire de la Sorbonne, de président de la section d’histoire du CCU, de président de la section d’histoire du Comité national du CNRS, de président de tous les jurys de thèses parisiens et de nombreux en province142.

La concentration du pouvoir professionnel aux mains d’un groupe parisien est effective, comme le montre Pierre Verschueren à propos de la composition des sections de physique et de chimie du CCU entre 1946 et les années 1960 (7 sur 19 en physique, 15 sur 29 en chimie) et au sein de la Section permanente du Conseil de l’enseignement supérieur (13 sur 14 membres représentants les facultés des sciences). Elle fait d’ailleurs l’objet de critique de la part d’une partie de la profession143, mais aussi d’une attention de la part de l’administration, comme en témoigne cette note datée

140 La République des universitaires de Christophe Charle constitue une étude qui toute entière met en évidence l’importance stratégique de la capitale dans les carrières universitaires. Des notations sur le même thème, établies à partir de d’étude des notices nécrologiques des normaliens se retrouvent dans Pierre Bourdieu et Monique de Saint Martin, « Les catégories de l'entendement professoral », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 3, 1975, p. 68-93.

141 P. Bourdieu, Homo Academicus, Paris, Éditions de Minuit, 1984, p. 119.

142 Jean-Baptiste Duroselle, « Nécrologie de Pierre Renouvin », Revue d’histoire moderne et contemporaine, octobre-décembre 1975, cité par Pierre Bourdieu, Homo Academicus, p. 115. 143 « Les chercheurs », Esprit, numéro spécial « Faire l’université. Dossier pour la réforme de l’enseignement supérieur », n° 328, mai-juin 1964, p. 789.

de 1963 à l’attention de M. Capdecomme, directeur de l’enseignement supérieur, à l’occasion du remplacement d’un membre de la Section permanente du Conseil de l’enseignement supérieur qui suggère de choisir parmi les doyens de province144. La situation atteint un point de tension à la fin du années 1960, car cette concentration se renforce par la pratique des membres du CCU de siéger sans discontinuer plusieurs mandats d’affilée, ce qui contribue à littéralement organiser le système sous la forme de prébendes à vie.

Formes et structures de la primauté parisienne

L’analyse des carrières, sous la Troisième République comme dans les années 1960, met en évidence la place des facultés parisiennes à l’extrémité la plus haute du cursus honorum. C’est là que commence la grande majorité des carrières et c’est là qu’on souhaite les terminer145. Pour les littéraires, Christophe Charle souligne le « poids rémanant et incontournable de la Sorbonne comme organe de régulation du corps enseignant »146, dans un contexte de concentration des ressources spécifiques à cet ordre de faculté (revues, sociétés savantes, éditeurs, jurys d’agrégation et de doctorat, Institut) ; et montre que pour y obtenir une chaire, il ne faut pas trop s’en éloigner (l’élection se fait très majoritairement, sous la Troisième République, au profit d’un maître de conférences ou d’un chargé de cours de la Sorbonne, ce qui incite les professeurs de province à briguer une charge de cours à Paris, et donc à redescendre temporairement dans la hiérarchie symbolique des corps). C’est dans la capitale que se trouve la plus forte concentration de normaliens et d’agrégés parmi les enseignants. La situation est un peu moins monopolistique en sciences, où il est possible de poursuivre une carrière couronnée par la reconnaissance internationale. C’est le cas de Paul Sabatier à Toulouse, prix Nobel de Chimie en 1912, ou de Louis Néel à Grenoble à partir de 1942, prix Nobel de physique en 1970. Même si la faculté des sciences de Paris et les laboratoires de l’ENS ou de l’Institut Curie restent des lieux qui concentrent l’élite scientifique, ils n’en ont pas le monopole et de nouveaux pôles très actifs se développent depuis le milieu du XIXe siècle147, autorisant la poursuite de carrières plus différenciées qu’en lettres.

Malgré cette plus grande plasticité des carrières en sciences, l’ensemble du système est très fortement conditionné par des effets d’hyperconcentration des pouvoirs, résultant d’une multipositionnalité

144 Direction de l’enseignement supérieur, note à l’attention de M. le directeur de l’enseignement supérieur, 19 juillet 1963 ; AN 1977096/1.

145 Il faut d’ailleurs avoir fait sa thèse à Paris pour pouvoir y enseigner par la suite. Christophe Charle, La République des universitaires, op. cit., p. 152.

146 Ibid., p. 189.

147 André Grelon et Michel Grossetti (dir.), Villes et institutions scientifiques (Rapport pour le PIR-Villes), CNRS/Région Midi-Pyrénées, 1996.

institutionnelle148. Être professeur dans une des facultés parisiennes signifie en général occuper un ensemble de fonctions qui ont toutes à voir avec la régulation des carrières. La première d’entre elles est celle de directeur de thèse, fonction qui cumule les logiques de gestion immédiate (les postes d’assistants sont affectés sur simple proposition du professeur titulaire) et de dépendance à long terme en maîtrisant les destinées d’un groupe. C’est le modèle schématisé par T. Clark dans « le patron et son cercle », qui bien que parfois imprécis dans son analyse du fonctionnement institutionnel, met en évidence un mode de fonctionnement par réseau de dépendance durable à un individu149. A la différence du système allemand de la chaire avec ses assistants, dont le lien ne fonctionne que dans la première période de la vie académique de ces derniers et se distend dès qu’ils obtiennent un poste, le système français se caractérise par une relation sur le long terme, puisque les patrons parisiens contrôlent non seulement l’accès à mais aussi le déroulement de la carrière, dans une logique d’organisation verticale dont le sommet est Paris. Une forme de visualisation de ces cercles pourrait être proposée autour de projet comme le Mathematics Genealogy Project150 qui retrace les filiations directeurs/élèves ces derniers devenus à leur tour directeur.

Différents indicateurs mettent en évidence la concentration parisienne des thèses, et donc des directeurs et in fine des jurys, puisque jusqu’à la fin des années 1960, le jury est d’abord local. On peut la mesurer par les thèses (seuls 4 % des enseignants de la faculté des sciences de Paris entre 1901 et 1939 n’y ont pas fait leur thèse à Paris151) ce qui s’explique par le fait que les universités de province produisent alors très peu de docteurs152, quand les normaliens sont tous concentrés dans la capitale153. La situation se rééquilibre à partir des années 1940, même si elle reste au profit de la faculté des sciences parisienne, à laquelle s’adjoint la faculté d’Orsay à partir de

148 Il ne s’agit pas ici d’une multipositionnalité de la même nature que celle étudiée par Luc Boltanski au sujet des professeurs de l’IEP de Paris (« L’espace positionnel. Multiplicité des positions institutionnelles et habitus de classe », Revue française de sociologie, n° 3, 1973) ou Christophe Charles (La République des universitaires, op. cit.) puisque je ne considère que les logiques de concentration internes au champ académique et non à l’interface avec les autres champs d’intervention possible.

149 Terry N.Clark et Priscilla P. Clark, « Le Patron et son cercle: clef de L'Université française », Revue française de sociologie, n° 1, 1971, p. 19–39.

150 https://www.genealogy.math.ndsu.nodak.edu/index.php 151 Christophe Charle pour la IIIe République.

152 Hélène Gispert indique que 81 % des doctorats ès sciences et 94 % dans la spécialité « mathématiques » ont été soutenus à Paris entre 1860 et 1890 : H. Gispert, « L'enseignement scientifique supérieur et ses enseignants, 1860-1900 : les mathématiques », Histoire de l'éducation, n° 41, 1989, p. 68. Victor Karady estime de son côté que les facultés des lettres de province produisent environ 1/5 des docteurs à la veille de la Première Guerre mondiale : V. Karady, « Les professeurs de la République. Le marché scolaire, les réformes universitaires et les transformations de la fonction professorale à la fin du 19ème siècle », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 47-48, 1983.

1957, qui rassemblent à elles deux entre les 2/3 et les 3/4 des soutenances en physique au début des années 1960, et encore plus de la moitié en 1968154. Pour les lettres, la concentration est encore plus importante. 80 % des doctorats ès lettres entre 1809-1940 sont soutenus à la faculté des lettres de Paris155. Et surtout plus durable : en histoire contemporaine par exemple, Paris concentre encore 70 % des thèses en 1969, dont 73 % des thèses d’État (Sorbonne 64 % et + Nanterre et Vincennes)156. Cette concentration se retraduit dans la position centrale de certains professeurs qui cumulent les doctorants : E. Darmois, en physique, fait soutenir 5,43 % des thèses ès sciences, et 8,15 % des diplômes d’études supérieures entre 1944 et 1959. Hélène Gispert et Juliette Leloup mettent en évidence des logiques similaires en mathématiques, avec la concentration des positions de président de jury de thèse entre les mains de 22 mathématiciens pour les 192 thèses en mathématiques soutenues dans l’Entre-deux-guerres157. De son côté, Jean-Baptiste Duroselle mentionne, sans les nommer, des professeurs de la Sorbonne en lettres qui dirigeraient entre 70 et 100 thèses dans les années 1960158, lui-même indiquant en diriger plus de 60 en 1967, soit 17 % du total, et ¼ de celles de la Sorbonne159. Et en géographie, entre 1960 et 1984, 46 % des thèses d’État de géographie sont encore soutenues à Paris160.

Cette concentration objective des pouvoirs dans les mains d’une oligarchie parisienne n’est pas sans susciter d’importantes tensions, en particulier durant la période d’affirmation professionnelle de la fin du XIXe siècle, puis de nouveau lors de la crise des années 1960-1970. Dans les deux cas, la croissance et la multiplication de l’offre d’enseignement provincial, si elle ne permet pas le rattrapage de la capitale tend à réduire le différentiel entre les deux espaces, et surtout justifie que les universités provinciales puissent être considérées comme membres à part entière des réformes engagées. Précision sémantique, il ne s’agit pas des universités comme organisation mais des corps enseignants universitaires de province. Il est

154 Pierre Verschueren, Des savants aux chercheurs, op. cit., p. 237.

155 L’analyse qui suit s’appuie sur le travail réalisé par Françoise Huguet, consultable en ligne : Françoise Huguet, « Les thèses de doctorat ès lettres soutenues en France de la fin du XVIIIe siècle à 1940 », novembre 2009 [en ligne] http://rhe.ish-lyon.cnrs.fr/?q=theses (consulté le 13 Janvier 2017).

156 Jean­Baptiste Duroselle, « Le nouveau doctorat », Revue d'Histoire Moderne et Contemporaine, n° 17, 1970, p. 133.

157 Hélène Gispert et Juliette Leloup, « Des patrons des mathématiques en France dans l'entre-deux-guerres », Revue d'histoire des sciences, n° 1, 2009, p. 39-117.

158 Jean-Baptiste Duroselle, « Le nouveau doctorat », art. cit., p. 131.

159 Jean-Baptiste Duroselle, « Thèses d'histoire contemporaine. Faut-il bouleverser le système ? », Revue d’histoire moderne et contemporaine, n° 2, 1967, p. 18.

160 Serge Bourgeat, La thèse d’État en géographie (1960-1984) : la diffusion de l’innovation au risque des contraintes disciplinaires, thèse de géographie, université Joseph Fourier Grenoble, 2007, p. 71.

intéressant de souligner qu’au sein d’universités faibles en termes d’autonomie, les deux périodes aient été propices à une revendication non articulée à une logique corporatiste ou disciplinaire, mais renvoyant la situation spécifique des établissements relative les uns aux autres. En regard, l’affirmation d’un pouvoir professionnel contrôlé par un petit groupe stable et parisien n’est pas véritablement remis en cause avant la croissance brutale des années 1960-1970. Cette domination s’appuie sur un argumentaire très cohérent qui met en relation une dynamique (la réforme), un objectif (la qualité) et un cadre d’analyse général (les champs disciplinaires) au nom du professionnalisme.

Ce que je choisis de désigner ici sous le terme de gestion panoptique161, pour renvoyer à un mode de travail qui s’appuie sur une connaissance de (et une visibilité sur) tous les éléments qui composent le système, qu’il s’agisse des individus ou des collectifs de travail (établissement et discipline) se déploie comme justification du monopole du jugement (et du choix). La rhétorique initiale est basée sur une suite de propositions logiques :

- Le corps enseignant est un corps de fonctionnaires d’État défini par l’égalité entre ses membres ;

- l’unité administrative est compromise dès lors que l’on n’a pas une vision d’ensemble, qui permette la comparaison afin de permettre l’application uniforme des textes et règlements ;

- la division la plus propice à une organisation centralisée du système est celle qui s’appuie sur les ordres de faculté ;

- la structure des carrières est déterminée par un mode compétitif qui assure aux meilleurs l’accès aux positions les plus prestigieuses, et impose des pratiques de contrôle et de certification.

Les professeurs des facultés parisiennes, situés au sommet de la hiérarchie professionnelle apparaissent comme les garants légitimes du respect de la norme collective de la qualité et de son application régulière dans tous les lieux où elle doit s’exercer. Faire du contrôle de la diffusion de la réforme l’élément justificatif d’une affirmation des pouvoirs des instances et des universitaires parisiens permet de réaffirmer une subordination déjà à l’œuvre au XIXe siècle. Elle se fonde structurellement sur une méfiance portée à des situations où l’allégeance individuelle et collective à la situation locale serait susceptible de l’emporter sur la reconnaissance de la qualité professionnelle. Cette tension entre l’intérêt d’un établissement et celui d’une profession dans son ensemble traverse toute l’histoire de l’université française contemporaine. Elle découle du choix initial de centralisation de

161 A priori, le choix de ce terme n’empruntait pas directement à une logique péjorative, comme pourrait laisser penser son emploi lié à l’univers carcéral. A la réflexion cependant, les rigidités du système d’enseignement supérieur et la position surplombante des individus en position de le contrôler peuvent présenter des points communs avec des systèmes fortement contraignants.

l’enseignement supérieur qui produit in fine une hiérarchisation des établissements, non fondées sur une mise en concurrence mais sur des modalités d’accès différenciées aux instruments de gestion de la profession. L’une des fonctions confiées aux instances centrales et rappelée de façon récurrente est la régulation des mauvaises pratiques, dont sont accusées les universités de province du début du XIXe siècle à celui du XXIe.

Étroitement contrôlées par les inspecteurs généraux, devant soumettre les doctorats qu’elles conféraient à l’administration centrale pour confirmation162, les facultés de province, souvent dépourvues d’étudiants et peu dotées en enseignants, sont généralement présentées comme les maillons faibles du système d’enseignement supérieur163. Leurs corps enseignants participent cependant activement au lobby réformateur, que ce soit au sein de l’Association française pour l’avancement des sciences et la Société pour l’étude des questions d’enseignement supérieur164, ce que l’on retrouve dans les contributions qu’ils donnent en nombre à la Revue internationale de l’enseignement. Elles bénéficient très largement des bénéfices matériels des réformes républicaines : 72 % des bourses de licence et d’agrégation leur sont attribuées165 ; le droit de fixer leur programme de cours librement, de disposer de leurs biens et legs libéralement leur sont accordés dans les années 1880, ce qui permet le développement d’une offre d’enseignement spécifique au travers des instituts de sciences appliqués166 ou de chaires spécialisées (histoire et langue locale par exemple), finances par les pouvoirs publics locaux167. Ces derniers prennent également en charge l’érection de palais universitaires au centre des villes, signifiant ainsi leur convergence de vue sur les enjeux politiques de développement de l’enseignement supérieur comme élément de soutien à la République.

Du côté des réformateurs, la question des équilibres Paris-Province n’est pas exempte de contradictions. La méfiance reste de mise et c’est elle qui justifie, dans l’exposé des motifs de la loi de 1880, le choix d’attribuer à la Section permanente du CSIP la charge de la seconde liste des propositions de nomination dans les chaires, en lieu et place des conseils académiques, accusés d’être complice des conseils des facultés pour proposer des listes

162 On trouve des traces régulières de débats au sujet de la médiocre qualité des doctorats et de la sévérité dont le recteur doit faire preuve face à cette situation ; par exemple, à propos de la faculté des lettres de Dijon, en 1863. Procès-verbal du Comité des inspecteurs généraux, 3 octobre 1863 ; AN F17 13 071.

163 Cf. Louis Liard, L’enseignement supérieur, op. cit.

164 Robert Fox, « Science, the University and the State in Nineteenth-Century France », in Gerald L. Geison (éd.), Professions and the French State, op. cit.

165 Victor Karady, « Les professeurs de la République », art. cit., p. 97 ;

166 Pour une vue d’ensemble, André Grelon et Michel Grossetti (dir.), Villes et institutions scientifiques, op. cit.

167 Evelyne Héry, « Les facultés de lettres de province dans la tourmente des réformes de l’enseignement supérieur (1896-1914) », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, n° 4,