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L’une des caractéristiques du système des carrières universitaires en France, qui tient au fait qu’il s’agit pour une grande part de titulaires de la fonction publique, tient dans le fait que chaque catégorie permet le déroulement d’une carrière complète. Il ne s’agit pourtant pas de corps strictement parallèles, puisqu’un principe hiérarchique est retraduit dans la grille des traitements. Chaque corps est organisé en une succession de classes, dans lesquelles on progresse soit uniquement à l’ancienneté (chefs de travaux et assistants), soit à l’ancienneté complétée par une procédure accélérée dite « au choix » (maîtres de conférences et professeurs, puis maîtres assistants). Cette modalité de promotion différentielle est entre les mains du Comité consultatif de l’enseignement supérieur public jusqu’en 1940, puis du Comité consultatif des universités à partir de 1945. Les traitements et les classes des différentes catégories sont fixées par décret et font l’objet de révisions périodiques. Le décret du 29 mai 1930 met bien en évidence la hiérarchie statutaire au travers du montant des traitements annuels :

universités de Province

université de Paris

minima maxima minima maxima

Professeurs titulaires 49 000 70 000 62 000 90 000

Maîtres de conf. 42 000 49 000 49 000 62 000

Chefs de travaux 33 000 39 000 36 000 46 000

Assistants 16 000 33 000 20 000 36 000

Revenus annuels en francs.

Le sommet de la grille des maîtres de conférences s’arrête très exactement où commence celle des professeurs. Dans une perspective de progression salariale, il est donc nécessaire de changer de corps. Par ailleurs, la progression peut se faire par l’intégration du cadre parisien plus favorable, où un maître de conférence commence sa carrière au même niveau qu’un professeur de province. Cette double possibilité de mobilité est cependant conditionnée aux possibilités objectives que sont les chaires vacantes ou nouvellement créées et donc en partie soumise au contexte budgétaire général, les universités n’ayant pas la main sur le volume des emplois dont elles disposent qui relèvent du seul budget de l’État.

Trois éléments s’articulent pour produire un marché du travail complexe dans lequel les formes des carrières s’avèrent très variables. Il s’agit d’abord du contexte budgétaire et de ses effets sur le nombre de postes de titulaires disponibles ; puis, de la démographie universitaire elle-même, c’est à dire des successions de périodes de forts ou de faibles recrutements et des vagues de départ en retraite qui déterminent les possibilités individuelles à un moment donné ; et enfin, de la variable que constitue l’établissement d’exercice et la

logique de structuration de l’espace universitaire entre Paris et la province135. L’ordre d’énonciation retenu ici n’est pas anodin : à plusieurs reprises dans la suite de mon développement, je reviendrai sur l’importance des effets de contexte, surdéterminants des possibilités de carrière, au-delà semble-t-il des considérations qui semblent spontanément dominantes, à savoir la qualité professionnelle des candidats. Malgré ces principes de différenciation actifs, une carrière modale tend à se mettre en place à partir de la fin du XIXe siècle dans laquelle la place du doctorat s’affirme à mesure qu’il devient l’élément de distinction de la carrière académique136. Les étapes doivent être franchies dans un certain ordre, il est recommandé d’avoir été chargé de cours, durant la réalisation de la thèse, puis maître de conférences avant de prétendre à une chaire, même si cela n’est pas une obligation statutaire, et le passage dans le secondaire est relégué à une situation d’attente. Cette normalisation intervient dans un contexte de croissance soutenu du système d’enseignement supérieur et de création de poste : le recrutement accéléré de nouveau enseignants s’accompagnent d’une mise en ordre qui permet une meilleure différenciation entre enseignement secondaire et enseignement secondaire, et l’affirmation d’une hiérarchie claire au sein du second.

Le secondaire : proximité et mise à distance, une relation ambigüe Si le doctorat constitue un moyen efficace d’établir une coupure au sein du groupe initial qui rassemblait tous les enseignants, il ne produit pas pour autant de façon mécanique l’établissement de deux communautés professionnelles distinctes. Le lien organique perdure, du fait de la structure même du système d’enseignement français, et contribue d’ailleurs à ses modes de fonctionnement. L’universitaire n’apparaît pas, en France et en particulier pour les disciplines littéraires, comme parfaitement autonome de son collègue enseignant dans le secondaire. En témoigne la définition de l’historien proposée par Daniel Roche en 1985 :

« Les historiens constituent un corps de professionnels, leur travail est un métier qu’ils exercent dans des conditions diverses. Pour la plupart, ils sont professeurs dans les collèges et les lycées, dans les universités, dans quelques grands établissements comme le Collège de France, l’École des hautes études en sciences sociales, les Écoles normales supérieures (ENS)

135 Cette analyse sur le long terme des grands principes structurant les modes successifs d’organisation des carrières ne s’intéresse pas aux processus de régulation, aux acteurs et aux jugements impliqués dans la gestion professionnelle, dont il sera question dans les deux chapitres suivants.

– j’en passe – et plus rarement dans diverses institutions de recherche à plein temps, dont le CNRS »137.

Cette indifférenciation discursive repose sur une réalité : dans les disciplines les plus proches des humanités, la distinction entre le secondaire et le supérieur reste encore faiblement établie à la fin du XXe siècle, quand la fracture est beaucoup plus nette en sciences. Dès la fin du XIXe siècle en effet, le titre de docteur devient un élément distinctif fort chez les mathématiciens par exemple, aboutissant à la différenciation des carrières entre universitaires et enseignants en classes préparatoires138. Cette évolution distincte à partir d’une situation de faible autonomie initiale des ordres d’enseignement est sans doute l’un des éléments qui caractérisent le mieux les différences entre sciences et lettres.

Les deux facultés académiques, lettres et sciences, ont pourtant au départ toutes deux des liens très étroits avec l’enseignement des lycées. On a évoqué dans le premier chapitre l’indétermination originelle entre les deux ordres d’enseignement, la présence des professeurs titulaires de chaire de faculté dans les cours des lycées, et surtout leur fonction essentielle de certification de l’enseignement secondaire, avec le baccalauréat. L’absence de locaux spécifiques, de public étudiant, d’activités de recherche vient encore renforcer cette indifférenciation. Comme le rappelle Antoine Prost dans les premières lignes de l’Histoire de l’enseignement en France, 1800-1967, « Au vrai, toute l’originalité du système éducatif français réside dans le règne incontesté de l’enseignement secondaire »139. Ce principe fondateur a des conséquences immédiates pour l’enseignement universitaire académique (les facultés de droit et de médecine conservent une forte autonomie réglementaire et pédagogique140) qui en situation d’indétermination apparente, cache en fait une position de subordination : le décret fondateur de 1808 indique que le premier professeur de mathématiques et le professeur de belles-lettres du lycée sont membres du corps enseignant des facultés de lettres et de sciences locales141. Le même texte n’établit aucune différence entre les inspecteurs généraux, chargés tout à la fois de l’inspection des collèges, lycées et facultés (article 91). Dans le même temps, il s’agit de deux mondes séparés administrativement : les proviseurs des lycées n’ont de compte à rendre qu’au

137 Daniel Roche, « Les historiens aujourd'hui. Remarques pour un débat », Vingtième Siècle, revue d'histoire, n°12, octobre-décembre 1986, p. 4.

138 Hélène Gispert, « L'enseignement scientifique supérieur et ses enseignants, 1860-1900 : les mathématiques », Histoire de l'éducation, n° 41, 1989, p. 70.

139 Antoine Prost, Histoire de l’enseignement en France, 1800-1967, Paris, A. Colin, 1968, p. 21.

140 Elles disposent d’un corpus réglementaire spécifique, en particulier en ce qui concerne les modalités de recrutement de son corps enseignant. Cf. par exemple, l’arrêté portant règlement sur le concours pour les chaires de professeurs dans la faculté de médecine de Paris, 6 novembre 1830.

recteur, les facultés n’ayant « point d’autorité » sur les lycées142. La situation de subordination de l’enseignement supérieur vis-à-vis de l’enseignement secondaire est illustrée par la décision prise, pour des raisons d’économies budgétaires, de supprimer plusieurs facultés des sciences et des lettres en octobre 1815143, au motif qu’il n’était pas « l’intention du législateur (…) de faire de ces facultés des corps enseignants distincts et entièrement séparés des lycée, puisque l’article 139 du […] décret [du 17 mars 1808] n’alloue qu’une somme de 5 000 à 10 000 francs pour leur entretien ; il paraît au contraire qu’il ne s’agissait que de confier à quelques professeurs de lycées le droit d’examiner et de conférer des grades »144.

Durant les deux premiers tiers du XIXe siècle, cette situation ambiguë perdure. Les textes réglementaires régissant les enseignants des facultés et ceux des lycées sont spécifiques, il n’y a donc pas de confusion juridique même si la porosité des catégories apparaît grande quand on considère les trajectoires individuelles. Victor Karady utilise le terme « d’unité des carrières »145 entre les deux ordres d’enseignement. Christophe Charle montre quant à lui, que sous la IIIe République, la voie royale d’accès aux positions les plus prestigieuses (en l’occurrence la Sorbonne) passe plutôt par une position d’attente dans un lycée parisien que par un poste dans une faculté de province146.

Cependant, la distinction entre les ordres d’enseignement s’impose progressivement. Elle est d’abord le fait d’une organisation administrative qui autonomise chaque ordre d’enseignement par le biais de directions spécifiques au sein du ministère en 1870 ; elle s’inscrit ensuite dans la différence réaffirmée, par les textes administratifs eux-mêmes, entre le secondaire et le supérieur. Le ministre de l’Instruction publique, Victor Duruy, dans une instruction « résumant la jurisprudence relative aux cours publics libres » du 23 janvier 1865, établit ce qui, à son sens, distingue les deux niveaux d’enseignement :

« Les cours primaires et secondaires sont essentiellement des cours d’éducation ; ils se distinguent par leur caractère élémentaire et général. (…) Des programmes officiels renferment d’ailleurs les objets respectifs de ces deux ordres d’enseignement (…). Sans prétendre en donner ici une définition rigoureuse, on peut remarquer qu’ils [les cours d’enseignement supérieur] ont pour but, non l’étude des premières connaissances indispensables à tout homme et celles qui constituent une éducation libérale, mais qu’ils sont, soit un délassement de l’ordre le plus élevé, soit une recherche spéciale ou l’étude approfondie d’une des branches de la science ».

142 Statut concernant le régime et la police générale de l’Université, 28 octobre 1808, art. 18. 143 Arrêté portant suppression de plusieurs facultés des sciences et des lettres, 31 octobre 1815.

144 Note 1, Beauchamp, vol 1, p. 387.

145 Victor Karady, « Lettres et sciences. Effets de structure dans la sélection et la carrière des professeurs de faculté (1810-1914) », in Régine Ferré et Christophe Charle (dir.), Le personnel de l’enseignement supérieur en France aux XIXe et XXe siècles, Paris, CNRS, 1985.

Le délassement de « l’ordre le plus élevé » est une formule élégante pour décrire ce qui constitue alors l’essentiel de l’activité professionnelle des enseignants des facultés, à savoir les leçons publiques à destination d’un grand public cultivé. La seconde partie de la proposition, « l’étude approfondie d’une des branches de la science » ne se met alors que progressivement en place, même si elle existe en partie déjà à Paris depuis le milieu du XIXe siècle. C’est pour la soutenir que sont créées les maîtrises de conférences en 1877, qui formeront « un personnel spécial qui jusqu’à présent lui [l’enseignement supérieur] faisait défaut. Ce n’est plus dans le personnel des lycées que se recrutera désormais l’enseignement supérieur, c’est dans le corps des maîtres de conférences »147.

Ces mesures n’empêchent pas le maintien d’un lien étroit. La porosité entre secondaire et supérieur se mesure en particulier au fait que la relation n’est pas linéaire ; on ne commence pas une carrière par le secondaire pour la poursuivre dans le supérieur. Les circulations entre les deux ordres restent possibles et ne semblent pas poser de difficultés administratives majeures, et cela encore à la veille de la Première Guerre mondiale148. C’est encore aujourd’hui le cas pour des agrégées du secondaire, qui ayant bénéficié d’un contrat doctoral, enseignent d’abord à l’université, avant de retourner dans le secondaire à la fin de leurs années contractuelles et dans l’attente d’un poste de maître de conférences. Cette absence de frontières claires entre les ordres d’enseignement se retrouve dans l’existence d’associations professionnelles disciplinaires qui réunissent enseignants du secondaire et du supérieur comme l’Association des professeurs d’histoire et de géographie par exemple, ou la Société mathématique de France149.

Une des raisons qui explique cette grande proximité est le rôle que joue l’agrégation du secondaire dans les carrières de nombreuses disciplines académique. Créée à l’origine pour centraliser et contrôler le recrutement des professeurs de lycées, elle devient rapidement la condition sine qua non de l’accès à la carrière universitaire, alors même qu’elle n’est pas réglementairement requise. Victor Karady, dans ses travaux sur les facultés des lettres et des sciences du XIXe siècle, met bien en évidence le rôle qu’elle

147 Edmond Dreyfus-Brisac, « Les réformes de l’enseignement supérieur en France », Revue Internationale de l’enseignement, n° 1, 1880, p. 129.

148 On en trouve un exemple dans la correspondance entre les mathématiciens Henri Lebesgue et Émile Borel, au sujet de la situation du premier en février 1902, qui écrit : « je serai renvoyé de l’enseignement secondaire au supérieur et vice-versa » ; Henri Lebesgue, « Lettres d’Henri Lebesgue à Émile Borel », Cahiers du séminaire d’histoire des mathématiques, tome 12, 1991, p. 6.

149 Cette spécificité, et sa traduction concrète dans la professionnalisation enseignante, est très rapidement évoquée dans un numéro consacré aux associations de spécialistes : Clémence Cardon-Quint, Renaud d’Enfert et Emmanuelle Picard (dir.), « Les associations de spécialistes : militantisme et identités professionnelles (XXe-XXIe siècle) », Histoire de l’éducation, n° 142, 2014.

joue dans les trajectoires d’accès aux postes du supérieur. Cette tendance reste vraie encore aujourd’hui dans les disciplines littéraires pour lesquelles la possession du titre d’agrégé constitue un puissant sésame à l’entrée150. Il est intéressant de souligner la confusion qui s’opère à son sujet entre titre et fonction : il ne s’agit pas en effet d’un diplôme mais d’un concours permettant d’intégrer un corps de la fonction publique. Ainsi, lorsque l’on devient maître de conférences, on n’est plus agrégé, ayant changé de corps à la titularisation. Il n’empêche qu’il fonctionne bien comme un titre dont on conserve le bénéfice comme en témoigne l’usage qui en est fait dans les discussions sur l’amélioration des carrières des chefs de travaux en 1908, où il est précisé que « le titre d’agrégé de l’enseignement secondaire ne donnerait droit à aucun avantage pécuniaire, mais il jouerait toujours le plus grand rôle pour l’avancement au choix et pour les nominations » 151. Il est fréquent, aujourd’hui encore, de trouver mention de l’agrégation à l’occasion de la présentation de soi de la part d’un universitaire en poste qui n’est plus réglementairement membre du corps des agrégés152. Cependant, il n’y a plus aujourd’hui de confusion entre les deux corps, l’entrée dans le corps des maîtres de conférences est irréversible. Et les agrégés, dont le nombre a cru très rapidement, prétendent moins systématiquement à l’enseignement supérieur qu’ils ne le faisaient encore dans l’entre-deux-guerres.

Cependant, si le principe de progression par la succession des statuts constitue l’archétype de la carrière, le système n’est pas pour autant organisé de façon à le rendre obligatoire. L’idée d’une trajectoire construite autour de deux étapes successives (le professeur suppléant qui devient professeur titulaire de chaire) existe depuis la recréation des facultés en 1808, mais fait immédiatement l’objet de nombreuses réserves. En aucun cas la suppléance ne saurait correspondre réglementairement à une position de type tenure-track (titularisation après plusieurs années sur un poste de type temporaire) et il est régulièrement rappelé qu’on ne doit pas envisager (le « on » se rapporte ici au conseil de la faculté) de promotion automatique du suppléant sur la chaire où il

150 On en trouve de nombreux exemples pour les historiens dans Christine Musselin et Marc Blangy, Étude de cinq commissions de spécialistes en histoire, rapport du CSO, octobre 1996 ; et pour les anglicistes dans Marie-Pierre Pouly, L’esprit du capitalisme & le corps des lettrés. l'inscription scolaire de l'anglais et sa différenciation XIX - XXe siècles, thèse de sociologie, EHESS, 2009.

151 Rapport général présenté au ministre de l’Instruction publique au nom de la commission extraparlementaire chargée de coordonner les traitements, publié dans la Revue internationale de l’Enseignement, vol. 56, 1908, p. 125.

152 On en retrouve des mentions fréquentes dans les indications biographiques des 4e de couverture, ou dans les biographies succinctes figurant dans des documents de présentation de projet de recherche.

supplée. Cette réserve prend son origine dans un mode de pilotage et d’allocation des moyens humain contrôlé par le centre (le ministre, ses directeurs et/ou ses conseils selon les périodes), qui disqualifie à la fois le pouvoir individuel (le professeur suppléé qui choisit son successeur) et celui des établissements (conseils de faculté). Elle permet, dans la logique d’une vision panoptique des disciplines académiques, un pilotage des carrières individuelles selon des clés d’arbitrage liées aux équilibres internes et à la situation de chaque discipline. Cette éviction des universités comme opérateur de recrutement de leur personnel est une situation assez atypique dans le paysage universitaire occidental de la période. Elle s’accompagne d’une déséquilibre territorial incarné par le double cadre salarial Paris/province, au bénéfice de la capitale. La capitale concentre les institutions les plus liées aux sciences et les plus prestigieuses dans le registre des activités intellectuelles. Elle autorise ceux qui résident en son sein à accéder à des possibilités à la fois plus nombreuses et plus variées de cumul de fonctions et de titres, mais aussi à des ressources matérielles (laboratoires, bibliothèques...) ou financières plus importantes que leurs homologues provinciaux. Si l’on considère la fin du XIXe siècle étudiée par Christophe Charle et les années 1960 par Pierre Bourdieu, on peut souligner la permanence de la surreprésentation à Paris des universitaires les plus dotés en capital culturel et scolaire, signe de cette suprématie parisienne qui explique la logique tendancielle à considérer les postes parisiens comme le couronnement d’une carrière. Nous considérerons dans le chapitre suivant les effets spécifiques à ce déséquilibre symbolique entre Paris et la province.

Dans cette double structure, de carrières potentiellement construites autour de séquences autonomes mais hiérarchisées et de suprématie parisienne, les effets de contexte jouent à plein et expliquent en très grande partie les situations de tension interne au marché du travail académique. Les périodes de croissance rapide (années 1880-1890 ; années 1960 ; années 1990) fluidifient considérablement les carrières, quand celles qui leur succèdent, restrictives sur le plan budgétaire mais aussi limitée par la présence du corps enseignant nombreux et encore jeune recruté dans la période précédente, constituent des moments de congestion. L’âge moyen d’entrée dans un corps de titulaire, et donc la durée de la séquence d’incertitude, constitue un bon indicateur de la situation du marché professionnel153. Dans son analyse sur le personnel des facultés des lettres et des sciences au XIXe siècle, Victor Karady met en évidence le rajeunissement qui accompagne les réformes des années 1880154. Celles-ci ont en particulier comme effet de multiplier le nombre de positions

153 Il s’agit d’une incertitude relative : les enseignants des facultés des lettres, et encore une partie de ceux des facultés des sciences jusqu’à l’entre-deux-guerres, sont en général agrégés et donc pourvus d’un emploi de titulaires dans l’enseignement secondaire. Christophe Charle, La République des universitaires, op. cit., p. 82.

disponibles, que ce soit par l’augmentation du nombre des chaires ou par la création des maîtrises de conférences. En mathématiques par exemple, entre